TRAVAUX
DU
COMITÉ FRANÇAIS D'HISTOIRE DE LA GÉOLOGIE
- Troisième série -
T.IV (1990)

Jean Boulaine
Analyse d'ouvrage
Ernest KAHANE : "Boussingault entre Lavoisier et Pasteur" (Jonas éditeur, Elbeuf, 1988, 200 p., 155 F. I.S.B.N. 2-907145-03-7).

COMITÉ FRANÇAIS D'HISTOIRE DE LA GÉOLOGIE (COFRHIGEO) (séance du 28 novembre 1990)

Le centenaire de la mort de Jean-Baptiste Boussingault (1802-1885) nous a valu plusieurs ouvrages sur ce grand savant, géologue d'origine, chimiste parmi les meilleurs et le plus grand agronome de tous les temps.

L'Académie d'Agriculture lui a consacré une séance solennelle, dont il reste des analyses pertinentes de l'oeuvre scientifique du savant tandis qu'un britanique, Mc Cosh, lui a consacré un livre très détaillé. Ernest Kahane nous apporte avec son livre un éclairage très différent de celui de Mc Cosh. Boussingault était-il un "autodidacte prétentieux" plus ou moins paranoïaque ou, au contraire, un libéral républicain qui attire la sympathie d'E. Kahane qui lui consacre, lui, une "biographie cordiale" ?

Le livre que nous présentons est une excellente biographie, rassemblant les multiples informations que nous avons sur un personnage dont la vitalité entraine l'admiration du lecteur. Ne se félicite-t-il pas de pouvoir travailler en été de "cinq heures du matin à la nuit", presque sans interruption ? Quand on sait que les découvertes faites par cet homme ont largement contribué à notre bien-être actuel, on ne peut que lui être reconnaissant d'un tel labeur.

Mais Boussingault était-il aussi dénué d'intérêt pour sa propre carrière que le prétend l'auteur ? L'homme qui s'est dressé contre Napoléon III le lendemain du coup d'État s'est retrouvé quelques années plus tard voisin de l'Impératrice dans un dîner aux Tuileries. Et cela ne l'empêche pas de répondre à une question sur l'empereur du Mexique : "s'il n'est pas encore fusillé, ce ne saurait tarder".

Gamin de Paris au moment de la chute de l'Empire, expert coopérant et aventurier en Colombie durant dix ans et géologue de terrain, chimiste de premier plan, agronome qui a, cinquante ans après Lavoisier, repris le flambeau de l'expérience au champ (en agriculture) en la perfectionnant, agronome et physiologiste tous azimuths, métallurgiste, vulcanologue, météorologue alpiniste, Professeur, hygiéniste, etc., cet homme a été remarquablement évoqué par E. Kahane à qui on pardonnera certainement les excès d'admiration auxquels il se laisse parfois entraîner. La grandeur de l'homme à qui Pasteur, timidement, essayait de faire comprendre que les "Mycodermes" pouvaient peut-être jouer un rôle dans le cycle de l'azote et qui s'attirait comme réponse que cela était bien possible, mais qu'il fallait d'abord épuiser toutes les possibilités de l'analyse chimique.

Boussingault, comme le dit E. Kahane par son titre, a été l'un des quelques hommes qui ont donné son développement à la chimie de Lavoisier, préparant en même temps l'aventure scientifique que Pasteur a su renouveler.