TRAVAUX
DU
COMITÉ FRANÇAIS D'HISTOIRE DE LA GÉOLOGIE
- Troisième série -
T.XVII (2003)
Jean GAUDANT
Analyse d'ouvrage
Thérèse Charles-Vallin
Les aventures du chevalier géologue Déodat de Dolomieu

COMITÉ FRANÇAIS D'HISTOIRE DE LA GÉOLOGIE (COFRHIGEO) (séance du 10 décembre 2003)

Collection " L'Empreinte du temps ", Presses universitaires de Grenoble, 2003, 1 vol. br., 297 p., ill., 20 €

 

Déodat de Dolomieu est un personnage mythique de la géologie française dont la vie aventureuse et le destin tragique - il mourut à 51 ans, quelques mois après avoir été libéré d'une captivité dramatique à Messine - ont frappé les esprits.

Jusqu'à présent, sa vie nous était principalement connue à travers l'ouvrage d'Alfred Lacroix (1921) : Déodat Dolomieu, membre de l'Institut national (1750-1801). Sa vie aventureuse. Sa captivité. Ses œuvres. Sa correspondance. Lacroix avait en effet eu l'immense mérite de collationner la correspondance de Dolomieu disséminée dans de nombreuses bibliothèques françaises et étrangères, ce qui lui avait permis d'établir une chronologie détaillée de son existence.

Pour écrire sa biographie de Dolomieu, Thérèse Charles-Vallin a consulté toutes les archives existantes, ce qui lui assure une grande fiabilité.

Qu'on ne s'y trompe pas cependant, l'objectif de l'auteur n'est pas d'analyser l'apport scientifique de Dolomieu mais d'évoquer avec moult détails sa vie tumultueuse. Ce n'est donc pas à proprement parler un ouvrage d'histoire des sciences, ce qui n'empêche pas l'auteur de s'être documenté sur le contexte scientifique dans lequel Dolomieu réalisa ses travaux. Ainsi, par exemple, lorsqu'est évoqué le séjour à Lisbonne (1778), au cours duquel Dolomieu reconnut l'existence de basalte, interprété comme " le produit du feu ", sont rappelés les travaux de Guettard puis de Desmarest sur les volcans d'Auvergne et le débat entre " neptunistes " et " plutonistes ". Par ailleurs, le récit est enrichi de descriptions de scènes quotidiennes qui confèrent une certaine consistance à une existence qui ne se réduit pas à des recherches, des voyages et des rencontres de personnages éminents.

Bientôt, on arrive ainsi à l'évocation de " l'imbroglio maltais " qui, à partir de 1783, allait influencer la suite de son existence. Après s'être rebellé contre l'autorité du Grand Maître de l'ordre de Malte dont il a été nommé lieutenant général, Dolomieu engage une procédure à son encontre devant le tribunal ecclésiastique de la Rota. L'affaire durera des années, sans qu'il puisse arriver à ses fins. Des intrigues de cour incitent alors Dolomieu à voyager en Italie. De retour à Malte, ses adversaires se mobilisent à nouveau. En 1789, Dolomieu quitte Malte et part visiter le Tyrol. Il en rapportera les échantillons de la roche qui allait bientôt prendre le nom de " dolomite ". Il ne va pas tarder à gagner la France où se produisent les événements que l'on sait. Favorable à une monarchie constitutionnelle, il milite un temps dans des clubs parisiens. En septembre 1792, atterré par le massacre de son ami Alexandre de La Rochefoucauld, il se réfugie au château de la Roche-Guyon où il résidera jusqu'à Thermidor (juillet 1794).

Désormais, de nouvelles perspectives s'ouvrent : l'Agence des mines est créée. Bientôt nommé ingénieur des mines, il entreprend une tournée dans les Alpes. À son retour, il apprend son élection à l'Institut. Au printemps 1796, il professe " le gisement des minéraux " à l'École des mines, puis, l'année suivante, avant de parcourir à nouveau les Alpes, visite les mines d'Auvergne et en profite pour observer les volcans.

Mais bientôt Dolomieu est pressenti pour participer à la fameuse expédition d'Égypte qui scellera son destin. Contraint par Bonaparte de négocier en juin 1798 la capitulation de Malte, il ne tardera pas à manifester, après le débarquement à Alexandrie, son ressentiment envers le chef de l'expédition, et sollicitera bientôt l'autorisation de rembarquer, qu'il obtiendra finalement en février 1799. On connaît la suite : l'arrivée de son navire désemparé à Tarente, l'enfermement à Messine où sa vie est longtemps menacée, jusqu'à ce que la victoire des troupes françaises à Marengo permette enfin sa libération en mars 1801. Il ne lui restait plus alors que huit mois à vivre !

Voilà, en résumé, une biographie écrite d'une plume alerte, fort agréable à lire et dont la lecture est fortement conseillée à quiconque apprécie les biographies de savants bien documentées, sans être cependant difficiles d'accès. Elle est utilement complétée d'une bibliographie détaillée de l'œuvre de Dolomieu et des articles et ouvrages qui lui furent consacrés, ainsi que d'un copieux (16 pages) index des noms de personnes.