TRAVAUX
DU
COMITÉ FRANÇAIS D'HISTOIRE DE LA GÉOLOGIE
- Troisième série -
T.IV (1990)

Maurice Lys

Bref rapport sur l'oeuvre micropaléontologique de Jacques Deprat.

COMITÉ FRANÇAIS D'HISTOIRE DE LA GÉOLOGIE (COFRHIGEO) (séance du 28 novembre 1990)

Après l'exposé de M. Durand-Delga, je voudrais évoquer sommairement l'activité scientifique de J. Deprat dans le domaine de la Micropaléontologie et spécialement dans le Sud-Est Asiatique (Indochine) et en Extrême-Orient : Chine (Yunnan) et Japon (Akasaka).

La collection Deprat réalisée et étudiée par lui, à partir de matériaux en provenance de ces régions - entre 1910 et 1915 -, après avoir été "perdue" durant une cinquantaine d'années, a été redécouverte au Collège de France à Meudon par J. Sigal. Grâce aux plaques minces originales qu'elle renferme et aux quatre mémoires que Deprat a publiés (1912, 1913, 1914, 1915), valorisant ainsi cette collection de plaques minces, il m'a été possible de revoir chacune des espèces nouvelles (n.sp.) créées par lui, en utilisant sa description, la place exacte du spécimen dans la plaque mince originale, sa position systématique actuellement reconnue par les spécialistes, sa répartition stratigraphique et géographique.

Bilan des plaques minces de la collection Deprat (excluant les espèces créées par d'autres auteurs) :

Ce bilan n'est-il pas révélateur de l'importance à la fois quantitative et qualitative de l'activité scientifique de J. Deprat ?

De la confrontation entre plaques minces et figuration, il ressort :

Compte-tenu de l'époque (début de ce siècle !) et des connaissances peu approfondies qu'on avait alors des Fusulinidés et de la biostratigraphie micropaléontologique du Permien marin, à peine ébauchée, la tentative de Deprat d'"ordonner" par ce moyen une biozonation n'avait guère de raison d'être adoptée. Ses détracteurs ne se sont d'ailleurs pas privés de la critiquer - 10 et 20 ans après - mais sans pour autant proposer d'autres subdivisions valables : * biozonation strictement inexistante pour l'un, donc nulle, * biozonation absolument insuffisante (2 biozones pour l'ensemble du Permien !) pour l'autre. Mais, entre 0, 2, 10 (pour Deprat) et 23 biozones reconnues valables, et pratiquées actuellement par les spécialistes dans le monde entier, il y a là l'évidence d'un net perfectionnement actuel de nos connaissances en matière de biozonation stratigraphique !

Pour information, nous utilisons actuellement :

Quant à la paléobiogéographie, j'estime que Deprat a été un précurseur des données qui ont actuellement cours à ce sujet ; n'avait-il pas osé "prétendre" que des microfaunes trouvées en Indochine pouvaient être identiques à celles du Japon ? Comme les évidences sont multiples pour prouver que non seulement elles ont atteint le Japon, mais aussi la Paléotethys en Sud-Tunisie ! Que cette critique virulente puisse être pardonnée à la personne qui l'a écrite !

Signalons enfin les travaux sur le terrain que Deprat a personnellement exécutés en Chine (Yunnan), au Japon (Akasaka) et en Indochine (en collaboration le plus souvent avec ses collègues Mansuy, Lantenois, Dussault et autres).

Il m'est possible, d'après cette analyse, de porter un jugement autorisé sur la valeur scientifique de J. Deprat, que je considère comme nettement prouvée ; il a, auprès des spécialistes, les vrais, du monde entier, nos collègues d'U.R.S.S. (Rauser-Cernousova, Reitlinger, Leven, Bensh, ..,), du Japon (Toriyama, Ozawa, Igo, Hanzawa, Murata, . ..), de Chine, et bien d'autres, auxquels s'ajoute ma propre expérience dans l'Himalaya du Ladakh, en Afghanistan central, en Iran, en Turquie, en Grèce, en Tunisie, une réputation que des critiques ont voulu affaiblir, sinon détruire. C'est un devoir pour moi - et il me tient à coeur ! - d'honorer sa mémoire dans la communauté des géologues, en reconnaissance de sa probité scientifique et des services éminents qu'il nous a rendus.