Notices nécrologiques concernant des ingénieurs du corps royal des mines

parues dans les Annales des Mines, Tome premier (année 1816) publié en 1817.


Jean-Pierre-François GUILLOT-DUHAMEL (1730-1816)

JEAN-PIERRE-FRANÇOIS GUILLOT-DUHAMEL , inspecteur vétéran au corps royal des mines, membre de l'Institut royal de France, était né à Nicorps, près Coutances, en 1730. En 1752 il fut reçu élève des ponts et chaussées. A cette époque, le Gouvernement français , éclairé par les nombreuses réclamations adressées au Roi, sur le désordre avec lequel les mines étaient exploitées, et sur la nécessité d'y remédier, désirait former des hommes instruits, capables de répandre les connaissances de l'art des mines parmi les exploitans, et de faire régulariser leurs travaux. M. de Trudaine, qui reconnut bientôt les rares dispositions du jeune Duhamel, dirigea ses études vers l'art des mines , lui fit visiter les divers établissemens du Royaume en 1754, et l'envoya en 1756, avec M. Jars, dans les pays de mines les plus célèbres de l'Allemagne. Les renseignemens nombreux et intéressans, recueillis dans ce voyage qui dura trois années, ont été publiés dans le bel ouvrage connu sous le nom de Voyages Métallurgiques, ouvrage qui était entièrement neuf en France par son objet et très-remarquable par le talent qui a présidé à sa rédaction, ouvrage fort estimé en Allemagne où il a été traduit par un savant célèbre, conseiller des mines de Prusse, et qui est encore et restera long-temps classique pour les mineurs.

Les connaissances approfondies que MM. Duhamel et Jars rapportèrent de leurs voyages, sur l'art et sur l'administration des mines, et les applications utiles qu'ils en firent dans les différent etablissemens français qu'ils furent chargés d'inspecter, portèrent le Gouvernement à ordonner de nouveaux voyages. C'est de cette époque que datent en France les progrès de l'exploitation des mines, et M. Duhamel est un des hommes qui ont le plus contribué à donner l'impulsion et à la soutenir. Il a fondé à Ruffec les premiers établissemens où l'on ait fabrique en France de bon acier cémenté , et dès 1767, ces établissemens livraient au commerce 300 milliers d'acier annuellement. Il a successivement dirigé ou relevé plusieurs exploitations de mines importantes. Nommé inspecteur général des mines en 1781, il portait à tous les exploitans qu'il visitait dans ses tournées , d'utiles conseils et des vues précieuses d'amélioration ; professeur d'exploitation et de métallurgie a 1'Ecole royale des mines, pendant plus de douze ans, il a formé, par ses leçons, presque tous les hommes qui honorent le plus aujourdhui le corps des ingénieurs; enfin, il a publié, en 1787, un traité de géométrie souterraine: le Recueil de 1'Académie royale des Sciences, dont il a été membre, renferme un grand nombre de mémoires de lui, et il a rédigé tous les articles de l'Encyclopédie méthodique, relatifs à l'art des mines.

Depuis la révolution, M. Duhamel a été conservé comme inspecteur dans le corps des mines, lors de sa réorganisation, et il a été nommé membre de la première classe de l'Institut, à la formation de cette compagnie savante. L'âge n'aflaiblissait point sa laborieuse activité, et il a inséré dans le Journal des Mines, plusieurs mémoires intéressans sur l'administration des mines en Allemagne, sur l'affinage du plomb , sur le boisage et le muraillement des mines , sur les machines hydrauliques et les bocards, etc. En 1801, il a publié un Dictionnaire allemand et français, des termes techniques en usage dans les mines.

Aussi estimable par ses vertus privées que par ses talens, M. Duhamel était chéri et respecté par tous ceux qui le connaissaient, comme par sa famille. Il était sur-tout l'objet de la vénération des membres du Corps royal des mines, auxquels il se faisait un plaisir toujours nouveau de communiquer les résultats de ses longs travaux et de son expérience éclairée. Les jeunes ingénieurs le nommaient le patriarche des mineurs, et tout en lui justifiait ce titre : une bonté parfaite, une extrême douceur, formaient le fond de son caractère, et à l'âge de plus de quatre-vingts ans il conservait une aménité remarquable dans toutes ses relations sociales.

A la suite d'un long affaiblissement, et d'un catarrhe de peu de durée, M. Duhamel est mort à Paris, le 20 février 1816, dans sa quatre-vingt-sixième année, avec le calme religieux de l'homme de bien qui a rempli une honorable carrière. Il laisse une épouse respectable à laquelle les plus heureux liens l'unissaient depuis cinquante années, et deux fils, dont l'un est inspecteur général au Corps royal des mines.

Complément concernant GUILLOT-DUHAMEL publié dans le LIVRE DU CENTENAIRE (Ecole Polytechnique), 1897, Gauthier-Villars et fils, TOME III

GUIlLOT-DUHAMEL père, né le 31 août 1730. est mort à quatre-vingt-six ans, le 30 janvier 1816. Il a été, avec Sage et Monnet, un des ouvriers de la première heure, bien supérieur à eux deux. C'est lui qui, par son enseignement à la première École des Mines de Sage, puis au début de celle de la Convention, a été le véritable initiateur de l'art des mines en France. Membre de l'ancienne Académie des Sciences, et de l'Institut, dès sa réorganisation, il a rédigé tous les articles de l'Encyclopédie relatifs à l'art des mines, et publié une Géométrie souterraine (2 vol. in-4o, 1787), qui fut le premier traité sérieux paru en France sur les levés de plan et les tracés souterrains. Son fils et son petit-fils ont été membres du Corps des Mines.

Complément concernant GUILLOT-DUHAMEL publié dans le Notice Historique sur l'Ecole des Mines de Paris, 1889, Louis Aguillon

C'est surtout à Guillot-Duhamel père qu'il faut faire remonter l'honneur d'avoir introduit en France les connaissances rationnelles sur les mines et la métallurgie. Jars, enlevé à trente-sept ans, n'a pu rendre tous les services qu'on pouvait attendre des aptitudes remarquables que dénotent ses Voyages métallurgiques. Guillot-Duhamel fut réellement le premier professeur qui enseigna en France l'exploitation des mines et la métallurgie, d'abord dans la première Ecole de Sage, puis au début de l'Ecole de la Convention.

L'Ecole des mines possède, en manuscrit, un traité de Guillot-Duhamel sur l'exploitation des mines, intitulé : l'Art du mineur, soumis en 1789 à l'Académie des sciences et portant son approbation, à la date du 17 janvier 1789, pour être publié sous son privilège. Les événements empêchèrent la publication de ce traité, que l'on peut considérer comme donnant le cours que devait professer Guillot-Duhamel dès les débuts de son enseignement. A ce titre, ce manuscrit est particulièrement intéressant. Il paraît fait plus spécialement pour les mines métalliques. Les objets dont il traite successivement, dans l'ordre suivant, sont : Recherches; boisage; muraillement; méthodes d'exploitation; aérage; roulage; extraction par treuils et baritels ou machines à molettes; épuisement par hommes, chevaux, roue hydraulique, machine à colonne d'eau, et machine à vapeur [d'après celle établie à Montcenis (le Creusot), en Bourgogne, et décrite en janvier 1787 par de La Metherie]; préparation mécanique : bocardage; caisse allemande; table fixe. On reconnaîtra là le programme des cours d'exploitation tels qu'ils se professent encore maintenant.

L'Ecole des mines devait également posséder le manuscrit de Guillot-Duhamel père sur l'Art du métallurgiste, qui a dû lui être remis avec le précédent, en 1821, par son fils, alors inspecteur général des mines; ce manuscrit nous aurait fait connaître ce que pouvait être un cours de métallurgie, en 1789; nous n'avons pas pu le retrouver.

Né le 31 août 1730, Guillot-Duhamel père est mort à quatre-vingt-six ans le 30 février 1816 ; il avait été membre de l'ancienne Académie des sciences et fut nommé de l'Institut dès sa réorganisation. Il a rédigé tous les articles de l'Encyclopédie relatifs à l'art des mines, et publié une Géométrie souterraine (2 vol. in-4, 1787) qui fut le premier traité sérieux paru en France sur les levés de plans et tracés souterrains.

Par sa vie sérieuse et appliquée, par la respectabilité de son caractère, Guillot-Duhamel a été le digne précurseur de notre corps des mines. Sa figure se détache entre celle de Monnet et de Sage, comme lui les ouvriers de la première heure, mais qui brillèrent plus par l'intrigue et le bruit qu'ils ont fait ou cherché à faire autour de leur nom que par les services rendus ou la vraie science.

Cuvier (Eloges historiques, t. III) a bien dépeint la figure et le caractère de Duhamel, et justement signalé les grands services rendus par lui à l'art des mines et de la métallurgie.

Le cours d'exploitation des mines de Guillot-Duhamel père professé en 1789 peut être lu sur le site patrimoine.mines-paristech.fr






Louis DE LA VERRIERE (1754-1816)

Louis DE LA VERRIERE, ingénieur en chef au corps royal des mines, était né à Lyon en 1754. Il se livra, dès sa jeunesse, à l'étude de l'art des mines , et il accompagna M. Jars dans plusieurs de ses voyages ; il fut nommé élève des mines en 1782 , ingénieur en 1784, et ingénieur en chef en 1801. Chargé, pendant trente-quatre ans, de nombreuses missions, il a rendu des services importans à l'administration. Dès 1777 , il avait travaillé à la traduction du traité d'exploitation des mines de Delius ; et, n'étant encore qu'élève, en 1785 , il a coopéré à la rédaction de l'arrêt du Conseil, portant règlement sur l'exploitation des houillères. Le Journal des Mines ne contient qu'un petit nombre de mémoires de lui. Simple dans ses moeurs, doux et modeste, il cherchait peu à se faire connaître, il se bornait à être utile, et trouvait son bonheur dans les affections domestiques. Les funestes événemens de 1815 ont altéré sa santé, et une attaque d'apoplexie, qui l'a enlevé le 1er. janvier 1816, ne lui a laissé que le temps de recevoir les secours de la religion, et de donner quelques signes de tendresse à son épouse désolée.

D'après André THEPOT : Les Ingénieurs des mines du XIXème siècle, c'est à Saint-Etienne que fut créé en 1784 le premier poste fixe d'ingénieur des mines. L'exploitation minière était alors anarchique. LAVERRIERE a été chargé du poste, et la municipalité de Saint-Etienne a accepté de prendre en charge sa rémunération (1200 F par an). Toutefois, le 27 novembre 1790, la municipalité avait remercié LAVERRIERE, les autorités locales s'estimant désormais habilitées à contrôler elles-mêmes les mines. Le résultat en fut catastrophique, et l'effort de guerre ayant accru l'importance du bassin de Saint-Etienne, le Comité de Salut Public rétablit LAVERRIERE dans ses fonctions par arrêté du 18 juillet 1794. Toutefois, il fut peu après déchargé de cette fonction au profit d'une équipe comprenant Jean-Pierre-François Guillot-Duhamel, Blavier et 4 élèves-ingénieurs. Cette équipe fut elle-même modifiée à plusieurs reprises dans un climat de grande instabilité et de conflits avec les exploitants, jusqu'à l'arrivée du célèbre Beaunier.






Hippolyte-Victor COLLET-DESCOSTILS (1773-1815)

HIPPOLYTE-VICTOR COLLET-DESCOSTILS, ingénieur en chef au corps royal des mines, membre de l'Institut d'Egypte, et de plusieurs Académies et Sociétés savantes, était né à Caen en 1773. Il vint a Paris en 1790, et y suivit avec succès des cours sur différentes sciences; mais en 1793, pour échapper aux fureurs révolutionnaires, il fut obligé d'entrer, comme novice, dans la marine , sur un bâtiment de l'Etat, stationné à Cherbourg.

Lors de la fondation de l'école polytechnique et de la réorganisation de l'école des mines, il obtint la permission de revenir à Paris, et il fut reçu élève des mines en 1794. Il fut nommé ingénieur en 1798, et ingénieur en chef en 1809. Dans cet intervalle, il avait été, bien jeune encore , admis au nombre des savans qui furent attachés à l'expédition d'Egypte. Il fut membre de l'Institut organisé au Caire, et à son retour membre de la commission chargée de publier les résultats de ce mémorable voyage.

Depuis long-temps, M. Descostils avait dirigé principalement ses études vers la chimie, et les applications de cette science aux arts métallurgiques. Elève assidu et chéri de l'illustre professeur Vauquelin , il mérita, par les talens distingués dont il fit preuve, d'être appelé à succéder à son maître, dans la place de conservateur des produits chimiques , et de directeur du laboratoire de l'administration et de l'école des mines [resté à Paris lorsque l'Ecole des mines fut transportée à Moutiers]. Les nombreuses analyses de minerais qu'il a publiées, celles beaucoup plus nombreuses encore , inscrites sur les registres du laboratoire qu'il dirigeait, sont une preuve du zèle et du talent avec lesquels il a rempli ses fonctions pendant quinze ans. Plusieurs missions importantes ont cependant été confiées à M. Collet-Descostils. Chargé, en 1813, d'aller inspecter et organiser les célèbres mines d'alun de la Tolfa près Rome, une partie des résultats de ses travaux dans ce voyage, est insérée dans le volume même où nous rendons un faible hommage à sa mémoire. Enfin, M. Descostils avait été nommé, au commencement de 1815 , directeur provisoire de l'école royale des mines, et cette nomination à une place qui semblait ne devoir appartenir qu'à un grade supérieur au sien , témoignait assez la haute estime et la confiance entière qu'il avait su se mériter; les mêmes motifs l'avaient fait appeler au Comité consultatif des arts et manufactures établi près le ministère de l'intérieur, et au Conseil d'administration de la Société d'Encouragement pour l'industrie nationale.

Mais ce sont sur-tout les travaux docimastiques de M. Descostils qui rendent son nom recommandable aux savans et aux mineurs , et ils lui ont assigné , depuis long-temps, une place parmi les chimistes les plus distingués de l'Europe. Le Journal des Mines, les Annales de Chimie, les Mémoires de la Société d'Arcueil, renferment de lui un grand nombre de mémoires intéressans. Nous nous contenterons de citer ses travaux sur le platine , dans lequel il a découvert un nouveau métal, que M. Tennant a nommé iridium, sur le minerai de fer spathique, sur le minerai de fer argileux des terrains houillers, sur la volatilisation du plomb sulfuré par des courans de gaz , sur une nouvelle combinaison fulminante d'argent, etc. , etc. Le premier volume des Annales des Mines renferme un travail chimique de lui, sur les aluns de la principauté de Piombino ; enfin, l'ouvrage publié par la commission d'Egypte, contiendra un mémoire précieux de M. Descostils, sur la fabrication du sel ammoniac dans ce pays. Il avait déjà fait connaître le procédé qu'on y emploie pour la fabrication de l'indigo.

M. Collet-Descostils était tendre fils , bon époux et bon père, excellent camarade. Il a reçu, dans une longue et douloureuse maladie, dont les premiers symptômes avaient depuis plusieurs années altéré sa santé, des preuves nombreuses d'affection de la part de tous les êtres qu'il aimait; mais rien ne peut exprimer le dévouement touchant et infatigable avec lequel la compagne qu'il s'était choisie, et qui faisait le bonheur de son existence, lui a prodigué ses tendres soins. M. Descostils est mort à Paris, le 6 décembre 1815, âgé seulement de quarante-deux ans.

Résumé des activités :
1796 : Membre de la Société philomatique
1798 : Membre de l'expédition française en Egypte
1798-1801 : Membre de l'Institut d'Egypte au Caire
1801 : Directeur du laboratoire central de la Direction générale des mines
à partir de 1807 : Membre de la société d'Arcueil
1815 : Directeur provisoire de l'Ecole des mines

L'Ecole des mines possède une Notice sur M. Collet-Descostils, par M. Gay-Lussac.

Voir aussi : NOTICE Sur la cause des couleurs différentes qu'affectent certains sels de platine, par H.V. Collet-Descotils, Journal des Mines, 1803. C'est l'article où Collet-Descotils établit sans ambiguïté la présence d'un métal jusqu'alors inconnu dans les sels rouges de platine.






Joseph BEAUSSIER (1779-1816)

JOSEPH BEAUSSIER, ingénieur au corps royal des mines, était né à Angers en 1779. Elève de l'école polytechnique en 1799, et de l'école des mines en 1802, il a été nommé, en 1807, ingénieur et sous-directeur de la mine et de l'usine de Pesey, affectées à l'école pratique des mines. Il a rempli avec distinction cette place importante, pendant plusieurs années; depuis il a été appelé, comme ingénieur, à la résidence d'Angers. M. Beaussier a exécuté, comme élève, des analyses comparatives très-bien faites de tous les produits de l'établissement d'Allemont. Comme sous-directeur, il a contribué, d'une manière notable, aux perfectionnemens nombreux apportés à l'école pratique des mines dans les travaux métallurgiques ; et il a rédigé un mémoire géologique fort intéressant sur la vallée de Pesey. La faiblesse constante de sa santé l'a cependant empêché de rendre les nombreuses connaissances qu'il avait acquises, aussi utiles qu'il aurait pu le faire avec de plus grandes forces physiques ; mais ces connaissances étaient bien appréciées par tous ses camarades, par lesquels, d'ailleurs, une âme élevée, une grande douceur et un esprit très-aimable, le faisaient également estimer et chérir.

M. Beaussier est mort à Angers, le 2 mai 1816.

Extrait de la Notice historique sur l'Ecole des mines de Paris de Louis Aguillon, 1889 :

Beaussier, né à Angers en 1779, mort dans cette ville le 2 mai 1816, élève de l'Ecole polytechnique en 1799, élève des mines en 1802, avait formé avec Guenyveau, le futur professeur de métallurgie à l'Ecole des mines de Paris, la première promotion, qui avait dû se rendre directement à Moutiers. Dès la fin de ses études, il fut adjoint comme ingénieur à Schreiber.