Raoul François DAUTRY (1880-1951)

Nous donnons sur ce site la biographie de Raoul Dautry parce qu'il eut à diriger de nombreux ingénieurs du corps des mines, notamment Jean BICHELONNE en 1939 et des ingénieurs en poste au C.E.A. après la Libération.


Né à Montluçon, le 16 septembre 1880. Décédé à Lourmarin, le 21 août 1951. Inhumé à Lourmarin. Fils de Jean-Emile DAUTRY et de Mme, née Virginie PERRIER. Marié à Limoges, le 31 décembre 1903, à Lucie-Hélène DUC, décédée le 3 mars 1962.
Enfants : Hélène (qui épousa Jacques LUCIUS 1905-1997 lequel présida diverses sociétés minières en Afrique du Nord), Jacqueline (Mme PHILIPPOT), Jeanne (épouse de Joseph DESBORDES, 1898-1984, X 1920 S et mère de Christine BOISNARD que nous remercions particulièrement pour les éléments biographiques). Sophie, fille de Christine BOISNARD, a elle-même épousé un autre polytechnicien, Francis LALLEMANT (X 1971).

Ancien élève de l'Ecole polytechnique (promotion 1900 ; entré classé 88, sorti classé 144 sur 247).

A sa sortie de Polytechnique en 1902, il devient immédiatement ingénieur, puis chef du district de la gare de Saint-Denis à la Compagnie du Nord, il met au point en septembre 1914 un système de circulation des trains permettant aux renforts français d'arriver à temps pour gagner la bataille de la Marne.

En 1917, il est affecté au service des études et du matériel fixe puis, en 1918, ingénieur principal de la voie à la Compagnie du Nord ; il est l'auteur, à la demande du général Foch, d'une ligne nouvelle partant de Beauvais, baptisée « la Voie des cent jours ».

En 1919, ingénieur en chef adjoint de l'entretien, chargé du service de la voie, il entre au conseil d'administration de la Société d'équipement des voies ferrées.

En 1921 il devient ingénieur en chef de l'entretien du réseau du Nord et en 1923, administrateur de la Société d'études générales, urbaines et sociales et de la Régie immobilière de la ville de Paris.

En 1928, il est nommé par TARDIEU directeur général du réseau de l'Ouest-État jusqu'à la constitution de la SNCF. Il est l'initiateur de nombreuses cités ouvrières pour les cheminots.

En 1931, il est chargé (en parallèle avec ses activités ferroviaires) par le gouvernement de présider et de réorganiser la Compagnie générale transatlantique et la Compagnie aéropostale.

En 1934 il est nommé conseiller technique du gouvernement dans le cabinet Gaston Doumergue, il asure la présidence de la Conférence des directeurs des grands réseaux ferroviaires.

En 1937, on songe à lui confier la présidence de la nouvelle SNCF, mais il biaise ; il devient directeur général honoraire des chemins de fer de l'État, il entre au conseil d'administration de la SNCF (constituée en août 1937) et de la Société générale des chemins de fer économiques. Il préside le comité d'études du tunnel sous la Manche. Il organise la SNCF.

En 1938 il est président de la Compagnie générale d'électrométallurgie, administrateur de la Compagnie parisienne de l'air comprimé, administrateur délégué de la Compagnie générale d'électricité, vice-président de la Compagnie générale d'entreprises électriques, administrateur de la Compagnie franco-polonaise des chemins de fer.

En 1939 il est nommé vice-président du comité d'action économique et douanier, président des Houillères de Ronchamps, administrateur de compagnies d'assurances.

Du 20 septembre 1939 au 16 juin 1940. il est appelé au gouvernement en tant que ministre de l'Armement dans les cabinets Daladier puis Paul Reynaud : il démissionne alors de tous ses conseils d'administration. Il prend Jean Bichelonne comme directeur de cabinet. Avant d'accepter ce portefeuille, il a posé une condition : que lui soit rattaché le CNRS.
A la demande de Frédéric Joliot-Curie, il obtient l'accord d'Edouard Daladier, président du Conseil, pour envoyer une mission en Norvège chercher le stock disponible d'eau lourde convoitée par les Allemands. Rapatriée de l'usine de Rjukan, en Norvège, à Paris, l'eau lourde est évacuée en Angleterre le 16 juin 1940 par Halban et Kowarski sur l'ordre de Raoul Dautry.

Il crée la Compagnie des travailleurs militaires pour trouver une main-d'oeuvre suffisante à l'effort de guerre.

En juin 1940 il quitte le gouvernement, il se retire dans le Vaucluse, à Lourmarin, puis reprend son activité au sein des diverses sociétés : Compagnie internationale des wagons-lits, Société générale des chemins de fer économiques, etc. En septembre 1944, il préside le Secours social.

Du 16 novembre 1944 au 20 janvier 1946, il est ministre de la Reconstruction et de l'Urbanisme, appelé par le général de Gaulle dans ses 3e et 4e gouvernements provisoires. En 1945, il est élu, sans avoir été candidat, maire de Lourmarin (Vaucluse) où il avait acquis une propriété en 1932 et où il passe chaque année ses vacances; il reste maire jusqu'à son décès.

Au début de 1945, il étudie, avec Frédéric Joliot-Curie et Pierre Auger, la création d'un organisme atomique national et devient le 3 janvier 1946, le premier, en date, administrateur général du Commissariat à l'énergie atomique; au sein de ce premier comité de l'énergie atomique siègent à ses côtés, Irène et Frédéric Joliot-Curie, Francis Perrin, Pierre Auger et le général Paul Dassault. Il choisit le site de Saclay.

Le 8 avril 1946, il est élu membre libre de l'Académie des sciences morales et politiques. Selon l'ouvrage Les Polytechniciens dans le siècle 1894-1994, Dunod, "une conviction l'habitait : la principale ressource d'un pays comme la France, c'est sa matière grise".

Après son décès, Pierre Guillaumat sera nommé administrateur général du CEA. Henri de Peyerimhoff sera élu à son siège de l'Académie des sciences morales et politiques.

Grand Officier de la Légion d'honneur.


Comment expliquer son ascension rapide dans les années 1920-1930 ? Il est crédité par l'opinion publique de la reconstruction des chemins de fer du Nord.

Citation de Claude Paillat (Dossiers secrets de la France contemporaine, vol. 3, Robert Laffont éd.) :
On avait vanté son allant, son courage, et il n'avait pas été le dernier à faire sa publicité. [...] Son caractère autoritaire et violent, cachant du coeur et quelques larmes à l'occasion, avait contribué à en faire un homme "fort", une sorte d'hercule. Il se nourrissait plus par le contact des hommes, où il formait son jugement, que par l'étude des dossiers. Pour tester le caractère des gens, notamment de ses principaux collaborateurs, il se livrait à leur égard, au milieu du personnel, à de véritables provocations, mettant ses victimes dans une situation dont elles ressentaient l'humilité et l'odieux ... Malheur si on pliait sous une tornade injuste. Triomphe et estime si on répondait du tac au tac ! Pour ses démonstrations et ses colères, il avait aussi l'habitude de convoqer dans son bureau tout un aéropage qu'il prenait à témoin. Ce goût du théatre et des avanies spectaculaires lui créait des amitiés, ou des haines, dont les auteurs se vengeaient en faisant de leur bourreau le portrait d'un affabulateur, d'un menteur ne vivant que pour parler de lui.