Paul Marie DOMENJOUD (1918-2012)


Paul Domenjoud, élève de l'Ecole des mines de Paris
(C) Mines ParisTech

Décédé le 20 novembre 2012.

Ancien élève de l'Ecole des mines de Paris (promotion 1938). Ingénieur civil des mines.


Publié dans MINES Revue des Ingénieurs, Janvier/février 2013 N° 465.

Il est né le lundi 7 janvier 1918 à 20h chez ses parents, 232 avenue de Saxe à Lyon, de Jean Marie Henri Joseph 43 ans, tanneur et de Jeanne Marie Louise Victorine Roustan 28 ans son épouse.

Son père, né à Annecy en 1874, vendait du cuir notamment à l'armée tandis que Antonin, frère de son père, faisait fonctionner la tannerie. Sa mère était née à Martigues.

Il a un frère Henri né en 1913 et une soeur Arlette née en 1921.

Il a passé son Bac en 1935 ayant obtenu le 1er prix de physique au concours général (remis par le Président de la république Albert Lebrun) et gagné une course de descente à ski la même année.

Il est entré en 1938 à l'École des Mines de Paris mais ses études furent interrompues par la guerre. Il fut envoyé à l'École d'artillerie de Poitiers en septembre 1939 puis s'est engagé dans l'armée de l'air. Après un court séjour à Bordeaux Mérignac, il s'est retrouvé à Meknès au Maroc en janvier 1940 où il a d'abord passé trois mois à l'hôpital (opération d'une mastoïdite) puis commencé à piloter, mais a dû stopper quand les Italiens ont occupé le Maroc. Il fut démobilisé vers mars 1941 et fit sa brève 2eme année à Saint-Étienne avant de revenir terminer à Paris. Il obtint son diplôme d'ingénieur mi-1942. Il a épousé Henriette Delaugere, née le 25 août 1921 à Orléans, alors secrétaire.

Après son mariage, il habita dans divers endroits de Paris avant de s'installer dans un appartement à Neuilly/Seine. Il a conservé cet appartement où son épouse a résidé jusqu'en 2007. Il est, lui, la plupart du temps à Sallanches, en Haute Savoie, où ils avaient emménagé à mi-septembre 1992. Son épouse, paraplégique à la suite d'un accident de voiture survenu le 27 novembre 1961 n'avait pas pu rester à Sallanches, car impossible d'y trouver l'assistance dont elle avait besoin de jour comme de nuit.

Sa vie professionnelle :

Octobre 1942 : Compagnie Générale de Géophysique.

Il est chargé d'essayer de développer la géochimie, technique russe. Seule source d'information : un livre que son camarade Kolokolzoff (Promo 38) lui a traduit. Ayant obtenu un local et un mécanicien dans l'École, il a réussi à mesurer la pression partielle de gaz de pétrole pouvant faire penser que sous terre il pourrait y avoir un gisement. Après quelques 18 mois, son patron comprit qu'il faudrait des années pour obtenir des résultats tangibles et le dirigea vers le laboratoire d'électronique de la société où il apprit beaucoup de choses. C'est alors que son patron lui dit qu'il devait aller sur le terrain apprendre les techniques utilisées par les géophysiciens comme la sismique, la gravimétrie, le sondage électrique vertical. Ce fut une période très intéressante. Ensuite son patron lui proposa une mission dans une région lointaine. Son épouse ne pouvant pas l'accompagner, il démissionna.

En qualité d'associé et d'employé, il entra à La Technique Electronique, petite société fondée par Charles Févrot, l'ancien directeur du laboratoire d'électronique de la Compagnie Générale de Géophysique. L'idée était de chercher des clients voulant des appareils pas assez nombreux pour intéresser les grandes sociétés. On ferait des prototypes et ensuite des petites séries. Mais le plus souvent il n'y eut rien après le prototype. Le résultat fut que, faute d'argent, le patron proposa de payer Paul Domenjoud en actions. Il chercha alors un employeur solide. Il avait toutefois eu des expériences intéressantes. Par exemple il se plaisait à raconter que pour l'office antiacridien, il avait fait un thermomètre médical pour sauterelles, scorpions et tarentules, que le client avait payé la facture mais n'avait pas envoyé les bulletins de santé de ces petites bêtes. Il avait réussi à fabriquer un générateur de courant très stable et parfaitement sinusoïdal d'une fréquence de 1000 Hertz qui s'est vendu à quelques exemplaires. Les grands spécialistes n'avaient jamais réussi à faire aussi bien. Deux ans après, notamment Philips et Hewlett-Packard, utilisaient le même procédé.

Il fut engagé le 15 juin 1983 par le directeur technique de ALSTHOM pour, en premier lieu, aller aux réunions de grandes sociétés avec le Commissariat à l'Énergie Atomique et rendre compte de ce qui s'y disait. Il eut à prendre d'importantes responsabilités, par exemple en faisant fabriquer un réchauffeur d'air de 5 MW pour la première pile atomique de Marcoule, alimenté en 5 500 volts et sans transformateur. Il fit construire un laboratoire dans l'usine de Saint-Ouen pour des essais thermiques. C'est là aussi qu'il fit faire les essais sur prototypes de moteurs à 12 000 tours par minute pour les compresseurs d'hexafluorure d'uranium de Rateau qui furent choisis pour l'usine de Pierrelatte.

Personne n'avait réussi à faire de tels moteurs et de Gaulle était pressé. C'était pour la bombe atomique. Pour ces essais, il a dû faire bobiner un transformateur de mesure par sa fille moyennant 1 kg de bonbons, en une semaine au lieu des six mois demandés par la Compagnie des Compteurs. Il fallait aussi mesurer des intervalles de temps à la microseconde près. Il acheta du matériel chez Philips et l'installa dans une boîte de cigares vide et fit le câblage dans sa cuisine. Les stators de ces moteurs furent fabriqués à Belfort à 1 000 exemplaires. Dix ans de fonctionnement 24h/24 sans jamais aucun problème. La fabrication était déjà à moitié faite sans que la commande eût été signée. Le client demandait que le prix soit réduit de 15%.

Le prix demandé fut obtenu moyennant garantie de un an après mise en service. Résultat : bénéfice de 15%. C'est grâce à la compréhension du Président Glasser, par ailleurs grand joueur de tennis, qui a débloqué les fonds nécessaires, que ce succès a été obtenu. En 1956/1957 il passa neuf mois à l'International School of Nuclear Science and Technology administrée par l'université de Chicago. Il apprit là surtout l'anglais et eut la chance de pouvoir, avec son épouse et un collègue, visiter en voiture plusieurs parcs de l'Ouest avant de rentrer de Los Angeles par avion.

Mais EDF ayant choisi pour ses centrales les réacteurs à eau pressurisée développées par Westinghouse, Alsthom liée à General Electric ferma son service d'études nucléaires mais continua à fournir les turboalternateurs, transformateurs, tableaux électriques, etc.

Paul Domenjoud se retrouva au Laboratoire de Recherches installé à Massy et dirigé par Bogdan Broniewski, au service des piles à combustibles. Le grand génie Warszawsky, agoraphobe, faisait venir les «clients» et le président Glasser chez lui. Paul Domenjoud devait aider le directeur à trouver des fonds pour payer les chercheurs mais ne devait pas se mêler de questions techniques.

Contrats avec la Marine Nationale, Peugeot et enfin ESSO : il prépara un contrat de joint-venture avec Exxon Enterprises après une démonstration le 15 octobre 1969 à Linden N.J. Les Américains prenant le train en marche versèrent trois millions de dollars cash et le directeur Cari Heath nomma Paul Domenjoud, Financial Manager. Situation délicate car il devait protéger les finances d'Alsthom et celle des américains. Des ingénieurs et techniciens Américains vinrent à Massy et quelques Français allèrent travailler aux USA. Les dépenses devaient être partagées moitié-moitié par les partenaires. Au bout de cinq ans l'opération fut arrêtée. ESSO France envoya un auditeur qui demanda la restitution de un million de dollars. Paul Domenjoud termina sa carrière, toujours chez Alsthom, dans un service commercial. Ceci lui donna l'occasion de voyager à l'étranger : Portugal, Pakistan, Afrique du Sud, notamment deux fois à la centrale nucléaire de Koeberg pour un tournage de film. Il a pris a retraite le 1er avril 1983.