Jean Jules FRANCOIS DE NEUFCHATEAU (1808-1890)

Fils de Nicolas FRANCOIS, boulanger, et de Claire Catherine ROUYER.
Né à Bar-le-Duc, le 13 juin 1808, mort à Biarritz le 13/10/1890.

Polytechnique (promotion 1828 ; sorti classé 6ème sur 122 élèves). Ecole des Mines (entré classé 4ème en 1830, sorti en 1833). Corps des mines (nommé le 7 janvier 1834).

Décrit dans le registre matricule de Polytechnique comme : Cheveux blonds - Front couvert - Nez droit - Yeux chatains - Bouche moyenne - Menton à fossette - Visage ovale - Taille 176 - Signes particuliers : petite cicatrice au-dessus de l'oeil gauche.

FRANÇOIS est nommé ingénieur en chef de 2ème classe en avril 1848. Il devient inspecteur général de 2ème classe en février 1866 ; il accède au grade le plus élevé du corps des mines, celui d'inspecteur général de première classe, le 14 juin 1872.
En 1868, il est chargé de la division minéralogique du Sud-Est.
En octobre 1876, il est désigné comme membre du jury d'admission à l'exposition universelle de 1878 ; en mars 1877, il est chargé de présider la commission chargée d'organiser l'exposition spéciale des eaux minérales françaises. Il avait aussi été chargé de la rédaction de rapports du jury international à l'exposition universelle de 1867.
Le 8 juin 1878, il est désigné pour faire partie du jury international des récompenses à l'exposition de 1878.
Le 21 juin 1878, il est mis à la retraite.

Chevalier de la Légion d'honneur le 21/8/1842 ; officier le 10/9/1859.

Jean-Jules FRANÇOIS est autorisé à utiliser le nom patronymique " François de Neufchâteau " par un jugement rendu par le tribunal de première instance de Bar-le-Duc le 19 mars 1880, en application du décret 7723 du 15 janvier 1879 paru au bulletin des lois, n. 428 du 1er mars 1879. Ce décret indique explicitement que Jean-Jules FRANCOIS, inspecteur général de première classe des mines, officier de la Légion d'honneur, né le 13 juin 1808 à Bar-le-Duc, demeurant à Paris, et ses enfants :

  • Paul-Jean-Georges FRANCOIS, ingénieur civil, né le 9 janvier 1846 à Carcassonne (Aude)
  • Thérèse-Marguerite-Eléonore FRANCOIS, née le 23 juillet 1850 à Carcassonne (Aude)
    sont autorisés à s'appeler à l'avenir François de Neufchateau.


    Publié dans le LIVRE DU CENTENAIRE (Ecole Polytechnique), 1897, Gauthier-Villars et fils, TOME III, page 188

    FRANÇOIS DE NEUFCHATEAU (Jules) (promotion de 1828 de Polytechnique), né le 13 janvier 1808 [en réalité le 13 juin] à Bar-le-Duc, mort le 13 septembre 1890, Inspecteur général de première classe en retraite. Ayant débuté par le service de l'Ariège, duquel dépendait l'exploitation des mines de Rancié, François s'occupa tout d'abord des questions soulevées par l'exploitation de ces mines et de celles plus générales touchant à la fabrication du fer dans les Pyrénées. Il a publié sur ce sujet un important ouvrage qui résume toute la première partie de sa carrière : Recherches sur le gisement et le traitement direct des minerais de fer dans les Pyrénées (1 vol. in-4o avec atlas; 1843). En 1845, alors qu'il avait déjà orienté sa vie sur les eaux minérales il répliqua avec beaucoup de justesse aux théories de Le Play sur les aciers et la propension aciéreuse.

    François réalisa le captage de sources d'après les idées et les procédés dont il a eu, en réalité, l'initiative à Luchon et dont l'honneur lui revient en entier.

    Le mérite de François a été d'appliquer aux eaux minérales les idées géogéniques de la célèbre note d'Elie de Beaumont sur les émanations métallifères. Mais la note est de 1847, tandis que les travaux de Luchon sont de 1837, que le rapport par lequel François en a rendu compte est de 1841 et que c'est en 1841 aussi qu'Elie de Beaumont en entretenait l'Académie des Sciences, dans une communication qui a été, pour ainsi dire, la préface de sa mémorable note. Ce qui appartient bien en propre, du reste, à François, ce sont les procédés qu'il employa pour réaliser cette application.

    Comme le disait excellemment Elie de Beaumont dans son rapport à l'Académie des Sciences, « il reconnut qu'on devait attaquer les filons aquifères suivant les règles ordinaires de l'exploitation, combinées avec celles de l'hydraulique ». Il fallait, d'ailleurs, une bien grande foi dans son idée et une singulière audace au jeune ingénieur qui, en 1837, proposa et, en 1838-1839, exécuta, d'après ces principes, de véritables travaux de mines sur les précieuses eaux de Luchon, alors que, partout encore, on en était à cette crainte mystérieuse léguée par le passé. On le lui fit bien voir. Il n'eut pas seulement à combattre les difficultés matérielles de travaux dont l'effet ne peut s'apprécier qu'au jour le jour; durant plusieurs mois, il eut à lutter contre une population apeurée qui, à chaque instant, venait lui demander compte des résultats.

    Si on laisse de côté les simples sondages pour nappes jaillissantes qui rentrent dans une pratique d'un autre ordre, François, dès ce premier travail, avait appliqué tous les principes qui devaient le guider dans son étonnante carrière et que devaient suivre désormais tous ceux appelés, après lui, à exécuter des ouvrages analogues. Une fois admise la notion géologique du gîte aquifère, le système de la recherche et du captage des eaux minérales peut se résumer, dans l'oeuvre de François, en ces deux idées : chercher ou créer la colonne de moindre résistance par laquelle, à raison même de la réduction de résistance, l'eau doit sourdre avec une thermalité et un débit accrus; abaisser le plus possible, déprimer, comme disait François, l'émergence pour accroître encore le débit. Il va de soi, d'ailleurs, que l'eau minérale doit être saisie dans la roche en place, dans le filon aquifère, ou qu'elle doit être captée de manière à l'isoler de toutes autres eaux que celles caractérisant le filon générateur.

    Cette notion capitale de la colonne de moindre résistance n'est, du reste, que l'application à un cas particulier de la loi plus générale du moindre effort, qui régit le monde.

    Ces idées reçues, on comprend de suite les recherches par galeries en travers bancs et par galeries d'allongement dans le gîte, dont François a donné tant d'exemples classiques, en dehors des travaux originaires de Luchon, notamment à Cauterets et à Lamalou-le-Bas. Lorsque l'eau minérale ne se présente plus avec la netteté d'allure qu'elle a dans ces gîtes, lorsqu'elle circule formant une sorte d'amas aquifère d'où elle divague, arrivée à la surface, sans qu'on puisse aisément la capter, il faut créer artificiellement le point, la colonne de moindre résistance où on la saisira. A l'exemple des Romains, François y est arrivé, dans nombre de stations, par l'emploi de semelles de béton qui font refluer les eaux dans les enceintes réservées au milieu d'un massif artificiellement créé. Ce procédé classique devient coûteux, voire même impraticable, si ces massifs doivent prendre quelque développement. Dès son premier travail de Luchon, François y substitua le système de la pression hydrostatique dont il devait, quelque temps après, en 1839-1841, faire à Ussat, dans l'Ariège, une application singulièrement plus étendue et, par là, plus remarquable. Ce sont, du reste, les observations qu'il avait eu l'occasion de faire fréquemment, comme tous les Ariégeois, relativement à l'influence des crues de l'Ariège sur les eaux minérales de cette station, qui avaient donné à François l'idée de cet ingénieux procédé, qu'il vérifia toutefois avant d'y recourir, par des essais sur des liquides de densités différentes. Le système revient, en principe, à remplacer la semelle de béton, qui devrait être posée autour du chambrement dans lequel on veut faire refluer les eaux minérales, par une nappe d'eau froide de hauteur appropriée. Comme François le montra à Luchon pour la source dite La froide, il y a, dans ce cas, une hauteur de la nappe telle qu'on obtient, dans le chambrement de captage, avec la permanence que peuvent avoir les eaux minérales, le volume maximum en même temps que la thermalité la plus élevée et l'agrégat minéral le plus fort. Au delà de cette hauteur ont lieu dans le chambrement des afflux d'eau froide dénotés par une augmentation de volume qu'accompagné un abaissement de température et de minéralisation; en deçà, on a des pertes d'eaux minérales hors du chambrement.

    En somme, les connaissances que nous devons aux premiers travaux de François n'ont eu besoin d'être complétées que sur un point relatif aux eaux minérales gazeuses. Reprenant les termes si heureux d'Elie de Beaumont, il faut dire que, pour la recherche et le captage de ces eaux, on doit combiner les règles ordinaires de l'exploitation des mines, non-seulement avec celles de l'hydraulique, mais aussi avec celles de la pneumatique des gaz.

    Ces travaux de Luchon avaient d'ailleurs atteint un développement effectif qui eût suffi à les faire remarquer, même beaucoup plus tard; ils avaient nécessité l'exécution de 275 m de galeries. Les résultats en furent très brillants. Le volume des eaux chaudes dont on put disposer fut triplé ; douze sources avaient été isolées avec des thermalités de 26o,5o à 66o,3o au lieu de celles de 21o à 59o; leur régime fut désormais constant et mis à l'abri des perturbations que leur donnaient dans le passé des afflux d'eaux froides. Ces améliorations eussent été encore plus considérables si François avait joui, lorsqu'il entreprit ces travaux, de l'autorité que leur exécution devait lui donner. Il avait projeté, en effet, d'attaquer les filons aquifères à un niveau plus bas que celui où les inquiétudes des intéressés l'avaient forcé à s'établir; il voulait, par une suffisante dépression à l'émergence, augmenter encore le volume des eaux.

    De pareils travaux dans la roche en place, la mise en roche, suivant l'expression de François, ne vont pas sans amener la disparition de certaines sources, remplacées par d'autres dont les premières n'étaient que des dérivations qui, antérieurement, arrivaient seules au jour : c'est notamment ce qui advint dans les travaux de Luchon, comme plus tard dans plusieurs autres dirigés ailleurs par François. La pratique ultérieure semble avoir montré que l'audace de l'éminent hydrologue, rendu plus fort par ses succès, n'a nui en rien à la Thérapeutique. Il est certain que l'on ne devrait pas étendre trop loin un pareil système. Pour l'ingénieur, une source captée sur place, avec une plus grande limpidité et une thermalité accrue, est supérieure à la source régénérée ou savonneuse que celle-là remplace. Il se peut bien que la Médecine n'y trouve pas son compte.

    L'oeuvre inaugurée à Luchon venait à son heure. Comme tant d'autres industries , l'exploitation des eaux minérales allait, elle aussi, subir une transformation par suite de la modification des moyens de transport. Les sources primitives, avec leur faible volume, n'auraient jamais pu suffire au nombre croissant de leurs visiteurs. L'augmentation des débits était une nécessité qui justifiait l'audace apparente des travaux entrepris dans ce but.

    Après l'évidence matérielle des succès obtenus à Luchon, après leur consécration par l'Académie des Sciences, en 1841, à la demande de l'Administration, sur le rapport d'Elie de Beaumont, Jules François était hors de pair. A partir de 1839, des études et des projets lui étaient demandés par les intéressés pour les principales sources des Pyrénées centrales et occidentales. En 1842, Legrand, qui avait dès le début vivement appuyé le jeune ingénieur dans cette voie nouvelle, constituait pour lui une mission ayant pour objet l'étude de toutes les sources de France et la préparation des projets pour leur amélioration. Presque simultanément, François entamait des travaux tout le long des Pyrénées, des Eaux-Chaudes à Amélie-les-Bains. En 1843, son mandat se définissait encore plus nettement et sa situation s'accroissait. Il était, en effet, désormais attaché au Département de l'Agriculture et du Commerce avec un service spécial concernant les eaux minérales. Jusqu'à la législation du 14 juillet 1856, qui a mis ces eaux dans les attributions normales des ingénieurs des Mines, ce service s'est trouvé à peu près concentré entre les mains de François; son rôle a consisté beaucoup plus à exécuter ou à faire exécuter des travaux de captage et d'aménagement, à accroître la richesse hydrominérale, qu'à assurer leur conservation, suivant les préoccupations qui devaient au contraire, et justement d'ailleurs, prévaloir après 1856. Avant de songer à conserver, il fallait avoir créé.

    Il n'est guère de source de quelque importance en France qui n'ait été, dans ce long espace de temps, l'objet des travaux ou des conseils de François. Il y a déployé les ressources d'un artiste incomparable, encore plus peut-être que d'un ingénieur laborieux et attentif; il avait l'intuition des choses plus qu'il ne les résolvait par une science raisonnée; la pratique l'avait amené à voir rapidement, à deviner, pour ainsi dire, la solution convenant à chaque cas. Dans l'exécution, il montrait une ingéniosité rare pour triompher des difficultés propres à ce genre de travaux ; c'est ce cachet qu'eurent spécialement les moyens employés à Luchon, dès le début, pour filtrer les eaux chargées de particules ferrugineuses ou ceux auxquels il recourut à Vichy, dans la réfection du captage de la source Lucas, en 1857, pour chasser par des jets de vapeur l'acide carbonique qui gênait les travaux.