Jean Marie Claude GUIMBAL (1920-2013)

Né le 21/2/1920 à Paris (6°). Décédé le 16 juillet 2013.

Ancien élève de l'Ecole polytechnique (promotion 1938) et de l'Ecole des mines de Paris. Corps des mines. Nommé Ingénieur en chef des mines le 1/1/1949.

Professeur d'électrotechnique et de physique à l'Ecole des mines de Saint-Etienne de 1945 à 1970, Jean-Claude GUIMBAL avait conçu sous le nom de "groupes bulbes" les turbines de l'usine marémotrice de la Rance, les a développées en tant qu'ingénieur conseil d'ALSTOM et de NEYRPIC lorsque ces sociétés ont équipé toute la partie du cours du Rhone et du Rhin qui restait encore à équiper; il a aussi installé des turbines sur des barrages hydro-électriques de la région stéphanoise, dont il vendait l'électricité à EDF (il a perdu l'usage d'un bras en réparant le disjoncteur de l'une de ses turbines). A partir de 1970, il continua à habiter derrière l'Ecole, rue Henri Déchaud à Saint-Etienne, et il fit construire un atelier sur lequel il installa un court de tennis. Il créa une société de recherche sous contrat en 1970, pour travailler sur des innovations portant notamment sur un moteur électrique révolutionnaire, le moteur linéaire, que le ministère des transports a cherché à développer notamment pour l'aérotrain de Bertin, mais qui (pour des raisons syndicales ?) s'est fait fermer le marché des transports en commun urbains.

Dans le domaine de la physique, il a publié un ouvrge mentionnant une série de découvertes dont il a espéré qu'elles permettent d'unifier la mécanique quantique et la gravitation avec l'électromagnétisme, questions qui furent discutées avec l'Académie des Sciences.

La perte de son épouse Colette fut une épreuve terrible.
J.C. Guimbal a eu 6 enfants (4 garçons, deux filles) : Patrick, Véronique (ép. Callet), Brigitte, Bruno, Nicolas, Frédéric.

Jean-Claude GUIMBAL était chevalier de la Légion d'honneur.
Son fils aîné, Patrick Roger Denis GUIMBAL (né en 1955 ; X 1974), fait une carrière de dirigeant dans le conseil en management. Il oeuvre pendant 20 ans chez Bossard Consultants, qu'il quitte après le rachat par Cap Gemini en 1997. Il entre alors à Unilog (1998) racheté par Logica CMG (2005) et il dirige Unilog Management (800 consultants) à partir de 2004. Tout en conservant cette fonction, il devient président d'UNILOG (Logica France) en octobre 2007 à la place de Didier HERRMANN (X 1969). Depuis mars 2009, il se consacre également au développement international de Logica Management Consulting. Tous les matins, il s'entraine à cheval, et il fait du saut d'obstacles le week-end.

Le second fils, Bruno, a créé une usine de fabrication d'hélicoptères bi-places de sa conception.

Son neveu Philippe GUIMBAL est physicien au CEA (seul neveu parmi 5 nièces).


Nous reproduisons ci-dessous un texte de Jean-Claude GUIMBAL publié en janvier 1994 dans Mines Revue des Ingénieurs :

NDLR de la Revue des Ingénieurs : Cet article de Jean GUIMBAL expose ses théories personnelles dont certaines sont originales et peuvent ne pas entraîner l'adhésion des lecteurs. C'est de la confrontation des opinions, parfois divergentes, que peut naître le progrès.

SUR LES DIFFICULTES DE LA RECHERCHE

par Jean GUIMBAL (P 40)
Ancien professeur d'Electrotechnique à l'EMSE
Président-Fondateur de l'ARIES

Recherche technique, recherche scientifique, recherche sociologique (économique et politique), toutes les trois ont entre elles suffisamment de points communs pour que, dans un premier temps, on puisse en donner une même description, quitte, dans un second temps à en montrer les particularités propres.

La lenteur de la recherche

Un premier trait commun est la désespérante lenteur de la recherche.

C'est par exemple en 1945 que j'ai dessiné la première turbine qui ressemblait à un groupe bulbe et c'est en 1963 que l'usine marémotrice de la Rance a été inaugurée, puis, trente ans plus tard qu'ont commencé à se construire les groupes faciles à installer qui représentaient l'objectif initial. Il s'est écoulé plus de vingt ans entre les premiers essais de mon moteur linéaire et la présentation à la commission ministérielle d'un projet remis par un ensemble de constructeurs pour un transport en commun qui l'utilise : le TELEBUS. Vingt ans également entre ma première auto électrique et celle que nous essayons d'industrialiser, ou encore entre mon premier lotissement à chauffage solaire et les actuelles maisons individuelles que je propose.

Quarante ans entre mon premier embryon d'idée sur la nature du champ électrique et une théorie des corpuscules électrisés qui englobe leurs propriétés corpusculaires et ondulatoires.

Trente ans enfin, entre le moment où Marcel BÉTINAS (P 29) est venu me parler de ses découvertes d'ingénieur-conseil en organisation, et le moment où j'ai associé ces découvertes à d'autres effectuées également par des ingénieurs-conseils, pour pouvoir présenter un projet complet d'organisation sociale.

Bien entendu on peut objecter que d'autres chercheurs obtiennent plus vite des résultats, mais quels chercheurs, et quels résultats ?

L'obligation de faire table rase de ce qui existe

Vouloir faire table rase de ce qui existe peut sembler de la folie, mais pourtant voici trois exemples pris dans le domaine de la technique et qui semblent prouver le contraire.

Le premier concerne les groupes bulbes. Ils ont été conçus pour résoudre un problème que, au lendemain de la guerre, posaient les pouvoirs publics : celui de l'usine marémotrice de la baie du Mont-Saint-Michel. La solution que je proposais était de mettre en place le barrage par éléments flottants et, après coup, de noyer dans l'écoulement des groupes que j'avais spécialement conçus pour cela. Mais les pouvoirs publics ont craint que cette double innovation ne retarde le projet de la Rance qui devait servir de protoype. Ils ont construit un barrage classique équipé de mes groupes. Résultat : le défaut de rentabilité a été tel que personne n'a plus parlé d'usine marémotrice.

Même résultat encore pour mes moteurs linéaires de conception révolutionnaire que j'avais prévus pour être disposés sur la voie et exercer leur poussée sur des induits portés par les rames. Les pouvoirs publics ont décidé que mes moteurs seraient placés sur les véhicules. Il fallait alors équiper d'induits la totalité de la voie, et en outre, on perdait l'avantage de la simplicité de l'équipement électrique. Pendant vingt ans les projets non rentables se sont succédés alors que les devis des sous-traitants qui ont accepté de faire des propositions pour la technique des moteurs sur la voie faisaient apparaître un prix global divisé par trois.

Même résultat encore avec mon auto électrique pour laquelle, au départ, les pouvoirs publics m'avaient imposé une auto existante et qui, en profitant des structures simplifiées autorisées par sa motorisation originale, voit maintenant son prix et son coût au kilomètre roulé divisés par plus de deux.

La nécessité de revenir au point de départ s'est également manifestée pour ma recherche sur les corpuscules électrisés. Il est vite apparu évident que, pour rattacher leurs propriété ondulatoires à leurs propriétés corpusculaires, il fallait unifier ces dernières, c'est-à-dire revenir aux questions de base : en quoi l'espace peut-il se différencier pour nous donner la perception de choses localisées ? quel lien existe-t-il entre cette différenciation et la perception que nous en avons sous forme de champ électrique ? Quel lien existe-t-il entre l'espace et le temps ? que représentent les équations de la relativité, la masse, le champ magnétique ?... Une fois apportées les réponses à ces questions, les propriétés ondulatoires des particules ont eu leur place toute trouvée.

Enfin, dans le domaine de la sociologie, c'est en remontant aux origines de la vie, que Marcel BÉTINAS a découvert en quoi notre organisation sociale était anti-naturelle. C'est en remontant aux résultats de base sur lesquels un second ingénieur-conseil, Jean-Christian FAUVET a fait reposer les principes de ses interventions, que nous avons découvert ensemble les impasses dans lesquelles s'étaient engagés les partis politiques traditionnels. Enfin, c'est en redéfinissant les relations entre le capital et le travail qu'un troisième ingénieur-conseil, Marcel LOICHOT (X 1938, 1918-1982) a découvert la façon de fonder une économie spontanément créatrice d'emplois.

La marche en zigzag de la recherche

Du fait que le problème doit être en général repris à son point de départ, la recherche se déroule en terrain inconnu. Les obstacles se multiplient donc sur son parcours et conduisent à une démarche d'autant plus zigzagante que, bien souvent, en corrigeant une erreur on pose un nouveau problème qu'il faut résoudre avec, là encore, un risque d'erreur...

Les partenaires et l'entourage du chercheur s'accommodent mal de ces changements perpétuels d'orientation. Le chercheur passe pour ne pas savoir ce qu'il veut, ne pas écouter les conseils qui lui sont donnés... On lui reproche également de ne pas davantage faire appel aux sous-traitants qui, étant spécialisés, lui éviteraient bien des erreurs. Mais l'accusation implicite qui lui est ainsi infligée ne semble pas justifiée. Dans le brouillard qui recouvre une recherche, il est difficile de délimiter un problème particulier avec assez de précision pour qu'il soit possible de le sous-traiter. Si l'on veut, la classique distinction entre l'ingénieur à forte culture scientifique capable de concevoir, et l'ingénieur à bonnes connaissances en technologie capable d'exécuter, repose sur une double erreur :

  • la première est qu'entre la science et la technologie prend place la technique : l'ingénieur sorti d'une grande école traditionnelle n'en connaît guère que le vocabulaire et l'ingénieur issu de l'enseignement technique a bien souvent des connaissances scientifiques insuffisantes pour la maîtriser ;
  • la seconde est que le dialogue est rendu difficile par l'absence de langage commun.

    Les particularités de la recherche technique

    La principale particularité de cette recherche est que son coût la met sous la dépendance de bailleurs de fonds. A cet égard, la situation se détériore de décennie en décennie avec la mainmise progressive de l'Etat sur la recherche industrielle. Les fonctionnaires n'ont pas droit à l'erreur alors que, dans le domaine de la technique, le progrès ne peut guère s'effectuer qu'en réalisant des expérimentations successives et en corrigeant chaque fois les erreurs commises. Le malentendu commence dès la préparation du contrat : le fonctionnaire demande un programme alors que le chercheur ne peut pas savoir d'avance quelles erreurs il va commettre et, par conséquent, ce qu'il lui faudra recommencer. Le résultat est qu'il a épuisé ses crédits bien avant d'avoir abouti, et qu'il lui faut trouver un nouveau partenaire.

    Les particularités de la recherche scientifique

    Si je voulais faire la liste de ceux qui m'ont apporté une aide décisive dans la conception des techniques dont il vient d'être question, puis, une seconde liste de ceux qui, au moins pendant un certain temps, ont réservé un bon accueil à ces techniques, il y en aurait des pages et des pages. Au contraire, en ce qui concerne la physique, il n'y aurait de nom si sur la première liste, ni sur la seconde.

    Ce n'est pas ma propre façon de procéder qui est à incriminer car, devant la difficulté plus grande du problème posé, j'ai davantage cherché à établir des contacts. Ce n'est vraisemblablement pas non plus la validité des résultats obtenus car c'est sans doute à propos de cette recherche qu'ils sont le plus originaux et le plus complets. L'explication semble plutôt liée au désarroi des physiciens devant la remise en cause des grands principes de la physique : que signifie au juste déterminer une grandeur par une loi de probabilité ? Comment interpréter les relations d'incertitude ? Comment s'habituer à la notion de principe anthropique... Les mathématiciens qui ont montré toute l'affaire n'ont pas à se poser ce genre de questions, tandis que les philosophes et les auteurs d'écrits de vulgarisation sont à la fête. En revanche, les physiciens, eux, ne savent quoi penser, et évitent le sujet.

    La recherche dans le domaine sociologique

    Dans ce domaine, les aides que j'ai reçues de l'extérieur ont été largement prépondérantes et par conséquent, de ce côté, j'ai trouvé une grande différence avec la recherche précédente. En revanche, l'accueil a été tout aussi défavorable : il existe tellement de théories sur l'organisation sociale, politique ou économique que, dans l'un et l'autre de ces trois domaines, chacun finit tôt ou tard par en adopter une, et, par la suite, ne voit vraiment pas pourquoi il l'abandonnerait au profit d'une autre.

    Comment aider le chercheur

    Le chercheur bénéficie d'une sorte d'état de grâce. Alors que son entourage et ses partenaires le voient pataugéer d'échec en échec, lui-même se voit voler de minuscule victoire en minuscule victoire : celles qui résultent de la correction des erreurs responsables de ses échecs. Alors que, vu de l'extérieur, le chercheur semble traîner derrière lui un passé lourd de prototypes ratés, lui-même se sent tiré par l'image de l'objectif qu'il espère atteindre et qui, de perfectionnement en perfectionnement, lui apparaît comme de plus en plus éblouissant. Le chercheur n'est donc pas tellement à plaindre mais, il faut avoir pitié de ses victimes. De plus, faisant naître des techniques nouvelles, il crée des emplois et, en trouvant les conditions d'une organisation sociale meilleure, il en évite la destruction. Il faut donc lui faciliter la tâche. Je vais montrer ce que dans le domaine de la technique, il est possible de faire pour cela.

    La désétatisation de la recherche

    Sans parler de la recherche d'Etat qui est paralysée par l'obligation d'établir un programme un ou deux ans à l'avance, l'intervention de l'Etat dans l'aide à la recherche est par elle-même source d'inefficacité. Il faut, en effet, que les fonctionnaires chargés de cette aide effectuent un tri parmi les propositions qui leur sont faites et, comme il s'agit en majorité d'Ingénieurs sortis d'une grande école, ils sont bien obligés de se fier à des critères qui n'ont rien à voir avec la technique. Même s'il s'agit des travaux d'un chercheur isolé pour lequel l'organisme d'aide a trouvé un partenaire industriel, par la force des choses, ce dernier est souvent davantage motivé par l'appât de la subvention que par le désir réel de voir aboutir la technique qui lui est proposée.

    Des crédits aux entreprises

    Cette proposition de réforme est le complément de la précédente : les crédits actuellement affectés à la recherche seraient attribués sous forme de prêts à faible taux d'intérêt aux entreprises qui en feraient la demande et qui seraient suffisamment prospères pour offrir de bonnes garanties de remboursement. En fait, il est bien évident qu'une partie seulement de cet argent irait à la recherche, mais les sommes correspondantes seraient tellement mieux utilisées que, à cet égard, la collectivité ne serait sans doute pas perdante. Et comme le reste irait à des investissement typiquement créateurs d'emplois, elle serait même gagnante. Elle le serait doublement car le remboursement des prêts serait beaucoup mieux assuré qu'avec le système actuel. On pourrait encore améliorer les choses en distribuant aux entreprises les fonds de relance habituellement affectés à des travaux d'intérêt général et à la consommation. Là encore, une partie seulement de ces fonds serait utilisée pour la recherche, mais on aurait l'assurance que, d'une part, pour leur quasi totalité ils seraient créateurs d'emplois, de l'autre, ils donneraient lieu à des remboursements, permettant ainsi d'amorcer une spirale de croissance.

    Une formation technique donnée aux Ingénieurs des grandes écoles

    Dans le domaine de la recherche technique toute lacune dans les connnaissances scientifiques ou techniques se paie très cher (la technologie, elle, peut s'acquérir sans trop de difficulté après la période scolaire). Comme aucune école française ne délivre les deux enseignements, nous subissons de ce fait un handicap par rapport à d'autres pays. Il est plus facile de développer l'enseignement technique dans ce que l'on appelle les grandes écoles que l'enseignement scientifique dans les autres. C'est donc là une réforme qui s'impose d'autant plus que la collectivité y gagnerait en voyant se relever le niveau technique de l'ensemble de l'administration. Les aides à la recherche verraient leur efficacité augmenter et, par conséquent, la collectivité serait doublement gagnante. Elle le serait même triplement car, qu'ils le veuillent ou non, les Ingénieurs que l'on trouve dans les ministères sont considérés par les milieux politiques et administratifs comme compétents en matière de technique et ils endossent des responsabilités pour lesquelles ils ne sont guère préparés.

    Des aides personnalisées

    Etre inventeur est une vocation qui se manifeste dès l'enfance et, de lui-même, l'intéressé s'y prépare très tôt par une activité extra-scolaire grâce à laquelle il acquiert une méthode de travail bien particulière. Une fois cette méthode en main, elle peut conduire à des réussites dans n'importe quel domaine de la technique et, par conséquent, les aides à la recherche gagneraient en efficacité si l'un des critères d'attribution était le passé du candidat en matière d'invention.

    Ce traitement de faveur étant demandé au nom de tous les inventeurs, je vais me permettre, en leur nom également, de présenter l'excuse que l'on peut formuler pour cette exigence : cette excuse est que, pour avoir vu grandir, se perfectionner, s'épanouir nos inventions, nous croyons très fort aux services qu'elles peuvent rendre à la collectivité. Pour ma part, depuis plus de vingt ans j'ai devant les yeux le tableau de villes du futur où le télébus jouera, d'immeuble à immeuble, le rôle que les ascenseurs jouent actuellement d'étage à étage ; où, grâce à de tout petits moteurs à essence, des autos électriques peu coûteuses et peu encombrantes pourront, une fois sorties des villes, rouler sans limitation de rayon d'action à 120 km/h ; où à la périphérie de ces villes on trouvera une multitude de logements à chauffage rendu gratuit par le soleil, où, enfin, le long des fleuves et rivières, les citadins pourront se détendre grâce à des installations nautiques et à des plages créées par des barrages aménagés pour la production d'électricité.

    Un programme d'action en commun ?

    Dans le cadre de notre association, nous avons passé tant de milliers d'heures à dessiner et réaliser chaque prototype, tant d'autres à déterminer le meilleur moyen d'utiliser chaque découverte, que, pour nous période de la recherche semble maintenant dépassée. C'est la mise en oeuvre de nos inventions et découvertes qui représente notre problème actuel.

    Ce problème est rendu difficile par le fait qu'il est pratiquement indispensable de mener toutes les questions de front. On voit en effet mal comment pourrait être mise en place l'organisation politique que permet de concevoir la découverte de Jean-Christian FAUVET dans un contexte où le taux de chômage est élevé. D'un autre côté, on ne peut pas s'attaquer de façon efficace au chômage sans utiliser la découverte de Marcel LOICHOT et sans créer la multitude d'emplois de dépannage qu'autorise celle de Marcel BÉTINAS. Enfin, pour faire en sorte que ces emplois de dépannage soient pleinement profitables à l'ensemble de l'économie, il faut les créer dans activités innovantes comme celles dont il a été question.

    Pour mettre en oeuvre cet ensemble de réformes, il faut que nous soyons, non plus seulement une poignée, mais bien des milliers et des milliers, de manière à pouvoir lancer un mouvement placé au-dessus de la discussion politique et qui, peu à peu, provoque le ralliement d'une partie suffisamment importante de l'opinion publique, il est clair que l'industrialisation des autos électriques et du télébus aidera à ce ralliement mais, dans le contexte de morosité qui règne actuellement sur l'industrie, il n'est pas certain que nous arrivions à réaliser cette industrialisation sans qu'un commencement de ralliement nous en donne les moyens. C'est donc sur un appel aux camarades que je terminerai ce propos, accentuant ainsi son caractère tendancieux.


    En octobre 2005, la Jaune et la Rouge reproduit un extrait d'un article paru dans son numéro 87, octobre 1955, signé J. Guimbal :

    La centrale prototype de Castet

    ... La centrale de Castet avec ses 2 000 CV répond de façon si logique à toutes les questions que l'on peut se poser touchant l'utilisation des chutes les plus basses - grands fleuves ou baies à fortes marées - que de magnifiques espoirs sont maintenant permis et nous animent tous, nous les vingt ou trente ingénieurs qui avons mené cette chose à son achèvement.

    Donc, parmi les abstractions qui m'étaient enseignées puis que j'enseignai à mon tour, s'est formée peu à peu celle d'un barrage réduit à une série de cadres évidés, si légers que leur prix propre deviendrait peu de chose, que l'on pourrait fabriquer en série sur le rivage, puis poser dans l'eau côte à côte, en plein courant sans que l'ensemble réalise une obstruction sérieuse du fleuve ou de la baie. Sur cette série de squelettes bien assis sur le fond, un pont roulant viendrait poser des vannes et des ensembles composites entièrement immergés qui fussent à la fois des turbines et des alternateurs. L'idée du groupe monobloc était née et j'étais bien loin de penser qu'il me faudrait tant d'années et tant d'aide pour lui donner une réalité. Il me fallut plusieurs années pour apprendre, au cours de stages à l'Alsthom et à Neyrpic, à dimensionner un alternateur et une turbine. Cela me causa d'ailleurs une terrible déception : décidément, l'idée était irréalisable : un alternateur est une machine énorme qui nécessite tout un monde d'auxiliaires ; il était impossible de mettre tout cela dans l'eau. J'essayai de recoller les morceaux brisés et de reprendre l'étude du barrage à éléments mobiles avec des groupes classiques. Mais il fallait tricher de tous les côtés et je n'oserai jamais ressortir de son tiroir l'avant-projet que j'ai rédigé à ce moment-là.

    Et puis peu à peu, à mesure que j'apprenais à manier la règle à calcul avec plus de hardiesse, turbine et alternateur perdaient un peu de leur incompatibilité d'humeur et je reprenais espoir d'arriver à un ensemble monobloc harmonieux. C'est en 1949 que fut fait le pas décisif qui allait me permettre d'affronter les vrais techniciens : un jour, pris de je ne sais quelle fantaisie, j'imaginai de calculer la puissance qui serait perdue par frottement si l'alternateur était rempli d'huile. A ma grande stupéfaction j'arrivais à 0,5 % de la puissance fournie. Bien entendu je m'étais trompé ; au su du nombre de Reynolds j'avais compté sur un régime laminaire alors que dans ce type de mouvement la turbulence apparaît très vite. Mais, lorsque nous avons appris cela, nous avons appris en même temps que cette turbulence restait peu prononcée et qu'elle n'arrivait même pas à doubler les pertes. Dès lors le problème était résolu, l'huile assurait l'étanchéité. Elle assurait aussi le refroidissement dans des conditions telles que je pouvais diminuer encore les dimensions de l'alternateur, elle assurait enfin la lubrification, et je pouvais me présenter devant un président-directeur général.

    Mais il y a une quinzaine de jours je suis passé à Castet qui se trouvait à une distance inespérée de Biarritz. M. Chamayou, directeur du service de l'énergie électrique à la S.N.C.F., a fait là une centrale bijou digne du rôle de centrale vedette. L'allure ramassée des groupes, la simplicité idéale de construction du barrage font une grosse impression. Lors de la visite, l'imagination vagabonde vers des kilomètres de barrage équipés de groupes qui seraient les grands frères de ceux de Castet. Par dessus ces groupes, on imagine des vannes géantes et l'on ne craint plus ni les grandes crues ni les tempêtes ; au fond de son alvéole le groupe restera prêt à transformer l'énergie de l'eau en courant électrique. Au moindre signe de défaillance on le sortira de l'eau au bout du crochet d'un pont-roulant et l'on en mettra un identique. Quelque part en France, une usine puissante sortira des groupes en série et les expédiera au fur et à mesure des besoins sur le Rhône, sur la Garonne, sur la baie du mont Saint-Michel ou de l'autre côté de la terre. Mais tout ceci n'est plus seulement du domaine de l'imagination. Déjà les séries de petits groupes en siphon ont été dimensionnees. Déjà les commandes de groupes de 10 000 CV ou plus sont passées ou en pourparlers. Que les bétonniers suivent le mouvement, que les grands services d'équipement aient l'audace d'aller plus loin encore que les premières conceptions qui ont présidé à cette technique, et nos arrière-petits-conscrits ne pourront pas nous reprocher de nous être laissé aller dans un conformisme paresseux. ...