Théophile Marie Joseph HAVARD-DUCLOS (1865-1920)


Havard-Duclos en 1889, élève de l'Ecole des Mines de Paris
(C) Photo collections ENSMP

Né le 5/11/1865, à Paris.
Son fils Daniel se marie avec Madeleine MALLEZ le 2 août 1922. Sa petite-fille Janine naît le 5/3/1926.

Ancien élève de l'Ecole des mines de Paris (promotion 1886) : admis en classe préparatoire le 27/8/1885, classé 36 ; admis comme externe le 10/7/1886 ; diplômé le 8/6/1889, classé 8. Ingénieur civil des mines.


Bulletin de l'Association amicale des anciens élèves de l'Ecole des mines de Paris, Juillet-août-septembre 1920 :

Notre camarade et ami Havard-Duclos vient de succomber, emporté par le typhus, dans les prisons de Moscou, ou il était retenu depuis le mois de juin 1919. C'est ce qui a fait dire à un médecin de l'hôpital français de Pétrograd, le docteur Marcou, que sa mort était un véritable assassinat.

S'il n'est pas tombé, comme beaucoup d'autres, sous les balles allemandes, il n'est pas moins vrai de dire qu'il fut une véritable victime du devoir civique pendant la guerre, et c'est avec raison que son nom est gravé sur le marbre à l'Ecole des Mines.

Sorti de l'Ecole en 1889. il entrait aussitôt aux mines de Lens, où, après quelques stages dans lesquels il se fait remarquer, il fut chargé du service du puits n° 6. Dans ce poste important, il ne tarda pas à déployer ses véritables qualités d'ingénieur, tant au point de vue technique que sous le rapport social : vivant près de l'ouvrier, participant aux distractions de ses jours de repos, fondant pour lui des associations instructives, éducatives et sportives, lui apportant dans des conférences d'un sens très pratique le goût de l'étude et du perfectionnement moral.

Il resta quatorze ans aux mines de Lens, qu'il ne quitta d'ailleurs, avec les regrets de ses collègues et amis, que distingué spécialement par son directeur général, M. Elie Reumaux, pour aller prendre à Constantinople la direction des charbonnages d'Héraclée, dont M. Reumaux était alors ingénieur-conseil.

Sous son impulsion énergique et ses directives intelligentes, de grands progrès furent réalisés pendant les cinq années qu'il y resta, mais il dut quitter son poste par suite d'un changement complet survenu dans la direction générale de l'entreprise.

Après un court séjour en France, qu'il mit à profit pour se familiariser dans la pratique des sondages, il fut appelé par la Société de Huta-Bankowa à la direction générale des mines de Dombrowa, en Pologne russe, où il était encore au moment de la déclaration de guerre.

Revenu en France peu après, et dégagé de toute obligation militaire, il retourna en Russie au mois de novembre 1914 pour surveiller les intérêts de la Société. Il ne devait plus revenir !

A Pétrograd, il fut le collaborateur du regretté P. Darcy, dans la gestion d'une partie importante des intérêts français.

C'est à ce moment-là, en effet, qu'il fut successivement nommé administrateur délégué de la Société « La Providence Russe », de la Société d'Industrie houillère de la Russie Méridionale, secrétaire général de la Société Métallurgique de l'Oural, qui était devenue l'une des plus importantes entreprises industrielles russes, par suite de son amalgamation avec la Société Métallurgique Donetz-Youriewka, toutes sociétés créées ou réorganisées avec le concours des capitaux français.

C'est à cette occasion que le gouvernement français le nomma chevalier de la Légion d'honneur, en 1919.

On sait trop comment tournèrent les événements et comment furent anéanties les espérances russes. Il ne lui fut donc pas permis de déployer ses qualités techniques et administratives dans les diverses fonctions qu'il avait acceptées et où il aurait apporté toute son expérience et son intelligente activité ; mais on peut être sûr qu'il y aurait mis toute son âme et toute sa science.

Dans les correspondances qui parvenaient en France, dans les premières années de son séjour en Russie, il dépeignait quelquefois ses craintes, mais le plus souvent ses espoirs, car il était de ceux qui ne désespèrent pas ; il nous disait ses idées, ses projets, ses rêves même, car il était devenu un peu slave. Tout cela s'est effondré dans le cataclysme général.

Il était partout où il pensait qu'il y avait un devoir à remplir ; il s'y dépensait avec la même activité et toutes les forces de son âme chrétienne ; aussi devint-il le collaborateur intime de Pierre Darcy dans les œuvres françaises de bienfaisance ou d'intérêt général à Pétrograd.

Administrateur de l'hôpital français, de l'Alliance française, membre du Comité de la colonie française, il n'avait pas hésité, après la mort tragique de P. Darcy, en novembre 1918, à assumer les lourdes responsabilités de sa succession dans les œuvres de protection de nos compatriotes en Russie.

Ces circonstances ont certainement été la cause prédominante de son arrestation et conséquemment de sa mort, survenue le 20 janvier dernier.

C'est sa haute conscience du devoir qui ne lui permît pas de quitter Pétrograd au moment où il le pouvait encore ; comme le capitaine à bord de son bateau qui sombre, il voulut être le dernier à partir : mais il était alors trop tard : la frontière était fermée.

On en connaît aujourd'hui les fatales conséquences.

C'est au moment où il allait revenir en France avec d'autres compagnons de souffrance et de misère, c'est au moment où sa famille attendait anxieusement son retour, après une séparation de plus de cinq années, pendant lesquelles elle vécut les heures les plus douloureuses, qu'elle apprit que notre ami avait succombé et, ironie du sort ! quelques heures après la joie que lui avait apporté le mariage du fils aîné. Qu'elle reçoive ici le témoignage ému de notre profonde sympathie.

Nous conserverons toujours pieusement dans notre esprit et notre cœur, le souvenir de notre camarade et ami, mort victime des exactions de la révolution russe.

P. Coulbaux.


Graffiti autographe de Havard-Duclos dans les catacombes parisiennes laissé alors qu'il était élève de l'Ecole des mines de Paris.
Crédits photographiques : Ecole des mines de Paris et Aymeline Wrona. Photo réalisée sur une idée de Gilles Thomas.
Voir aussi : Les murs de l'histoire / L'histoire des murs, par Gilles Thomas