Barthélemy-Michel HAZON (1722-1822)

Le texte qui suit est tiré du livre LES BRONGNIART, par Louis de Launay, Librairie G. Rapilly et fils, 1940.

Extrait du Chapitre X
ASCENDANTS MATERNELS. LA BRANCHE COQUEBERT DE MONTBRET ET HAZON. LA VIE A L'ÉCOLE DE ROME EN 1746

[...]

Barthélémy-Michel Hazon-Malinguehen, écuyer, seigneur de Cantiers, architecte du Roi, intendant général et ordonnateur des palais, bâtiments, jardins, arbres, académies, manufactures du Roi, contrôleur général des bâtiments du département de Choisy-le-Roy et de celui de Versailles, contrôleur des bâtiments de l'École militaire de Paris, membre de l'Académie royale d'architecture sous Louis XV et Louis XVI, chevalier de l'ordre royal de Saint-Michel, a vécu presque centenaire, ce qui lui a valu d'être intimement mêlé à la vie d'Alexandre Brongniart, tout en apportant des souvenirs d'un état de choses disparu. Ses nombreux portraits nous permettent de nous le représenter, d'abord jeune artiste sérieux et souriant, puis vieillard s'amusant à piocher son jardin de Cantiers [Il avait installé dans son parc un grand jeu d'oie avec toutes ses stations. On y voyait au naturel le puits, l'hôtellerie, la barrière, le pont cassé, etc., de grands panneaux peints qu'on accrochait aux arbres représentaient les oies blanches ou noires avec de charmantes têtes de femmes coiffées à la mode du temps. Les dés qui étaient de gros cubes de bois de 18 à 20 cm existaient encore en 1869. Ainsi que quelques toiles]. Ayant commencé par être avocat au Parlement, il remporta en 1745, le grand prix de l'Académie et partit ainsi comme pensionnaire du Roi à Rome. Après quoi, il devint architecte officiel, dirigea sous Gabriel les travaux de l'École militaire, planta les parcs de Versailles et du grand Trianon et conquit successivement tous les titres que nous avons énumérés. Nous allons revenir sur ses lettres de jeunesse.


Mme Barthélémy-Michel Hazon, née Marie-Madeleine de Malenguehen, pastel de Voiriot
Collection André Brongniart

La vie à l'école de Rome en 1746

Au XVIIIe siècle, on ne voyageait guère aussi loin que l'Italie sans rédiger sous forme de correspondance ou de journal des impressions qui faisaient aussitôt le tour de tout un petit groupe. Beaucoup de ces récits nous sont parvenus imprimés ou manuscrits et celui dont je vais donner des extraits a eu sans doute bien des frères ignorés. Sur l'École de Rome, nous possédons en outre la Correspondance des Directeurs et l'histoire de l'Académie de France à Rome par Lapauze, avec divers mémoires de détail. On nous dépeint surtout cette école du côté de la direction. Il peut y avoir quelque intérêt à la voir également du côté des élèves. C'est le renseignement que va nous apporter une correspondance de famille entretenue pendant ses trois ans de séjour, de 1746 à 1749, par l'architecte Barthélémy-Michel Hazon, futur membre de l'Académie des Beaux-Arts, dont la vie, presque centenaire, devait se prolonger juqu'en 1818.

De cette correspondance, nous négligerons tout ce qui est description de Rome, de Naples ou des autres villes italiennes, pour envisager uniquement la vie à l'École et ce qu'un pensionnaire de l'Académie pouvait connaître de la vie romaine : à savoir son côté extérieur, décoratif et en quelque sorte architectural. Le récit des fêtes religieuses ou profanes tient une très grande place dans ces lettres. L'auteur y prend visiblement un intérêt particulier. Mais il est clair aussi qu'elles occupaient beaucoup l'esprit des romains au XVIIIe siècle, comme elles ont occupé leurs ancêtres depuis l'antiquité et leurs successeurs jusqu'aux temps contemporains. Hazon les regarde, en bon catholique français, un peu étonné parfois mais nullement hostile.

Il est même regrettable pour notre curiosité qu'il ne soit pas plus malicieux. Ce brave jeune homme est très déférent, très sage, très circonspect et l'on ne doit pas s'attendre à trouver sous sa plume des anecdotes plus ou moins scandaleuses qui auraient pu nous amuser, sauf à lui faire commettre quelque léger péché de médisance.

Hazon, fils d'un Conseiller au Châtelet, en relation avec le Directeur des Bâtiments du Roi, Tournehem, père présumé de Mme de Pompadour, le fermier général de Laborde, etc., et d'abord avocat au parlement, avait mérité en 1745, à 23 ans, le second grand prix de Rome d'architecture et il obtint ainsi de partir pour Rome en 1746, quoique à cette époque, les choix fussent très arbitraires et les architectes très sacrifiés. Il se mit donc en route le 24 mars 1746 pour n'arriver à Rome, sans avoir flâné, que plus de deux mois après, le 2 juin. Le récit de ce voyage, dont la lenteur contraste avec les facilités modernes, forme un utile préambule à la vie romaine. Quand on partait pour Rome à cette époque, c'était pour y rester trois ans sans interruption et être séparé de Paris et de sa famille par une distance que les courriers avaient quelque peine à franchir. Cette difficulté des communications ne tenait pas seulement à l'insuffisance des moyens de transport, mais encore plus aux circonstances militaires. On était alors, en effet, en pleine guerre de succession d'Autriche (1741-1748). La France, alliée à la Prusse et à l'Espagne, tenait tête à l'Autriche, à la Sardaigne, à l'Angleterre, à la Saxe, à la Hollande et, tandis que, sur le front septentrional, nous étions vainqueurs à Fontenoy (1745) et à Lawfeld (1747), sur le front italien, la guerre, après quelques premiers succès, était moins heureuse, en sorte que les routes d'accès continentales vers l'Italie n'étaient point sûres pour les paisibles voyageurs. Hazon dut, ainsi que ses camarades, adopter la route de mer, elle-même très incertaine, c'est-à-dire descendre le Rhône par le coche d'eau et choisir à Marseille le bateau qu'on lui conseilla comme le moins exposé. La côte était battue par les corsaires anglais qui arrêtaient et coulaient les bateaux, ou tout au moins dépouillaient les passagers. Gênes offrait dès lors un point de mire aux Autrichiens qui devaient s'en emparer au mois de novembre et même peu après envahir la Provence. D'où toute une série d'incidents qui ne laissent pas de prêter à ce petit voyage, aujourd'hui si simple, une couleur pittoresque.

Hazon avait choisi à Marseille, un navire Livournois dont la nationalité semblait une garantie de neutralité ; mais il ignorait en partant que ce navire transportait des farines pour l'armée de France : ce qui le mettait à la merci des Anglais. C'était un petit voilier ponté à 12 hommes d'équipage et 5 ou 6 passagers qui devait, moyennant 27 livres, transporter notre voyageur à Livourne, à la charge pour lui de se nourrir. Donc, le 27 avril au matin, comme la pinque est déjà sortie en mer, vers le château d'If, Hazon commence par la rejoindre sur une chaloupe qui danse outrageusement. Après quoi, en deux jours, on arrive à peine aux îles Sainte-Marguerite où le vent devient tellement contraire que Hazon et son ami le peintre Voiriot demandent à se faire débarquer à la tour de Jouan pour gagner à pied Villefranche où le bateau les rejoindra. Ils empruntent donc à un officier un sabre de housard et partent bravement dans l'accoutrement qu'ils avaient adopté sur le bateau, Hazon ayant « sur la tête un bonnet de nuit et son chapeau par-dessus sans perruque ». Mais à peine ont-ils dépassé Antibes que la pluie les prend et les force à se réfugier dans le village montagnard assez farouche de Cagne où, sur leur mauvaise mine, on leur refuse d'abord du feu pour se sécher et du fromage pour se réconforter. Ils gagnent enfin péniblement Villefranche, où ils se trouvent « en terre d'Espagne » et où des officiers de passage leur apprennent que deux frégates anglaises, dangereux adversaires, croisent sur la côte. Mais, pour les consoler, on leur dit que la voie de terre n'est pas meilleure, étant exposée aux attaques des Barbets qui sont des paysans pillards de la montagne. En attendant de pouvoir continuer sur leur bateau, voilà Hazon et ses quatre compagnons à la recherche d'une auberge : recherche si difficile qu'ils doivent enfin se contenter d'un seul lit pour cinq dans une chambre où des officiers qui soupent bruyamment les empêchent de dormir.


Barthélémy-Michel Hazon, pastel de Voiriot
Collection André Brongniart

Enfin leur bateau remet à la voile et les conduit à Monaco. « La situation de cette ville, écrit Hazon, est assez singulière ; elle se trouve sur un rocher fort élevé et presque entouré par la mer. Lorsqu'on y est monté, la ville est toute de niveau. Il y a une place devant le palais du Prince; toutes les maisons y sont peintes en marbre; mais tout cela est en assez mauvais état. » Après quoi, ils font encore escale à Oneille et à Savone et finissent par débarquer à Gênes, où l'encombrement et la difficulté de se loger sont les mêmes qu'à Villefranche. Ils trouvent cependant dans un faubourg, une auberge bien génoise : « C'est une espèce de palais; l'escalier est tout de marbre; les chambres en sont carrelées; les plafonds couverts de peintures. »

Là on les engage à quitter leur bateau trop menacé pour prendre une feloupe, c'est-à-dire une galère non pontée et munie d'avirons, sur laquelle, ils courent, leur dit-on, moins de risque, pouvant gagner la terre dès qu'ils apercevront quelque bâtiment suspect. « Le temps était fort calme; mais nous avions huit rameurs infatigables qui y ont suppléé. Vers le coucher du soleil, nous vîmes bien que ce qu'on nous avait dit à Gênes n'était pas une fable, car nous entendîmes ronfler le canon et à coups redoublés pendant l'espace d'une heure. Notre patron jugea que c'était une rencontre de quelque bâtiment anglais avec un espagnol ou un français à huit ou dix lieues de nous » (Il y eut à ce moment huit vaisseaux coulés à fond).

Les voici maintenant à Livourne. « Le port est fort beau ; nous y avons vu des bâtiments très forts tant anglais que hollandais et autres; pour des français nous n'y en avons vu que 4 ; encore ont-ils été conquis, ils n'y sont pas bien venus dans cette condition. Nous allâmes voir la synagogue des juifs et nous leur avons vu faire leur prière au coucher du soleil. On dit que l'on en compte 14 à 15.000 et ils sont fort puissants et la plupart fort riches. »

De Livourne, leur projet était de gagner Civita-Vecchia dans une autre feloupe et ils avaient déjà fait prix pour 7 livres ; mais le vent reste toujours contraire et ils se décident à louer une chaise pour atteindre Rome par Florence. Là ils se retrouvent en milieu artiste, un peu cosmopolite, mais aussi français, très accueillant et ils font la connaissance amusante d'un certain original nommé le Baron de Stosch (ou de Stock) qui, solennellement, les reçoit « Chevaliers du Hibou ». Voici en quoi consiste cet ordre peu banal qui est déjà une émanation de l'esprit romain.

« Quelques vingt-cinq ans auparavant, écrit Hazon, le baron de Stock habitait déjà Rome en curieux, lié avec tous les membres de l'Académie de France. Ces Messieurs étant un jour ensemble hors de la ville à dessiner des ruines, le Baron de Stock trouva un nid de hiboux dans lequel il y en avait un entre autres qui était tout blanc; ce rare oiseau fut aussitôt enlevé; on l'emporta à Rome en triomphe et l'on prit soin de son éducation autant que le méritait un animal aussi distingué. Lorsqu'il eût atteint l'âge de discrétion, on le vit répondre à tous les soins qu'on s'était donnés pour lui dans son enfance ; enfin jamais hibou ne fut moins hibou que notre auguste oiseau. Un jour que M. de Stock avait prié à dîner ces messieurs de l'Académie, auxquels il avait associé plusieurs autres personnes d'un très rare mérite (mais toute la compagnie n'était composée que de poètes, architectes, peintres et sculpteurs), quelqu'un de la bande se mit à dire qu'il ne manquait dans leur compagnie que quelque grand seigneur qui voulut faire bâtir un palais, et qu'à eux tous ils pourraient faire quelque chose de passable. Lorsque chacun eut bien battu la campagne sur ce sujet, le Baron de Stock éleva la voix et dit : « A quoi bon, Messieurs, faire tant de châteaux en Espagne pour un homme qui n'existe pas ? » et, ayant mis son aimable hibou sur la table, « que n'employez-vous vos talents, dit-il, à la gloire de cet auguste oiseau plutôt que pour un sujet aussi chimérique que celui dont vous vous entretenez ? » Chacun fut de son avis. Les poètes se mirent aussitôt à rêver et donnèrent quelques couplets de chant en son honneur, les autres prirent leur crayon et dessinèrent ce charmant oiseau, et l'on établit cet ordre, dont j'ai l'honneur d'être, afin de transmettre à la postérité la mémoire de ce héros. Le Baron de Stock en fut établi le Grand Maître et l'on fit frapper des médailles pour en donner à chaque chevalier. D'un côté est le fameux oiseau dans les ruines au milieu desquelles on l'a trouvé et, sur le revers, cette inscription : « Impavidum ferient ruina ».

« M. Bouchardon, qui était pour lors à l'Académie de Rome, fit, à cette occasion, le portrait du Grand Maître en buste de marbre blanc et, sur l'agrafe qui attache la draperie sur son épaule, il a représenté cet auguste oiseau. Le Baron de Stock a fait graver ce buste et fait présent d'une épreuve à chaque chevalier. Nous avons vu dans un de ses portefeuilles nombre de dessins faits à cette occasion. Un qui nous a paru plus singulier que les autres est un arc de triomphe composé par un architecte qui était pour lors à l'Académie de France. Ce monument est couronné d'une statue équestre de ce héros, lequel est habillé à la romaine; au bas du piédestal sont quatre corbeaux enchaînés dont, pendant sa vie, il a toujours été l'ennemi déclaré. L'on voit encore en plusieurs endroits de l'Arc de triomphe, plusieurs batailles représentant les différentes batailles qu'il a remportées pendant sa vie contre ces mêmes ennemis. »

A Rome, où Hazon arrive le 2 juin, il soupe aussitôt avec ses camarades de l'École et voici sa première impression : « Ces messieurs m'ont paru pour la plupart fort sociables. Au dessert, on me pria de chanter quelque chanson française qui fut nouvelle. Tout se passe ici entre messieurs les pensionnaires sur un ton de politesse qui ne sent pas l'école. Il est même établi pour toute la société de payer une amende lorsqu'on lâche un terme un peu grossier. »

Le Directeur de l'École était alors de Troy (3e génération du nom) qui avait succédé en 1738 à Wleughels et devait occuper le poste jusqu'en 1752. C'était un homme froid, souvent assez brusque, mais défendant les élèves contre Paris et profitant de sa fortune pour les aider. Il était arrivé à Rome avec sa femme et une nombreuse famille. Il perdit sa femme en 1742 ; puis une de ses filles mourut de la poitrine. Il eut encore d'autres deuils qui devaient contribuer à son attitude un peu distante. Il travaillait beaucoup et fit, pendant son séjour à Rome, outre de nombreux portraits, une histoire d'Esther et une histoire de Jason chacune en sept cartons pour les Gobelins. A la fin de sa vie il était très absorbé par une passion sénile pour une jeune romaine. Le président de Brosses disait de lui : « C'est presque un seigneur avec un peu de vent dans la tête et qui, en peinture, ne connaît personne au-dessus de Véronèse si ce n'est lui-même. » Son prédécesseur Wleughels mangeait avec les élèves. De Troy cessa de le faire. La querelle des élèves mariés, qui s'est poursuivie jusqu'à nos jours, date de ce temps. On voulait que l'Académie fût un couvent !

Parmi les autres grands personnages de Rome que, naturellement un élève se bornait à voir en cérémonie, citons seulement l'ambassadeur de France. En 1745, l'archevêque de Bourges, bientôt cardinal de la Rochefoucauld, avait succédé à un intérim rempli par l'abbé de Canillac. A la fin du séjour de Hazon, en 1748, il fut remplacé par le duc de Nivernais.

L'Académie de France occupait alors sur le Corso le palais Mancini qui fut seulement en 1803 échangé contre la villa Médicis [suit une description de ce palais ...]

Hazon s'y installe : « Les meubles de notre chambre sont composés de un lit de quatre pieds garni de deux bons matelas, une paillasse, deux couvertures, un traversin et un oreiller. A l'égard de rideaux, l'on nous en souhaite, ils ne sont presque pas d'usage en Italie, non plus que les tapisseries; mais ceux de nos camarades qui sont les plus recherchés, se font un plaisir de peindre les murailles de leur chambre ; les uns d'une façon, les autres d'une autre. Nous avons outre cela un fauteuil et quatre chaises, le tout de paille, une grande table pour dessiner et une petite pour écrire, ayant chacune un tiroir. Le Roi nous donne, pour fournir à quelques menus frais comme papier, crayons, etc., tous les trois mois, 11 écus romains et 15 baïoques, ce qui revient environ à 56 livres de France.

A l'égard de la nourriture, elle est extrêmement bonne. L'on sonne à midi précise la campanelle et, lorsque chacun est rendu dans la salle à manger, l'on donne quelques coups de pied au plancher, l'on nous entend de la cuisine qui est au-dessous, et l'on apporte sur le champ la minestra, autrement dit la soupe. Notre dîner est toujours composé les jours gras de deux entrées avec le bouilli, un plat de rôti, une salade et le dessert et, en maigre, il y a un plat de plus. Le soir, toujours la minestra, un plat de rôti, une salade et le dessert; il est d'usage en Italie, de manger beaucoup moins le soir que le matin. Le vin y est couleur de vin d'Espagne et ni bon ni mauvais. Il n'y est point réglé pour la quantité non plus que le pain. Tous les matins l'on nous apporte dans le corridor, une corbeille dans laquelle il y a autant de pains de demi-livre que nous sommes de bouches, avec une grande bouteille d'environ 6 pintes et chacun va prendre ce qu'il lui faut et l'emporte dans sa chambre. Le cuisinier est un homme qui a fait marché avec M. de Troy, de nous nourrir moyennant 27 baïoques et demi par tête, ce qui revient à 30 francs par jour pour l'École; on ne serait pas si bien en France pour le même prix. Lorsque l'on veut prier un ami à dîner, cela nous est très permis en donnant au cuisinier un paul qui revient environ à 11 ou 12 sols de France; lorsque l'on va dîner en ville, on en avertit le cuisinier et on peut une autre fois prier un ami à la place sans qu'il en coûte rien; lorsque l'on va passer quelques jours à la campagne, on peut se faire rendre par le cuisinier autant de pauls que l'on a manqué de repas; il y en a qui le font, mais cela ne me paraît pas bien noble.

En carême, la nourriture est la même que pour les autres jours maigres de l'année; c'est-à-dire le matin, la soupe, un plat de poisson, un plat de macaroni qui est toujours de fondation (c'est un ragoût dont on ne mange guère en France, qui est une espèce de pâte accommodée de façon qu'elle ressemble assez à des vers ; on y mêle ordinairement beaucoup de fromage) ; deux plats d'œufs, un plat de légumes et un plat de dessert. Pour le soir, les uns font collation et les autres soupent. On sert aux premiers 4 plats, savoir une salade et quelques autres drogues, comme riz, mendiants, fromage, etc. Il n'est pas permis à Rome de manger ni beurre, ni lait, ni œufs pendant le carême; l'on mange tout à l'huile, mais nous suivons l'usage de France. M. de Troy a la permission de carême pour toute l'Académie, même pour faire gras et il s'en rapporte là-dessus à notre prudence. »

A l'école de Rome on mangeait à la française; mais, pour compléter ce chapitre culinaire, ajoutons une observation de Hazon sur un dîner romain : « M. Goby, expéditionnaire de Cour de Rome, m'a prié à dîner. Il est habillé en abbé quoique marié : ce qui n'est point du tout rare dans ce pays. L'on nous a servi des mets à l'italienne, auxquels nous ne sommes pas encore bien accoutumés; c'étaient des ragoûts de différentes viandes, autour desquels était un cordon de tranches de citron et d'espèces de biscuits sucrés; je vous avoue que ce salé mêlé avec le sucré a un goût bien extraordinaire. Vive la cuisine française ! »

Voici encore quelques renseignements pratiques : « Nous avons un médecin, un chirurgien et de plus, un apothicaire aux dépens du Roi. Lorsque quelqu'un est malade, on lui donne une garde qui fait la cuisine et tout ce qui lui est nécessaire sans qu'il en coûte quoique ce soit. Aussitôt que le médecin trouve la maladie un peu dangereuse, il en avertit M. de Troy qui envoie chercher le confesseur du malade dans son carrosse...

... Je n'ai point de cheminée dans ma chambre, il n'y a que quatre des pensionnaires qui en aient, mais on s'en passe aisément. Nous avons, dans la salle à manger, un très grand brasier et, lorsque l'on sort de table, ceux qui ont froid emportent du feu dans un « mari » et l'on dit que cela est suffisant pour échauffer nos chambres. Ces maris sont de petits chaudrons de terre ou de cuivre comme on voit de pauvres femmes en porter en France. Le bois est fort cher ici. A l'égard de la lumière, on nous donne une livre de chandelle par mois dans nos chambres; si nous en usons davantage, nous nous la fournissons. Pour notre blanchissage, c'est nous qui le payons. C'est la femme du cocher de M. de Troy qui blanchit mon linge, ce qui fait qu'il ne sort pas de la maison, car nous avons une fort belle fontaine dans la cour avec un lavoir à côté. A l'égard des draps et des serviettes, c'est le Roi qui nous les fournit. »

... « Voici notre façon de vivre à l'Académie. M. de Troy ne mange jamais avec nous, mais dans son appartement avec M. l'Abbé Bruslon. Si nous perdons à être privés de sa compagnie, d'un autre côté, nous en sommes beaucoup plus libres, n'étant point obligés à bien des égards que nous serions obligés d'avoir pour lui... Nous posons le modèle chacun à notre tour; nous avons chacun notre semaine. Vous me demandez si nous avons ici des maîtres? Nous n'en avons aucun. La raison en est que, lorsqu'on nous envoie ici, l'on juge que nous sommes déjà en état de profiter des belles choses que nous avons ici sous les yeux sans le secours de personne, ayant fait preuve de notre savoir avant de partir de Paris. En mon particulier, je trouve beaucoup à profiter de la part de ces messieurs dont la plupart sont déjà fort savants; j'emprunte des dessins de figure aux plus habiles et je les copie ...»

A quoi sont occupés les trois ans de séjour à Rome ? Quelque peu, ce semble, à flâner et à se promener dans la ville ou dans la campagne en dessinant des ruines à l'occasion. Hazon s'exerce en outre à dessiner la figure. Il prend des leçons de mathématiques avec un géomètre célèbre, nommé le père Jacquier. Il apprend l'italien. Enfin, dans son métier propre, il travaille à quelques projets peu nombreux mais évidemment traités avec un souci extrême de l'exécution. On comprenait alors l'architecture comme une science purement artistique, sauf à acquérir plus tard de la pratique et, dans cet heureux temps où le souverain et les grands seigneurs rivalisaient de goût pour les constructions décoratives, on cherchait moins l'utile que la beauté.

Le premier projet auquel s'applique Hazon est un arc de triomphe. Il l'abandonne en s'apercevant qu'un autre pensionnaire a déjà fait une étude dans le même esprit et, dans l'été 1746, il s'applique à un grand projet de fontaine publique dont il nous donne une description qui montrera en quoi consistaient ces travaux.

[ ... suit une description architecturale ...]

Après quoi, en novembre 1746, il est question d'un palais : « Ce sera une fort grande machine et qui, je crois, pourra me donner de l'ouvrage au moins pour tout l'hiver. » A la fin de 1747, c'est une grande église dont le portail est approuvé par M. de Troy.

Puis, dans l'été 1748, le bruit se répand et parvient jusqu'à Rome que le Roi Louis XV veut faire à Paris une grande place monumentale. A ce propos, l'imagination du père d'Hazon travaille et ce conseiller au Châtelet envoie à son fils une série d'idées qu'il l'engage à approfondir et à mettre sur pied, soit pour concourir, soit au moins pour se créer des titres à obtenir une part dans l'exécution. Nous avons le projet du fils qu'il expose ainsi :

« Le plan général de ma place est un carré parfait. L'on y entre du côté de la principale entrée par un grand arc de triomphe. Cette place est terminée à droite et à gauche par des colonnades qui tiennent toute la longueur de la place et qui ont chacune quatre rangs de colonnes isolées. Au milieu de la place, je mets un groupe en bronze représentant le roi sur un char triomphal traîné par quatre chevaux; derrière lui serait la victoire qui le couronne et Minerve tiendrait d'une main les guides des chevaux et montrerait de l'autre le temple de la Gloire qui est dans le fond de la place sur un plan beaucoup plus élevé. Tout ce groupe serait élevé, non sur un piédestal, mais seulement sur une espèce de terrasse afin de figurer comme si le Roi venait de passer sous l'arc de triomphe et poursuivait son chemin pour arriver au temple de la Gloire. Toute la place est décorée d'un ordre corinthien et le temple d'un ordre dorique. »

Évidemment un tel projet, dont nous avons le plan, n'aurait pas manqué de grandeur; mais on peut juger que ces jeunes gens, comme il arrive parfois encore aujourd'hui, n'étaient pas dressés à tenir grand compte de la dépense. Louis XV eut davantage à s'en préoccuper et la place qui aurait rivalisé avec la place Vendôme, la place des Victoires, ou la place Royale, n'a pas été réalisée, ni par Hazon ni par aucun des grands architectes de l'époque.

Dans la monotonie de l'existence, les fêtes sont naturellement la principale distraction. Je vais grouper tout à l'heure ce qui concerne les cérémonies religieuses ou le Carnaval. Commençons par quelques mots sur des incidents plus particuliers à l'école ! Ce sont d'abord, comme de juste, les réceptions de nouveaux venus et les départs. Voici le récit d'une semblable conduite faite en septembre 1746 à M. Slodtz, « sculpteur très habile et ancien pensionnaire de l'Académie qui partait pour Paris au bout de 18 ans » : « L'on a choisi pour le lieu de la scène une maison de campagne du Roi de Naples située sur une montagne et en très belle vue à une lieue de Rome, que l'on nomme la Villa Madama. Nous avons eu tout ce palais à notre disposition pendant toute la journée moyennant quelque chose que nous avons donné au concierge. Nous partîmes de Rome à 5 heures du matin. Comme nous fûmes les premiers venus, nous nous amusâmes en attendant les autres et le cuisinier à dessiner des vues. Enfin chacun arriva muni d'un fort bon appétit; mais il n'y avait encore rien pour le contenter. Nous étions au nombre de 30. Nous commencions à nous désespérer lorsqu'un de nous qui avait une lunette d'approche dit qu'il apercevait à environ un mille un convoi composé de deux ânes avec des paniers et cinq ou six hommes portant quelque autre chose. A cette nouvelle, nous fûmes aussitôt rangés en bataille et marchâmes droit à leur rencontre, n'ayant pour toutes armes que des couteaux, des tire-bouchons et des dents entrême-ment affilées. L'ennemi ne put faire grande résistance et nous nous trouvâmes bientôt maîtres du butin. Il fallut alors songer à célébrer le triomphe de notre empereur qui venait de remporter une si belle victoire (c'était M. Slodtz qui en faisait le rôle). Je me saisis d'un grand tapis de table avec lequel je me drapai et fut choisi tout d'une voix pour faire le rôle du grand sacrificateur. Il y en avait deux dans notre compagnie qui savaient jouer de la flûte et un autre du hautbois, ce qui ne nous fut point inutile. Lorsque chacun fut habillé selon l'emploi auquel il était destiné, nous nous transportâmes tous à un ancien temple de Jupiter qui est dans le parc, en cet ordre. D'abord marchaient les enseignes que l'on avait faites avec des mouchoirs blancs attachés au bout d'un bâton avec les lettres S. P. Q. R. L'on avait pris à la cuisine un pigeon que l'on avait aussi attaché au bout d'un bâton pour figurer l'aigle des Romains que l'on portait dans les triomphes ; tout cela était décoré avec des guirlandes de fleurs. Ensuite marchaient les joueurs d'instruments qui étaient nos deux flûtes et notre hautbois suivis de quatre bacchantes qui avaient les cheveux épars avec des couronnes et des guirlandes de verdure. Elles parcouraient toute la marche en dansant et avaient, en guise de tambours de basque, des tamis qu'ils avaient volés à la cuisine. Ensuite venaient plusieurs autres portant les différents instruments propres au sacrifice comme haches, couperets, poêles, cruches, etc. Suivait la victime ajustée avec des guirlandes de fleurs et conduite par deux sacrificateurs. Je suivais porté sur une civière joliment ajustée. Enfin venait le char du triomphateur; c'était une espèce de tombereau orné également. Derrière était une renommée qui tenait une couronne de lauriers sur sa tête et un autre personnage qui étendait sur sa tête un grand parapluie décoré avec des feuilles de figuier dans le goût de celui de Robinson Crusoé; et, au pied du char, étaient attachés deux prisonniers que nous avions faits, je veux dire les deux ânes. Lorsque j'eus égorgé et ouvert la victime, ou du moins fait semblant, je jetai les entrailles (un gros morceau de lard dont je m'étais muni) dans le feu qui était sur l'autel. Comme je vis que la fumée tournoyait à droite, j'en tirai un bon augure, qui était que l'on ne tarderait pas à nous servir la soupe, et nous regagnâmes dans le même ordre la salle à manger... Tout cela nous a coûté à chacun un demi-sequin, mais nous avons eu du plaisir pour notre argent. »

Une autre fois, on tire les Rois et chacun en conséquence reçoit un rôle à remplir qui lui est imposé par le souverain momentané et dont il doit revêtir le costume à un souper d'apparat. Hazon, par exemple, est, une année, la nourrice du Dauphin et l'année suivante, la Reine.

Ou encore, c'est la Saint-Barthélémy, fête d'Hazon, auquel on vient donner une aubade à la porte de sa chambre. « Comme, dans la plupart des cas, les pensionnaires ne sont pas grands joueurs d'instruments, ils s'étaient armés, les uns de chaudrons, les autres de pincettes, un chacun s'accompagnait de sa voix et c'était à qui crierait et rirait le plus. Lorsque le concert fut fini, j'entendis le corridor retentir de ce cri d'allégresse : « Viva Bartolomeo ! » J'ouvris ma porte pour remercier la bande joyeuse; mais je fus témoin d'un autre spectacle. C'était un feu d'artifice composé de fusées et de pétards que l'on avait arrangé devant ma porte. Le lendemain, j'ai payé d'un chocolat comme il est d'usage. »

Comme fêtes particulières aux français de Rome, on peut encore citer la Saint-Louis solennellement célébrée chaque année, une réception donnée par l'ambassadeur de France, Cardinal de la Rochefoucauld, à l'occasion du remariage du Dauphin et, enfin, la grande caravane de la Mecque organisée par les pensionnaires de l'Académie pour le Carnaval de 1748.

« Jeudi, jour de Saint-Louis, écrit Hazon, l'Académie en corps fut invitée par le cardinal Aquaviva à assister à une messe solennelle que l'on célèbre à Saint -Louis, église nationale des Fiançais. Nous allâmes ledit jour sur les neuf heures du matin avec M. de Troy chez ce prélat pour lui rendre nos devoirs; nous fûmes régalés en chocolat et glaces. Sur les 10 heures, ce cardinal monta dans son grand fioque (c'est ainsi qu'on appelle ici les carrosses de cérémonie). Il y avait 12 carrosses dans lesquels nous eûmes nos places et nous allâmes ainsi à Saint-Louis où nous entendîmes la messe qui fut célébrée par un évêque. Je comptai environ 30 cardinaux qui assistèrent tous en habit de cérémonie. Ce fut le Cardinal Aquaviva et M. de Canillac comme auditeur de rote qui firent les honneurs. M. l'Ambassadeur y assistait, mais dans une tribune et incognito, parce que, n'étant point encore cardinal, il ne peut point faire les honneurs avec d'autres cardinaux, outre que, n'ayant point encore fait son entrée dans Rome, il ne peut figurer comme ambassadeur de France... »

Voici maintenant le récit des fêtes pour le mariage du Dauphin : « Elles ont consisté en une cantate italienne faite à la louange des nouveaux époux qui fut chantée pendant trois jours la semaine dernière sur le théâtre d'Argentine qui est un des plus grands qui soient en cette ville. Il est étonnant les dépenses qui ont été faites pour cette fêle. M. l'Ambassadeur avait fait venir de toute l'Italie les plus fameux musiciens; ils étaient au nombre de cent, tant voix qu'instruments de toutes sortes. La salle était décorée d'un goût et d'une magnificence sans égales. Toutes les loges au nombre de 160 étaient tendues en damas et velours cramoisi garnis de crépines et autres ornements d'or. Il y a, dans cette salle, 6 rangs de loges à 32 chacun; le 6e était caché par des décorations et l'on y avait placé des musiciens qui, dans de certains endroits de la cantate, formaient des échos qui paraissaient naturels, les spectateurs ne sachant point d'où partait cette symphonie. Le Sacré Collège était rangé en cercle sur des fauteuils dans le parterre, dans le même ordre que lorsqu'il tient consistoire; derrière eux était toute la prélature. Le théâtre, qui est extrêmement profond, avait été beaucoup diminué afin que la musique en fit plus d'effet. Il représentait le Palais de Jupiter et était extrêmement brillant, à peu près dans le goût du Palais du Soleil que j'ai vu à l'opéra de Phaéton (Lully). Tous les musiciens et musiciennes représentaient l'assemblée des Dieux; ils étaient placés sur des nuages et tous vêtus très richement et selon leur caractère. Jupiter, Mars, Minerve et l'Amour faisaient les principaux personnages. Toute cette décoration a été exécutée par le Sieur Jean-Paul Pannini, maître de Servandoni. L'illumination de cette salle était à proportion de la richesse des ornements, mais trop grande pour la chaleur qu'il faisait. Toutes nos belles Romaines dans leurs plus grands atours ne contribuaient pas peu à donner à cette fête l'air gai qui lui convenait. La Cantate était partagée en deux parties; c'est entre ces deux parties que l'on donna les rafraîchissements qui furent servis tous les trois jours avec une profusion étonnante. Ils consistaient en biscuits glacés, fruits gelés de toutes façons. Il y avait aux deux premiers rangs de loges où était toute la noblesse, deux hommes à chaque loge pour servir et un à celles qui étaient plus élevées. Cette fête n'était pas seulement renfermée dans cette salle; la façade du théâtre sur la rue et celle du Palais de M. L'Ambassadeur qui est en face, étaient entièrement illuminées, et au-dessus de la porte du Palais, il y avait une symphonie très considérable. L'on distribuait sur la place des glaces à tout le peuple : ce qu'ils aiment beaucoup mieux, dans ce pays, que le vin, surtout dans les chaleurs. Notre Palais de l'Académie a été aussi illuminé pendant tous les trois jours. Quoique je t'aie marqué que cette cantate n'a été exécutée que trois jours, elle l'a cependant été une quatrième fois. Sa Sainteté, qui est naturellement assez curieux de belles choses, en a demandé une représentation pour elle et sa compagnie, ce qui a été exécuté. On lui avait élevé un trône dans le fond du parterre avec un dais au-dessus et elle en a paru très satisfaite. Le lendemain matin, on trouva, au-dessus de la porte du théâtre sur la rue, en très gros caractères, INDULGENZIA PLENARIA, ainsi qu'on a coutume de mettre au-dessus des portes des églises lorsque le Pape s'y transporte. Celui qui avait mis ce bon mot ne s'est point déclaré de peur de se brouiller avec l'inquisition. »

Quant à la Caravane de la Mecque organisée et figurée par les 30 pensionnaires de l'Académie pour le Carnaval de 1748, Hazon, l'un des figurants, nous en donne une description enthousiaste qu'il paraît inutile de reproduire, cette caravane, qui a été gravée dans le temps, ayant fait l'objet d'un mémoire spécial de Guiffrey. Je retiens seulement de son récit quelques détails plus particuliers. Tout d'abord le prix de revient qui ne dépasse pas 6 sequins par tête. « M. de Troy comme directeur, a donné la meilleure part de la dépense, attendu qu'il s'est chargé de tout ce qui regarde le menuisier, le serrurier et le marchand de couleurs. Il est vrai, entre nous soit dit, qu'une bonne partie, à ce que nous présumons avec raison, pourra bien aller sur les comptes du Roi ». Hazon ajoute cette réflexion à l'usage de sa famille : « c'est une dépense qui n'était pas bien nécessaire; mais, dans une pareille circonstance, on est bien obligé de faire comme les autres. L'utilité que j'en pourrai tirer est qu'à présent je sais comment toutes ces choses-là doivent être traitées, ce que j'ignorais parfaitement; il peut arriver des circonstances où j'aie besoin de savoir cela. »

Le thème était naturellement l'arrivée des pèlerins, parmi lesquels on avait introduit le Grand Sultan et les principaux personnages de sa cour. Hazon représentait le Muphti ayant en mains le livre de l'Alcoran et reconnaissable parmi tous les autres par la grandeur de son turban. Un esclave tenait la bride de son cheval... « Afin que la chose parut plus naturelle, l'on n'avait point mis de masques, mais seulement des barbes ou des crocs à ceux dont le caractère le demandait. Toutes les différentes étoffes, qui n'étaient que des toiles lustrées peintes en façon de moires, de damas, de velours, etc., et relevées en or et en argent, imitaient si parfaitement le vrai, que chacun dans Rome a cru, avant d'en venir à un examen particulier, que cette fête se faisait aux dépens de M. l'Ambassadeur; personne ne pouvait s'imaginer que d'autres qu'un Prince pussent suffire à une telle dépense. Jamais fête n'a été plus goûtée que celle-ci dans Rome de l'avis même des vieillards. Ceux mêmes qui sont les moins portés dans ce pays pour la nation française oubliaient pour lors leurs préventions contre elle. On s'est fait un devoir pendant les différents jours de sortie, pour satisfaire tous les princes et cardinaux qui paraissaient prendre plaisir à cette fête, de passer devant leurs palais, ainsi que devant plusieurs couvents de religieuses qui avaient fait faire cette demande. Comme la tournée que l'on avait à faire chaque jour conduisait généralement fort tard, dès que la nuit venait chaque esclave portait une torche allumée, ce qui rendait le coup d'œil encore plus brillant. » [La suite de la fête est décrite en détail dans le livre LES BRONGNIART mais non reproduite ici.]


Barthélémy-Michel Hazon en grand Muphti au carnaval romain de 1748.
Dessin de Voiriot
Collection J.-B. Dumas


Barthélémy-Michel Hazon en germinal an VII âgé de 77 ans, au travail dans son parc de Cantiers près Gisors. Le portrait a été réalisé "sans lunettes" par son ami Voiriot alors âgé de 86 ans.
Collection André Brongniart