Jean MERCIER (1873-1931)


Mercier en 1899, élève de l'Ecole des Mines de Paris
(C) Photo collections ENSMP

3/9/1873-27/3/1931.

Ancien élève de l'Ecole des mines de Paris (promotion 1896). Ingénieur civil des mines.


Discours prononcé à Paris, le 30 mars 1931, aux obsèques de Jean MERCIER, Ingénieur civil des Mines, Directeur commercial de MM. les Petits-Fils de François de Wendel & C°,
par M. François de Wendel.

Bulletin de l'Association des Anciens élèves de l'Ecole des mines de Paris, 1931 :

Messieurs,

« La vie a de cruels retours. Ingénieur civil des Mines, Directeur commercial de la Maison de Wendel, Jean Mercier n'était pas seulement pour moi un camarade de promotion, un collaborateur dévoué, c'était aussi le camarade d'enfance, le compagnon de jeunesse avec lequel, à l'âge où se caressent les rêves d'avenir, s'échangent les intimes penses, l'ami avec lequel les carrières poursuivies m'avaient permis de rester toujours en étroite communion d'esprit, l'ami avec lequel, à l'automne de la vie, je me plaisais à mesurer le chemin parcouru et discuter de tout ce qui reste à faire.

C'est dire d'un mot ce que peut éprouver, à une heure où les affections les plus chères ont le droit au silence et où les grandes douleurs sont généralement muettes, celui qui parle, celui auquel ses fonctions imposent le devoir de rappeler ce que fut Jean Mercier et de lui adresser le suprême ndieu.

Né le 3 septembre 1873 à Paris, Jean Mercier, après de fortes études classiques faites chez les Pères Jésuites — c'est là que nous nous sommes rencontrés tout d'abord — était entré à l'Ecole des Mines de Paris dont il sortit en 1899 avec le titre d'Ingénieur civil des Mines.

Il prit à ce moment la direction d'une petite affaire de matériel de transport qu'il quitta en 1902 pour être attaché au Secrétariat du Comité des Forges alors présidé par M. Robert de Wendel, auquel j'avais demandé de s'assurer le concours d'un camarade dont j'avais pu apprécier les sérieuses qualités. Quelques années plus tard, M. Robert Pinot qui, après avoir organisé la rue de Madrid, s'efforçait de développer les groupements régionaux de la métallurgie, le faisait nommer Secrétaire du Comité des Forges de l'Est, tandis que les Mines de Fer de Meurthe-et-Moselle lui confiaient la Direction du Comptoir des Minerais, à Nancy.

Par là, Jean Mercier allait se trouver à même de donner sa mesure, et le fait est que très rapidement son intelligence, sa facilité, son ardeur dans la défense des intérêts dont il avait la charge en même temps qu'un large esprit de conciliation, sa droiture, sa constante bonne humeur et aussi une très grande bonté lui concilièrent l'estime et la sympathie de tous.

Par là aussi il apprenait à connaître les hommes de la métallurgie, à manier de grandes affaires et se préparait, le moment venu, à entrer dans notre Maison, dans la maison de son vieux camarade d'école, de son commensal quotidien du quartier latin, ce qui avait toujours été son secret désir.

Ce désir était sur le point de devenir une réalité. Jean MERCIER s'apprêtait à succéder à M. Boyer comme représentant de MM. DE Wendel & C° et comme Directeur du Comptoir des Aciers Thomas, lorsque survint la guerre.

Parti comme Sergent d'Infanterie, il fut en 1915 rappelé du front et adjoint à M. Robert Pinot qui mettait au service de la Nation le Comité des Forges et l'équipe qu'il avait su y grouper depuis 1903. Il fit comme tel partie de cette pléiade d'hommes qui, avec un désintéressement dont leur chef donnait l'exemple, ne cessèrent d'assurer à la Défense Nationale les produits de toutes espèces dont elle eut besoin pendant ces années d'épreuves. L'approvisionnement de nos Hauts Fourneaux et Aciéries en minerais de manganèse et produits réfractaires fut son œuvre.

La victoire qui, le 11 novembre 1918, rendait l'Alsace-Lorraine à la France devait modifier considérablement la situation que la Maison Wendel destinait à Jean Mercier à la veille de la guerre. Il n'était à ce moment-là question pour lui que de la représentation à Paris des Usines de Jœuf. Le retour de l'ensemble du patrimoine de la Société des Petits-Fils de François de Wendel & Co à la patrie française allait élargir considérablement ses fonctions. M. Humbert DE WENDEL, dans le plan de réorganisation commerciale de notre Société que les circonstances imposaient, confiait en effet immédiatement à Jean Mercier la Direction commerciale de notre Maison à Paris, sa représentation dans les différents Comptoirs en même temps que dans un certain nombre de Sociétés où elle avait des intérêts importants.

Dès lors sa vie se confond avec la nôtre. C'est le même labeur à la fois astreignant et passionnant, le même souci de l'affaire, le même effort poursuivi, je dirai au-dessus de toute considération d'intérêt personnel, pour le succès d'une entreprise avec laquelle il s'identifiait, non seulement par sa conscience professionnelle, mais encore et surtout par simple amitié, par affection pour nous.

Pour faire face à la tâche importante et délicate dont il prenait la responsabilité, Jean MERCIER s'entoure de collaborateurs qu'il choisit tous lui-même et dont il sait conquérir la confiance et l'affection, autant par ses qualités de chef que par la simplicité cordiale avec laquelle il les associe à son travail.

Membre du Comité de Direction du Comptoir des Produits « A », Président du Comptoir Français du Fil Machine, Président de la Société du Manganèse, il fait partie de ce petit groupe d'hommes de bonne volonté qui se consacrent avec une inlassable persévérance à la rationalisation commerciale de la métallurgie française.

Le Gouvernement de la République, en lui accordant en 1927 la Croix de la Légion d'Honneur, reconnaît les services rendus à l'une des principales industries nationales.

Tous ceux qui le voient à l'oeuvre lui rendent hommage et tout fait présager qu'il pourra continuer encore longtemps cet effort d'intelligence et de volonté qu'il donne sans compter et sans vouloir jamais prendre de repos. Sa robuste santé parait lui assurer une longue carrière quand brusquement, il y a quelques semaines, on apprend qu'il est arrêté, qu'il a un abcès au poumon. Un mois après c'est l'opération supportée courageusement, chrétiennement, c'est la mort.

Jean MERCIER est enlevé en pleine action, enlevé à l'affection d'une mère remarquable pour laquelle il n'avait cessé d'être un fils modèle, à celle d'un frère ainé qu'il n'avait jamais quitté et qu'il aimait profondément, à celle de ses amis, de ses collègues, de ses collaborateurs, à celle de la grande famille industrielle à laquelle il appartenait et où il s'était fait une si large place.

Qu'il me soit permis au nom de celle-ci, au moment où je m'incline, ému jusqu'au plus profond de mon cœur, devant la dépouille mortelle de mon plus vieil ami, de dire à M. Louis MERCIER, à sa mère, auprès de laquelle je le prie d'être notre interprète, que leur peine est la nôtre, que cette peine est mienne. »