Henri KNOERTZER (1859-1923)


Knoertzer, élève de l'Ecole des Mines de Paris
(C) Photo collections ENSMP

Né le 13/9/1859 à Mulhouse.

Ancien élève de l'Ecole des mines de Paris (promotion 1878 ; entré en classe préparatoire le 20/8/1877, classé 2 ; admis en cycle ingénieur le 19/10/1878, classé 3 ; sorti le 8/6/1881, classé 4). Ingénieur civil des mines.


Bulletin de l'Association des anciens élèves de l'Ecole des mines de Paris, juillet à septembre 1924 :

Henri Knœrtzer est mort à Santa-Rosalia, Basse-Californie (Mexique), le 28 novembre 1923, à l'âge de 65 ans, au retour d'une mission qu'il avait accomplie dans cette région, pour le compte d'un groupement à la tête duquel se trouvait la Compagnie du Boléo.

Je n'ai connu Henri Knœrtzer qu'à divers moments de son existence et surtout pendant les dernières années de sa carriers ; le tableau que je vais essayer de tracer de sa vie d'ingénieur, si bien remplie, présentera par suite de nombreuses lacunes : ce que je puis dire c'est que les rapports très suivis que j'ai eus avec cet ingénieur pendant les dernières années de sa vie, m'ont permis d'apprécier toute l'étendue de son savoir, comme aussi la haute valeur morale de son caractère.

Henri Knœrtzer est d'origine alsacienne ; il est né le 13 septembre 1859 a Mulhouse, où il a commencé ses études. L'Alsace ayant été annexée à l'Allemagne en 1871, il l'a quittée en 1873 pour aller continuer ses études au Lycée de Nancy, et de là, il s'est rendu plus tard au Collège Sainte-Barbe à Paris, pour préparer l'Ecole Polytechnique ; malheureusement il n'a pas été admis en 1877 à participer à l'examen d'entrée à cette Ecole, parce que bien qu'il eût un certificat d'émigration et d'abandon de nationalité allemande, son père, par suite de circonstances indépendantes de sa volonté, n'avait pu opter pour la France en 1871. Toutefois il est admis à se présenter à l'Ecole Nationale Supérieure des Mines, où il est reçu en 1878, et d'où il sort en 1881 quatrième de sa promotion. Il est engagé peu de temps après par la Société Minière et Métallurgique de Penarroya pour être affecté au service de l'exploitation des mines de plomb de cette Compagnie en Espagne ; plus tard il passe au service de la fonderie et se familiarise avec la métallurgie du plomb. En 1888 il entre au service de la Société le Nickel et se rend en Nouvelle-Calédonie pour prendre la direction de l'usine de Thio, où l'on traite par fusion une partie des minerais de nickel provenant des exploitations de la Compagnie. Il s'y fait apprécier par le directeur général de cette dernière, M. Grand, ingénieur en chef des Mines, qui à diverses reprises lui confie la mission d'aller examiner quelques mines métalliques en Australie.

Quand vers 1892 Knœrtzer rentre en France l'expérience qu'il a acquise dans l'exploitation des mines, dans la métallurgie et dans l'examen sur le terrain des gîtes métallifères, ne permet de se consacrer utilement à la carrière d'ingénieur-missionnaire. Il accepte donc, à partir de son retour en France, des missions diverses qui le font aller successivement dans le Mashonaland, le Soudan Français, la Côte d'Ivoire, la Guyane française, la Sibérie Orientale, etc., etc.

Cependant il s'aperçoit que la carrière d'ingénieur-missionnaire au moment où il l'adopte est assez encombrée, et que l'on peut resLer de longs mois sans emploi ; aussi pour éviter ces périodes d'inactivité, qui conviennent mal à son tempérament, il fonde dès 1897 une entreprise de constructions de fours industriels, à laquelle il consacre désormais la majeure partie de son temps et de ses efforts.

Il ne renonce pourtant pas entièrement aux missions et en accepte encore une de temps à autre, lorsque son industrie lui laisse un peu de loisir. C'est ainsi qu'en août 1911 il se rend dans le Colorado pour le compte de l'Association Minière et de la Maison Mirabaud, et fait une étude très complète des mines d'or de Humboldt. En 1913 il est chargé par l'Association Minière de lui faire un rapport sur un ensemble de propriétés pétrolifères en Galicie.

En 1914, quand la guerre éclate, Knœrtzer est affranchi par son âge de toute obligation militaire, mais néanmoins il veut être utile au pays et va offrir ses services à la Section technique du Génie. On s'empresse d'accueillir cet homme de valeur et après lui avoir donné divers emplois temporaires on l'affecte à une usine d'explosifs, où comme toujours il sait remplir tout son devoir.

Après la guerre Knœrtzer qui aurait désiré se reposer un peu et jouir du fruit de ses années de travail, se voit contraint de reprendre avec une nouvelle activité la carrière d'ingénieur-missionnaire. En 1919 un groupe constitué principalement par l'Association Minière, la Maison Mirabaud et la Société d'Etudes et d'Entreprises, lui confie la mission importante d'aller étudier en Asie Mineure le célèbre gite de cuivre d'Arghana et le non moins célèbre gîte de plomb argentifère de Bulgar-Maden ; il s'acquitte à la satisfaction de tous de cette tâche à la fois délicate et difficile.

En 1920, l'Association Minière le charge d'étuder des gîtes de fer et de manganèse situés dans le nord de l'Italie, et en février 1921 elle se l'attache définitivement comme ingénieur-conseil ; elle le fait entrer un peu plus tard au même titre dans la Société des Combustibles purifiés qu'elle vient de créer avec la collaboration de quelques groupes amis.

Dans le courant d'avril et de mai 1923, il est envoyé en Algérie par l'Association Minière et la Société d'Etudes et d'Entreprises coloniales pour y étudier des gîtes de plomb argentifère. Cette mission accomplie dans des conditions climatiques défavorables, le fatigue beaucoup ; il y prend un gros refroidissement qui l'oblige à son retour à des soins prolongés.

Cependant, en août 1923, après un séjour au bord de la mer, il se sent complètement rétabli et parfaitement apte, ainsi qu'il me l'écrit, à remplir une mission que lui offre en ce moment un groupe à la tête duquel se trouve la Compagnie du Boléo. Il accepte donc cette mission qui consistait à aller examiner en Basse-Californie, à 400 kilomètres au sud du Boléo, un gîte d'or et d'argent dénommé le Triunfo ; après avoir achevé sans encombre son examen, il rentre au Boléo pour y procéder à quelques analyses d'échantillons, et à son arrivée même est atteint d'une grippe infectieuse, qui l'oblige à s'aliter immédiatement. Pendant un mois, entouré des soins dévoués de tout le corps médical du Boléo, il lutte courageusement contre le mal qui l'a envahi ; un instant on le croit sauvé devant un recul marqué de la maladie, mais cette dernière bientôt reprend sa marche en avant, favorisée par l'usure d'un organisme qui a subi les nombreuses épreuves d'une carrière laborieusement remplie, et le 28 novembre 1923 il s'éteint doucement, paisiblement, loin de toutes ses affections et en particulier loin de sa compagne désolée, qui n'a pas eu la suprême consolation de lui fermer les yeux.

Avec Henri Knœrtzer disparaît un des rares ingénieurs de notre époque qualifiés pour procéder à l'examen d'un gîte, et résoudre les divers problèmes que soulèvent l'étude de sa mise en valeur et l'appréciation des résultats à attendre de cette dernière.

Ainsi que nous l'avons indiqué, en effet, Knœrtzer avant d'adopter la carrière d'ingénieur-missionnaire avait consacré dix années de sa vie, après sa sortie de l'Ecole, à apprendre, en les pratiquant, l'exploitation des mines, la métallurgie et l'examen des gîtes sur le terrain. Il possédait, en outre, une connaissance étendue des langues étrangères, chose fort utile et même indispensable pour un ingénieur appelé à courir le monde ; c'est ainsi qu'il savait l'allemand aussi bien que le français et qu'il parlait couramment l'anglais et l'espagnol.

A toutes ces qualités Knoertzer en joignait une autre, la plus essentielle de toutes, celle sans laquelle les autres eussent été sans valeur, je veux dire la conscience professionnelle : il l'avait au plus haut degré. Lorsqu'il acceptait une mission il avait le sentiment très vif de la responsabilité morale qu'il assumait ainsi, et ce sentiment, qui le poussait à accomplir sa tâche avec un soin scrupuleux, le troublait souvent profondément lorsqu'arrivait le moment où il fallait dégager de l'ensemble de son travail une conclusion définitive. Il m'a fait souvent l'honneur de venir me confier ses doutes et ses hésitations et de me consulter sur l'interprétation à donner à certaines de ses observations en vue de résoudre le problème redoutable, de l'allure et de la constitution probable d'un gîte au delà des zones reconnues par les travaux d'exploitation, et j'ai pu dans mes conversations avec lui me rendre compte du degré auquel il poussait le souci de l'exactitude et de la vérité.

Il était, aussi, profondément modeste et d'un désintéressement admirable. Il fallait souvent user d'autorité avec lui, pour lui faire accepter des honoraires dignes de sa compétence et de l'importance de la mission qui lui était confiée.

En résumé, Henri Knœrtzer, par l'étendue et la variété de ses connaissances professionnelles, par sa haute valeur morale, par sa carrière laborieuse et si bien remplie, honore grandement le corps tout entier des ingénieurs sortis de notre Ecole, et je ne puis mieux faire son éloge qu'en le proposant comme exemple à tous ceux de nos jeunes camarades qui voudraient comme lui adopter la carrière d'ingénieur-missionnaire.

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F. ROBELLAZ.