Antoine-Marie LEFEBVRE D'HELLANCOURT (1759-1813)

Nous donnons ci-dessous plusieurs courtes notices concernant LEFEBVRE D'HELLANCOURT.


Paru dans le LIVRE DU CENTENAIRE (Ecole Polytechnique), 1897, Gauthier-Villars et fils, TOME III

LEFEBVRE D'HELLANCOURT, né en 1759, est mort, le 9 janvier 1813, Inspecteur général des Mines et président du Conseil général des Mines ; il avait été appelé à ces fonctions dès la constitution du Conseil en 1810. C'est à Lefebvre d'Hellancourt qu'on doit les instructions classiques portant commentaire de la loi du 28 juillet 1791 et de celle du 21 avril 1810.


Paru dans Notice historique de l'Ecole des Mines de Paris, Louis Aguillon, 1889 :

Lefebvre d'Hellancourt, né en 1759, mort le 9 janvier 1813, allait entrer dans le génie lorsque fut créée, en 1783, l'École de Sage. Il fut de la première promotion de cette école avec son collègue Lelièvre; il en sortait breveté a vec lui en 1784.

On attribue à Lefebvre d'Hellancourt la rédaction des deux instructions ministérielles qui ont commenté les lois de mines des 28 juillet 1791 et 21 avril 1810 ; la première est la célèbre instruction signée par Chaptal, à la date du 7 juillet 1801 (18 messidor an IX), qui, on le sait, pour rendre applicable la loi de 1791, dut en donner une interprétation consistant presque en une transformation; l'autre instruction, encore plus connue, est notre instruction du 3 août 1810. Peut-être trouverait-on dans cette communauté d'origine l'explication de certaines erreurs contenues dans l'instruction de 1810, qui donne parfois des règles exactes dans le système de la loi de 1791, mais inconciliables avec celui de la loi de 1810.


Paru dans le JOURNAL DES MINES, 38eme volume, 1er semestre 1815, pp 460 et suiv.

Nécrologie
de M. Lefebvre d'Hellancourt, Membre du Corps des Mines,
par M. Gillet-Laumont.

L'ART des Mines, et le Corps des Mines, ont fait en France des pertes sensibles qui n'ont point encore été annoncées dans ce journal ; nous allons tâcher de réparer cette omission.

Antoine-Marie LEFEBVRE D'HELLANCOURT, né à Abbeville, département de la Somme, en 1759, était fils d'un notaire, président des traites avant la révolution ; après avoit suivi, à Paris, les études relatives au génie militaire, Lefebvre était, en 1782, au moment d'être placé dans le corps des ingénieurs des camps et armées du roi, lorsqu'il apprit que l'on alloit redonner de l'activité aux mines en France ; un goût irrésistible le porta vers cette partie, qui devait lui avoir tant d'obligations : il se présenta à l'Ecole Royale des mines, et y fut admis à l'époque de sa formation.

Le Gouvernement venait de choisir deux sujets pour être envoyés en Allemagne, à l'effet d'y profiter des grands modèles que présente ce pays pour l'exploitation des mines et la minéralogie ; Lefebvre - d'Hellancourt demanda à les accompagner à ses frais.

Il partit en 1783 comme élève du Gouvernement ; visita la fonderie de canons de Louvain, les mines de houille de Liège, les manufactures d'aiguilles d'Aix-la-Chapelle, les mines de plomb, de cuivre et de fer des environs de Namur et des bords du Rhin, les mines de plomb de la Hesse ; de là il passa en Carinthie, en Styrie, en en Carniol, où il examina avec soin les mines de fer et de plomb de ces pays renommés, ainsi que les nombreuses fabrications de fer, d'aciers, de faux et d'outils. Il suivit le cours de la célèbre école de Schemnitz en haute Hongrie.

Lors de son retour en France, il présenta à l'intendant des mines, conjointement avec ses deux collègues, des mémoires sur ces divers établissemens, accompagnés d'un grand nombre de plans. Il remit pareillement plusieurs Mémoires, fruits de ses observations particulières, contenant la description d'une partie des chaînes des Krapachs, qui séparent la Pologne de la Hongrie ; celle de la mine d'or et d'antimoine de Bodsa qu'elle renferme ; la description du gisement du titane oxydé en cristaux articulés (connu alors sous le nom de schorl-rouge), qu'il trouva dans la seconde chaîne de ces montagnes (Journal des mines, no 12, pp. 49 et suiv.). Il déposa à l'Administration, des tableaux relatifs à la mine de cuivre de Herrengrunde en Hongrie, à celle de sel gemme de Wielitska en Pologne ; il présenta la description de la mine de fer de Rhonitz et du Cirque en haute Hongrie ; celle de lamontagne de Calvari-Berg , près et au Nord de la ville de Schemnitz, qu'il reconnut le premier pour être volcanique, et sur laquelle il présenta un Mémoire à l'Académie Royale des Sciences, en juin 1788 ; il donna la description du travail des fonderies de Schemnitz pour la séparation de l'argent, du plomb et du cuivre, et celle des travaux de Kremnitz pour le travail des monnaies, et pour le lavage et la concentration des pyrites aurifères.

Peu aprè son retour, il fut nommé ingénieur, et dès-lors regardé comme un des sujets les plus distingués du Corps des Mines ; il composa alors plusieurs Mémoires minéralogiques, dont les principaux sont relatifs aux mines de fer d'Allevard (Isère), et au cours de la Romanche (Hautes-Alpes) (Journal de Physique, Juillet 1816).

Pendant une carrière de trente années, d'abord comme ingénieur, comme conseiller des mines, jusqu'en 1810, époque de la nomination d'un conseiller d'état directeur général ; enfin, comme inspecteur général des mines, il n'a cessé de s'occuper des travaux les plus utiles aux progrès de l'art et de l'administration des mines. Appliqué spécialement à cette dernière partie, il a, dès 1791, à l'époque de la discussion de la première loi sur les mines, fait connaître, l'un des premiers, par plusieurs mémoires lumineux, l'importance pour la prospérité de l'Etat, d'une bonne administration des mines, et l'utilité dont le Corps des Mines pouvait être pour la direction et l'inspection des exploitations.

Il a été le principal rédacteur de l'instruction ministérielle sur la loi du 28 juillet 1791, publiée en 1801 ; il le fut de celle sur la loi du 21 avril 1810, imprimée par ordre du Ministre le 3 août suivant. Pendant l'intervalle de ces deux instructions : il a publié, dans le no. 59 du Journal des Mines, des notes relatives aux richesses minérales de la France, et dans le no 60, des considérations sur la législation et l'administration des mines, dans lesquelles, après avoir décrit la manière d'être des diverses substances minérales dans le sein de la terre, il en conclut : "que le meilleur mode d'exploitation est celui qui est combiné par rapport aux dispositions reconnues des minerais, et aux circonstances locales ; observant que le traitement de la plupart de ces substances exige l'étude approfondie de leurs propriétés physiques, et d'autres connaissances qui ne sont pas communément répandues, et que peu de particuliers seulement sont à portée d'acquérir".

Enfin, il a fait paraître, en 1802, dans le même journal, nos. 71 et 72, un travail précieux et très-étendu sur les mines de houille exploitées en Frances, sur leurs produits, et les moyens de circulation de ces produits.

Tous ceux qui ont connu Lefebvre-d'Hellancourt ont admiré ses vastes connaissances législatives, son désintéressement sans bornes, la pureté de ses principes ; ils ont honoré la ténacité, même, qu'il mettait dans ses opinions, comme étant chez lui le sentiment de l'homme juste, qui n'écoute que la voix de sa conscience.

Dans sa vie, Lefebvre, bon mari, bon père, peu répandu au dehors, partageait son tems entre le travail, deux enfans chéris, et un petit nombre d'amis, qui trouvaient chez lui une sensibilité et un intérêt bien rare à rencontrer. Depuis long-tems atteint d'une maladie de langueur, il devint plus retiré encore ; l'exercice du corps, et le repos de l'esprit lui auraient été nécessaires ; mais son attachement à ses devoirs, et la force de son caractère, lui cachaient la faiblesse de ses forces physiques.

Il a trop peu songé à sa propre conservation, pour l'Etat, pour ses parens, pour ses amis ; et, après de longues souffrances, une mort prématurée l'a enlevé, à peine âgé de 54 ans, le 9 janvier 1813.

G.L.

Note de M. Gillet-Laumont : Depuis longtemps son ami, et le compagnon de ses travaux, j'ai vu sa santé s'altérer de plus en plus par le travail : j'ai eu la douloureuse consolation de jeter quelques fleurs sur sa tombe, et j'espérais alors donner une Notice de ses travaux dans le Journal des Mines ; mais malade moi-même, j'ai été obligé de voyager pour ma santé, et d'aller prendre les eaux minérales en Savoye. Après une longue absence, les circonstances extraordinaires se sont succédées avec tant de rapidité, que ce n'est qu'aujourd'hui que j'ai pu remplir ce devoir cher à mon coeur.