Félix MANGINI (1836-1902)

Ingénieur civil des mines.


Bulletin de l'Association des Anciens élèves de l'Ecole des Mines de Paris, juin 1903 :

Félix Mangini, dont la mort remonte au mois d'août 1902, a été dans toute la force du terme un homme de bien.

C'était une grande et originale figure d'homme de travail et d'homme bienfaisant. Soit dans sa profession, soit dans la poursuite de l'intérêt général, il a su sortir des sentiers battus et marquer tout ce qu'il a fait d'une forte et particulière empreinte.

Après s'être préparé à la carrière qu'il devait embrasser par de sérieuses études scientifiques, achevées à l'École des Mines de Paris, où il entra en 1858 et dont il sortit en 1861, après avoir acquis le titre d'ingénieur civil, Félix Mangini s'associa à son père et à son frère Lucien, d'abord dans des exploitations de houillères, ensuite dans leur oeuvre principale de constructeurs de chemins de fer. Là, Félix Mangini recueillait les enseignements et les traditions de Marc Séguin, l'homme de génie qui a été le créateur des chemins de fer en France, et dont il avait épousé la fille. Mais son frère, homme si remarquable et lui-même venaient y ajouter leurs idées et le fruit de leurs observations personnelles.

Toute leur méthode pouvait se résumer en ces mots : Établir à moins de frais les chemins de fer, mettre plus de liberté et de pratique commerciale dans la direction et l'exploitation ; faire de la décentralisation en matière de transports par voie ferrée. Telle a été l'oeuvre magistrale et bienfaisante accomplie par Lucien et Félix Mangini dans la Compagnie des Dombes et du Sud-Est dont les deux frères, en un exemple unique, furent à la fois les ingénieurs, les constructeurs et les administrateurs.

Après la fusion de la Compagnie des Dombes avec la Compagnie Paris-Lyon-Méditerranée, Félix Mangini se retira plutôt qu'il ne l'eût voulu d'une profession qu'il aimait et dans laquelle il eût souhaité appliquer plus largement des idées fécondes. Cependant il avait déjà travaillé près de trente ans et arrivait à l'âge où d'autres n'auraient aspiré qu'au repos avec une fortune si dignement acquise.

Mais l'âme ardente et haute de notre camarade ne pouvait rêver pareille retraite : "une vie nouvelle au contraire s'ouvrait devant lui pour obéir à son idée maîtresse qui était d'aider ceux qui vivent de leur salaire en leur donnant les moyens d'être prévoyants.

Ayant achevé de travailler pour lui-même, il a voulu consacrer aux autres, c'est-à-dire au bien sous toutes ses formes, les longues années qu'il lui restait encore à vivre.

Félix Mangini s'était du reste préparé à cette noble tâche en se vouant dès sa jeunesse à une grande oeuvre d'instruction populaire : La Société d'Enseignement professionnel du Rhône.

A l'âge de vingt-sept ans, il fut appelé à la présidence du conseil de cette Société, créée en 1865, et jusqu'à sa mort, c'est-à-dire pendant quarante ans, il fut maintenu dans cette présidence.

Félix Mangini a été non seulement le chef, mais l'âme de cette libre institution, réunissant jusqu'à 8.000 élèves, et dont la juste renommée depuis longtemps a franchi nos frontières.

Félix Mangini a été vraiment un philanthrope agissant et pratiquant.

En effet, il a consacré sa grande intelligence et sa grande activité à des oeuvres d'assistance et de prévoyance. Il faisait partie de ce groupe de Lyonnais qui a créé, dans le département du Rhône, toute une série d'institutions de ce genre, bien conçues, bien exécutées, bien dirigées, que le succès a consacrées et qui ont pu servir de modèle ailleurs.

Une de ces oeuvres est la Société de logements à bon marché qui a construit à Lyon des maisons contenant plusieurs centaines d'appartements, et qui a fondé deux restaurants populaires servant, à bon marché, plusieurs milliers de repas par jour.

Il a contribué plus récemment à la création d'un sanatorium pour tuberculeux indigents dans les montagnes du Jura.

Nous ne pouvons énumérer toutes les oeuvres qu'il a fondées tant la liste en serait longue.

Il suffit de dire qu'homme d'initiative, de progrès, d'entreprises hardies, mais ayant toujours la même tendance humanitaire, Félix Mangini se trouve partout dans son milieu où il y avait du bien à faire et où le bien a été fait. Une vie comme la sienne est tout un enseignement. Aussi est-il bon de rappeler ce qu'a été Félix Mangini, quel but noble et généreux il a poursuivi, quels résultats il a atteints. Rarement intelligence plus ouverte et plus pratique a été au service des inspirations venues du coeur.

Il n'est que juste de dire qu'il a emporté avec lui la reconnaissance de ses concitoyens, non seulement pour les services qu'il a rendus, mais pour l'exemple qu'il leur a laissé et qui ne saurait être perdu.

Paul LEMONNIER.

Voir aussi : le site de la commune de Saint Pierre la Palud.


Photo du buste de Marc Seguin, le beau-père de Félix Mangini. Ce buste se trouve à la gare de Saint-Etienne Chateaucreux.