Eugène Prosper MATHIEU (1886-1966)

Ancien élève de l'Ecole polytechnique (promotion 1905, entré classé 141, sorti classé 67 sur 168 élèves), et de l'Ecole des mines de Paris. Ingénieur civil des mines.

Fils de Jacques MATHIEU et de Antoinette Eugénie RAMUS.
Il épouse Louise PHILIPPE le 28 décembre 1920.
Beau-père de Henri Charles Maurice René RENARD (X 1940, né en 1922).

À l'École des mines de Paris, il travaille avec Henry Le Chatelier. Mobilisé au 7e Génie pendant la guerre de 1914-1918, il réussit à maintenir en état la station d'alimentation en eau de la ville d'Amiens, située à 200m des lignes ennemies. Après la guerre, il est envoyé en Russie mettre en route et former le personnel des fours électriques de Briansk (entre Moscou et Kiev). Il assiste aux premiers jours de la Révolution de 1917 et est évacué par Mourmansk. Il entre alors à la Société d'électrochimie et d'électrométallurgie et y fera carrière. Après fusion de sa société avec les Aciéries d'Ugine, il prend la présidence du groupe en 1945 jusqu'en 1959.


La Jaune et la Rouge, mai 1967 :

Dernier né d'une famille nombreuse, ayant perdu son père à l'age de six ans, MATHIEU a eu la chance d'avoir des frères et soeurs très distingués, en particulier un de ses frères, normalien et agrégé, professeur de mathématiques spéciales, avec qui il a fait sa première année de taupe avant d'aller au lycée Janson de Sailly où il est reçu, en 1905, à l'X et à Normale.

Il opte pour l'X, ayant l'intention d'entrer dans l'industrie, car sa ville natale d'Allevard était le siège d'une entreprise métallurgique déjà techniquement très avancée, en particulier en matière électro-métallurgie et d'aciers spéciaux.

Pendant ses années d'école, il n'a jamais eu que des amis ; grand travailleur, bien que ne dédaignant pas le bridge, alors à ses débuts, c'est un incident de santé qui lui fait manquer la botte.

Après son année de service militaire au 7e Génie d'Avignon, il entre à l'Ecole des Mines de Paris. Il y est un des élèves préférés d'Henry LE CHATELIER. Il a toujours gardé une profonde reconnaissance à ce savant dont il a reçu les qualités d'observation, le souci du détail et, en même temps, cette capacité d'embrasser les vues d'ensemble si nécessaire aux fonctions de dirigeant d'une grande entreprise.

En 1911, il entre comme Chef de Service du laboratoire aux Forges d'Allevard, où il reste jusqu'à la guerre de 1914.

Mobilisé au 7e Génie, il est affecté à une compagnie de pontonniers, mais, après la Marne, cette compagnie est mise à la disposition des divisions au combat. En particulier, MATHIEU y réussit à fortifier et à maintenir en état, à 200 mètres des lignes, la station d'alimentation en eau de la ville de Soissons.

En septembre 1915, sur la proposition de Gabriel ARNOU (1902), qui l'avait connu à Allevard, il fait partie d'une mission envoyée aux Forges de Briansk, entre Moscou et Kiev, pour y organiser la fabrication des aciers spéciaux.

En 1917, après les révolutions russes, il regagne la France par Mourmansk et est affecté à l'usine de la Bathie qui fabriquait des aciers à outils. C'est là que le retrouvent les fondateurs de la Société d'Electro-Chimie et d'Electro-Métallurgie, Messieurs Henry GALL et BARUT, qui l'avaient connu avant la guerre. Il entre dans le nouveau groupe en 1919 et y fera toute sa carrière.

Années d'usines en Savoie : Notre-Dame-de-Briançon en 1919, Le Giffre, comme Directeur, de 1920 à 1924. Il participe étroitement à la fusion de sa société avec les Aciéries Electriques d'Ugine où il rencontre René PERRIN. En 1924, il se retrouve à Annecy, comme Directeur des Services Electro-métallurgiques.

En 1930, le camarade PAINVIN (1905), qui a pris la tête du Groupe Ugine, fait venir près de lui son cocon qui, pendant plus de quinze ans, lui apporte le concours d'un jugement sûr, appuyé sur une connaissance sans cesse approfondie des moyens matériels et humains de la société.

Vient la guerre de 1939-1945. A partir de l'Armistice, il dirige le Comité d'Organisation des ferro-alliages. Sa discrétion, appuyée par le dévouement de ses collaborateurs, lui permet de disposer, à la Libération, des approvisionnements suffisants pour le redémarrage des usines. Son action lui vaut la médaille de la Résistance.

En 1945, lorsque PAINVIN quitte la présidence d'Ugine, il demande à MATHIEU de lui succéder, sachant qu'il ralliera l'unanimité, aussi bien au Conseil d'Administration que dans le personnel. Comme l'a dit M. Jean GALL, Président de la Chambre Syndicale de l'Electro-Métallurgie et de l'Electro-Chimie, « lorsque, dans des circonstances très difficiles, il a été amené à prendre la première place, il ne s'est pas dérobé devant le devoir ; il a montré, alors que ses tendances inclinaient naturellement à la conciliation, qu'il n'admettait aucun compromis et qu'il suivrait inflexiblement la voie qu'il s'était tracée ».

Et depuis, sans qu'il cesse de montrer « toujours la même simplicité, toujours la même compréhension, toujours le même accueil », l'ascendant de son jugement, de sa valeur morale, s'est progressivement imposé à ceux qui l'ont approché, au sein de la Société et de ses filiales, comme parmi ses collègues ou les représentants des Pouvoirs publics.

En 1959, il transmettait la présidence d'Ugine au camarade René PERRIN, avec lequel il travaillait en toute amitié depuis quarante années, et il recevait alors la cravate de Commandeur de la Légion d'Honneur.

Telle est l'histoire, à méditer par les jeunes camarades, de la réussite de MATHIEU, indépendante de toute attache financière ou politique, due aux seuls mérites de son intelligence et de son coeur, exercés tout au long d'une vie de travail silencieux, sans faiblesse ni répit.

D'après UGINE histoire des aciéries électriques, Charles Le Ménestrel, Editions lyonnaises d'Art et d'Histoire, 1993.

Eugène Mathieu est le dernier-né d'une famille nombreuse d'Allevard dans l'Isère. L'un de ses frères aînés, normalien et agrégé, sera son professeur de première année de taupe. Après la seconde année, passée au lycée Janson de Sailly, il est reçu à l'Ecole Normale Supérieure et à Polytechnique. Il choisit l'X, désireux d'entrer dans l'industrie. La présence à Allevard d'une usine métallurgique d'excellente réputation, notamment dans le domaine des aciers à ressorts, ne paraît pas être étrangère à ce choix. De fait, après ses années d'X, de service militaire et d'Ecole des Mines, il entre en 1911 aux Forges d'Allevard comme chef de service du laboratoire, sur la recommandation d'Henry Le Chatelier.

A la guerre de 1914, il est mobilisé dans le Génie. En septembre 1915, il est envoyé en Russie aux Forges de Briansk, entre Moscou et Kiev, pour y organiser la fabrication d'aciers spéciaux. Cet épisode de sa carrière métallurgique lui laissera de très marquants souvenirs qu'il aimera narrer. La révolution russe de 1917 y met fin et son retour en France se fait par Mourmansk.

Il est affecté à l'usine de la Bathie, à ce moment sous séquestre en tant que bien étranger, austro-hongrois. Une partie de l'usine avait été remise en activité par la Société d'Electro-Chimie. Eugène Mathieu a la responsabilité de la marche de la partie restée sous séquestre.

C'est ainsi qu'après les hostilités, Henry Gall et Jules Barut l'embauchent et l'envoient à l'usine de Notre-Dame-de-Briançon. Il n'y reste qu'une année : on lui confie en 1920 le poste de directeur de l'usine du Giffre et en 1924, la direction de la Branche Electro-Métallurgie.

Sa brillante carrière se poursuit rapidement : en 1930, Georges-Jean Painvin, administrateur délégué de la société, l'appelle auprès de lui, comme directeur central de la société.

Il entre au Conseil d'Administration en octobre 1939.

Pendant l'occupation allemande, il dirige le comité d'organisation des ferro-alliages. Il agit si habilement qu'à la Libération, les stocks de ferros, même ceux de métaux rares, seront suffisants pour le démarrage des usines.

La complicité dévouée de ses collaborateurs lui est acquise.

En 1945, Georges-Jean Painvin abandonnant la présidence de la SECEMAEU, Eugène Mathieu lui succède. Sa connaissance approfondie des usines et des hommes, la confiance que tous mettent en lui, sa réputation extérieure d'habileté et de droiture, toutes ces qualités font de lui un excellent président. Il montre toujours la même simplicité, toujours la même compréhension, toujours le même accueil avec un jugement très sûr. Tous ces traits de caractère sont très appréciés, non seulement par le personnel de la société, mais aussi par ses collègues et par les pouvoirs publics.

Il quitte la présidence de la SECEMAEU en 1959, la laissant à René Perrin et décède le 6 juin 1966.