Marie René Charles Paul Edouard Alexandre Amaury du MESNIL (1845-1894)

Né le 15/2/1845 à Saint-Georges-d'Oleron (Charente Inf.).

Admis à l'Ecole des Mines de Paris le 7/11/1866 (classé 11). Diplômé ingénieur civil des mines le 5/6/1869 (classé 19).


Bulletin de l'Association amicale des anciens élèves de l'Ecole des Mines, Décembre 1894

Un membre du Comité, connaissant les relations d'amitié qui m'unissaient à Amaury du Mesnil, a bien voulu me prier de dire ici quelques mots de la vie et du caractère de l'excellent camarade que la mort vient de frapper.

Je saisis avec empressement l'occasion qui m'est offerte de rendre hommage à la mémoire d'un ami fidèle, d'un homme chez qui les dons de l'intelligence étaient alliés à la plus haute valeur morale.

Amaury du Mesnil est né en 1845, à Saint-Georges d'Oléron. Bien qu'appartenant à une famille aisée (dont un membre fait aujourd'hui partie d'un de nos grands corps d'Etat), il tint à honneur de se créer par lui-même une situation indépendante. Après cinq années passées à l'établissement des religieux Dominicains de Sorèze, où il reçut l'enseignement du Père Lacordaire, il se fit recevoir élève à l'Ecole des Mines, en 1866.

A un âge qui pour beaucoup est celui de la légèreté, il apportait déjà dans ses études tout le sérieux, toute la largeur de vues qui devaient le distinguer dans le cours de sa carrière.

C'est sur ces bancs, où nous écoutions ensemble la voix de nos dévoués maîtres, Gruner, Haton de la Goupillière, Rivot, Daubrée, et autres hommes éminents, que prit naissance entre nous, un peu par hasard, un peu peut-être aussi à cause d'une certaine conformité d'humeur, une amitié que le temps ne devait que fortifier.

Un de mes meilleurs souvenirs de ces années d'Ecole est assurément celui des petites conférences qui nous réunissaient chaque jour, à l'approche des examens, chez notre condisciple et ami Emile Sainte-Claire-Deville, l'un des fils du grand chimiste. Que les heures de travail passaient vite avec ces deux aimables compagnons !

Sans négliger aucune des connaissances qui nous étaient enseignées, du Mesnil manifestait une certaine prédilection pour la métallurgie. Aussi, à sa sortie de l'Ecole, en 1869, est-ce vers cette science qu'il résolut de s'orienter.

Grâce aux notes que je dois à l'obligeance de sa famille, je puis rappeler les principales étapes de sa carrière.

Sa vie d'ingénieur, à peine commencée par un séjour à La Pise, où il s'occupa du traitement des minerais de plomb argentifère, et par une expertise que lui confia la Banque de Paris, fut interrompue par la guerre de 1870, pendant laquelle il remplit dignement son devoir en qualité de capitaine d'artillerie.

En 1873, il entre dans les usines de M. Létrange, a Romilly-sur-Andelle, où il est chargé successivement du laboratoire, puis de la fonderie du cuivre et du laiton. En 1875, il est nommé sous-directeur, chef de fabrication, fonctions qu'il occupe jusqu'en 1877.

Il reçoit, en 1878, la mission d'organiser l'exposition du ministère de l'instruction publique et obtient les palmes d'officier d'académie.

A la fin de la même année, après un voyage en Italie pour l'étude des mines de pyrite aurifère de Macugnaga, il est appelé par M. Secrétan à Givet, comme ingénieur, chef de fabrication, et y fait d'importantes constructions de fours. C'est de cette époque que date la partie vraiment intéressante de sa carrière.

Après plusieurs missions en Corse et en Italie, divers travaux exécutés à Sérifontaine et à Givet, pour le compte de Ja Société industrielle et commerciale des métaux, il est nommé directeur de la Société de laminage du nickel, dont il organise et dirige les usines à Saint-Denis et à Schwert, en Westphalie.

Enfin, en 1885, M. Secrétan, qui avait su apprécier ses qualités d'homme et d'ingénieur, le rappelait à lui et lui confiait la direction de son établissement préféré, l'usine de Saint-Victor, a Sérifontaine, dont la spécialité est la fourniture du laiton et du maillechort à la guerre, à la marine et à l'industrie privée.

Aucun choix ne pouvait être meilleur.

Du Mesnil se voua tout entier à ses nouvelles fonctions, renonçant aux satisfactions les plus légitimes que la vie pouvait lui offrir, enfermé dans son usine comme dans un cloitre, consacrant ses jours et souvent ses nuits à la surveillance des ateliers, ne faisant plus à Paris, pour les besoins du service, que de rares et courtes apparitions.

Grâce a son dévouement sans limites, à sa fermeté dans la conduite du personnel, à une économie sagement ordonnée, à un soin minutieux dans les moindres détails d'une fabrication des plus délicates, il avait su, en peu d'années, porter la prospérité de son usine à un degré qu'elle n'avait jamais atteint.

Alors qu'il eût mérité de jouir pleinement du succès de ses persévérants efforts, du Mesnil commençait à souffrir d'une maladie de langueur dont il n'a pas été possible d'arrêter les progrès.

A la suite d'une attaque d'influenza, sa santé avait été gravement altérée et, dès l'été de 1893, il tomba dans un état de faiblesse dont le repos des vacances ne devait le remettre qu'imparfaitement.

Lors de ma dernière visite a Sérifontaine, au mois d'août de cette année, je fus tristement impressionné par sa maigreur et son changement. Il ne marchait qu'avec peine et je le quittai profondément inquiet de son état de dépérissement.

Sa confiance en l'avenir ne l'avait pourtant pas abandonné. Il me parlait de projets encore lointains et se voyait, après quelques nouvelles années de travail, de retour dans sa ville natale, vivant heureux au milieu des siens, dans une habitation de son goût dont les plans étaient déjà tracés.

Hélas ! ce rêve ne devait pas se réaliser pour notre pauvre camarade. Un mois après, un triste billet venait m'apprendre que je ne le verrais plus.

Ce que j'ai dit de sa vie suffit presque à le faire connaître. Je tiens cependant à insister sur quelques-uns des côtés les plus intéressants de sa nature.

Il fut un homme de bien dans toute l'acception du mot. Une parfaite droiture, une conscience poussée jusqu'au scrupule dans l'accomplissement de son devoir, une simplicité sans nulle affectation, une franchise qu'il ne savait pas faire plier devant ses intérêts, une solidité inaltérable dans les amitiés, telles furent les qualités essentielles de celui qui vient de nous quitter, suivi d'affections nombreuses et, je puis l'affirmer, de l'estime de tous.

Roger ALEXANDRE.