Charles Joseph MEUNIER (1842-1920) dit MEUNIER-DOLLFUS


Meunier, élève de l'Ecole des Mines de Paris
(C) Photo collections ENSMP

Fils de Jean Charles Baptiste MEUNIER (1816-1888), agent des charbonnages de Bla à Mulhouse, et de Antoinette WAGNER. Frère de Irma Anna MEUNIER épouse de Hermann Philippe Frédéric WALTHER, ingénieur de l'Association alsacienne d'appareils à vapeur.
Mari de Ida Marthe DOLLFUS (1848-1918), originaire de Mulhouse (elle-même fille de l'industriel mulhousien Guillaume Gaspard DOLLFUS (1817-1879)) et de son épouse Catherine DETTWILLER. Ida est aussi la cousine du géologue Gustave DOLLFUS qui fut président de la Société Géologique de France.
Père de : Georges Charles Adolphe , ingénieur et négociant ; Charles Jean, négociant ; Maurice Auguste, juriste ; Marie Catherine, épouse de Emmanuel Michel BENNER ; et Paul, agriculteur au Maroc.

Ancien élève de l'Ecole des mines de Paris (promotion 1862). Ingénieur civil des mines.

Meunier-Dollfus a créé en 1867 l'APAVE d'Alsace.

Il a ensuite été industriel, à Thann (68) : administrateur délégué de la Société anonyme des Fabriques de Produits chimiques de Thann et de Mulhouse

Il a longtemps animé le groupe de l'Est de l'association des anciens élèves de l'Ecole des mines de Paris.

Il est l'auteur de plusieurs articles parus dans Bulletin des anciens élèves de l'Ecole des mines de Paris, notamment un article sur la Navigation sur le Rhin (1864-1914) publié en avril 1919.


Le discours suivant, prononcé par MEUNIER-DOLLFUS peu avant sa mort, au banquet de l'Association amicale des anciens élèves de l'Ecole des mines de Paris du 6 décembre 1919, donne un aperçu sur le devenir professionnel de certains de ses camarades de promotion de l'Ecole des mines.

Messieurs et chers camarades,

L'honneur que vous m'avez fait en m'appelant à présider cette réunion solennelle, où nous célébrons notre fête patronymique, la Sainte Barbe, après six ans d'interruption, s'adresse à plus haut que moi.

La même pensée patriotique qui vous a amenés à honorer la Lorraine, dans notre camarade François de Wendel, vous a conduits à rendre le même témoignage à l'Alsace, en ma personne, et c'est pourquoi je suis ici.

Je vous remercie du plus profond de mon cœur de l'hommage rendu à ma petite patrie, et je suis particulièrement heureux de constater que tous ceux qui ont passé sur les bancs de l'Ecole ou qui s'y trouvent encore à des titres divers, se trouvent tous aujourd'hui représentés à notre fête de famille.

En obligeant un vieux bonhomme comme moi à prendre la parole, vous ne savez pas à quoi vous vous êtes exposés : puissiez-vous ne pas le regretter. comme si vous avez convié parmi vous ce fameux tambour de Draguignan (5 fr. pour le faire battre, 10 fr. pour le faire taire).

Je ne me réclamerai néanmoins pas exclusivement de cette référence, je préfère en invoquer de meilleures, mon dévouement à notre chère Ecole et mon désir de faire bénéficier, si possible, mes jeunes camarades de l'expérience d'une longue carrière industrielle.

Je ne crois pouvoir le mieux faire qu'en vous dépeignant brièvement ce qu'était notre Ecole en 1862, il y a bientôt soixante ans aujourd'hui : certes, en comparaison d'une période géologique, c'est peu, c'est énorme au contraire quant aux transformations, aux révolutions d'une nation pendant cet intervalle.

Je ne vous dirai rien, ou à peu près, de la situation actuelle de l'Ecole, car vous la connaissez mieux que moi ; je vous laisse le soin de faire les rapprochements que vous jugerez utiles entre ces deux époques.

La promotion de 1862 qui a pris une part active, ainsi que la promotion de 1861 à la constitution de l'Association Amicale des Anciens Elèves de l'Ecole Nationale Supérieure des Mines de Paris, mériterait que je vous en présente l'histoire, mais je me bornerai à vous en tracer un simple aperçu.

Elle comprenait :

1° Deux élèves ingénieurs, Alfred Cornu, l'illustre physicien, membre de l'Institut à trente et quelques années, dont les travaux vous sont bien connus, et Adolphe Matrot, qui a honorablement rempli sa carrière au Corps national des Mines, sans laisser, je le crois du moins, une œuvre saillante après lui ;

2° Deux élèves étrangers : Ottone Fodera, élève ingénieur au Corps Royal des Mines Italien, et qui y a fait sa carrière : Henri de Loriol, sujet Suisse, qui s'est occupé spécialement de questions sociales et d'hygiène industrielle ;

3° Vingt élèves externes, dont il ne reste que quatre survivants : Buron, de Cerner, de Lansac, et celui qui vous parle.

La majorité des élèves de la promotion s'est dirigée vers l'industrie et y a fait son chemin dans les mines, la métallurgie et les chemins de fer ; tandis que plusieurs de nos camarades, particulièrement fortunés comme Paul Hély d'Oissel, recherchaient à l'Ecole les connaissances générales, supérieures qui devaient asseoir leur jeune autorité dans les situations de premier ordre qui les attendaient peu après leur sortie de l'Ecole, tous les autres s'appliquaient de leur mieux à s'assimiler « la moelle substantifique » de cet enseignement concret, défini et solide, qui fait te force de notre Ecole et lui permet de former des ingénieurs aptes aux mines, aux forges, aux chemins de fer et aussi aux situations les plus diverses, n'ayant à première vue qu'un rapport bien éloigné avec le programme d'études de l'Ecole.

C'est ainsi que sur vingt élèves de la promotion de 1862, deux, Henri Germain et Robert Galos, après avoir passé quelques années dans les mines, dans les forges, se sont adonnés au commerce et prirent la direction d'affaires commerciales importantes : un troisième, Arthur de Lansac, dirigea pendant de longues années deux journaux économiques relatifs à l'industrie du gaz d'éclairage et des chemins de fer ; un quatrième, Alphonse Marchegay, créa l'installation et l'administration de la Société des Téléphones à Lyon, avant sa reprise par l'Etat, et un cinquième, après avoir passé plus d'une année comme volontaire à la Compagnie des Forges de Franche-Comté, puis quelques mois en même qualité aux Houillères de Ronchamp, fondait, avec le concours de la Société Industrielle de Mulhouse, l'Association Alsacienne des propriétaires d'Appareils à vapeur, la première du continent : il n'avait pas alors vingt-cinq ans.

Peu après, un ancien élève de l'Ecole Polytechnique, Cornu, — que la similitude de nom ne doit pas faire confondre avec l'illustre physicien, — fondait à Lille l'Association des Propriétaires d'Appareils à vapeur du Nord de la France, laquelle, grâce à son intelligente activité, prenait rapidement une grande extension et a été, pendant un certain nombre d'années, la plus importante de France. [Il s'agit de Henri Cornu (1883-1981 ; X 1903]

D'autres centres industriels suivirent cet exemple et tour à tour il se créa des Associations de même nature à Paris, Rouen, Lyon, Amiens : aujourd'hui, on en compte aussi à Marseille, Bordeaux, Nantes, peut-être encore ailleurs.

Depuis la mort de Cornu, disparu dans la force de l'âge, alors qu'il venait d'être promu Officier de la Légion d'honneur, puis à partir du moment où j'ai résigné mes fonctions d'Ingénieur en chef de l'Association Alsacienne, pour exercer conjointement avec Scheurer Kestner la charge d'administrateur délégué de la Société anonyme des Fabriques de Produits chimiques de Thann et de Mulhouse, tous les Ingénieurs en chef des Associations de Propriétaires d'Appareils à vapeur en France sont des ingénieurs de l'Ecole Centrale : aussi, n'est-ce pas sans mélancolie, quand j'y songe, que je regrette de n'avoir pas vu en temps opportun de nos jeunes camarades s'engager dans la voie que j'avais tracée : c'est d'autant plus fâcheux qu'aujourd'hui il serait bien hasardeux de s'y diriger, avec quelque chance de succès, à moins de circonstances particulières éminemment favorables.

Avec le temps, les Ingénieurs en chef des Associations sont devenus les ingénieurs-conseils des industriels de leurs régions en matière de combustibles, de générateurs et de machines à vapeur et même d'installations électriques, quand, comme l'ingénieur en chef de l'Association Alsacienne actuel, M. Victor Kammerer, ils sont aussi compétents en matière d'électricité, de sa production et de son emploi, que s'il s'agissait de la vapeur, pendant si longtemps seule source d'énergie.

Revenant aux camarades de la promotion de 1862, sans pouvoir les suivre tous dans leurs carrières, ce qui dépasserait le cadre que je me suis proposé, je dois cependant vous en signaler deux dont les mérites exceptionnels demandent à être rappelés : le premier Emile Nougier, mort quelque temps avant la guerre, à qui l'on doit les études des charpentes de la Tour Eiffel et du pont d'Oporto ; le second, heureusement encore de ce monde, Philippe de Cerner, attaché d'abord à Parran, Ingénieur au Corps national des Mines, directeur de l'importante mine de Mokta-el-Hadid, puis son successeur, et qui a pris une grande part à la prospérité de cette entreprise.

Enfin, trois survivants de la promotion de 1862, Oscar Buron, qui a dirigé avec distinction le service de la construction du matériel roulant à la Compagnie d'Orléans ; Arthur de Lansac, qui a consacré une grande partie de l'activité de sa vie aux journaux économiques que je vous ai signalés ; vous connaissez maintenant tous ceux de 1862 qui sont encore susceptibles de répondre à l'appel présent ».

J'ai terminé tout ce que je me proposais de vous dire concernant la promotion de 1862.

S'il est permis d'espérer que les cinquante et quelques élèves qui désormais, quitteront chaque année les bancs de notre Ecole, puissent trouver dans les industries de France, appelées à une grande extension, plus de facilités à se caser qu'une douzaine ou une quinzaine de leurs anciens, autrefois, il est néanmoins prudent d'admettre qu'il n'en sera pas ainsi si toutes les bonnes volontés ne s'appliquent pas dès maintenant à préparer les voies.

Vous avez la bonne fortune, jeunes camarades, de travailler sous l'impulsion de maîtres incomparables, dignes successeurs des nôtres qui s'appelaient : Gruner, Rivot, Callon, Couche, Elie de Beaumont, Daubrée, de Chancourtois, Lame-Fleury, sans oublier les jeunes professeurs d'alors, Haton de la Goupilliere, Fuchs, Moissenet.

Vous avez la bonne fortune, jeunes camarades, de trouver dans l'Association Amicale des Anciens Elèves de l'Ecole Nationale Supérieure des Mines de Paris, depuis son cher Président, son Secrétaire dévoué, et tous les membres du Comité, un ensemble d'amis rivalisant d'ardeur à vous être utiles ; voilà bien des atouts dans votre jeu que nous n'avons pas connus.

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