Roger NAUDET (1926-2013)


Naudet, élève de Polytechnique
(C) Collection privée

Décédé le 14 septembre 2013.

Ancien élève de l'Ecole polytechnique (promotion 1945). Ancien élève de l'Ecole des mines de Paris (promotion 1947). Ingénieur au corps des mines.


Hommage au disparu, par Maurice Mermet et Louis Pujol.

Publié dans MINES Revue des ingénieurs, #471, janvier/février 2014 :

C'est un camarade bien sympathique qui nous a quittés.

«Il s'en est allé avec toute sa tête, jusqu'au dernier souffle. Un peu à l'Image de sa vie». «Une vie pour des idées bien sûr... des idées simples et claires... des idées bien arrêtées, parfois trop...avec un brin de provocation contre tous les conformismes».

«Une seule ambition possible : le meilleur... pourtant il n'a jamais fait carrière...».

C'est ainsi que s'exprimait son fils Jean François dans l'hommage qu'il rendit à son père lors de ses obsèques.

En 1950, dès sa sortie de l'École des Mines, il est affecté au Maroc. D'abord au Service des Mines, puis, à partir de 1954, il est chargé par Charbonnages de France de la maîtrise d'ouvre de l'essai de «gazéification souterraine» dans la mine marocaine d'anthracite de Djérada. Cette technique innovante, sur laquelle on fondait alors de grands espoirs, consistait à réaliser in situ, dans la couche de charbon, une combustion incomplète, afin de tirer de la mine un gaz riche en CO. On imagine les difficiles problèmes que Roger Naudet, jeune ingénieur, avait à surmonter.

En 1956, Roger Naudet revient en France, au Commissariat à l'Énergie Atomique (CEA) de Saclay. Il y oeuvra jusqu'à sa retraite en 1989.

Par goût, il aurait bien voulu se consacrer à la recherche en physique fondamentale. Mais sa mission était de recherche en physique appliquée au développement des réacteurs à uranium naturel, avec comme modérateur de neutrons, l'eau lourde (ou le graphite), et comme fluide caloporteur, un gaz (CO2 ou N2). Cette filière à uranium naturel eut un certain succès dans les années 50 et 60. Elle conduisit à la première pile française de puissance (75 Mw) démarrée en 1966 par le CEA et l'EdF à Brennilis, et parallèlement, aux réacteurs à graphite par le CEA et l'EdF aussi, à Marcoule en 1963.

Cependant, à la même époque, les USA travaillaient avec de l'uranium enrichi. La France suivait dans cette voie en démarrant en 1967 l'usine d'enrichissement de Pierrelatte. Cela amena Roger Naudet à étudier aussi des générateurs à uranium enrichi et eau lourde.

Ce que l'on appela «la guerre des filières» aboutit finalement au choix industriel du procédé américain PWR (uranium enrichi et eau pressurisée) pour la centrale EdF de Fessenheim en 1966 sous licence Westinghouse, et c'est sur ce procédé, «francisé» par la suite par Framatom, que fut construit le parc nucléaire des années 70 et 80.

Pour Roger Naudet, après une quinzaine d'années de travail pour la filière à eau lourde et uranium naturel, ce fut «un ratage et une blessure jamais refermée (Jean François)».

Mais, opportunément, un nouveau défi se présentait à lui.

En 1972, on découvrit que, parmi les gisements exploités par COMUF au Gabon, le minerai du site dénommé OKLO livrait de l'uranium dont la teneur en isotope radioactif U235 était significativement inférieure à la teneur normale. C'était de l'uranium «naturellement appauvri» !

Roger Naudet, à la tête d'un groupe d'experts internationaux, fut chargé d'élucider ce phénomène énigmatique encore jamais rencontré. Il constata que ce minerai d'OKLO contenait des produits de fission de l'U235 qui n'apparaissent normalement que dans les réacteurs nucléaires. Des années d'études menèrent à la conclusion que, dans la région d'OKLO, avaient eu lieu, naturellement, des réactions nucléaires identiques à celles des piles atomiques, jusqu'à ce que la teneur en U235 soit assez réduite pour que la réaction s'arrête d'elle-même.

Roger Naudet est l'auteur de l'ouvrage de référence sur ce phénomène resté unique à ce jour : OKLO, des réacteurs fossiles, Eyrolles, 1991.

Mais la vie n'est pas que le métier, mais aussi la famille dont il préservait l'intimité et les amitiés fidèles.

«C'était aussi prendre le grand air... la voile, la montagne, le jardin... (un quatuor de musique de chambre auquel il consacra beaucoup de temps)... et puis de multiples centres d'intérêt qui ion amené à écrire sur l'histoire, ...sur le cerveau,... avec toujours cette passion de comprendre» (Jean François).

Et nous, ses camarades, mesurant la peine que nous ressentons à perdre un camarade si attachant par son comportement parfois presque juvénile, nous voulons dire notre profonde amitié à son épouse Jeanne-Marie et à leur fils.

Maurice Mermet (CM47), Louis Pujol (P47)