Anatole Jules Clément PETITON-SAINT-MARD (1836-1911)

Né le 5/6/1836 à Moret (Seine et Marne).

Ancien élève de l'Ecole des Mines de Paris (promotion 1857) : admis en cours préparatoire le 8/9/1856 ; admis comme élève externe le 7/11/1857 (classé 23) ; breveté le 2/6/1860 (classé 15). Ingénieur civil des mines.


Bulletin de l'Association des Anciens élèves de l'Ecole des Mines de Paris, Juillet-Août 1911

I

Notre camarade A. PETITON-SAINT-MARD, sorti de l'Ecole en 1860, est décédé à Paris, dans les premiers jours de mai, succombant à une congestion cérébrale, et a été inhumé à Lannion, où sa famille s'était fixée depuis 1830 et où s'étaient écoulées ses premières années.

Il était le troisième fils d'une famille dont les ancêtres étaient originaires du la Guyenne et dans laquelle s'est perpétué l'esprit de fermeté, d'abnégation et de patriotisme.

L'aîné de ses deux frères, inspecteur général des eaux et forêts, a donné le 31 octobre 1870 la mesure de cette énergie héréditaire. A la requête d'Ernest Picard, échappé à grand'peine de l'hôtel-de-ville, il entraînait ses gardes-forestiers et délivrait le Gouvernement de la Défense nationale, prisonnier de l'émeute.

Un de ses oncles, officier d'artillerie, avait, sous la Restauration, affrété un navire pour tenter de faire passer en Amérique le captif de Sainte-Hélène et disparaissait avec son équipage, victime de son dévouement.

Pénétré des traditions de sa famille et ayant à coeur de s'en inspirer, A. PETITON nous laisse l'impression de ce qu'une volonté forte peut obtenir d'une constitution physique affaiblie par la maladie.

Rentrant de Cochinchine, où depuis deux ans il s'était épuisé au cours de ses explorations géologiques, il obtenait le commandement d'un bataillon de mobilisés de l'Hérault, les conduisait à l'armée de l'Est, prenait part aux combats autour de Belfort, et méritait la croix de la Légion d'honneur.

A peine convalescent des fièvres coloniales et reposé des fatigues de cette désastreuse campagne, il était désigné pour une sous-préfecture dans un des départements du Midi, encore troublés.

Mais ces nouvelles fonctions ne répondaient ni à ses traditions ni à ses goûts scientifiques et, en 1873, il quittait l'administration pour se faire inscrire comme expert technique et arbitre rapporteur au Tribunal de Commerce de la Seine. C'était une sorte de retraite laborieuse et prématurée, bien justifiée par les épreuves et les déceptions qu'il avait subies depuis sa sortie de l'École des Mines.

II

Ainsi que beaucoup de nos camarades, il avait débuté par un stage industriel dans les ateliers de construction de Belgique, comme ingénieur chargé, par la Compagnie des chemins de fer du Nord-Espagne, de la réception des locomotives et du matériel roulant. Puis, il fut nommé directeur d'une mine de plomb argentifère dans les Pyrénées. En 1868, il était ingénieur à la Grand'Combe, lorsque, sur la demande de l'amiral de la Grandière, gouverneur général de l'Indo-Chine, il fut désigné comme ingénieur chargé du service des mines de la colonie, avec mission spéciale pour l'exploration géologique de nos possessions en Extrême-Orient.

Nul d'entre nous n'ignore la difficulté de ces recherches, même en pays civilisés, c'est-à-dire avec les ressources qu'offrent à l'explorateur les travaux antérieurs, les conseils de nos maitres, les documents accumulés dans nos collections et nos bibliothèques, les facilités de communications, de recrutement du personnel nécessaire, etc., etc.

Toutes ces ressources faisaient défaut dans ces régions tropicales, presque inexplorées à cette époque, et il fallait une rare énergie pour organiser une telle mission, pour parcourir sous un climat meurtrier des contrées encore mal soumises, et dominer des souffrances quotidiennes, en vue de déterminations précises. Et pendant deux années consécutives, en dépit des obstacles opposés soit, par les pluies diluviennes, soit par la végétation tropicale, soit par le mauvais vouloir des indigènes, A. PETITON a pu recueillir, déterminer et classer un millier d'échantillons de roches, et esquisser la constitution géologique du pays. Il a signalé le premier, dans la province d'Ha-tien un gisement de phosphate de chaux, et les indications de cette nature ont pris depuis cette époque un intérêt et une valeur qui vont croissant d'année en année.

Arrêté brusquement dans ses travaux par une décision du nouveau gouverneur nommé en 1870, le chef de mission revient en France, miné par la fièvre et avec le regret de ne pouvoir continuer ses recherches. Ce n'est qu'en 1894, que, grâce à la persévérance et à la ténacité dont il a toujours fait preuve, il a pu obtenir la publication de ses travaux et de sa carte géologique de l'Indo-Chine.

En 1880, il publiait une note sur un gisement de lignite aux Iles Féroë. Dans ces parages désolés, sans végétation arborescente, l'exploitation de ce combustible doit offrir à la population de précieuses ressources et permettre peut-être un traitement sur place du minerai de cuivre signalé par l'auteur dans les trapps amygdaloïdes de Naalso.

III

Après cet exposé succinct des travaux scientifiques d'A. PETITON, il convient maintenant d'insister sur les titres qu'il a acquis à la reconnaissance de notre Association.

Dès 1863, et avec le concours de de Lespinats, d'A. de la Garde, de Dollfus et de quelques élèves de l'Ecole, il prenait à tache de grouper et d'unir, en un seul faisceau, les ingénieurs des mines, les élèves brevetés et les élèves étrangers, dans le but de créer entre eux d'amicales relations et d'utiles échanges de services. Il s'inspirait avec raison de ce qu'avaient réalisé l'Ecole centrale des Arts et Manufactures, celle des Arts et Métiers, celles de Mons, de Liège, de Freyberg.

A cette oeuvre, il sut intéresser Bayle, professeur de paléontologie à l'Ecole des mines, et Fuchs, débutant alors dans le professorat aux cours préparatoires, esprit d'élite enlevé trop tôt à l'amitié de ses confrères et à l'affection de ses élèves.

Il ne pouvait faire un meilleur choix pour la présidence qu'il avait d'abord acceptée et à laquelle il fit associer Fuchs dès les premières séances.

Un comité provisoire fut élu et les premiers statuts furent adoptés par une assemblée générale réunissant 39 camarades, le 21 novembre 1863. Obligé de quitter Paris à la fin de cette même année, A. PETITON dut résigner ses fonctions présidentielles, mais il aura toujours l'honneur d'avoir donné naissance à une Association dont le développement, après de très laborieux débuts, devait être si remarquable et continu, et qui justifie pleinement aujourd'hui les prévisions de son fondateur.

J. DAMOUR.