Lucien STOZICKY (1885-1939)

Ancien élève de l'Ecole des mines de Paris (promotion 1908). Ingénieur civil des mines.


Bulletin de l'Assoc. des anciens élèves de l'Ecole des mines de Paris, 1939 :

Notre camarade Stozicky est décédé, presque subitement, le 1er octobre, d'une crise d'angine de poitrine causée par un long surmenage et un dévouement constant, absolu, non seulement à ses ouvriers de Courrières, puis de Bruay, mais aussi aux diverses œuvres paroissiales, dévouement souligné à ses obsèques par M. le curé d'Haillicourt.

Notre camarade laisse neuf enfants, 4 filles et 5 garçons, dont le dernier est âgé d'un an !

Voici les textes des allocutions prononcées, au nom de la Compagnie de Courrières, par le camarade Faure, son ingénieur principal, et au nom de celle de Bruay, par son Directeur général, M. George, du Corps des Mines, l'éminent successeur du camarade Didier, lequel était présent également aux obsèques de son ancien collaborateur, si estimé de lui, comme de tous.

Allocution de M. Faure

C'est avec une douloureuse émotion que je viens saluer une dernière fois, devant sa famille et ses amis en larmes, M. Lucien Stozicky, Ingénieur, qui jouissait de la plus grande estime de ses collègues et de tous ses ouvriers, ami auquel m'attachaient des liens de profonde sympathie, camarade d'Ecole qui avait puisé à la même source que moi-même, son ancien d'une quinzaine d'années, les meilleurs principes de l'art des Mines. Si sa vie fut courte, elle fut du moins bien remplie.

Né le 19 février 1885 à Paris, il fit de brillantes études au lycée de Versailles, et en 1906 il était admis à l'Ecole Nationale Supérieure des Mines de Paris, après avoir été reçu premier au cours préparatoire. Dès sa sortie de l'Ecole, la Compagnie des Mines de Courrières le prenait à son service en juin 1911. Mais la mobilisation, le 2 août 1914, l'arrachait bientôt à son poste et il partait comme lieutenant d'artillerie pour barrer la route à l'envahisseur qui se ruait sur la France. A la chute de Maubeuge, il fut fait prisonnier et interné en Allemagne jusqu'à l'Armistice. Grâce à sa connaissance de l'allemand et à son inlassable charité, il fut d'un grand secours et d'un puissant réconfort pour ses camarades de détention. Enfin libéré, il rentra à la Compagnie de Courrières en 1919 où, sous l'énergique impulsion de M. Guerre, il travailla activement au déblaiement des installations qui n'étaient plus qu'un monceau de ruines. Mais il quitta bientôt Courrières pour entrer le 1er juin 1919 à la Compagnie des Mines de Bruay où ses qualités de chef à la fois énergique et bon le firent tout de suite apprécier. D'abord ingénieur du fond à la fosse n° 3, puis à la fosse 6 ter, il fut nommé, le 1er mars 1933, ingénieur divisionnaire du siège n° 6 où les difficultés du gisement lui fournirent maintes fois l'occasion de donner la mesure de sa valeur comme technicien.

Mais quels éloges ne pourrais-je pas faire de Lucien Stozicky comme père de famille si je ne craignais de blesser sa modestie par delà la tombe ! Marié le 29 juin 1920, père de neuf enfants plongés aujourd'hui dans le deuil et la désolation, il donna avec son admirable épouse l'exemple des plus belles vertus familiales, modèle d'affection, d'union, de paix et de charité chrétienne agissante. Les regrets unanimes et sincères de tous ceux qui l'ont connu, de ses chefs, de ses collègues et de ses ouvriers l'accompagnent aujourd'hui et son souvenir restera longtemps gravé dans leur cœur. Puisse cette assurance apporter quelque consolation à sa malheureuse veuve qui accepte avec une admirable résignation la cruelle épreuve que le Ciel lui a envoyée, à ses enfants et à toute sa famille.

Au nom des ingénieurs de la Compagnie dont je suis devenu le doyen, au nom de tous les camarades de l'Ecole Supérieure des Mines de Paris, au nom des collègues de l'Union Sociale d'Ingénieurs Catholiques, mon cher Stozicky, je vous adresse un suprême adieu.

Allocution de M. George

Madame,

Au nom du personnel de la Compagnie des Mines de Bruay et au nom de la Compagnie, je viens vous présenter l'expression de notre profonde sympathie pour le malheur irréparable qui vous frappe en la personne de votre cher époux.

M. Faure vient de retracer devant nous ce que fut sa carrière.

J'y ajouterai que Stozicky fut un chef dans le vrai terme du mot, respecté de ses ouvriers parce qu'il était droit et juste, et qu'à la rigidité nécessaire pour la bonne organisation du travail, il savait allier la bonté et surtout la charité de l'esprit qui sait, lorsque besoin en est, adoucir ou amender la rigueur des ordres.

Il avait l'affection de ses subordonnés, chefs-porions, porions, surveillants, contremaîtres et employés pour la façon dont il savait donner ses instructions.

Il avait l'amitié de ses collègues, de ses camarades, pour l'urbanité de ses manières et ses rapports de service.

Il avait enfin la confiance de ses chefs, la confiance de la Compagnie, méritée par près de vingt années de service, près de vingt années d'un travail opiniâtre et fructueux.

Stozicky faisait honneur au personnel ingénieur.

Mais il n'était pas seulement un chef, il avait su rester un homme.

Profondément inspiré du sentiment religieux, sachant que sur cette terre tout passe, sauf les bonnes actions et le sacrifice pour le prochain — il s'était prodigué pour répartir autour de lui, autour des œuvres auxquelles il consacrait une grosse partie de ses loisirs, les principes fondamentaux de la Charité chrétienne - - il mettait son honneur et son plaisir à faire le bien.

Il était également un père de famille et avec la dévouée compagne que vous fûtes pour lui, au milieu de ses enfants, il continuait également les traditions familiales si simples et si profondes qui constituent le fondement de la famille française.

Il n'est plus — la fatigue du travail prolongé et opiniâtre, les soucis du grand bouleversement que nous subissons avaient agi sur sa santé. — La mort vous l'a ravi en quelques instants... La perte que la Compagnie subit avec lui est grave. Pour sa famille, ce pourrait être une catastrophe.

Puisse l'assurance que je vous donne que la Compagnie de Bruay ne saurait oublier les services rendus, atténuer dans une certaine mesure vos inquiétudes pour l'avenir.

Veuillez croire que nous participons entièrement à votre douleur et que toute notre sympathie vous accompagne.

Sïozicky, Ingénieur divisionnaire du siège n° 6, au nom de tout le personnel de la Compagnie de Bruay, adieu.

H. C.