Pierre Joseph Ernest VILLOT (1834-1897)

Fils de Claude VILLOT et de Jeanne BOIRIN. Né le 19/3/1834 à Dijon (Côte d'Or).

Ancien élève de l'Ecole polytechnique (promotion 1853, entré classé 36, sorti classé 8 sur 94 élèves) et de l'Ecole des Mines de Paris. Corps des mines.

DISCOURS PRONONCÉS AUX FUNÉRAILLES DE M. VILLOT
INSPECTEUR GÉNÉRAL DES MINES
les 8 et 9 avril 1897.

Ces discours ont été publiés dans Annales des Mines, 9e série vol. 11, 1897.

DISCOURS DE M. HATON DE LA GOUPILLIÈRE
Membre de l'Institut. Inspecteur général des mines, Directeur de l'Ecole nationale supérieure des Mines.
(Discours prononcé le 8 avril à Paris, gare de Lyon)

M. le Vice-Président du Conseil général des Mines avait préparé quelques paroles pour exprimer, en ce moment douloureux, les sentiments que nous éprouvons tous. Mais, par une désolante erreur de la poste, il n'a pas été prévenu du moment de cette cérémonie, et ne se trouve pas ici. On me demande de prononcer à sa place quelques mots. Il serait, je le reconnais, trop triste que notre ami partit pour son dernier repos sans un seul adieu. Cependant je ne suis nullement préparé à cette mission. Je n'ai aucun document, aucun renseignement. Je ne puis donc que chercher dans mon coeur ce qui est aussi dans tous les vôtres.

Nos coeurs sont serrés en effet par un aussi grand malheur. Ernest Villot a été un vaillant ingénieur, un homme de bien et de droiture, un charmant camarade, un père de famille modèle. Dans mes courses à travers le Midi où s'est accomplie la plus longue partie de sa carrière, j'ai retrouvé la trace profonde de ses travaux et de son action. Il y réalisait la conception que nous devons nous faire de notre mission d'ingénieurs des mines. Il avait le sentiment, l'instinct de l'autorité dans ce qu'elle a de sain, de sauveur pour la société à tous ses degrés. En même temps il se sentait vivement sollicité par tout ce qui concerne le bien de l'ouvrier et son meilleur intérêt, si souvent dénaturé. Il était attiré vers ces rudes travailleurs des mines, pour eux-mêmes, et nullement par le désir d'aucune popularité personnelle.

Mais c'est quand il fut appelé dans le Conseil général des Mines que j'ai pu mieux encore le connaître. Il a tenu parmi nous une grande place. La chaleur de son exposition, sa clarté d'explications, la justesse de son jugement, le soin attentif avec lequel il préparait ses rapports lui donnaient beaucoup d'influence.

Il meurt officier de la Légion d'honneur, dans le grade élevé d'Inspecteur général des Mines de 2e classe. Mais je tiens à dire que, par l'âge auquel il avait su atteindre ce premier échelon, il était nécessairement marqué pour la 1e classe de ce grade, c'est-à-dire pour le sommet de la hiérarchie; et, de l'assentiment de tous, il en était absolument digne.

Il m'eût fallu quelques recherches pour pouvoir vous signaler ses principaux travaux. Deux d'entre eux, tout au moins, me reviennent en ce moment à la mémoire, parce qu'ils ont abouti, sous sa plume, à de remarquables notices insérées dans les Annales des Mines.

La première de ces questions est relative à cette belle création de la galerie d'écoulement au niveau de la mer, du bassin de lignites des Bouches-du-Rhône, qui fournit l'exemple le plus écrasant peut-être de la lutte du mineur contre les eaux souterraines.

L'autre sujet concerne cette curieuse et dangereuse mine de Rancié, legs du moyen-âge pour son organisation ouvrière attardée dans notre siècle, dont la discordance avec les nécessités économiques actuelles eût amené une ruine inévitable, sans l'effort salutaire qui vient d'être accompli en sa faveur par les Pouvoirs publics, après avoir été laborieusement préparé par le Service des Mines. Villot en a été le principal artisan; et, en outre du succès de cette bienfaisante réforme administrative, nous lui devons une intéressante étude historique et technique sur cette mine célèbre.

On a dit avec raison que ce qu'il y a de plus grand dans l'homme n'est pas l'intelligence, mais le coeur. Les beaux travaux de notre ami ne doivent donc pas nous laisser oublier ses nobles et attachantes qualités. C'était un coeur très chaud ; il était chaleureux et entraînant en paroles, en même temps que bienfaisant, constant dans l'action efficace et persévérante. Les hommes de cette trempe se jugent par leurs fruits. Pour l'apprécier à sa véritable mesure, il suffit de jeter les yeux sur la famille qu'il a fondée. Vous la connaissez; vous savez quelle union y régnait entre tous, quel respect environnait le chef aujourd'hui perdu, dorénavant remplacé par cette courageuse et aimable femme qui a captivé et embelli sa vie. Vous savez qu'à côté de tant de devoirs austères, l'art régnait dans ce milieu sous une forme charmante et très élevée. Ce ne sont pas là des créations vulgaires ; c'est l'empreinte parlante de celui qui n'est plus. De cet ami si cher, il ne reste aujourd'hui qu'un souvenir sur cette terre, et une âme qui vient de retourner chrétiennement à Dieu, en qui il avait foi.

DISCOURS DE M. GOUIN
Ingénieur des Ponts et Chaussées en retraite, Directeur de la Société générale de transports maritimes à vapeur.
(Discours prononcé le 9 avril à Marseille, cimetière Saint-Pierre).

Messieurs,

Celui qu'une mort prématurée vient d'enlever à notre affection fut un savant ingénieur et un homme de bien. Ernest Villot, né à Dijon le 13 mars 1834, d'une famille modeste, manifesta de bonne heure les merveilleuses aptitudes scientifiques, qui devaient le conduire plus tard a un rang élevé. Entré en 1853 à l'École Polytechnique, il fut classé, en 1855, dans le Corps des Mines. Nommé ingénieur à Avignon, en 1858, il fut bientôt après fixé à Marseille, où il conquit successivement ses divers grades d'Ingénieur ordinaire et d'Ingénieur en chef, jusqu'en juillet 1886, époque à laquelle il fut appelé à Paris. Enfin, nommé Inspecteur général de 2e classe en février 1888 et Chevalier depuis 1873, il fut promu, le 25 juillet 1896, au grade d'Officier dans l'Ordre national de la Légion d'Honneur.

Ces récompenses montrent combien étaient appréciés en haut lieu les services de cet ingénieur distingué. Chargé d'abord du sous-arrondissement minéralogique de Marseille, comprenant les trois départements de Vaucluse, des Basses-Alpes et des Bouches-du-Rhône, il eut en plus, comme ingénieur en chef, ceux du Var, des Alpes-Maritimes et de la Corse. Actif et vigilant, il connaissait à fond les exploitations minières de cette vaste région, et les propriétaires de mines recouraient toujours avec fruit à ses conseils aussi obligeants que sûrs.

Attaché dès juillet 1862 au service du contrôle et de l'exploitation des Chemins de fer de Paris à Lyon et à la Méditerranée, il fut, à partir de 1880, exclusivement occupé du contrôle des voies ferrées et, lorsqu'il vint à Paris en 1886, ce fut au titre d'ingénieur en chef du contrôle du Chemin de fer d'Orléans.

Ernest Villot, parcourant ainsi brillamment les étapes de sa belle carrière, a fait insérer dans les Annales des Mines, en 1883, une étude magistrale sur le bassin de Fuveau, remontant, comme conception primitive, à l'année 1874. Cette étude a été la base du beau projet de la galerie de la mer dont la concession a soulevé des difficultés administratives considérables et dans l'exécution de laquelle Ernest Villot fut, pour le regretté Ernest Biver, un puissant collaborateur. Les deux amis n'auront pu, hélas ! ni l'un ni l'autre, contempler l'achèvement et le succès aujourd'hui certain de cette belle oeuvre.

D'autres mémoires moins importants sur les Eaux de Camoins-les-Bains, sur les Plans inclinés automoteurs, sur la Propagation latérale des mouvements d'effondrement dans les Mines et tout récemment une savante étude administrative sur les Mines de fer de Rancié qui réalisent, depuis cinq cents ans, l'organisation de la Mine aux Mineurs, transmettront aux jeunes générations d'ingénieurs le nom d'Ernest Villot.

En dehors de ses fonctions proprement dites, il fut, en 1871, l'un des promoteurs de la Société Scientifique et Industrielle de Marseille, qu'il présida de 1878 à 1880, et il publia, dans le Bulletin de cette Société, entre autres travaux intéressants, des Mémoires sur le bassin houiller du Reyran, sur les combustibles minéraux en Espagne, sur les Machines d'épuisement des Mines, enfin sur un projet d'Association de propriétaires de machines à vapeur, dont la réalisation a permis aux industriels d'unir leurs efforts, en vue de la meilleure utilisation du combustible et du maximum de sécurité.

Tels sont, succinctement énumérés, les travaux de l'homme remarquable qui aurait pu rendre pendant de longues années encore de grands services à son pays, si l'implacable mort ne l'avait pas frappé, sans que la gastralgie dont il était atteint pût faire prévoir un aussi funeste dénouement.

Après avoir esquissé rapidement la carrière de l'ingénieur, nous voudrions être à la hauteur de notre sujet, en faisant connaître les qualités et les vertus de notre ami regretté.

Administrateur modèle, d'une droiture et d'une rigidité de principes inflexibles, Ernest Villot laisse le souvenir du caractère le plus élevé. Les qualités brillantes d'un esprit aussi étincelant que cultivé n'étaient égalées chez lui que par une exquise bonté. Ayant perdu son père de bonne heure, il avait été suivi dès le début de sa carrière d'ingénieur par une mère bien-aimée, qu'il a entourée jusqu'à son dernier jour des attentions de la piété filiale la plus délicate. Il y était aidé par sa vaillante compagne dont il avait reçu en dot un jeune frère et une jeune soeur orphelins comme elle, et qu'ils ont élevés comme leurs propres enfants.

Devenu lui-même chef d'une nombreuse famille, son grand coeur savait encore se dilater au profit des déshérités de la vie, et les enfants de M. Sentis, ingénieur en chef des Mines, ceux de M. Gaulliard, ingénieur des Hauts Fourneaux de Saint-Louis, et bien d'autres encore, privés de bonne heure de leurs parents, dirigés par lui jusqu'à l'obtention de positions honorables, pourraient seuls dire les sollicitudes de celui qui fut pour eux un second père.

Pourquoi faut-il qu'il ait été lui-même enlevé à sa jeune famille de six enfants dont les deux ainés seuls sont à peine acheminés?

Puisse la Divine Providence et l'affection de ses amis ne pas faire défaut à la courageuse femme que vient accabler une aussi lourde tâche ! Nous lui adressons l'expression de nos respectueux et sympathiques regrets, confiants que la belle âme de notre cher Ernest Villot goûte au Ciel le bonheur mérité par ses vertus.