Photo ENSMP

Achille Ernest Oscar Joseph DELESSE (1817-1881)

Né le 3/1/1817 à Metz (Moselle). Fils de Sébastien Joseph DELESSE et de Marie Catherine GUERBER, habitant Puttelange. Décédé à Paris, le 24/3/1881.

Ancien élève de l'Ecole polytechnique (entré classé 5 et sorti major de la promotion 1837) et de l'Ecole des Mines de Paris. Corps des mines.

Professeur titulaire de la chaire d'agriculture, drainage et irrigation à l'Ecole des mines de Paris (1864-1879).
Membre de l'Académie des sciences le 6/1/1879.


Biographie publiée dans le LIVRE DU CENTENAIRE (Ecole Polytechnique), 1897, Gauthier-Villars et fils, TOME I ; rédigée par A. de Lapparent.

Delesse a été le type du travailleur acharné, ne reculant jamais devant la besogne, même la plus ingrate, et capable de s'engager, pour un intérêt scientifique, dans des voies où tout autre eût hésité, en face de la disproportion entre l'avantage probable et l'excès du labeur à affronter.

Né à Metz en 1817, Achille-Joseph DELESSE devint orphelin de très bonne heure et apprit, dès le jeune âge, à chercher dans le travail un refuge contre l'isolement. Après d'excellentes études, il fut admis en 1887 à l'Ecole Polytechnique, d'où il sortit le premier en 1839. Devenu élève-ingénieur des Mines, il reçut d'Elie de Beaumont et de Dufrénoy la mission de classer les collections de la Carte géologique, ce qui fut l'origine de son goût pour la Minéralogie. En 1844, comme il était déjà docteur ès sciences, on l'envoya en résidence à Besançon, où bientôt il se voyait chargé d'un cours à la Faculté des Sciences. L'étude des roches, alors presque entièrement délaissée à cause des difficultés de tout genre qu'elle soulevait, attira ses préférences. Il y préluda par d'intéressantes recherches sur divers minéraux. Puis, abordant en 1847 l'examen des porphyres des Vosges, il fit ressortir les rapports qui paraissaient exister entre l'âge de ces roches et leur composition chimique ou minéralogique.

Dès le début de ses travaux, Delesse eut le mérite de ne pas méconnaître le grand rôle que les phénomènes hydrothermaux avaient dû jouer dans la formation des roches éruptives, jusqu'alors trop complaisamment rapportée aux seules actions calorifiques. En 1858, il établit la classification de ces roches en ignées ou volcaniques, mixtes et plutoniques, ces dernières ayant dû se former, en présence de l'eau sous pression, à une température modérée. Le métamorphisme a été aussi, de sa part, l'objet de longues investigations.

L'oeuvre lithologique de Delesse est d'autant plus méritoire, que les délicates et fécondes méthodes de la pétrographie moderne n'étaient pas encore inventées ; de telle sorte que l'analyse chimique, appliquée à la suite d'un patient triage à la loupe, était le seul moyen de déterminer la composition des roches à grain fin.

Les fonctions que Delesse a remplies dans le Corps des Mines, notamment lorsqu'il était chargé de l'inspection des carrières de la Seine, lui ont fourni de nombreuses occasions de rendre service à la fois à la science et à la pratique. Ses cartes géologiques de Paris, de la Seine et de Seine-et-Marne, ne sont pas seulement de véritables trésors de renseignements relatifs à la composition du terrain; elles se font remarquer surtout par un essai de représentation souterraine des couches géologiques à l'aide de courbes de niveau, bien propres à faire apprécier les variations de leur allure, ces courbes imprimant à la définition du sous-sol une précision dont il est superflu de faire ressortir l'importance, non seulement au point de vue scientifique, mais encore en matière de constructions, de travaux publics et de recherches d'eaux. C'est ce dernier objet qui a déterminé Delesse à entreprendre les Cartes hydrologiques de la Seine et de Seine-et-Marne, où les nappes d'eau sont figurées par le même procédé. Comme d'ailleurs la connaissance du terrain importe pardessus tout à la solution des problèmes agricoles, on ne sera pas surpris que le savant ingénieur ait tenu à compléter son oeuvre en établissant, au prix de longues et fastidieuses analyses de sols, les Cartes agronomiques des environs de Paris, de Seine-et-Marne et de Seine-et-Oise. En même temps, il créait à l'Ecole des Mines l'enseignement de cette spécialité.

Le dernier grand Ouvrage de Delesse est la Lithologie du fond des mers, dans laquelle il a réuni tous les documents connus avant 1872, sur la nature des dépôts qui s'accomplissent dans le sein des Océans. C'est lui qui a créé, en collaboration d'abord avec M. Laugel, ensuite avec l'auteur de cette Notice, la Revue de Géologie, insérée de 1861 à 1880 dans les Annales des Mines. Par cette publication, où Delesse a déployé autant d'érudition que de conscience et de méthode, les savants français ont été tenus au courant des travaux accomplis par les géologues de toute nationalité.

Successivement professeur à l'École des Mines, maître de conférences à l'Ecole Normale supérieure, membre de la Société nationale d'Agriculture, président de la Société géologique de France et de la Commission centrale de la Société de géographie, enfin inspecteur général des Mines, Delesse fut appelé, le 6 janvier 1879, à l'Académie des Sciences, où il reçut la succession de Delafosse. Malheureusement il ne devait pas jouir longtemps de cet honneur qui comblait toutes ses ambitions. A la fatigue d'un travail excessif s'ajoutaient pour lui les suites d'un profond chagrin, causé par des deuils particulièrement douloureux pour son coeur de père. Sa santé déclina rapidement, et il mourut le 24 mars 1881. Si son passage à l'Académie a été court, du moins on y entendra longtemps encore retentir son nom. La compagne distinguée qui avait fait le charme de son foyer, et qui le soutenait si vaillamment dans les travaux comme dans les épreuves, a voulu que son souvenir demeurât associé à celui d'une oeuvre utile à la science. Tous les deux ans, le prix Delesse, en récompensant un travail de géologie ou de minéralogie, évoque la mémoire de ce savant, dont l'exemple est bien fait pour encourager les débutants, en leur montrant ce que peut produire l'intelligence unie à l'esprit de suite, à la droiture et à la passion du travail.

Albert de LAPPARENT


Extrait de Notice historique sur l'Ecole des Mines de Paris, Louis Aguillon, 1889 :

Delesse, né le 3 février 1817, est mort inspecteur général le 24 mars 1881. Il avait été élu à l'Académie des sciences en 1879. Delesse s'est particulièrement occupé de métamorphisme et de lithologie, en étudiant surtout les roches par des analyses mécaniques et chimiques. Il a rendu de très grands services par la publication annuelle, pendant vingt ans, de la Revue de géologie, en collaboration d'abord avec M. Laugel, puis avec M. de Lapparent. Il a enseigné à l'Ecole des mines de 1864 a 1879.