TRAVAUX
DU
COMITÉ FRANÇAIS D'HISTOIRE DE LA GÉOLOGIE
- Troisième série -
T.XVI (2002)
Jean GAUDANT
Analyse d'ouvrage
Michel Durand-Delga et Richard Moreau
Jules Marcou (1824-1898), précurseur français de la géologie nord-américaine.

COMITÉ FRANÇAIS D'HISTOIRE DE LA GÉOLOGIE (COFRHIGEO) (séance du 11 décembre 2002)

L'Harmattan, Paris, 2002, 199 p., ill. 1 carte en couleurs h. t. (23 Euros).

Voilà un ouvrage qui réveillera quelques souvenirs chez les membres de notre Comité car les auteurs de cette biographie étaient venus évoquer devant nous la personnalité de Jules Marcou le 30 novembre 1994. Comme le temps passe ! Et deux ans plus tard, ils analysèrent pour l'Académie des sciences l'oeuvre nord-américaine de ce géologue non conformiste. Depuis cette date, ils approfondirent encore leur connaissance de celui qui fut, au collège de Besançon, le condisciple de Louis Pasteur. C'est d'ailleurs pour cela, et en raison de l'amitié qui unissait ces deux jeunes hommes, que Richard Moreau, Jurassien lui-même, microbiologiste et spécialiste de Pasteur, en vint à s'intéresser aux origines, à la jeunesse de Jules Marcou et à l'influence exercée sur lui par le docteur Claude-Marie Germain, médecin et naturaliste amateur de Salins, qui lui inocula le virus de la géologie.

Michel Durand-Delga apporte à l'entreprise sa compétence reconnue, à la fois de géologue et d'historien de la géologie - personne n'a oublié le remarquable dossier fort documenté qu'il consacra en 1990 à l'affaire Deprat -, ce qui lui permet d'analyser en profondeur l'oeuvre géologique de Jules Marcou, aussi bien dans son Jura natal qu'en Amérique du Nord. En effet, ayant obtenu un poste de naturaliste voyageur au Muséum national d'histoire naturelle, Jules Marcou s'embarqua en 1848 pour les Etats-Unis où il rejoignit bientôt Louis Agassiz auprès de qui il avait été introduit quelques années plus tôt à Neuchâtel. Deux ans plus tard il épousa la fille d'un riche éditeur américain, ce qui le mit définitivement à l'abri du besoin et lui assura une confortable indépendance d'esprit. Jules Marcou accomplit ainsi dans son pays d'adoption une oeuvre considérable, participant notamment en 1853 et 1854 à l'exploration géologique des montagnes Rocheuses à travers le Nouveau-Mexique, l'Arizona et la Californie, avant de prendre part, au cours de la décennie suivante, à la fameuse querelle du Taconique, au cours de laquelle il s'opposa notamment au redoutable James Hall.

De temps à autre, Jules Marcou éprouvait cependant le besoin de venir se retremper dans la vieille Europe. C'est ainsi qu'en 1869, il fut conduit à porter sur trois institutions scientifiques françaises, - le Corps des mines, le Muséum national d'histoire naturelle et l'Académie des sciences - un avis décapant dans un pamphlet sulfureux intitulé De la science en France, qui ne lui valut pas que des amis ! Une vingtaine d'années plus tard, il récidiva, cette fois dans son pays d'adoption, en s'en prenant à l'U.S. Geological Survey (1892).

Voilà donc un portrait très complet d'une personnalité marquante aux diverses facettes, certes un peu oubliée aujourd'hui, mais dont les auteurs se sont unis pour retracer l'itinéraire complexe. L'un d'eux s'est plus particulièrement intéressé au jeune Jurassien fantasque, le second faisant revivre le géologue dont les travaux scientifiques imposaient le respect, mais dont les prises de position véhémentes secouèrent plusieurs fois la communauté scientifique.

En conclusion, une biographie qui honore ses auteurs et dont on aimerait qu'elle suscite des vocations car un certain nombre de géologues français d'envergure attendent encore leur biographe.

Terminons en signalant une confusion regrettable, bien que compréhensible, entre deux personnages homonymes qui s'appelaient tous deux Jean-André de Luc. Il est évident que Jules Marcou, né en 1824, n'a pas pu rencontrer le célèbre naturaliste genevois décédé en 1817. En revanche, rien ne s'oppose à ce qu'il soit allé à Genève dans les années 1840, et qu'il y ait vu son neveu (1763-1847) qui s'intéressait, entre autres, aux blocs erratiques.