TRAVAUX
DU
COMITÉ FRANÇAIS D'HISTOIRE DE LA GÉOLOGIE
- Troisième série -
T.XII (1998)

Gabriel GOHAU
Analyse d'ouvrage Albert V. Carozzi, Bernard Crettaz & David Ripoll (resp.) :
Les plis du temps. Mythe, science et H.-B. de Saussure

COMITÉ FRANÇAIS D'HISTOIRE DE LA GÉOLOGIE (COFRHIGEO) (séance du 17 décembre 1998)

Albert V. Carozzi, Bernard Crettaz & David Ripoll (resp.) :
Les plis du temps. Mythe, science et H.-B. de Saussure, Musée d'ethnographie, annexe de Conches, Genève, et Conservatoire d'Art et d'Histoire de Haute-Savoie,
Annecy, 1998, 367 p.

Du 14 au 17 octobre 1998 s'est tenu, au Musée d'ethnographie de Genève, annexe de Conches, un colloque sur le thème « science et montagne », qui regroupait des chercheurs de toute la Suisse (Genève, Berne, Lausanne, etc.), de France (Grenoble, Paris), ainsi que de Lubeck et Vérone, et, bien sûr, de Hllinois (Albert et Marguerite Carozzi). La réunion coïncidait avec l'inauguration, au musée, d'une exposition sur « les plis du temps ». Le présent ouvrage, qui accompagnait l'exposition, contenait les aliments des discussions du colloque (à ceci près que les participants n'eurent pas le temps d'en prendre connaissance avant la réunion... ni pendant, du fait de l'occupation des journées).

Car il apparut vite une difficulté de compréhension entre les deux groupes de participants : les historiens des sciences et les ethnographes. Plusieurs mois après, je ne suis toujours pas sûr d'avoir compris les enjeux de ces confrontations, toujours courtoises, même quand elles étaient vives. La lecture successive des contributions de Bernard Crettaz et de Jean-Claude Pont permettra peut-être au lecteur de soupçonner les deux facettes de cette approche.

Bernard Crettaz présente la problématique générale en dix énoncés : du paradis perdu au paradis retrouvé - le mythe des Alpes - science, mythe et théologie - le grand dépli du monde - nouveaux prêtres, nouveaux temples, nouveaux pèlerins - du mythe à la science, H.-B. de Saussure : de l'ancêtre fatigué au jeune savant méconnu - les sciences colonisées par le mythe - accomplissement du Disneyland alpin -pensées nomades, objets nomades, montagnes nomades. Vaste programme, fort ambitieux, mais pas toujours clair : qui pourra me dire ce que signifie la métaphore des plis (et des déplis) du temps ?

Jean-Claude Pont, qui enseigne l'histoire des sciences à l'Université de Genève traite du « mythe et la science », terminant son exposé de façon provocante par l'interrogation : « la science est-elle un mythe ? ». Laissant de nouveau la parole à B. Crettaz qui va du mythe des Alpes au mythe de la montagne.

Ensuite, David Ripoll étudie les images de montagne et les sciences de la nature au XVIIIe siècle, c'est-à-dire au moment où la montagne, élevée au rang de sujet de contemplation, entre dans l'histoire de l'art. J'ai pris beaucoup de plaisir à l'entendre au colloque, persuadé depuis longtemps que l'art livrait au regard bien des aspects des idées et des mythes sur les montagnes qui ne se révèlent pas à la lecture des oeuvres des savants de l'époque.

Christian Delécraz s'intéresse aux plans-reliefs du même siècle : entre science et mythe. Yves de Saussure, Eric Golay, François Walter évoquent alors des aspects de la personne et de l'oeuvre de Saussure. Danielle Decrouez et Edouard Lanterno étudient sa collection géologique.

Vient enfin une très longue étude d'Albert Carozzi : cent quarante pages, plus du tiers de l'ouvrage. La dernière partie de ce texte est connue de nos lecteurs, puisqu'elle reprend le sujet qu'il a naguère présenté au COFRHIGEO sur Saussure et le rôle des refoulements horizontaux en sens contraires dans la formation des Alpes. A ceci près qu'elle est un peu plus développée et mieux illustrée. Mais surtout elle est précédée d'une présentation d'ensemble de l'oeuvre du savant genevois, avec un essai sur la personnalité de Saussure. Et surtout d'une longue autobiographie qui nous révèle, outre les raisons qui l'ont amené à étudier l'auteur des Voyages dans les Alpes, bien des aspects des mours universitaires qui ne sont pas si souvent mis au jour. Et ne sont pas particulières au milieu genevois I

Le livre est par ailleurs illustré de photographies, gravures et schémas. Et il est présenté très agréablement. Toutes raisons supplémentaires pour l'acquérir.