TRAVAUX
DU
COMITÉ FRANÇAIS D'HISTOIRE DE LA GÉOLOGIE
- Troisième série -
T.XIX (2005)
Nathalie RAY
Pierre Termier (1859-1930)
et la mobilité continentale

COMITÉ FRANÇAIS D'HISTOIRE DE LA GÉOLOGIE (COFRHIGEO) (séance du 8 juin 2005)

Résumé.
Pierre Termier (1859-1930) fut un des grands tectoniciens des Alpes de la fin du xixe et du début du xxe siècle. Partisan de la théorie des nappes de charriage, il interprétait les chaînes de montagnes comme des « pays de nappes » issus de mouvements horizontaux de l’ordre de plusieurs centaines de kilomètres. Mais malgré ces preuves d’une mobilité horizontale importante, Pierre Termier a fortement critiqué la théorie de la dérive des continents de l’Allemand Alfred Wegener (1880-1930), la comparant au « rêve d’un grand poète », et ce parce qu’il croyait à la permanence de certains traits de la Terre depuis plusieurs millions d’années.

Mots-clés  géologie - tectonique - dérive des continents - Alpes - xxe siècle.

Abstract.
Pierre Termier (1859-1930) was one of the great tectonicians of the Alps at the end of the xixth and the beginning of the xxth century. Partisan of the overthrusts folds’ theory, he interpreted mountains as « land of folds » resulting from horizontal movements of hundreds kilometres. But in spite of these evidence of an important horizontal mobility, Pierre Termier strongly criticized Alfred Wegener’s theory of continental drift, comparing it with « the dream of a great poet », because he believed in the permanence of some Earth’s features since several millions years.

Key words: geology - tectonics - continental drift - Alps - xxth century.

1.      Introduction

Pierre Termier est né à Lyon le 3 juillet 1859. Cet enfant doué quitte sa famille après un double baccalauréat ès sciences et ès lettres obtenu en 1876, pour entrer à l’École Sainte Geneviève (Paris). Il y prépare l’École polytechnique où il entre en 1878 et sort major en 1880. C’est au cours d’une excursion dans la chaîne de Belledonne, pendant l’été 1879, qu’il rencontre pour la première fois la géologie, qu’il étudiera de manière plus approfondie à l’École des mines de Paris où il fait son entrée en septembre 1880.

À sa sortie de l’École, en 1883, Pierre Termier est nommé ingénieur ordinaire des mines à Nice. Il obtient dès 1884 la chaire de géologie, minéralogie et physique de l’École des mines de Saint-Étienne où il rencontre Louis Paul Urbain Le Verrier, fils de l’astronome, qui lui fait découvrir les roches volcaniques du « Plateau Central » (notre actuel Massif central). En 1886, il est nommé collaborateur adjoint au Service de la Carte géologique de France et Marcel Bertrand lui confie le relevé de la Vanoise et des Grandes Rousses. Les Alpes, dont, enfant, il savait reconnaître tous les pics visibles depuis Fourvière, l’ont définitivement captivé : il y passera désormais l’essentiel de ses étés, accompagné ou non de sa famille ; il accomplira pour elles des performances sportives, comme en 1894 où il effectue avec deux guides la première montée de la roche Jabel, dans le massif des Écrins.

Figure 1. Pierre Termier (1859-1930).

En 1894, il est nommé à la chaire de minéralogie et de pétrographie de l’École des mines de Paris, puis professeur de géologie générale. Les honneurs affluent : il sera directeur du Service de la Carte géologique de France et, à plusieurs reprises, président de la Société française de minéralogie et président de la Société géologique de France ; il est nommé académicien dans la section de minéralogie en 1909, inspecteur général des mines en 1914 et docteur honoris causa de l’université d’Innsbruck l’année de sa mort. En 1930, après un voyage au Maroc, il se retire parmi les siens dans son petit village alpin de Varces et meurt à Grenoble le 23 octobre 1930.

À l’heure où Pierre Termier était au faîte de sa gloire, la théorie de la dérive des continents fut énoncée par l’Allemand Alfred Wegener en 1912, et publiée en allemand en 1915. Pierre Termier est actuellement critiqué par certains historiens de la géologie pour avoir été extrêmement sceptique vis-à-vis de cette théorie : « Les géologues et les géophysiciens n’ont pas su ou pas voulu comprendre la clairvoyance de Wegener. P. Termier écrit à propos des translations : “C’est un beau rêve, le rêve d’un grand poète. Mais essaye-t-on de l’étreindre, on s’aperçoit n’avoir dans les bras que de la vapeur, de la fumée. Elle attire, elle intéresse, elle amuse l’esprit, mais la solidité lui manque.” » (Deparis & Legros, 2000, p. 502). « Beaucoup de géologues alpins […] ont très vite adopté l’hypothèse mobiliste de Wegener, qui leur ouvrait des perspectives nouvelles dans l’interprétation de la genèse de la chaîne des Alpes – tandis que, curieusement, le Français Pierre Termier est resté, jusqu’à sa mort en 1930, sceptique et même réticent » (Lemoine, 2000, p. 16). « Termier ne croyait pas à la dérive, il croyait à l’Atlantide » (Lemoine, 2004, p. 119).

L’objet de cet article est de souligner le fait que, si Pierre Termier était effectivement réticent vis-à-vis de la théorie wegenerienne, ce n’est pas pour autant qu’il considérait les continents immobiles. Une grande partie de son œuvre géologique repose en effet sur la mise en évidence de la mobilité horizontale, principalement dans les chaînes de montagnes, mobilité qu’il expose dans de nombreux articles et conférences de vulgarisation. Le mobilisme de Termier n’est cependant pas celui dont parle Wegener, et il nous faut rechercher où réside le désaccord entre les deux hommes. Pierre Termier étant avant tout un géologue alpin, c’est dans les Alpes qu’il faut chercher les causes profondes de son refus de la dérive des continents.

2.      L’étude des Alpes par Pierre Termier

Les Alpes peuvent être divisées en trois ensembles structuraux avec, d’ouest en est :  

- les Alpes occidentales, ou Alpes franco-italiennes, orientées nord-sud (Fig. 2) ;

- les Alpes centrales, ou Alpes suisses, en coude ;

- les Alpes orientales, ou Alpes autrichiennes, orientées est-ouest.

La chaîne alpine fut la première et la principale chaîne de montagnes étudiée par les géologues européens.

2.1.   Les connaissances sur les Alpes avant Pierre Termier

Les Alpes occidentales avaient été divisées par Charles Lory (1860) en plusieurs unités tectoniques et lithologiques (Fig. 3) :

- les chaînes subalpines externes, formées de montagnes marno-calcaires ;

- les massifs cristallins, formés de roches cristallines et de leur couverture sédimentaire érodée ;

- l’unité du Flysch (ou nappe de l’Embrunais), formée de flysch éocène-oligocène ;

- l’unité du Briançonnais, formée de montagnes calcaires et quartzitiques ;

- l’unité des schistes lustrés (ou nappe des roches vertes), formée de « roches vertes » (les actuelles ophiolites).

Figure 2. Les principales régions géographiques des Alpes (modifié d’après Haug, 1894, pl. I).

C’est dans les Alpes qu’est née la tectonique et que fut mise en évidence l’existence de mouvements tangentiels. Le Suisse Horace-Bénédict de Saussure, dans ses Voyages dans les Alpes (1779-1796),  parla le premier de plis, de déformations, de déplacements. Pour le Français Déodat de Dolomieu (1798), ces déformations étaient dues à des mouvements latéraux ainsi qu’à des chocs frontaux et l’Autrichien Eduard Suess (1875) interpréta la chaîne alpine comme issue d’un déplacement tangentiel général depuis les zones internes vers un avant-pays, par une poussée venant du sud ou du sud-est. À la fin du xixe siècle, le Français Marcel Bertrand mit en évidence l’existence de nappes de charriage (Fig. 4), c’est-à-dire de paquets de terrains reposant sur un substratum autochtone par un contact anormal, suite à un déplacement horizontal de plus ou moins grande amplitude, dans les Alpes de Glaris (Suisse) en 1884, à la Sainte-Baume (Provence) en 1885 et au Beausset (Var) en 1887. L’hypothèse des mouvements latéraux avait donc été suggérée dans les Alpes dès la fin du xviiie siècle et fut confirmée par Marcel Bertrand à la fin du xixe siècle. Enfin, le Suisse Albert Heim (1908) calcula que les Alpes avaient subi un raccourcissement d’un huitième.

Figure 3. La division lithologique des Alpes à la fin du xixe siècle et au début du xxe siècle (modifié d’après Agard & Lemoine, 2003).

Figure 4. Les nappes de charriage et le vocabulaire associé.

La formation des chaînes de montagnes et l’existence de mouvements latéraux étaient expliquées par la théorie des géosynclinaux, introduite par James Hall (1859) et James D. Dana (1873), et reprise par Émile Haug (1900). La contraction thermique de la Terre provoquerait la formation d’une immense ride, le géanticlinal, et d’un large sillon parallèle, le géosynclinal, dans lequel s’accumuleraient d’épais sédiments (Fig. 5). Lors d’une nouvelle compression, même légère, ces sédiments seraient plissés puis remonteraient verticalement pour former les chaînes de montagnes. Les déplacements horizontaux observés étaient donc expliqués par un léger raccourcissement au niveau de la croûte terrestre, dû à la contraction thermique de la Terre lors de son refroidissement.

2.2.   Les apports de Pierre Termier à la connaissance des Alpes

2.2.1. Des études locales

                                 

Figure 5. La théorie des géosynclinaux d'Émile Haug (modifié d’après Marvin, 1974, p. 48). Les bassins remplis de sédiments sont transformés en chaîne de montagne par le soulèvement de la plateforme continentale.

Dans les Alpes, Pierre Termier commença par quelques études locales : le massif de la Vanoise en 1891 ; les Grandes Rousses en 1892-1893, les massifs de Levanna et du Grand Paradis en 1894 et le Pelvoux ainsi que la chaîne de Belledonne entre 1891 et 1896. Dans cette dernière, il fit la distinction entre les plis verticaux que l’on peut trouver à l’est et les plis horizontaux déversés que l’on trouve plus à l’ouest.

2.2.2. Étude du Briançonnais

À partir de 1895, Pierre Termier s’attacha plus particulièrement à l’étude de l’unité du Briançonnais car selon lui « la clef de la structure des Alpes françaises se trouve certainement dans les montagnes entre Briançon et Vallouise » (cité par Raguin, 1932). Il mit en évidence que les trois sommets de l’Eychauda, de Serre-Chevalier et de Prorel (Fig. 6) étaient constitués de terrains cristallins gneissiques en contact anormal avec un flysch tertiaire et des calcaires du Malm. Ces terrains cristallins étant identiques aux schistes lustrés, ils forment selon lui une nappe venue de l’unité des schistes lustrés, plus à l’est. Sous le contact anormal, il mit en évidence l’existence de trois écailles empilées et plissées formant l’« éventail briançonnais », selon l’expression de Marcel Bertrand. Après un long débat pour savoir si ces écailles étaient autochtones ou non, il finit par conclure en 1907 qu’elles ne l’étaient pas, qu’elles aussi étaient des nappes venues de l’est et donc que le Briançonnais tout entier était un « pays de nappes ». Il interpréta alors la déformation importante de cet éventail briançonnais comme étant due à un « traîneau écraseur » venu de l’est.

Figure 6. Interprétation des sommets de l’Eychauda, de Serre-Chevalier et de Prorel par Pierre Termier (modifié d’après Termier, 1899, p. 60).

« Pour ma part, je ne puis pas ne pas croire au passage, sur le Briançonnais [...] d’une masse pesante allant de l’est à l’ouest. Ce passage, ce traînage pour mieux dire, me paraît nécessaire pour expliquer la déformation de l’éventail, son déversement vers l’ouest, le laminage de ses plis occidentaux, le retroussement de certains de ses plis orientaux et le charriage de la quatrième écaille, les plissements chaotiques et les étirements formidables que l’on observe dans la zone axiale, même là où il n’y a plus de témoins charriés, enfin le brusque déversement des plis du Pelvoux et leur transformation, plus au nord, en véritables nappes » (Termier, 1902, p. 427).

En 1907, Pierre Termier reconstitua également l’histoire de l’ensemble du Briançonnais (Fig. 7) : il y eut tout d’abord une première compression entraînant le charriage des trois écailles (I, II et III), puis une légère décompression permettant leur disposition en éventail. Au Tertiaire, le flysch se déposa puis un traîneau écraseur (IV) dont il ne reste plus actuellement que la quatrième écaille recouvrit le tout dans son déplacement vers l’ouest. Enfin, une dernière compression entraîna le plissement de l’ensemble de la structure.

« Toute cette histoire me semble, aujourd’hui, parfaitement claire et absolument certaine. On pourra varier quant aux hypothèses à faire sur la nature et l’origine de la masse écrasante. Mais je ne crois pas que l’on puisse désormais douter du passage de cette masse sur le Briançonnais » (Termier, 1903, p. 34-35).

Figure 7. La structure en nappes du Briançonnais (modifié d’après Termier, 1907, pl. IV).

2.2.3. Étude des Alpes occidentales

À partir de la structure en pays de nappes de l’unité du Briançonnais, Pierre Termier reconstitua également la structure de l’ensemble des Alpes occidentales (Fig. 8). Il mit tout d’abord en évidence en 1899 que l’unité des schistes lustrés était également une unité charriée à partir du fond d’une mer oligocène dont il ne connaît pas la largeur ; Maurice Lugeon et Émile Argand montrèrent en 1905 que le massif du Grand Paradis était un empilement de sept nappes ; et Pierre Termier montra en 1907 que le piémont français était un pays de nappes. Finalement, toute la zone se trouvant à l’est de la zone du Flysch se trouve être un ensemble de nappes d’origine de plus en plus lointaine, dont la racine se trouve sans doute sous l’actuelle plaine du Pô.

À partir de l’histoire du Briançonnais, Pierre Termier reconstitua donc l’histoire de l’ensemble des Alpes occidentales. Au Carbonifère, la région des Alpes était un géosynclinal dont la bordure occidentale était mouvante : à la fin du Carbonifère, elle se trouvait au niveau de la région briançonnaise, au Permien elle s’était étendue encore plus à l’ouest et à la fin de l’Éocène, elle se trouvait au niveau de la zone des Flyschs. Les sédiments situés au fond du géosynclinal se métamorphisèrent pour former les séries cristallophylliennes. À l’Oligocène, une forte compression entraîna la formation d’un faisceau serré de plis verticaux et des nappes briançonnaises, puis une décompression entraîna l’effondrement des zones internes ainsi que l’étalement des nappes briançonnaises en éventail, et enfin une nouvelle compression provoqua le décollement d’une masse importante de la partie centrale et orientale du géosynclinal, formant le « traîneau écraseur » qui se déplaça vers l’ouest, jusqu’à la chaîne de Belledonne :

« Cortège fantastique dont la grandeur nous dépasse tellement que nous n’arrivons pas à nous le représenter ! À quelle vitesse marchait-il ? Quelle était l’épaisseur totale […] du paquet de nappes accumulées ? À quelle hauteur au-dessus de la mer s’élevait la surface supérieure de la masse en mouvement ? […] Combien d’années a-t-il fallu, au total, pour que s’accomplît le voyage de l’effrayant traîneau écraseur ? Questions qui resteront toujours sans réponse » (Termier, non daté, p. 157).

À la fin du Miocène, une ultime poussée tangentielle déplaça l’ensemble de la structure vers l’ouest, formant la chaîne alpine et les chaînes subalpines.

Figure 8. La structure en nappes des Alpes occidentales selon Pierre Termier (modifié d’après Termier, 1907, pl. IV).

2.2.4. Étude de l’ensemble de la chaîne alpine

Après que Maurice Lugeon a présenté en 1902 sa synthèse structurale des Alpes suisses – également composées de nappes –, Pierre Termier profita d’une excursion dans le Zillertal (Tyrol autrichien, Fig. 9) pour étudier en 1903 la structure des Alpes orientales et la comparer à celle des Alpes occidentales et suisses :

Figure 9. Structure du Zillertal (Hohe Tauern) selon les géologues autrichiens.

« Ceux d’entre mes confrères qui ont eu, comme moi, la bonne fortune d’entendre M. Maurice Lugeon, le jour où il a présenté à la Société géologique de France sa brillante synthèse des Alpes suisses, se sont demandé, sans doute […] de quelle manière et dans quelle mesure cette conception grandiose allait s’étendre aux Alpes orientales. Du côté de l’occident, aucune objection de principe n’était à craindre. […] Mais que viendrait-il de l’orient, pour la nouvelle théorie : démenti formel, ou confirmation éclatante ? J’avoue que, depuis ce moment, aucune question ne m’a paru présenter, ni un intérêt aussi vif, ni une semblable “actualité”. […] C’est pour essayer, non pas de résoudre le problème – j’étais loin de m’attendre à ce que la solution en fut aussi aisée –, mais de me faire une opinion personnelle sur la structure des Alpes orientales, que j’ai voulu suivre, après le Congrès géologique international de Vienne, l’excursion que M. le Professeur Friedrich Becke devait diriger dans les montagnes du Zillertal, par le travers de la région occidentale des Hohe Tauern » (Termier, 1903, p. 711).

Pierre Termier, au cours de l’excursion, observa que la pétrologie de la région était exactement la même que celle du Queyras et de la Vanoise française : il en conclut donc que les terrains de la Schieferhülle étaient identiques aux schistes lustrés français, donc mésozoïques et non paléozoïques comme le pensaient les géologues autrichiens (Fig. 9). Il interpréta alors la région comme une immense fenêtre dans la nappe de la Schieferhülle permettant d’observer la voûte d’un anticlinal de Zentralgneis et de Trias. Il mit ainsi en évidence la présence de cinq nappes dans la région (Fig. 10) avec, de bas en haut : un substratum de Zentralgneis surmonté d’un Trias concordant, une nappe de schistes lustrés, la nappe triasique du Pinzgau, la nappe triasique de la Rettelwand et une nappe formant actuellement les Alpes calcaires plus au nord et qui aurait été complètement érodée au niveau du Zillertal.

Figure 10. Structure du Zillertal selon Pierre Termier (modifié d’après Termier, 1903, p. 734). G : Zentralgneis, T : calcaire triasique, g : Grauwackengneis, S : Schieferhülle, Q : quartzites triasiques, P : phyllades de Pinzgau, W : schistes fortement sériciteux.

Selon Pierre Termier, les Alpes orientales, tout comme les Alpes suisses et les Alpes occidentales, sont donc formées de nappes : les Hohe Tauern comportent cinq fenêtres et le massif de l’Engadine une fenêtre s’arrêtant à la Schieferhülle. Il localisa les racines de ces nappes (Fig. 11) dans une étroite zone formée de vieux terrains cristallophylliens et présentant de grands plis verticaux autochtones, entre Ivrée et le Gailtal. Au sud de cette zone, la longue faille séparant les Alpes des Dinarides est alors interprétée comme une immense surface de charriage indiquant que les Dinarides seraient passées au-dessus des Alpes, formant la nappe des Alpes calcaires dans les Alpes orientales et le traîneau écraseur des Alpes occidentales. La quatrième écaille du Briançonnais est finalement réduite à n’être qu’un simple lambeau de charriage.

« J’ai goûté hier les plus grandes joies qu’un savant puisse éprouver. Désormais, ce pays, qui était une affreuse énigme pour tous les géologues, me paraît simple. Et les phénomènes sont beaucoup plus clairs que je n’eusse osé l’espérer. Les Viennois eux-mêmes pourront les comprendre s’ils veulent seulement se débander les yeux. Je suis parfaitement heureux » (Termier, 1904).

Figure 11. Structure de la chaîne alpine et localisation de la zone des racines des nappes alpines selon Pierre Termier (modifié d’après Termier, 1903, pl. XXIII).

L’ensemble de ces études permit à Pierre Termier de publier une carte et cinq coupes présentant la structure générale de l’ensemble de la chaîne alpine européenne (Fig. 10). « Le brouillard est entièrement levé : et c’est presque le grand jour, ce jour dont parlait M. Lugeon, et dont il a, plus que tout autre, hâté la venue et désiré l’aube, le jour de la synthèse » (Termier, 1903, p. 753). Il y montre que l’unité des schistes lustrés est continue sur 2 000 km de long alors que la zone interne disparaît à l’ouest au niveau de la zone d’Ivrée, et que la zone externe est formée de massifs cristallins externes autochtones ainsi que de nappes d’origine interne. L’histoire des Alpes est également commune, et le traîneau écraseur formé par les Dinarides est passé sur l’ensemble des Alpes :

« L’avancée des Dinarides a été d’au moins 150 kilomètres, du Sud au Nord, par le travers de Vienne ou par le travers de Venise : mais cette évaluation de 150 kilomètres est tout à fait un minimum, et il n’est pas impossible que l’avancée réelle, dans les Alpes orientales, ait atteint 300 kilomètres. Le déplacement horizontal s’est, en tout cas, amoindri dans la région centrale de la chaîne, c’est-à-dire dans les Alpes suisses ; et plus encore dans les Alpes franco-italiennes, où il paraît avoir graduellement décru, jusqu’à s’annuler en Ligurie » (Termier, 1911, p. 90).

La chaîne alpine est donc issue du rétrécissement graduel d’une Téthys qui mesurait 2000 km de large au Carbonifère et qui séparait deux « mâchoires » : l’Europe et l’Afrique. Quand ces deux mâchoires se sont refermées au Tertiaire, les fonds de la Téthys aujourd’hui disparue ont formé les faisceaux de plis et les nappes de charriages que l’on observe.

« Sans doute la Téthys s’est graduellement rétrécie, par le rapprochement de ses bords ; elle a même fini par disparaître presque complètement en temps que mer. […] Mais ce rétrécissement, ce rapprochement graduel du rivage méridional et du rivage septentrional a eu comme effet de plisser les sédiments entassés dans les fosses marines et de faire surgir, comme autant de vagues de pierre, les plis ainsi formés. Les fonds de la Téthys sont devenus des faisceaux de plis ; et comme ces faisceaux, sous la pression qui les façonnait, sont montés très haut au-dessus des ondes, ils sont eux-mêmes devenus des chaînes de montagnes. Oui, il y a entre les monts et les mers cette relation mystérieuse : les monts naissent des mers, telle la Vénus Amphitrite de la mythologie » (Termier, 1928a, p. 109-110).

Selon Pierre Termier, les chaînes de montagnes sont donc des ensembles de faisceaux de plis parallèles et déversés dans le même sens et de nappes de charriage se déplaçant dans la même direction. Ces chaînes de montagnes se seraient formées lors d’un léger resserrement d’un géosynclinal où se seraient accumulés des sédiments, resserrement entraînant le jaillissement de nappes de sédiments qui s’étalent en surface. La surrection de la chaîne serait due à l’isostasie et son affaissement à l’érosion.

Dans cette théorie de l’orogenèse, Pierre Termier considère donc des mouvements horizontaux de nappes ou de paquets de nappes, parfois de grande amplitude, mais qui ne se font qu’en surface : le substratum, lui, ne se déplace que très peu.

« On ne peut pas expliquer sans un mouvement tangentiel, ni que […] toutes les chaînes de montagnes soient un faisceau de plis, ni surtout que, dans beaucoup de chaînes, il y ait eu des charriages » (Termier, 1926, p. 66).

3.      La théorie de la dérive des continents d'Alfred Wegener

À la fin du xixe siècle, coexistaient deux principales théories explicatives de l’aspect actuel de la Terre :

- La théorie des continents effondrés d’Eduard Suess (1888), Émile Haug (1900) et Hermann von Ihering (1907), parfois réduite à la théorie des ponts continentaux, expliquait la répartition des espèces actuelles et fossiles en proposant que le refroidissement de la Terre avait entraîné sa rétraction interne et que, pour que la croûte solide s’adapte au diamètre interne, il fallait que des continents se soient effondrés, formant des bassins océaniques. Selon les endroits, il y aurait eu effondrement de bassins ou surrection de chaînes de montagnes. Cette théorie expliquait donc également les mouvements tangentiels dans les montagnes.

- La théorie permanentiste de James D. Dana (1873) et Bailey Willis (1910) considérait qu’un continent ne pouvait s’effondrer pour former un fond océanique car continents et océans sont de nature différente.

Ces deux théories sont contradictoires : « Nous assistons à un spectacle paradoxal ; il y a deux théories s’excluant réciproquement, sur l’aspect ancien de la face terrestre. […] Mais où donc est la vérité ? La terre ne peut avoir eu, à un moment, qu’une seule face. […] Il n’y a évidemment qu’une seule issue : les hypothèses admises comme évidences doivent être viciées par des erreurs cachées. C’est ici qu’intervient la théorie des translations » (Wegener, 1929, p. 16).

Le météorologue Alfred Wegener présenta sa théorie de la dérive des continents pour la première fois lors de la session annuelle de l’Union géologique de Francfort-sur-le-Main, le 6 janvier 1912, lors d’une conférence intitulée Idées nouvelles sur la formation des grandes structures de la surface terrestre (continents et océans) sur des bases géophysiques. Quelques jours plus tard, il la présenta également à la Société pour l’Avancement des Sciences naturelles de Marburg, sous le titre La Formation des continents, qui fut publiée par deux revues allemandes. En 1915, Wegener publia la première édition de La Genèse des continents et des océans, qui fut rééditée en 1920, 1922 et 1929.

Alfred Wegener, comme avant lui Edouard Suess et d’autres, considère que la croûte terrestre est composée de deux matières différentes (Fig. 12 et 13) : la croûte océanique est composée de sima et la croûte continentale est composée de sial épais de 30 km. Sous le sial, on retrouverait du sima sous forme de basalte visqueux jusqu’à 60 km (expliquant le rebond élastique de la Fenno-Scandinavie) et sous forme de dunite à partir de cette profondeur.

Figure 12. La structure de la Terre selon Alfred Wegener (modifié d’après Joleaud, 1923, p. 255).

Figure 13. La position des continents sialiques dans le manteau simique selon Alfred Wegener (modifié d’après Wegener, 1929, p. 201).

À partir de nombreuses observations dans toutes les disciplines géologiques, Alfred Wegener critiqua les deux théories contradictoires et formula sa propre théorie, celle de la dérive des continents, seule capable d’expliquer l’ensemble des phénomènes observés. Sa démarche est résumée dans le tableau 1.

Dans sa théorie de la dérive des continents, Alfred Wegener considère que les continents formaient une masse unique – la Pangée – au Carbonifère et que les continents se sont séparés les uns des autres lors de la formation d’océans entre eux (Fig. 14). La croûte continentale sialique serait mobile dans le sima sous-jacent (Fig. 13) : lors d’une rupture du continent, le sima remonterait entre deux morceaux de sial, expliquant l’apparition des océans ; les morceaux de sial séparés dériveraient chacun de son côté. En avant du sial (la « proue » d'Émile Argand), le sima visqueux céderait devant la poussée du sial mais le sial serait déformé et formerait des chaînes de montagnes par empilement des sédiments de couverture. En arrière du sial (la « poupe » d’Émile Argand), quelques îles se détacheraient du continent (ex. : Antilles, Floride) et les pointes des continents se trouveraient à la traîne par rapport au reste (ex. : Amérique du Sud).

Il manque cependant à cette théorie les forces permettant les déplacements des continents de sial dans le sima visqueux. Alfred Wegener en proposa plusieurs : la force répulsive des pôles (Eötvös, 1913) due à l’aplatissement de la Terre aux pôles ; la force des marées qui ralentirait la rotation des continents en surface par rapport à la rotation de la Terre profonde ; la force de gravité au niveau de renflements locaux (Daly, 1926), la force de précession, l’attraction directe entre les continents, la force de convection mantellique étudiée par plusieurs auteurs (Ampferer, 1906 ; Schwinner, 1919 ; Joly, 1925 ; Kirsch, 1928). Mais aucune ne le satisfaisait vraiment :

« La théorie des translations n’a pas encore trouvé son Newton. On ne doit pas s’inquiéter de sa venue : la théorie n’est en effet qu’à ses débuts. […] Il est pourtant probable qu’un certain temps s’écoulera avant qu’on ait pu résoudre complètement la question des forces intervenant dans ces mouvements » (Wegener, 1929, p. 161).

Phénomènes observés

Anciennes théories corroborées par ces phénomènes

Théories contredites par ces phénomènes

Nouvelle théorie corroborée par ces phénomènes

Répartition des espèces actuelles et fossiles : des provinces fauniques identiques se trouvent actuellement interrompues par des océans et des provinces fauniques différentes sont juxtaposées de part et d’autre d’accidents tectoniques

Effondrements continentaux dus à la contraction thermique et ponts continentaux

Permanentisme

Dérive des continents

Mouvements tangentiels dans les orogènes

Contraction thermique

 

Dérive des continents

Côtes coupant les orogènes à angle droit (ex. chaîne hercynienne coupée par l’Atlantique)

Effondrements continentaux dus à la contraction thermique

 

Dérive des continents

Nature simique (silicium + magnésium) des océans et nature sialique (silicium + aluminium) des continents

Permanentisme

Effondrements continentaux et ponts continentaux

Dérive des continents

Répartition étroite des orogènes

 

Contraction thermique

Dérive des continents

Découverte de la radioactivité dans le manteau (1900)

 

Contraction thermique

 

Isostasie (Pratt et Airy, 1850s)

 

Effondrements continentaux et ponts continentaux : le sial plus léger ne peut pas s’enfoncer dans le sima plus lourd

 

Translation actuelle des continents (ex. : le Groenland s’éloigne de l’Europe)

 

 

Dérive des continents

Concordance géographique et géologique des continentaux (ex. : côte ouest d’Afrique et côte est d’Amérique du sud, du Toit, 1927)

 

 

Dérive des continents

Reconstitutions paléoclimatologiques à partir des témoins des climats passés

 

 

Dérive des continents

Tableau 1. La démarche d’Alfred Wegener : tous les phénomènes observés ne peuvent être expliqués par les anciennes théories ; seule la théorie de la dérive des continents est corroborée par l’ensemble de ces phénomènes.

Figure 14. La position des continents au cours des temps géologiques (modifié d’après Wegener, 1929, p. 18).

4.      L’opinion de Pierre Termier sur la mobilité des continents
4.1.   Présentation et critique de la théorie wegenerienne par Pierre Termier

On n’a trouvé aucune information concernant le moment où Pierre Termier prit connaissance de la théorie de la dérive des continents : il parlait couramment allemand et il se peut donc qu’il en ait entendu parler dès 1915, voire 1912. Il la présenta, en tout cas publiquement, dans deux conférences : La Déformation de la Terre au cours des âges, devant la Société industrielle de Mulhouse, le 28 février 1923 ; La Dérive des continents, devant l’Institut océanographique de Paris, le 9 février 1924. Cette dernière conférence fut traduite en anglais et diffusée aux États-Unis la même année.

Pierre Termier était en accord avec la théorie de la structure de la Terre d’Eduard Suess (1909) et donc avec celle d’Alfred Wegener (cf. figure 13 et tableau 1) : les océans sont formés d’une mince couche de basalte alors que les continents sont formés d’une couche de sal solide de 60 km, voire 95 km, d’épaisseur. Ces deux couches se trouvent sur 1 540 km de sima visqueux et 1 400 km de sima solide.

Il avait également constaté une mobilité, verticale comme horizontale, des continents. La mobilité verticale est en effet observable historiquement, par exemple avec la modification des rivages de la Méditerranée et de l’Atlantique. Cette mobilité verticale est expliquée, selon Termier, par la théorie de l’isostasie :

« Quant à la mobilité, on s’accorde en général à penser qu’elle est cantonnée dans la zone superficielle. Il n’y aurait, à bouger, que la région salique et le haut de la région simique […]. Ici intervient la notion d’isostasie » (Termier, 1926, p. 78).

L’étude des Alpes lui montra, comme on l’a vu dans la première partie de cet article, des mouvements horizontaux de grande ampleur :

« Si, au lieu des Alpes, nous considérons l’ensemble des grandes chaînes d’Asie centrale, dont la traversée, du Nord au Sud, est actuellement de 3 000 km, nous sommes conduits à penser que la mer transversale, […] que les géologues appellent Téthys […], avait autrefois 6 000 km au moins de largeur. C’était une sorte d’Atlantique transversal ; il s’est graduellement resserré par rapprochement de ses bords, rapprochement […] dont la durée totale a embrassé […] plusieurs centaines de millions d’années » (Termier, 1924, p. 167-168).

Pierre Termier analysa l’ensemble des arguments de la théorie d’Alfred Wegener : il en approuva certains, en récusa d’autres.

Parmi les arguments qui avaient favorablement impressionné Pierre Termier, on trouve :

- le déplacement actuel du Groenland par rapport à l’Europe : s’il critiquait la précision des mesures, c’est qu’il lui semblait que ces mouvements étaient trop lents pour pouvoir être actuellement mesurés mais qu’ils seraient sans doute mesurables dans l’avenir. « Une constatation positive serait un argument bien fort : sinon en faveur de la thèse intégrale de Wegener, tout au moins en faveur d’une large mobilité des masses continentales » (Termier, 1923, p. 137).

- la reconstitution paléoclimatologique du Gondwana : c’est selon Pierre Termier le meilleur argument de Wegener. « L’aisance avec laquelle la théorie de Wegener résout ainsi les problèmes géologiques relatifs aux temps carbonifères, et l’embarras que nous éprouvons pour les résoudre sans elle, voilà, selon moi, l’argument le plus fort en sa faveur » (Termier, 1923, p. 139-140).

D’autres arguments de Wegener lui semblent pourtant, ainsi qu’à de nombreux autres géologues, un peu exagérés. La concordance géographique des côtes, par exemple, est, selon lui, trop imprécise : « On dirait un de ces jeux d’enfant […] auxquels on donne maintenant le nom anglais de puzzle, mais d’un jeu assez mal découpé dont les morceaux ne s’ajustent pas sans un peu d’effort » (Termier, 1923, p. 134).

Mais c’est surtout au passage concernant la théorie de la dérive des continents elle-même que Pierre Termier s’attaque, et à un point en particulier : Wegener énonce le fait que, lors du déplacement des continents, le sima fuit devant les continents de sial à la dérive et que le sial se déforme au niveau de sa « poupe », formant les chaînes de montagnes. Pierre Termier s’interroge alors sur les propriétés du sima : « Quel serait ce liquide sur lequel les continents flotteraient et dont la résistance, quand ils se meuvent, serait capable de plisser leur bord et de façonner un bourrelet saillant qui deviendrait une chaîne de montagne ? » (Termier, 1923, p. 140) ; « Comment peut-on accepter que, si la masse continentale bouge en rompant devant elle la croûte solide du fond de la mer, ce soit la masse continentale qui se plisse, qui se façonne en un bourrelet saillant, en une chaîne de montagnes, et non pas la croûte solide au fond de la mer ? » (Termier, 1923, p. 148). Il s’interroge également sur le devenir du sima qui se trouve en avant des continents en dérive : « Que deviennent, dans l’hypothèse de la mobilité, les débris de la pellicule sismique solide qui formait le fond de l’océan ? Ne devraient-ils pas s’accumuler, en un épais bourrelet de roches lourdes et noires sur la proue du grand navire ? Rien de semblable, cependant, n’apparaît » (Termier, 1924, p. 186). Il critique enfin le modèle d’orogenèse de Wegener : « Comment les plissements profonds du sal continental solide, sous la poussée du sima liquide, peuvent-ils se transformer, en montant vers la surface, et devenir ces plis et ces nappes que nous voyons dans nos montagnes et qui évoquent l’idée d’un ridement superficiel, bien plus que celle d’un trouble très profond, propagé en hauteur ? » (Termier, 1924, p. 186).

Ainsi, Pierre Termier trouve la théorie de la dérive des continents séduisante : « L’on ne peut pas contester qu’elle ne soit, par certains endroits, séduisante à la façon d’un rêve très beau, d’un rêve de grand poète » (Termier, 1923, p. 130). Mais elle n’est cependant pas nécessaire pour expliquer l’ensemble des observations : « Il est, sans doute, séduisant de grouper tous les continents à l’époque carbonifère, pour les disjoindre ensuite ; il est, sans doute, séduisant de considérer les chaînes d’îles comme des cortèges de traînards derrière les continents en marche ; mais ce n’est pas nécessaire. Ce sont, simplement, des hypothèses commodes. Rien ne dit que, demain, on n’en trouvera pas d’autres, plus commodes encore » (Termier, 1924, p. 196). De plus, cette théorie comporte des défauts : « Dans la théorie de Wegener, telle que l’auteur nous la présente, il y a de nombreuses et fortes invraisemblances. L’ensemble est séduisant, beaucoup de détails choquent » (Termier, 1924, p. 185). Bref, la théorie de Wegener est, aux yeux de Termier, « très commode, trop commode même à [son] gré » (Termier, 1926, p. 75).

Cependant, si Pierre Termier critique de nombreux points de la théorie de Wegener, il est parfaitement conscient que ses critiques sont insuffisantes pour la réfuter complètement :

« En matière d’hypothèses géologiques, les invraisemblances ne comptent pas. Elles ne prouvent pas qu’une théorie soit radicalement fausse ; elles montrent simplement qu’elle a besoin d’être améliorée, corrigée, précisée. Si l’on n’accepte pas la théorie de Wegener, ce n’est pas qu’on en possède d’autres qui soient pleinement satisfaisantes. Aucune n’a été proposée jusqu’ici, qui ne se heurte, elle aussi, à de pénibles invraisemblances. […] En vérité, ce sont les phénomènes géologiques eux-mêmes, ceux de l’existence desquels on est tout à fait certain, qui sont confondants et invraisemblables. Comment, dès lors, prétendre à leur explication ? Nous savons que la lithosphère bouge […] ; nous savons aussi, ou nous croyons savoir, l’ordre de grandeur de [l’] amplitude [de ses mouvements]. C’est tout » (Termier, 1924, p. 187-188).

Pourquoi donc Pierre Termier, alors qu’il est lui-même adepte des jolies théories simples qui lui avaient valu le qualificatif de « géopoète », finit-il par refuser la théorie du géophysicien allemand ?

4.2.   Les raisons profondes du refus de la dérive des continents

Si Pierre Termier a refusé la théorie de la dérive des continents d’Alfred Wegener, c’est qu’elle était en contradiction avec ce qu’il appelait les « traits permanents » de la Terre.

Il partit du constat qu’en Europe les chaînes alpine et hercynienne sont parallèles pour suggérer le fait que la mer transversale de la Téthys existait depuis le Dévonien, voire le Silurien. Elle avait été certes réduite aux deux-tiers dans sa largeur lors de la formation successive des deux chaînes de montagnes, mais elle avait depuis cette époque reculée toujours gardé la même longueur, à savoir la moitié de la circonférence du globe, depuis les Antilles jusqu’à l’Himalaya.

« Ces deux chaînes sont à peu près parallèles, elles remplacent l’ancienne Téthys ; elles sont, pour les géologues, les fonds même de la Téthys, plissés et surélevés […]. Elles sont la Téthys même » (Termier, 1928a, p. 111).

L’étude du Pacifique montrait, elle, des chaînes de montagnes parallèles aux deux rivages, longées par des fosses profondes interprétées à l’époque comme des géosynclinaux. Or d’après la théorie des géosynclinaux d'Émile Haug, les sédiments des montagnes proviennent de géosynclinaux, donc, selon Pierre Termier, ces fosses existent depuis longtemps, puisqu’elles ont déjà participé à la formation de chaînes de montagnes et se propagent lentement vers l’intérieur du Pacifique. Celui-ci n’a donc jamais été continental, comme le pensait déjà Eduard Suess.

« Il est probable que la fosse circumpacifique a toujours existé, et qu’elle s’est simplement déplacée au cours des âges, le sens de déplacement étant vers l’intérieur du domaine pacifique. Les grandes chaînes de montagnes qui courent le long de la côte ouest de l’Amérique […] sont faites de sédiments déposés dans les géosynclinaux : l’ensemble de ces géosynclinaux, c’est l’ancienne fosse maritime. De même […] toutes [les] chaînes du Pacifique occidental nous montrent des sédiments […]. Quand ce faisceau s’est plissé et est devenu une chaîne de montagnes, la fosse maritime, ensemble des fosses géosynclinales, s’est reformée plus loin, gardant sa forme de boucle, simplement un peu rétrécie : persistance infiniment mystérieuse et d’une durée paradoxale » (Termier, 1928b, p. 127-128).

La demi-ceinture transversale et la fosse circumpacifique sont donc deux traits permanents qui constituent pour Pierre Termier une « objection à [ses] yeux irréfutable et définitive » (Termier, 1926, p. 75) :

« Je suis moins frappé de la mobilité que de la permanence […]. C’est cela, bien plus que telle ou telle invraisemblance des explications de Wegener […], qui m’éloigne de la théorie allemande, en dépit de son charme indéniable et de sa réelle beauté » (Termier, 1924, p. 195).

Mais il se demande avec raison quelle est l’origine de cette permanence alors que les signes de mobilité (séismes, volcans,…) sont si nombreux. Il lui octroie une cause profonde datant de la formation de la Terre :

« Je pense que la spécialisation de ces deux domaines tient à une cause relativement profonde, l’inégalité de la densité dans les masses de scories formées à la surface de la Terre fluide ; le Pacifique, par exemple, occupant la place d’un immense radeau de scories particulièrement lourdes » (Termier, 1926, p. 76).

Pierre Termier finit par admettre avec humilité que la science en la matière n’en est encore qu’à ses débuts :

« La théorie de Wegener est pour moi un beau rêve, un rêve de grand poète. On cherche à l’atteindre ; et l’on s’aperçoit que l’on n’a dans les bras qu’un peu de vapeur ou de fumée ; elle est à la fois séduisante et insaisissable. Mais tout au fond, nous ne pouvons pas conclure ; nous ne pouvons pas dire qu’il n’y ait rien de réel dans la théorie de Wegener ; et nous ne pouvons pas non plus affirmer qu’elle renferme une part de vérité. Notre science est bien courte » (Termier, 1924, p. 199-200).

« Ce qui demeure ce qui demeurera toujours, en dépit de la fluctuation des théories et de la ruine ou de la transformation des hypothèses, c’est la certitude de la mobilité » (Termier, 1923, p. 151).

4.3.   Le mobilisme restreint de Pierre Termier

Pierre Termier n’est donc pas contre la mobilité des continents – il l’a lui-même confirmée dans sa synthèse des Alpes – mais il est contre une mobilité sans règle et sans limite. Il prône donc un mobilisme restreint, « dosage merveilleux de la mobilité et de la permanence » (Termier, 1926, p. 71) :

« Les deux continents qui […] bordaient la Téthys se sont beaucoup rapprochés, mais suivant une loi précise et sous l’empire d’une cause agissant dans le même sens pendant plusieurs centaines de millions d’années ; et, de même, les rivages de l’océan Pacifique se sont déplacés, rétrécissant, peu à peu, de quelques centaines de kilomètres, l’immense domaine maritime […], mais rien, dans ce mouvement du bord du Pacifique, n’indique la grande dérive, le vagabondage effréné que Wegener concède à ses continents » (Termier, 1926, p. 75).

« Dans l’intérieur de ce cadre, je suis mobiliste tant qu’on voudra et tant que ce sera nécessaire » (Termier, 1925, p. 248).

Pierre Termier recherche le moteur de la mobilité horizontale restreinte. Les phénomènes moteurs de la déformation doivent être locaux, contrairement à ceux recherchés par Alfred Wegener pour sa mobilité large. Pierre Termier rejette donc la théorie de la contraction thermique, qu’il considère d’ailleurs comme insuffisante pour expliquer l’ampleur des déplacements, et même peu probable.

Par contre, il semble prendre au sérieux une nouvelle théorie, que l’on appellera plus tard la théorie des « géotumeurs » :

« Il y a, dans l’écorce, et jusqu’à une profondeur inconnue […] des corps radioactifs qui, peu à peu, se désintègrent. Il est donc probable que l’écorce tend à s’échauffer, plutôt qu’à se refroidir. […] Mais ce qui est encore plus vraisemblable, c’est que [le noyau] renferme, lui aussi, des éléments désintégrables et qu’il aille, lui aussi, en s’échauffant un peu. Ce serait toute la Terre qui tendrait à s’échauffer ; et il suffirait de supposer que ce dégagement de chaleur fût variable dans le temps et dans l’espace pour que nous puissions le considérer comme la cause de nos déformations : cause agissant ici ou là, suivant une loi profonde que nous ne pouvons pas savoir » (Termier, 1926, p. 70).

Cette « loi profonde » d’une part régulerait la température à la surface de la Terre de manière à la maintenir compatible avec la vie et d’autre part permettrait la création d’une force constante pendant une centaine de millions d’années, condition nécessaire aux orogenèses.

Pierre Termier considère comme un moteur également possible du mobilisme restreint des déséquilibres isostatiques :

« L’usure des reliefs continentaux, par l’érosion, et le comblement graduel, par la sédimentation, des dépressions maritimes, ne peuvent pas se prolonger beaucoup sans détruire cet équilibre. Périodiquement, donc, la lithosphère, suffisamment plastique dans son ensemble, se déformera d’elle-même pour chercher une nouvelle figure par laquelle l’équilibre soit de nouveau réalisé. Cela se fera, presque toujours, par la formation d’une sorte de vague tendant à rejeter, sur un continent, les matériaux qui se sont accumulés dans la mer voisine parallèlement au rivage. Cette vague, c’est un faisceau de plis. Les chaînes de montagnes naîtront ainsi des grandes fosses de sédimentation et s’en iront déferler sur le bord continental de ces fosses. […] Théorie séduisante qui, malheureusement, n’est pas vérifiable » (Termier, 1928b, p. 118-119).

Le moteur du mobilisme, même restreint, reste donc un mystère également chez Pierre Termier.

4.4.   Le paradoxe de Pierre Termier : la théorie des effondrements continentaux

Il reste cependant un problème à résoudre : le mobilisme restreint, s’il est capable d’expliquer la formation des chaînes de montagnes, est par contre insuffisant pour expliquer la répartition actuelle de la faune et de la flore fossile. Pierre Termier fait appel pour cela à la théorie des effondrements continentaux, qu’il justifie par ses propres observations.

Tout d’abord, en Méditerranée, Pierre Termier prolonge les Alpes par les chaînes de montagnes de Corse orientale et de Sardaigne[1], puis par la Sierra Nevada en Espagne. Les Dinarides, elles, seraient prolongées par les chaînes de montagnes de Tunisie, ainsi que par l’Atlas en Algérie et au Maroc. La chaîne alpine se poursuivrait donc au fond de la Méditerranée, à plus de 3000 m de profondeur, sur plusieurs centaines voire plusieurs milliers de kilomètres : elle ne ferait pas le tour de la Méditerranée, comme le suggérait Eduard Suess, mais la traverserait. La Méditerranée serait donc le résultat d’un effondrement continental qui se poursuivrait encore actuellement, ce qui permet d’expliquer la présence des volcans italiens :

« La chaîne tertiaire ne court pas autour de la Méditerranée occidentale, elle traverse cette Méditerranée. Le domaine marin qui se déroule sous nos yeux résulte en grande partie d’effondrements récents ; et si nous pouvions descendre au fond des gouffres […], nous verrions apparaître sur leurs parois la continuité des plis ou des nappes » (Termier, 1911, p. 94).

« Mais tout un fragment de la chaîne alpine, entre la Provence et les Baléares, s’enfonce au milieu de la mer ; et, pendant qu’il s’enfonce, il semble entraîner avec lui, vers les abîmes, un vaste pan du massif corso-sarde ; et, simultanément encore, d’autres effondrements se produisent, çà et là, un peu partout, en pleine chaîne pyrénéo-provençale, en pleine chaîne apennine. Alors, sur la margelle des régions effondrées, les volcans s’allument et les laves jaillissent » (Termier, 1911, p. 113).

Dans plusieurs conférences (1912), Pierre Termier va plus loin : il suggère que les Alpes et les Dinarides se prolongent jusqu’aux Antilles. Il utilise pour cela plusieurs types d’arguments, du même type que ceux de Wegener :

- des arguments paléontologiques issus des études du Français Louis Germain (1923), qui constate d’une part que la faune des Açores, de Madère et des Canaries est une faune d’origine africaine dont les espèces survivant au Tertiaire ont disparu en Europe, et d’autre part que ces îles ont également porté des Mollusques pulmonés originaires d’Amérique centrale. Il en conclut que ces îles furent d’abord détachées des Antilles par un premier effondrement au Miocène, puis de l’Europe par un deuxième effondrement au Pliocène et enfin de l’Afrique par un troisième effondrement, celui de l’Atlantide, dans la période historique.

- des arguments structuraux au niveau des rivages : « Le bord de mer est le bord cassé d’un plateau [et] le bord de mer tranche, normalement ou obliquement, une chaîne de montagnes qui lui est évidemment antérieure. […] Il est manifeste que le rivage de type atlantique est un bord d’effondrement : effondrement d’un plateau ou effondrement d’une chaîne de montagnes » (Termier, 1920, p. 362-363).

- des arguments structuraux au niveau du fond de l’Atlantique : les volcans sont les témoins d’un effondrement et « un jour viendra où les cartes des fonds de l’Atlantique seront tout à fait précises et détaillées, on verra alors des lignes de fractures et des bandes de plis traverser le vaste abîme et courir d’Europe aux Etats-Unis, ou du Maroc aux Antilles, ou de la Sénégambie au continent sud-américain » (Termier, 1912, p. 128).

- des arguments pétrographiques : en 1898, on remonta par dragage des échantillons du fond de l’Atlantique, non loin des Açores. Il s’agissait de tachylite entièrement vitreuse et aux aspérités rudes, qu’il interpréta comme des laves terrestres immédiatement enfouies sans érosion aérienne : « Une telle lave, entièrement vitreuse, comparable à certains verres basaltiques des volcans des îles Sandwich, n’a pu se consolider à cet état que sous la pression atmosphérique. Sous plusieurs atmosphères, et à plus forte raison sous 3 000 mètres d’eau, elle aurait certainement cristallisé […]. La terre qui constitue aujourd’hui le fond de l’Atlantique, à 900 kilomètres au nord des Açores, a donc été recouverte de coulées de laves quand elle était encore émergée. Elle s’est, par conséquent, effondrée, descendant de 3 000 mètres ; et comme la surface des roches y a gardé l’allure tourmentée, les rudes aspérités, les arêtes vives des coulées laviques très récentes, il faut que l’effondrement ait suivi de très près l’émission des laves, et que cet effondrement ait été brusque. Sans cela, l’érosion atmosphérique et l’abrasion marine eussent nivelé les inégalités et aplani toute la surface » (Termier, 1912, p. 131-132).

Les chaînes de la demi-ceinture transversale (ancienne Téthys) se retrouveraient donc actuellement au fond de l’Atlantique par effondrements successifs d’un ancien continent atlantique qui existait au Carbonifère, effondrements dont le dernier serait historique : il s’agirait de l’explication du mythe de l’Atlantide de Platon.

« Ainsi l’Atlantique Nord, jusqu’à une période […] relativement récente, a été occupée par une masse continentale […] ; et tout cela s’est effondré, bien avant l’effondrement de ces terres volcaniques dont les Açores semblent être les derniers vestiges. À la place de l’Atlantique Sud, il y a eu, de même, pendant bien des milliers de siècles, un grand continent, maintenant descendu très profondément dans la mer » (Termier, 1912, p. 135).

« Il se pourrait bien que les poètes eussent raison, une fois de plus. Après une longue période d’indifférence dédaigneuse, voici que, depuis un petit nombre d’années, la science revient à l’Atlantide. […] Aucune affirmation n’est encore permise, mais il semble de plus en plus évident qu’une vaste région, continentale ou faite de grandes îles, s’est effondrée à l’ouest des Colonnes d’Hercule, autrement dit du détroit de Gibraltar, et que son effondrement ne remonte pas très loin au passé » (Termier, 1912, p. 118-119).

En 1923 cependant, il reconnaît que cette théorie n’est pas compatible avec le phénomène d’isostasie et que les fonds océaniques – alors suffisamment connus – ne sont finalement accidentés par aucune chaîne de plis et qu’ils ne présentent aucune trace d’érosion atmosphérique. Il reste néanmoins fidèle à la théorie de l’Atlantide jusqu’à sa mort, sans doute par fidélité à ses deux maîtres et amis Marcel Bertrand et Eduard Suess, ainsi que par la nécessité d’expliquer la répartition des fossiles et des espèces actuelles malgré le refus d’une dérive importante des continents.

Conclusion

Ainsi, l’étude des Alpes montre, selon Pierre Termier, qu’il y a une mobilité horizontale des continents, et même une mobilité relativement ample puisqu’il admet des mouvements de plusieurs centaines de kilomètres pour expliquer la formation des nappes de charriage dans les chaînes de montagnes. Cependant, la mise en évidence de deux « traits permanents » depuis le Carbonifère voire le Silurien, la demi-ceinture transversale, ou Téthys, et la ceinture de feu du Pacifique, lui font refuser des déplacements continentaux de trop grande ampleur et surtout sans aucune règle que décrit l’Allemand Alfred Wegener. Il recherche alors des mécanismes locaux expliquant le mobilisme restreint des continents.

Cependant, restreindre la mobilité horizontale des continents empêche Pierre Termier d’expliquer certaines observations que soulignait Alfred Wegener. Il doit donc se rabattre sur la théorie des effondrements continentaux, selon laquelle les océans actuels se seraient mis en place suite à l’effondrement de grands pans de continents qui se trouveraient actuellement au fond des eaux. Il reconnaît cependant certaines faiblesses à cette théorie, qui est réfutée d’une part par la théorie de l’isostasie et d’autre part par la composition différente des océans et des continents, mais il a trouvé quelques arguments en sa faveur et surtout ne saurait admettre une mobilité trop importante des continents.

La critique que fait Pierre Termier sur l’ampleur et la liberté des mouvements continentaux a également été faite par un des principaux défenseurs de la théorie de la dérive des continents d’Alfred Wegener, le Suisse et géologue alpin Émile Argand. Celui-ci détailla et compléta la théorie de Wegener, la présentant comme faisant partie de sa propre théorie des plissements encadrés où il défend une « mobilité lestée ».

Références

AGARD, P. et LEMOINE, M. (2003). Visages des Alpes : structure et évolution géodynamique. CCGM.

Airy G. B. (1855). On the computation of the effect of the attraction of mountain-masses, as disturbing the apparent astronomical latitude of stations in geodetic surveys ? Phil. Trans. Roy. Soc. London, 145, p. 101-104.

AMPFERER, C. (1906). Über das Bewegungsbild von Faltengebirgen. Jahrb. k. k. Geol. Reichsanstalt, Wien, 56, p. 539-622.

DALY, R. A. (1926). Our Mobile Earth. Charles Scribner’s Sons, New York.

DANA, J. (1873). On some results of the earth’s contraction from cooling, part V : Formation of the continental plateaus and oceanic depressions. Amer. J. Sci., (3), 6, p. 161-172.

DEPARIS, V. et LEGROS, H. (2000). Voyage à l’intérieur de la Terre. CNRS Éditions, Paris.

DOLOMIEU, D. (1798). Rapport fait à l’Institut national, par le citoyen Dolomieu, ingénieur des Mines, sur les voyages de l’an V et de l’an VI. Journal des Mines, 7, p. 385-405 et p. 405-432.

DU TOIT, A. (1927). A geological comparison of South America with South Africa. Carnegie Inst. Wash. Publ., 381, p. 1-157.

EÖTVÖS, L. (1913). Verhandlungen der XVI allgemeinen Konferenz der Internationalen Erdmessung.

GERMAIN, L. (1923). La théorie de Wegener et la zoogéographie. Bull. Soc. géol. France, (4), 23, p. 257-262.

HALL, J. (1859). Natural History of New-York, Paleontology. C. van Benthuysen, Albany.

HAUG, É. (1894). Les régions naturelles des Alpes. Annales de Géographie, III, 10.

HAUG, É. (1900). Les géosynclinaux et les aires continentales, contribution à l’étude des transgressions et des régressions marines. Bull. Soc. géol. France, (3), 28, p. 617-711.

HEIM, A. (1908). Bau der Schweizer Alpen. Neujahrsblatt. Naturf. Ges. Zürich, fasc. 110.

IHERING H., von (1907). Die Geschichte des Atlantischen Ozean. Verlag Gustav Fischer, Wien.

Kirsch, G. (1928). Geologie und Radioaktivität. Springer, Wien und Berlin, p. 155 et suivantes.

JOLEAUD, L. (1923). Essai sur l’évolution des milieux géophysiques et biogéographiques. (À propos de la théorie de Wegener sur l’origine des continents), Bull. Soc. géol. France, (4), 23, p. 205-257.

JOLY, J. (1925). The Surface History of the Earth. Clarendon Press, Oxford.

LEMOINE, M. (2000). Faits, modèles et résistances à des idées nouvelles, un exemple dans les sciences de la Terre, 1900-1970, publié dans les comptes-rendus du séminaire interdisciplinaire des Archives Jean PIAGET : L’interprétation dans le développement des connaissances : regards croisés sur les sciences. Genève, 1999.

LEMOINE, M. (2004). De Wegener à la tectonique des plaques : sept fois sept ans de réflexion. Travaux du Comité français d’Histoire de la Géologie (COFRHIGEO), (3), 18, 6, p. 103-131.

LORY, Ch. (1860). Description géologique du Dauphiné. Librairie F. Savy, Paris.

MARVIN, U. (1974). Continental Drift. The Evolution of a Concept. Smithsonian Institution Press, Washington.

PRATT, J. H. (1855). On the Attraction of the Himalaya Mountains and of the elevated regions beyond them, upon the plumb-line in India. Phil. Trans. Roy. Soc. London, 145, p. 53-100.

RAGUIN, E. (1932). Pierre Termier. Annales des Mines, t. I. Notice lue à la séance générale annuelle de la Société géologique de France, le 15 juin 1931.

SAUSSURE, H.-B. de (1779-1796). Voyage dans les Alpes. Samuel Fauche, Neuchâtel.

SCHWINNER, R. (1919). Vulkanismus und Gebirgsbildung. Ein Versuch. Zeitschr. f. Vulkanologie, 5, p. 175-230.

SUESS, E. (1875). Die Entstehung der Alpen. Braumüllen, Wien.

SUESS, E. (1888). La Face de la Terre. Tome II, Armand Colin, Paris.

SUESS, E. (1904). Sur la nature des charriages. Comptes Rendus de l’Académie des Sciences, t. 139, p. 714-716.

TERMIER, P. (1899). Les nappes de recouvrement du Briançonnais. Bull. Soc. géol. France, (3), 27, p. 47-84.

TERMIER, P. (1902). Quatre coupes à travers les Alpes franco-italiennes. Bull. Soc. géol. France, (4), 2, p. 411-433.

TERMIER, P. (1903). Les nappes des Alpes orientales et la synthèse des Alpes. Bull. Soc. géol. France, (4), 3, p. 711-765.

TERMIER, P. (1904). Lettre à Marie Molard du 17 juillet 1904. In: GEORGE, A. (1933). Pierre Termier. Flammarion, « Chefs de file », p. 198.

TERMIER, P. (1906). La synthèse géologique des Alpes. In : À la Gloire de la Terre, Desclée de Brouwer, Paris, 3e édition [1922], p. 43-82. Conférence du 26 janvier 1906 devant les professeurs et les élèves des Écoles spéciales et de l’Université de Liège.

TERMIER, P. (1907). Sur la nécessité d’une nouvelle interprétation de la tectonique des Alpes franco-italiennes. Bull. Soc. géol. France, (4), 7, p. 174-189.

TERMIER, P. (1911). Les problèmes de la géologie tectonique de la Méditerranée occidentale. In: À la Gloire de la Terre, Desclée de Brouwer, Paris, 3e éd. [1922], p. 83-114. Conférence du 21 janvier 1911 devant les professeurs et les élèves de l’université de Fribourg.

TERMIER, P. (1912). L’Atlantide. In: À la Gloire de la Terre, Desclée de Brouwer, Paris, 3e éd. [1922], p. 115-146.

TERMIER, P. (1920). Les océans à travers les âges. In : À la Gloire de la Terre, Desclée de Brouwer, Paris, 3e édition [1922], p. 371-405. Conférence à l’Institut océanographique de Paris. Publié dans la Revue scientifique (1920).

TERMIER, P. (1923). La déformation de la surface terrestre au cours des âges. In : La Joie de connaître, Desclée de Brouwer, Paris, 7e édition [1925], p. 115-157. Conférence du 28 février 1923 à la Société industrielle de Mulhouse.

TERMIER, P. (1924). La dérive des continents. In: La Joie de connaître, Desclée de Brouwer, Paris, 7e édition [1925], p. 159-200. Conférence du 9 février 1924 à l’Institut océanographique de Paris. Publié dans la Revue scientifique (1924) et, en anglais, sous le titre « The drifting of the continents » dans Smithsonian Report for 1924, Washington.

TERMIER, P. (1925). Les idées et le langage de la tectonique à propos d’un livre d’Émile Argand. In: La Vocation de savant, Desclée de Brouwer, Paris, 1929, p. 233-250. Article ou conférence en réalité non daté mais postérieur à 1924.

TERMIER, P. (1926). Que faut-il penser de la Terre ? In: La Vocation de savant, Desclée de Brouwer, Paris, 1929, p. 49-82. Conférence du 13 avril 1926 devant l’Assemblée générale scientifique du cinquantenaire de la Société scientifique.

TERMIER, P. (1928a). La Méditerranée. In: La Vocation de savant, Desclée de Brouwer, Paris, 1929, p. 83-117. Conférence du 27 février 1928 à la Société de conférences de Monaco.

TERMIER, P. (1928b). Un article de dictionnaire. In: Mélanges, Desclée de Brouwer, Paris, 1932. Publié sous le nom « Terre » dans ALES, A. (dir.), Dictionnaire apologétique de la Foi catholique, XXIV, Beauchesne.

TERMIER, P. (non daté). L’Alpe de Sarenne. In: La Vocation de savant, Desclée de Brouwer, Paris, 1929, p. 119-159.

WEGENER, A. (1929). La Genèse des continents et des océans. Trad. LERNER, A., Christian Bourgois Épistemè Classiques, Paris, 1990.

WILLIS, B. (1910). Principles of Paleogeography. Science, 31, (N. S.), n° 790, p. 241-260.



[1] En 1903, Pierre Termier fait se poursuivre les Alpes en Corse, puis à l’est et au sud de la Sardaigne, puis le long de la côte nord de l’Afrique, et enfin au niveau la Sierra Nevada en Espagne. En 1911, il modifie le tracé de la chaîne, qui se poursuit au nord-ouest du massif corso-sarde (qui fait alors pour lui partie des Apennins) puis par les Baléares avant d’arriver en Espagne.