TRAVAUX
DU
COMITÉ FRANÇAIS D'HISTOIRE DE LA GÉOLOGIE
- Première série -
(1980)

Jean R. MARECHAL
Terminologie minière et métallurgique des auteurs de l'Antiquité, des alchimistes et des minéralogistes jusqu'à Haüy (1743-1822)
(suite et fin)

COMITÉ FRANÇAIS D'HISTOIRE DE LA GÉOLOGIE (COFRHIGEO) (séance de décembre 1980)

Nous avons dans la première partie de cet exposé, donné quelques indications sur les conceptions des Anciens sur les métaux et les difficultés rencontrées dans l'interprétation des textes qui nous restent. Nous complèterons ce préliminaire par des précisions supplémentaires que la "Table Ronde" CNRS de Toulouse, qui s'est tenue tout récemment (21-22 novembre 1980) nous a apportées. Les nouvelles recherches et les réflexions qu'elles nous ont suggérées surtout sur les traitements des minerais de fer et de plomb, nous ont amenés à mieux comprendre les anciens procédés, quoiqu'il reste encore beaucoup de points a éclaircir.

La visite des énormes ferriers de la Montagne Noire, dans le département de l'Aude, nous a suggéré également des réflexions que nous développerons plus loin.

Lorsque j'ai commencé à m'intéresser à la métallurgie antique, il y a de nombreuses années, j'étais à peu près seul avec le maître de forges Edouard Salin et le marquis René de Tryon-Montalembert, à rechercher les vestiges de cette branche importante de l'activité humaine et à tenter de les interpréter. Et voilà que plus d'une centaines de personnes étaient présentes à cette "Table Ronde", dont de nombreux jeunes chercheurs !

Dans le domaine de l'interprétation des textes antiques, un jeune helléniste et latiniste s'est remis à cette difficile branche de l'histoire des techniques anciennes et à l'aide de données scientifiques a pu éclaircir le sens de cahiers de recettes dont certains sont conservés sur papyrus (Leyde, Stockholm, etc...), où l'analyse philologique montre l'usage littéral de modèles antiques. Ces textes permettent d'entrer dans le détail opératoire d'un certain nombre de procédés tels que l'affinage de l'or, la cémentation du cuivre par l'arsenic ou le zinc, la carburation et la nitruration du fer, l'étamage, l'argenture et la dorure, etc.. Les géologues du XVI° siècle ont donné des descriptions détaillées des vestiges industriels romains, notamment François Garrault, Bernard Palissy, Jean de Malus, César d'Arcons, Martine de Beausoleil ont livré sur les mines romaines de Gaule, des informations qu'il est utile de contrôler sur le terrain. (1)

Les discussions assez animées, provoquées par certains problèmes nous ont incités à revenir sur des assertions sujettes à caution, surtout sur la question du grillage des galènes dans le traitement des minerais de plomb.

La découverte de plus d'une vingtaine de sceaux de plomb, sortes de tessères circulaires et moulées, sur lesquelles sont figurées des fours à griller le minerai, de plusieurs modèles et des outils de métallurgistes; sur le site de Lascours (commune de Ceilhes, dép. Hérault) a reposé ce problème du grillage des minerais (2). Strabon ayant signalé les mines d'argent chez les Ruthènes et les Gabales, on s'est demandé si ces peuples connaissaient le procédé de coupellation du plomb pour en extraire ce métal (3). Ils ont pu écumer aussi l'argent natif des "chapeaux de fer" des filons plombifères de leur région.

L'extraction du plomb de la galène est facilitée par la présence de cuivre dans le minerai, ce qui était fréquent au début de l'exploitation de certains filons, notamment en Bretagne (Huelgoat), dans le Devonshire, le Cornwall (environs de Callington) et en d'autres nombreux endroits. (4)

Le cuivre s'empare du soufre comme indiqué par la réaction :
PbS+2Cu=Pb+Cu2s,
mais comme il tend à s'unir également au plomb, on obtenait du cupro-plomb. C'est ainsi que les anciens Romains du V° siècle a. C. utilisaient un alliage de cuivre avec 22 à 25 % de plomb, comme monnaie (Aes rudi)(5).

Le cuivre et le plomb peuvent être réduits à l'état métallique dans des conditions, où le fer est réduit seulement à l'état d'oxyde ferreux et où il se scorifie. Quand à la réduction de l'étain, elle est toujours accompagnée d'une réduction notable de fer, à moins qu'il ne soit déjà scorifié à l'état de silicate.

Comme les premières scories dans les fours à plomb peuvent contenir de fortes quantités de plomb (20 à 30 %), on remet ces scories riches (drawn slags) dans le circuit en ajoutant chaque fois du charbon et à mesure que le plomb métallique s'écoule, on rejette chaque fois dans le four les scories qui s'appauvrissent ainsi de proche en proche, jusqu'à ce qu'elles ne contiennent plus de plomb ou presque plus et deviennent blanches (white slags). On appelle "ressuage" cette récupération du plomb des scories, résidus et écumes, par le charbon. Dans le traitement des galènes cuprifères et suivant les teneurs respectives en plomb et en cuivre, on peut orienter le resauage vers la production de plomb ou de cupro-plombs.

Mais pour obtenir facilement un plomb pur ou presque, il vaut mieux utiliser le fer qui ne s'allie pas au plomb, soit sous la forme de minerai, de scorie ou même sous sa forme métallique, à partir du moment où on a pu réduire les limunites et oligistes. La réaction peut être mise en équation chimique PbS+Fe=Pb+FeS, si le fer est sous forme de silicate : PbS+FeO.Si02=PbO.Si02+FeS, il y a une certaine perte en plomb, et il faudra alors repasser les scories au four avec du charbon.

Comme les minerais plombo-cuprifères peuvent contenir des pourcentages d'argent récupérables, on a parfois traité ces minerais mixtes dans le but de concentrer ce métal précieux et de le coupeller ensuite.

J.P. Bushe-Fox cite le cas des mines Wheal Brothers, près de Callington dans le Cornwall, qui ont produit 3 000 livres d'argent en 1812, par coupellation de minerais de cette sorte (6).

On peut supposer également que les gisements cupro-plombifères riches en argent du district de Huelgoat-Pouallouen en Bretagne, aient fourni le centre d'Alet sur la côte septentrionale de cette région, On y a découvert des "galettes" d'un mélange à fortes proportions de cuivre et de plomb et contenant jusqu'à 5 % d'argent, probablement destiné à la coupellation (7).

Nous insisterons sur la question de l'origine et de l'évolution des alliages de cuivre qui se sont succédés dans l'ordre suivant :

Les procédés employés sont la fusion réductrice de minerais complexes et parfois aussi fusions réductrices en présence des oxydes des métaux à incorporer : cuivres à l'arsenic, laitons et peut-être bronzes ? La cémentation est aussi un procédé universel pour améliorer l'aspect de certains métaux : arséniage, étamage, argenture et metallisations diverses. Le polymétallisme a donc précédé l'affinage et le raffinage pour obtenir des métaux tout-à-fait purs.

A part ce préliminaire, basé sur notre expérience forcément incomplète de l'archéométallurgie, nous allons revenir sur Pline qui reste quand même une des principales sources d'information sur les questions métallurgiques et chimiques de l'Antiquité.

Si les premiers chapitres de son livre XXXIV, consacrés à l'histoire de l'art ont suscité de nombreuses recherches, on ne peut pas dire la même chose sur les derniers chapitres, dont l'étude des sources se révèle plus difficile, car nous n'avons qu'une connaissance très incomplète des oeuvres perdues que Pline cite dans l'index de ce livre divisé en deux parties, dont la première énumère les sujets traités et la seconde, les auteurs latins et grecs utilisés. Comme il n'était pas spécialisé dans les questions techniques, il a compilé ses sources, en les abrégeant souvent, ce qui les rend parfois obscures, D'ailleurs, il discute rarement leurs affirmations et par le fait même, il les comprend mal. Son texte est parfois corrompu et le chimiste anglais Kenneth C. Bailey a parfois trouvé difficile d'expliquer les données de Pline et interprète lui-même mal certaines phrases. Par exemple, le passage "purgaturque roboreo cribro profusum in aquam frigidam" (8), qu'il explique en changeant "cribro" en "ligno" et en supposant que ce traitement n'est tout simplement que le "perchage", alors qu'il s'agit d'un criblage après nettoiement dans l'eau. Nous pourrions donner d'autres exemples aussi curieux,

La distinction entre la "cadmea" et la "chalcitis" comme pouvant produire du cuivre, est également énigmatique et a soulevé pas mal de controverses entre latinistes (9).

Pline paraît faire une confusion en ce qui concerne la "cadmea" qu'il considère dans un passage, comme un minerai de cuivre qui fut abondant en Campanie et l'était encore de son temps dans le territoire des Bergomates, où en effet, il existe des gisements cuprifères et zincifères (10). Un peu plus loin (54) il dit que ce sont les cuivres, livien , exploité en Gaule et marien, ou cuivre de Cordoue qui s'allient le mieux avec la "cadmea". Le cuivre marien ressemble à l'aurichalci des "sesterces" et des "dupondi" qui venaient d'être frappés (en laiton). D'un côté, il dit que la "cadmea" est un minerai de cuivre et de l'autre (paragraphe 100), que c'est un produit qui se forme dans les fourneaux à cuivre, notamment de Chypre (par. 103) : il paraît donc quand même les distinguer.

Une autre cause de confusion vient d'un changement de sens très fréquent dans les différents textes qui se sont succédés dans l'Antiquité, depuis les anciennes épopées et notamment depuis Homère, à tel point que bien souvent, des termes employés anciennement, ne sont même plus compris des Grecs des époques ultérieures qui les ont réemployés, en en changeant le sens : par exemple "electron" qui chez Homère désigne l'ambre et à partir de Sophocle, signifie un alliage d'or et d'argent venant de Lydie. Un autre exemple est celui du changement de signification du mot homérique et mycénien "kuanos", primitivement pâte de verre bleue et ensuite par simple analogie de couleur azurite. Le mot celto-germanique "glas" signifiait chez les anciens Européens du Nord ambre, désigne ensuite le verre. Et combien d'autres !

Même le terme "aes" a plusieurs sens : il peut désigner du cuivre, du cupro-plomb (aes rudi), du bronze et même du laiton (aes candidum).

Une autre source d'erreur pour le chercheur moderne consiste a appliquer les termes de Pline à des minéraux et des produits métallurgiques, par exemple le mot "callaïs" qui désigne la turquoise chez cet auteur a été donné par A. Damour, vers 1864 à une sorte de variscite ferrifère. "Galena" qui signifie litharge chez Pline, a été appliqué au sulfure de plomb, le principal minerai de ce métal. R. Halleux a recherché l'origine du terme "stagnum" qui désignait le plomb d'oeuvre, c'est-à-dire le plomb contenant encore son argent et dans certains passages (par. 160) il parait désigner l'étain, dont le nom latin actuel est stannum déjà employé dans le même sens dès 261 (Ora Maritima), par Avienus (11).

Agricola (1494-1555) appelle "molybdaena" la galena de Pline qui comme nous venons de le dire, n'est que la litharge.

Le mot "régule" a subi un changement de sens assez curieux, alors qu'il désignait primitivement une matière métallique non ductile souvent utilisée par les alchimistes du Moyen-Age ; parce qu'ils croyaient trouver de l'or le roi des métaux, dans les culots métalliques qu'ils obtenaient par fusion (Macquer). Depuis, on a continué de donner ce nom à des culots qui contiennent plusieurs métaux (régule de Vénus : Cu-Sb) et il est devenu le nom particulier de demi-métaux (Hacquer), comme régule d'antimoine, régule d'arsenic, régule de cobalt (12). Le régule d'antimoine donne leur dureté aux caractères d'imprimerie et sert aussi à réaliser des "anti-frictions". Les brocanteurs d'aujourd'hui appellent ce dernier alliage du même nom pour désigner le métal constitutif de chandeliers, ou autres objets de qualité inférieure.

Il y a un point sur lequel nous allons revenir, c'est celui de la croyance des Anciens à la vie minérale, comparable à la conception biologique d'Origène : croissance, sexualité et pouvoir générateur. Les langues grecque, latine et germanique ont conservé des verbes qui sont empruntés à ce domaine : nascitur, gignere et procreare pour le latin (13) et wachsen pour l'allemand (14). Pline cite les mines de plomb d'Espagne et Strabon celles de fer de l'île d'Elbe (Aithalia), tandis que Plutarque dit : de même que les champs s'épuisent, il en est de même pour les mines qui se remettent à produire après une période de jachère.

Théophraste distingue par la couleur et la transparence les minéraux mâles et femelles, notamment en ce qui concerne les trois gemmes : la tourmaline, l'azurite et la cornaline (ou la sardoine).

Veith mentionne le "Gewachsenes Silber" désignant l'argent natif sous sa forme dentritique qui rappelle les branches d'arbres. (15)

A. Gianini cite des pierres creuses contenant un noyau dur qui seraient "enceintes" (pierre d'aigle ou aetite) (16).

Comme l'altération des sulfures provoque la formation foisonnante de sulfates, on peut en déduire que les Anciens qui avaient remarqué ces efflorescences dans les galeries de mines abandonnées, pouvaient croire à une croissance. La visite d'anciennes exploitations montre la formation de concrétions, de stalagmites et de stalagtites tendant à refermer les cavités et galeries et à boucher le passage, comme nous l'avons constaté dans la mine gallo-romaine d'Arrigas (dép. Gard).

On a aussi modifié l'aspect superficiel de certains objets tels que ornements, bijoux, armes, etc.. pour en améliorer la valeur ou l'utilité, en imitant l'or ou l'argent, ou en donnant un pouvoir réfléchissant dans le cas des miroirs. Un phénomène naturel de "ségrégation inverse" de l'étain dans les bronzes à haute teneur, ou de l'arsenic dans certaines dagues en cupro-arsenic de l'Age du Bronze Ancien, a dans certains cas, modifié cet aspect superficiel et lui a donné une apparence argentée.

On a employé un phénomène de diffusion interne à une certaine température et sous des conditions réductrices, d'éléments volatils tels que l'arsenic, le zinc pour le cuivre, l'oxyde de carbone (cémentation) et l'azote labile (nitruration pour le fer).

Ou bien, on a plaqué des feuilles très minces d'or et d'argent sur des bijoux ou des ornements, le procédé au mercure étant probablement plus récent : haut Moyen-Age ?

L'étamage s'est fait par trempage dans l'étain liquide après avoir décapé la surface. Le bouclier et le heaume de Sutton Hoo (Suffolk) datant de 700 environ montrent des plages étamées à côté de dorures au mercure, ce qui laisse supposer une façon de faire n'endommageant pas la partie la plus délicate : on commence par étamer avec un alliage cuivre-étain fondant au-dessus de 500° et ensuite on applique l'amalgame d'or que l'on chauffe pour éliminer le mercure qui bout à partir d'environ 357°, sans abîmer la partie étamée voisine. Eraclius qui vivait au Moyen-Age conseille une proportion de sept parties de mercure pour une d'or, en se basant probablement sur une recette du moine Théophile (17).

L'archéologue normand G. Villers (18) signale dès 1845, la présence d'une "argenture" sur des dagues triangulaires à poignée rivée que nous avons analysées en 1956. Elles étaient en bronze contenant de 10 à 12 % d'étain et sans trace d'argent, ce qui indiquerait un autre procédé de métallisation. Ce genre de recouvrement métallique ornemental est donc cité avant les remarques de Fink et Kopp (1933) sur des vases égyptiens des Vè-VIè dynastie qu'ils considéraient comme recouverts d'antimoine, contestées par A. Lucas (1962) et par C.S. Smith (1973). Ce dernier a montré que ce recouvrement était constitué, non d'antimoine, mais d'arsenic, comme F. Bach et W.J. Young l'avaient déjà constaté en 1963 sur des exemples d'Anatolie (Horoztepe, Corum-Herzifon et Bayindirkoy). D.B. Stromach a cru que les dagues de Bayindirkoy étaient recouvertes de plomb, mais il est à présumer que c'était plutôt d'arsenic également.

On voit que cette pratique a été répandue très tôt en Orient et en Europe. Il est très possible que les dagues d'Amorgos dans les Cyclades, aient subi également un enrichissement superficiel en arsenic, de même que des miroirs égyptiens.

La question se pose pour les miroirs étrusques : C. Panseri et M. Leone ont examiné scientifiquement des miroirs des IVè-IIIè siècles a. C. trouvés en Toscane, contenant de 12 à 15,40 % d'étain et d'autres de Lombardie (sépultures des environs de Legnano du 1er ou du IIe siècle de notre ère) plus riches encore en étain : 20,44 et 23,03 % Sn, mais comme ces bronzes sont susceptibles d'avoir un bon pouvoir réfléchissant par polissage, il a été superflu de les étamer ou de les "arsénier", ce que l'examen au banc métallographique a confirmé.

Le professeur Mc Kerrell et son assistante américaine miss Ethel Eaton ont proposé que le mot sumérien AN.NA et le mot grec OREICHALKOS désignaient le cuivre blanchi par l'arsenic, suivant le procédé de cémentation (20). L'arsenic "argente" le cuivre, tandis que le zinc le dore.

Etude scientifique de l'Archéométallurgie

Après les méthodes historiques et linguistiques qui ont donné une idée assez imprécise de la naissance et de l'évolution de la métallurgie, on en est venu peu à peu, a préciser des faits nouveaux par des analyses d'abord chimiques et ensuite spectrographiques. Actuellement, on préconise des méthodes encore plus perfectionnées pour détecter les moindres traces dans les objets métalliques et dans les minerais, pour tenter de les relier.

Après la division de la préhistoire en trois périodes (inspirée par Lucrèce) de Christian Thomsen (1788-1865) adoptée et propagée par son compatriote J.J.A. Worseae (1831-1885), le suédois G.O. Montelius (1843-1921) établit une chronologie solide, basée sur les différentes époques de la métallurgie et qui est encore utilisée par nombre de préhistoriens. Cependant, elle a été complétée par la recherche des compositions chimiques des objets appartenant à ces époques.

Le fait le plus marquant a été la découverte de la généralisation presque mondiale de l'arsenic comme élément d'alliage du cuivre, avant la découverte du vrai bronze, c'est-à-dire de l'alliage cuivre-étain, auquel le plomb sera ajouté vers le X° siècle a.C.

Marcellin Berthelot, vers 1896, avait déjà trouvé de l'arsenic dans une pointerolle de Wadi-Maghara dans le Sinaï, dont il n'expliquait d'ailleurs pas la présence, étant donné qu'il n'avait pas rencontré cet élément dans les minerais locaux.

C'est un pharmacien Louis Chassaigne, qui sur la demande de Gustave Chauvet, analysa des objets métalliques de la collection de ce dernier, trouvés aux environs d'Angoulême, dans le département de la Charente. Il publia une thèse remarquable passée devant la Faculté de Médecine et de pharmacie de Bordeaux, le 3 juin 1903 avec des notes complémentaires de G. Chauvet, président de la Société archéologique et historique de la Charente. Cette thèse imprimée à Ruffec, établit déjà des principes nouveaux, notamment les hautes teneurs en étain des haches à bords droits et des haches à talon : de 10 à 16 % Sn, l'introduction du plomb dans les bronzes des haches à ailerons et les haches à douille et l'apparition du zinc dans les alliages cuivreux de l'époque gauloise. Ces remarques sont d'un précurseur, quoique l'auteur n'ait procédé que par voie chimique, alors que la spectranalyse allait apporter une confirmation éclatante de cette évolution dans la nature des métaux utilisés.

Nous avons entrepris dès 1953 des recherches dans cette dernière façon de procéder, que nous avons appliquée au début, à des objets des sépultures mérovingiennes, ensuite au cratère de Vix découvert au début de 1953 (21) et à d'autres produits de fouilles, dont ceux de Longue (dép. Calvados) du Languedoc et de la Colombine (dép. Yonne). Le professeur P.R. Giot s'adressa alors à nous pour entreprendre des analyses spectrographiques de l'Age du Bronze de Bretagne. Nous lui conseillâmes d'acheter l'appareillage lui permettant de poursuivre ces recherches à Rennes et lui fournîmes même les étalons (échantillons-témoins) nécessaires sur lesquels son ingénieur J. Bourhis pu commencer ses analyses vers 1960 et qu'il a continuées depuis.

En Allemagne, nous signalerons les analyses chimiques de Ernst von Bibra réalisées dès 1873 et celles du docteur O. Krohnke de Kiel qui pensait qu'il ne suffit pas de donner les proportions de cuivre, d'étain et de plomb, mais aussi de connaître les "éléments accessoires" pour tenter de trouver l'origine des minerais employés (22). Il avait remarqué que les alliages contenant peu d'étain avaient dans leur composition des pourcentages appréciables en arsenic et en antimoine, devançant ainsi les recherches du métallurgiste allemand W. Witter qui, par voie spectrographique mit en relief dès 1932, les anciens alliages de cuivre et d'arsenic et les alliages complexes As-Sb-Ni-Ag et parfois Bi, tirés des "Fahlerz" d'Europe centrale (Saxe, Thuringe, etc.). Il s'adjoignit en 1939, le jeune physicien I. Winkler et ensuite le minéralogiste H. Otto, qui exécutèrent plus de 1500 analyses comportant 10 éléments d'abord et 12 ensuite, ce qui mit W. Witter sur les traces d'une importante industrie préhistorique autonome en Allemagne centrale. Il eut malheureusement le tort de minimiser les autres districts métallifères européens, et asiatiques et de croire à la priorité des districts allemands, ce que ne firent pas ses continuateurs de Stuttgart et de Fribourg-en Brisgau qui produisirent de 1950 à 1975, plus de 20.000 analyses d'objets en cuivre et ses alliages et 5000 analyses d'objets en or. En 1965, W. Lorenzen découvrit une nouvelle source de cuivre dans l'île d'Halgoland qui fut peut-être à l'origine de la métallurgie nordique ?

En Autriche, K.von Miske décrit en 1908, le gisement de cuivre-plomb-antimoine qui alimenta le site métallurgique de Velem St.Vid, dans le Burgenland et une pléiade de chercheurs étudia les districts métallifères des Alpes orientales, dont le professeur Richard Pittioni est le plus connu. En Angleterre, les recherches dans le domaine de l'histoire de la métallurgie commencèrent également très tôt avec les John Evans (1882), J.H. Gladstone (1897), W.Gowland (1912), C.H. Desch (1928-1938), O. Davies (1929), H.H. Coghlan (1939), H.J. Case (1954) et R.F. Tylecote, tandis qu'en Amérique c'est Cyril Stanley Smith qui y inaugura vraiment l'histoire de cette technique. L'Italie se distingue également dans ce domaine avec Pigorini (1895), Livio Cambi (1957) et le centre de Varèse.

En Suède, Andreas Oldeberg publia en 1942-43 un ouvrage remarquable sur la fabrication nordique des fibules.

En Russie, les recherches métallographiques de Paul Anossoff (1797-1851) permirent une étude scientifique des lames damassées, furent poursuivies par D. Tschernoff et N.T. Belaiew. Actuellement, le fer est étudié par B.A. Kolcin et les spécialistes polonais et tchécoslovaques, tandis que le cuivre l'est par I.R. Selimkhanov.

Un mouvement analogue se poursuit depuis peu en France et en Belgique.

Notes et bibliographie