TRAVAUX
DU
COMITÉ FRANÇAIS D'HISTOIRE DE LA GÉOLOGIE
- Troisième série -
T.XI (1997)

Jean GAUDANT
Analyse d'ouvrage Philippe Taquet : L'empreinte des Dinosaures Carnets de piste d'un chercheur d'os

COMITÉ FRANÇAIS D'HISTOIRE DE LA GÉOLOGIE (COFRHIGEO) (séance du 26 novembre 1997)

Editions Odile Jacob, Paris (Collection Opus), 363 p., 70 F

La réédition de ce livre en format de poche donne l'occasion de saluer ces souvenirs d'un chasseur français de dinosaures qui sait aussi entremêler ses souvenirs personnels de rappels historiques permettant de tirer de l'oubli quelques précurseurs méconnus ou d'évoquer certains épisodes marquants de l'histoire de la paléontologie des reptiles.

L'auteur nous emmène ainsi avec lui au Niger où un troupeau de dinosaures attendait paisiblement sa visite, couchés qu'ils étaient sous les sables du Ténéré où leur présence avait attiré l'attention de géologues français en quête de minerai d'uranium. L'année 1964 touche à sa fin ; des fouilles auront lieu au printemps de 1966 dans le Crétacé inférieur de Gadoufaoua. Elles permettront d'extirper de son linceul de pierre et de sable le squelette d'un proche parent de l'Iguanodon qu'il baptisera Ouranosaurus. Mais les prospecteurs ont aussi découvert, à quelques centaines de kilomètres de là, les pistes d'un énorme dinosaure sauropode (un animal quadrupède herbivore) et d'un grand théropode (un dinosaure Carnivore) du Jurassique supérieur. Ailleurs, ils ont retrouvé dans le Trias les empreintes de pas de l'énigmatique Chirotherium, décrit pour la première fois en Allemagne au siècle dernier.

Nous prenons ensuite la route du Maroc où un géologue suisse avait repéré dans l'Atlas des indices prometteurs, point de départ d'une nouvelle aventure. Dans une région d'accès malaisé, il faut prospecter et évaluer les potentialités de chaque site avant de jeter son dévolu sur celui de Wawmda, proche de Beni Mellal, où cinq mois d'efforts permettront d'extraire le squelette presque complet d'un "géant de l'Atlas" destiné à constituer l'attraction principale du nouveau musée de Rabat.

De là, nous voici transportés comme par magie (sur une musique de Borodine ?) "dans les steppes de l'Asie centrale" car, mettant à profit l'organisation d'une exposition sur les dinosaures de Mongolie, notre "chercheur d'os" a la chance de pouvoir visiter les sites paléontologiques les plus célèbres du désert de Gobi, découverts pour certains par les expéditions que l'American Museum of Natural History organisa en Asie centrale à partir de 1922.

Poursuivant sur sa lancée, Philippe Taquet se rend alors au Laos où un géologue français, Josué Heilmann Hoffet avait découvert des os de dinosaures peu avant la seconde guerre mondiale. Il s'agit pour lui de retrouver les gisements de la région de Savannakhet. Avec l'aide de la population des villages concernés, les paléontologistes partent sur la piste des ossements de "buffles sacrés", vocable sous lequel les laotiens désignent les ossements fossiles, en l'occurrence ceux des dinosaures.

Et la France dans tout cela ? L'auteur dédaignerait-il notre beau pays ? Non : il n'oublie pas que des os de dinosaures furent découverts sur la côte normande avant la fin du dix-huitième siècle, même s'il fallut attendre quelque temps pour connaître leur infortuné propriétaire. Cuvier crut ainsi pouvoir les considérer comme les restes du "gavial de Honfleur". Après une digression qui rappelle au lecteur que le concept de "dinosaure" n'apparut que plus tard, sous la plume de Richard Owen (1842), on revient en Normandie pour rappeler la découverte en 1835 par Jacques Amand Eudes-Deslongchamps, dans le Jurassique moyen de Caen, d'autres os de dinosaures, proches de ceux que William Buckland avait précédemment décrits en Angleterre sous le nom de Megalosaurus. Mais la France est riche d'autres sites prometteurs, comme ceux de Fox Amphoux et de Trets, en Provence, récemment prospectés par l'auteur.

En conclusion, un livre agréable à lire, écrit d'une plume alerte, dans lequel l'auteur a su introduire, au fil du récit, de nombreux rappels historiques et des citations toujours bien venues qui, sans jamais lasser le lecteur, rappellent à ceux qui tendraient à l'oublier qu'il n'est pas de paléontologie sans culture historique.