PAROLES PRONONCÉES A L'OCCASION DE LA MORT
DE M. Alfred POTIER,
INSPECTEUR GENERAL DES MINES EN RETRAITE, MEMBRE DE L'INSTITUT
par M. TROOST, Président de l'Académie des Sciences


à l'ouverture de la séance du lundi 15 mai 1905.

Publié dans Annales des Mines, 10e série, vol. 7, 1905. Ce texte avait d'abord été publié dans les Comptes Rendus de l'Académie des Sciences.

Depuis notre dernière séance, un grand deuil a frappé l'Académie des Sciences : notre confrère M. Potier, membre de la Section de physique, a succombé mardi dernier à la suite d'une longue et douloureuse maladie qui le tenait éloigné de nous depuis plusieurs années.

Sorti de l'École Polytechnique en 1859, il entrait à l'École des Mines. En 1863 il était attaché au sous-arrondissement minéralogique de Paris, puis en 1867 au service de la Carte géologique détaillée de la France.

Ingénieur des Mines, doué d'une prodigieuse activité jointe à une érudition qui était légendaire, M. Potier a fait de très nombreux relevés sur le terrain, et la géologie lui est redevable de résultats d'un grand intérêt. Jusqu'au moment de sa mise à la retraite comme inspecteur général, il est resté attaché au Service central de la géologique, et il a été, avec Munier-Chalmas, le conseil le plus compétent et le plus écouté au point vue stratigraphique.

Mais ses travaux de prédilection, ceux auxquels il s'est plus spécialement consacré, et qui devaient lui valoir une réputation universelle, sont ses travaux de physique mathématique et expérimentale.

On lui doit de belles recherches sur la théorie de la chaleur, sur l'entraînement des ondes lumineuses par la matière en mouvement, et sur diverses questions se rattachant à la lumière polarisée.

Il s'est occupé avec passion des applications de l'électricité et, à l'Exposition internationale de 1881, il a pris une part très active aux travaux de la Commission chargée non seulement d'étudier les conditions de fonctionnement des machines et appareils magnéto- et dynamoélectriques, mais aussi de déterminer les moyens de mesurer l'énergie dépensée par ces machines et appareils.

Ces études devaient naturellement désigner M. Potier pour les conférences qu'à partir de 1887 on jugea utile de faire faire à l'École des Mines sur les applications industrielles de l'électricité ; et ces conférences furent si hautement appréciées, qu'on y créa pour lui, en 1893. une chaire d'électricité industrielle.

Répétiteur de physique à l'École Polytechnique en 1901, il y était devenu professeur en 1881.

En 1891, M. Potier succéda à Edmond Becquerel comme membre de la Section de physique de l'Académie des Sciences.

Son activité scientifique ne s'est pas ralentie depuis, malgré les souffrances physiques qui ne tardèrent pas à l'éprouver, et il continua à avoir une influence considérable sur le développement de l'industrie électrique. Les savants et les industriels ne manquaient d'ailleurs jamais de venir lui demander, sur toutes les questions de physique importantes, son appréciation personnelle, qui avait pour tous une valeur incomparable, et l'on était toujours assuré de trouver en lui le plus généreux appui, quand on faisait appel à ses conseils et à son inépuisable bienveillance.

Ceux qui l'ont connu plus intimement ont pu apprécier son exquise bonté, le charme de ses entretiens, la rare élévation de son caractère et la puissance de son esprit ouvert à toutes les nouveautés scientifiques.

La disparition de M. Potier laissera un grand vide dans l'Académie et dans la science française, dont il était un des représentants les plus autorisés.