Bernard BICHOT (décédé en 2017)

Ancien élève de l'Ecole des mines de Paris (promotion 1959). Ingénieur civil des mines.


Publié dans MINES Revue des Ingénieurs, Juillet/août 2017, N° 492.

Pour Bernard

Pour évoquer la trace que Bernard a laissé dans nos vies, il faut bien que je commence ici par ce qui nous a rassemblés : nos trois années d'École des Mines à Paris. Ce mot de notre délégué de promo René Callier, dit bien ce que fut sa contribution à la vie de la promo :

« Bien que 55 ans se soient écoulés depuis mes derniers contacts avec Bernard, je garde un très bon souvenir de ce camarade, jovial et très convivial, qui avait répondu "présent" lorsque, dans sa chambre de la Maison des Mines, j'étais venu lui demander de bien vouloir présenter sa candidature au poste de délégué de 3e année de notre promo.
« C'était la fin de la guerre d'Algérie, des bombes de l'OAS explosaient toutes les nuits dans Paris et il y avait pas mal de tensions d'origine politique au sein de notre promo. Il a parfaitement assumé, avec bonne humeur et simplicité, son rôle de modérateur et de conciliateur dans ce contexte très agité. »

Je complète avec Mohammed Chahid, qui a bien vu « ce regard vif et malicieux que nous lui connaissions », qui rappelle son sens de l'humour et son regard de sympathie sur les autres et sur la vie.

La vie qu'il aimait avec passion. Ses discours de fin de banquet, très attendus, nous invitaient immanquablement à apprécier avec gourmandise « l'abondance des mets et la richesse des vins ».

Bernard Durel dit de lui: « Un frère , un homme libre », affranchi de tous les conformismes, fidèle en amitié.

C'est aussi ce que nous échangions, nombreux, amis, voisins, collègues dans cette église d'un petit village de l'Oise, tout proche de l'usine Isover Saint-Gobain de Rantigny, qui a été le camp de base de Bernard, pendant la majeure partie de sa carrière, réunis pour le saluer autour de sa famille, accompagnés à l'orgue par son épouse, Maria.

Camp de base ? C'est bien là que Bernard s'est fixé.

Jeune marié et père de famille, il venait de passer, après le service militaire accompli à Coëtquidan en bon fils d'officier de carrière, un an aux USA à Golden, à la Colorado School of Mines, titulaire d'une bourse de la Compagnie de Saint Gobain, complétée par une bourse Fulbright.

Embauché à la Compagnie de Saint Gobain, après un passage à Chalon sur Saône, il est responsable des laboratoires de physique et de chimie de l'Usine de Rantigny où sont développés produits et applications nouvelles de la fibre de verre. C'est dans cette activité Isolation, Branche du groupe Saint Gobain devenue Société mondiale, qu'il va déployer sa créativité et sa ténacité.

Puis, dans le Groupe Méthodes et Développement, il met au point une machine avec barillet à mandrins, pour fabriquer des coquilles destinées à l'isolation des tuyaux.

Toujours à Rantigny, au sein de l'atelier pilote du Centre de Recherches pour l'Isolation, il continue à développer une machine à coquilles d'une conception inspirée par une machine américaine. Elle s'appellera désormais la « Bichot machine ».

Enfin dans le Service d'Études et de Développement, au service des usines de la Branche, il va mettre au point les machines d'origine allemande, de bout de ligne, enrouleuses de rouleaux de laine de verre emballés dans des films de polyéthylène rétractable.

Sa vocation internationale s'épanouit. Les machines à coquilles pour lesquelles il développe des étuves micro-ondes (une bonne douzaine) sont vendues dans des sociétés licenciées du Groupe. Il assure les démarrages dans de nombreux pays : Finlande, Turquie, Koweit, Australie, Japon, Corée. Il participe à des Congrès des sociétés licenciées, aux USA et en Europe. Il parle couramment Anglais, Allemand, et Néerlandais, pays de son épouse. Cela lui facilite les contacts pour lesquels, le lecteur l'aura compris, il est naturellement doué. Cette vie de voyageur, revenant régulièrement à sa base de l'Oise, dans sa famille, lui plaît tellement qu'il refuse au passage un poste de Directeur d'Usine aux Pays Bas, préférant une vie plus libre à une carrière plus classique.

Il prend sa retraite en 2001.

Tout en restant fidèle à ses relations professionnelles et de voisinage, il peut alors se consacrer à sa famille, enfants et et petits-enfants, à ses passions et à son appétit de vivre. Photo, cinéma, sport (course, natation, ski, etc.), jardinage, vie dans la nature, culture, (il était grand amateur d'opéra).

Je l'ai vu plonger avec délices dans l'eau un peu fraîche de lacs à 2 000 m d'altitude, puis en faire la traversée aller-retour.

Je peux témoigner de sa fidélité en amitié, sans failles, dans toutes les circonstances, joies et épreuves partagées.

Tout cela était rendu présent lors de la messe de funérailles, où une de ses filles et un petit-fils ont pu dire avec pudeur et discrétion, comment il leur communiquait avec conviction et coeur son goût de la beauté, des êtres et des paysages. En reprenant les termes d'une autre lecture : Bernard, homme libre et frère, a été de ceux « qui bousculent nos résignations, qui nous parlent de bruissements dans l'épaisseur du monde, qui ouvrent des chemins, sans s'user avec des mots formatés ».

Pierre Sarreméjean