Clovis CALEIX (1931-2012)


Clovis Caleix en 2010

Ancien élève de l'Ecole des mines de Paris (promotion 1951, sorti en 1955). Admis au concours classé 25/42 admis. Classements partiels : Fin 1ère année : 33/43 ; fin 2ème année : 32/42 ; classement au diplôme : 13/41.
Entre la 2ème et la 3ème année, C. Caleix fait avec 5 camarades un stage "ouvrier et agent de maîtrise" aux Houillères de bassin du Nord et du Pas de Calais. Le DG des Houillères, un Ingénieur civil des mines de Paris qui est parti ultérieurement en 1956 pour créer SOFREMINES, avait eu l’idée de ce genre d’année de césure, où l’élève-ingénieur habitait 6 mois chez l’ouvrier et travaillait comme ouvrier, puis 4 mois comme agent de maîtrise et enfin 1 mois comme ingénieur. « C'est intéressant d'apprendre les choses du haut et du bas de la lorgnette ! » disait Clovis Caleix. Ingénieur civil des mines.


Né le 4 mars 1931 à Fleurac (Dordogne). Décédé entre le 5 juin et le 14 juillet 2012, à Saint-Cloud (Hauts de Seine) où il habitait seul dans un grand appartement moderne. Il était veuf depuis plusieurs années.

A sa sortie de l'Ecole en 1955, C. Caleix fait 2 ans de service militaire dans la Marine, dont 1 an dans le Service de cinéma des Armées au Fort d'Ivry, où il apprend le cinéma. Toutefois, il ne tient pas la caméra.

1ère étape de sa carrière : les Houillères.
Il entre à 26 ans au HBNPC, il dirige une fosse de 600 personnes à Bruay en Artois, qui produit 1000 tonnes de charbon par jour. « C'était près de la mer, la campagne était très belle et le travail agréable », se souvenait C. Caleix. Il reste 5 ans aux HBNPC.

2ème étape : les mines de fer.
Début 1961, il part aux Mines de fer de Segré, où il est sous-directeur, puis directeur, puis il fait fonction de directeur général. Le patron, très humain, avait décidé de ne pas licencier, alors même que la production de fer diminuait. Lors de la crise du minerai de fer, ce PDG de Finimetal décide qu'il faut fabriquer des radiateurs électriques pour occuper les ouvriers, et C. Caleix est chargé de cette activité (vers 1970). En 1973, les radiateurs se vendent trop bien et on manque de personnel : paradoxalement, il faut réembaucher ! Caleix passe 17 ans à Segré.

Le gisement était de la magnétite, de type filonien, que l'on enrichissait par des méthodes de type suédois : broyage, enrichissement par flottaison à 67% de fer, fabrication de boulettes. L'exploitation de Segré s'est poursuivie, après le départ de C. Caleix, jusque vers 1986.

3ème étape : les mines d'Uranium de COGEMA :
En 1976, un camarade de la promo 1950, Jean-Claude Zegers prend contact avec lui.

Zegers et Caleix étaient très copains, et Zegers propose à C. Caleix de diriger la nouvelle mine d'Uranium de Lodève. Caleix va à Lodève, et devient en 1978 chef du département des exploitations minières au siège, ce qui ne veut pas dire qu'il s'occupait de toutes les mines de COGEMA de la planète, mais il s'occupe des acquisitions et des liquidations de mines. Il y reste officiellement jusqu'en 1992, mais en pratique il continue jusqu’en 1995. Puis il travaille dans sa petite société jusqu'en 2010 (79 ans), et il prend sa retraite définitive avec plus de 56 ans d'activités professionnelles et militaires.

Il travaillait à Vélizy. Il n'a pas eu Anne Lauvergeon comme patronne.

Georges Besse l'envoie acheter Pathfinder, filiale de General Electric qui se trouvait dans le collimateur de la loi anti-trust (1981). Goldman Sachs conseille l’opération et se comporte en voyou. Le président de Pathfinder s’intéressait au nombre de brebis sur les terrains agricoles qui remplaçaient les minerais stériles, et comparait le prix à celui de l’orge ou du blé. Ceci se passait au Wyoming.
Lorsque 2 mines d’Uranium ont été fermées, le management s'est intéressé aux mines d’or californiennes, mais les autorisations de cyanuration ont été refusées sous l’influence de Jane Fonda. En fait, les responsables de COGEMA ne tenaient pas compte de provisions pour réhabilitation des zones minières.

Aux yeux de C. Caleix, Georges Besse était un très grand patron avec de très grandes qualités, mais il avait un défaut, il était trop centralisateur (pyramidal). Georges Besse et Christian Gobert étaient hostiles aux centres de profit. Pourtant, à Rio Tinto ou à Lodève, l'existence de centres de profit avait bien responsabilisé les opérationnels. Par la suite, Anne Lauvergeon a effectivement créé ces centres de profit.

Anne Lauvergeon avait pourtant aussi des défauts aux yeux de Caleix : « Anne Lauvergeon a fait appel à des conseillers pas assez compétents. Elle a acheté URAMIN sans regarder suffisamment. Elle n'avait pas assez le contact avec les mineurs. Elle avait un conseiller qui avait fait HEC. » Est-ce qu'elle pouvait faire autrement?
COGEMA avait acheté Cigar Lake en 1992, dans une situation très déprimée pour l'uranium. Anne Lauvergeon a décidé en catastrophe d'exploiter le gisement en 2004, afin de démontrer aux chinois qu'elle disposait de suffisamment de réserves pour l'EPR que AREVA devait construire. « Anne Lauvergeon aurait certes pu acheter des mines de Thorium à Madagascar, mais ce minerai était assez compliqué à traiter. Après tout, il y a probablement de très grosses réserves d'Uranium non découvertes. On a ainsi trouvé beaucoup d'Uranium au Saskatchewan (province du Canada dans la région de l'Athabasca), en ne faisant que regarder. »

Un livre sur les mineurs de l'uranium, dédicacé à Clovis Caleix par Anne Lauvergeon
La dédicace est datée du 9 janvier 2008.

La plus grande fierté de C. Caleix :
Il invente une nouvelle méthode d'exploitation pour un gisement canadien : C'était à Cigar Lake, gisement proche du lac de Waterbury, situé au-dessous de 400 m de grès et enrobé d'argile, avec des failles, le socle étant constitué de méta-sédiments. Comment exploiter un gisement d'Uranium sous un lac, avec à tout moment un risque d'inondation ? Lorsque Caleix a annoncé aux canadiens qu'il fallait congeler le lac, les canadiens ont été très hostiles à cette méthode. La société Klemm en Allemagne a été sollicitée pour fournir une foreuse du trou pilote des cavités. Il fallait en effet un outil spécial pour travailler dans l'eau à une pression de 40 bars. Ce genre d'outil avait déjà été développé pour les pétroliers : des tubes et des rotors, un trou de 65 mm, l'outil se terminait par une marguerite qui se plaquait sur le trou, ce qui créait l’échantéité.

L'idée de congeler était venue à Caleix après avoir discuté avec des experts belges. Cette méthode a ensuite été brevetée par Caleix pour le compte de COGEMA. Une fois le gisement congelé, on injecte de l’eau à 800 bars, et à partir d'un petit trou on découpe 3,50 m de diamètre. Tout le minerai est entrainé par l'eau dans un tuyau vers un broyeur, où cela arrive à l'usine où il est mélangé avec l'acide. De la sorte, le personnel n'est pas exposé aux radiations du minerai.

Quels étaient en pratique les incidents de ce genre d'exploitation ? Les canadiens ont fait une fois un trou qui est tombé à travers une faille, ce qui a failli noyer la mine, ils se sont rattrapés en introduisant du ciment.

Le gisement de Mc Arthur River Rabbit Lake a ainsi été noyé pendant 6 mois sans production, en 2003, ce qui a coûté un manque de production de 4 M Livres. C. Caleix indique aussi un incident analogue à Rabbit Lake, mais il se peut qu'il s'agisse d'une confusion avec Cigar Lake.

A Eagle Point, même problème, ils arrivaient arrêté la congélation (contre l'avis de C. Caleix), ce qui a créé une dépression et un effondrement. Cette décision des canadiens était très mauvaise car la congélation est initialement coûteuse, mais son entretien est peu onéreux. Les canadiens ont ensuite essayé pendant 5 ans de boucher les trous. Or il restait 150.000 tonnes de minerai à 7 % à exploiter, une fortune !

L'arrêt de la congélation a ainsi noyé 3 des mines canadiennes. Quel dommage !

C. Caleix a aussi été impliqué dans la mise en valeur d'une ressource potentielle de COGEMA en Nord Aquitaine, et plus récemment dans des activités de conseil au Niger.

Le travail après la retraite :
« Quand je suis parti à l'âge de 60 ans, on m'a dit : vous ne valez plus rien. Or j'étais dans la plénitude de mes moyens. Yves Coupin qui m'aimait bien m'a dit : je vous garde, alors il m'a gardé. Finalement les syndicats sont allés le trouver et lui ont dit : il n'y a pas de raison que Caleix reste alors que vous obligez tout le monde à partir. Nous n'étions que 2 dans l'histoire de la COGEMA à qui on avait demandé de rester. Alors il m'a dit : vous partez, mais vous montez une petite société, j'ai besoin de vous. » En fait, la situation économique était très déprimée pour l'uranium et il y avait la perspective de fermeture des exploitations encore en activité en France; en outre, la mise à la retraite était de règle dès obtention de la possibilité d'une retraite à taux plein, selon les dispositions du " Décret Laniel ", c'est à dire à 60 ans pour un ingénieur au statut du mineur.

« C'est ainsi que j'ai monté une petite société (1/1/1992), et j'ai été obligé de m'installer en Belgique parce qu'en France on n'avait pas le droit de travailler. C'était l'époque où l'on estimait qu'en empêchant les gens compétents de travailler, cela donnait du travail aux gens incompétents. »

Après 1995, Yves Coupin lui propose de s'occuper d'une mine d'or de COGEMA/AREVA en Haute-Vienne (Bourneix). Il va voir l'état de la mine, mais il se rend compte que 500 kg d'or par an met l'entreprise en pertes. Il demande alors à Coupin de le laisser choisir ses adjoints. Ce fut la dernière étape de sa carrière, alors qu'il était officiellement à la retraite.


Photos réalisées par R. Mahl dans l'appartement de C. Caleix, le 4 janvier 2012



Voici un extrait de l'interview du 4 janvier 2012 :



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Réalisation de la vidéo : R. Mahl