Maurice CHATARD (décédé en 1914)

Ingénieur civil des mines de la promotion 1905 de l'Ecole des Mines de Paris.


Bulletin de l'Association des Anciens élèves de l'Ecole des Mines de Paris, Juillet et Août 1915

Maurice CHATARD a été tué glorieusement au champ d'honneur le 17 septembre 1914 à Vic-sur-Aisne.

Fils d'un ingénieur distingué qui avait été en France un des fondateurs de la grande industrie électrique et était décédé prématurément, Maurice CHATARD était entré à l'École supérieure des Mines au concours de 1905.

A sa sortie, il avait commencé sa carrière d'ingénieur aux études financières du Crédit Lyonnais, puis était passé à la Société des hauts-fourneaux et aciéries de Caen et à la Société d'études et recherches minières de Normandie. Un bel avenir s'ouvrait deva lui.

Un heureux mariage contracté en novembre 1913 et la certitude d'une paternité prochaine avaient mis le comble à son bonheur.

Mobilisé dès le commencement des hostilités, il avait rejoint son régiment le 2 août.

Nous ne pouvons mieux faire que de reproduire une lettre écrite à sa famille le lendemain de sa mort par un des officiers de son régiment :

«... Très courageux, en vrai chrétien, Maurice avait fait le sacrifice de sa vie, il me l'avait répété à maintes reprises, il en avait le pressentiment.

« Affecté, d'abord, au service téléphonique régimentaire, il avait été nommé lieutenant, puis désigné comme commandant de la 22e compagnie.

« Hier matin, il a attaqué avec son bataillon le plateau de Nouvron, au nord de Vic-sur-Aisne. Sous une grêle d'obus, de shrapnels, de balles, il emmène sa compagnie avec le plus grand calme. Une balle lui traverse la cuisse. Il se met sur son séant, se panse lui-même et dit simplement à ceux qui l'entourent : « Regardez, mes amis, comment il faut se servir de son paquet de pansement ».

« Il veut repartir en avant, il ne peut se recoucher, une deuxième balle l'a atteint en pleine poitrine, il meurt aussitôt...

« Vous dépeindre le chagrin de ses hommes qui l'adoraient, de ses chefs qui l'estimaient est chose impossible... Première victime du corps d'officiers, il laisse à chacun de nous un souvenir ineffaçable. Puisse sa mort glorieuse, si simple, si chrétienne, apporter un peu de calme à votre grande douleur. Si Dieu continue à me protéger et m'amène sain et sauf jusqu'à la fin de la campagne, j'irai vous voir aussitôt à Paris et prendre part à votre douleur. Dès que la bataille sera terminée, j'irai donner à son corps une sépulture où vous pourrez le retrouver et prier pour lui. Suivant son désir, j'essayerai de prendre sur lui sa médaille et sa ceinture pour vous les remettre. »

Maurice CHATARD a été cité à l'ordre du jour de la division dans les termes suivants :

« Officier brillant et d'un grand courage. Chargé du commandement de sa compagnie fortement éprouvée dans son effectif et dans son moral, a fait les efforts les plus méritants pour la réorganiser. Le 17 septembre 1914, ayant reçu l'ordre d'aller relever une compagnie d'un bataillon voisin, sous un feu violent d'artillerie et d'infanterie, a montré le plus grand courage dans l'accomplissement de sa mission : a été tué en entraînant sa compagnie ».

Puisse l'expression de nos regrets et de notre sympathique admiration être une consolation pour sa veuve, sa mère et sa famille.

L. D. S.