Clément DUPONT (1880-1912)

Ingénieur civil des mines de la promotion 1899 de l'Ecole des Mines de Paris.


Bulletin de l'Association des Anciens élèves de l'Ecole des Mines de Paris, Septembre-octobre 1912

Clément DUPONT est mort asphyxié le 4 septembre 1912, victime de son admirable dévouement, au fond de la fosse n° 1 des Mines de la Clarence.

Ingénieur principal de cette Compagnie, il descendit le premier, après le coup de grisou du 3 septembre et prit la direction du sauvetage.

Sa conduite y fut remarquable de science et d'héroïsme.

Il remonte à minuit et, à 4 heures du matin, le plus regrettable des malentendus lui fait croire que le délégué-mineur est encore au fond. Il descend aussitôt, il se dirige vers le plan incliné du Levant où il doit le retrouver. Il n'y voit personne. Dans le doute qui l'étreint, il ne pense qu'au devoir, au sauvetage peut-être qu'il faut accomplir sans perdre une minute. Avec le plus extraordinaire des courages, il part seul à la recherche ou au secours du délégué-mineur ; il va jusqu'à la partie supérieure des travaux du Levant. Intoxiqué, il sent soudain ses forces diminuer, il revient en arrière en toute hâte, mais en haut du second plan incliné il bute, il fait une chute violente comme le démontrent sa lampe et sa barette projetées loin en avant ; là, l'oxyde de carbone et le grisou qui l'ont affaibli l'empêchent de se relever et l'achèvent.

Une nouvelle explosion a interrompu le sauvetage. On le reprend bientôt, on recherche notre infortuné camarade ; mais le Levant est alors envahi par les gaz et ce n'est qu'après de longues et dangereuses explorations que M. FENZY et ses sauveteurs retrouvent son corps, le 6 septembre au matin.

Il fut ramené aussitôt à l'accrochage et mis en bière. Les obsèques eurent lieu le dimanche 8 septembre, à Calonne-Ricouart ; le lundi 9 septembre, à Orchies, au milieu d'une affluence considérable d'amis, d'ingénieurs et d'ouvriers. Il fut inhumé à Orchies, dans le caveau de la famille de Mme DUPONT.

Clément DUPONT est né à Lille le 17 avril 1880. Son père, directeur de l'école de la rue d'Artois, fut son premier maître. Il le perdit malheureusement à l'âge de 9 ans. Et ce fut sa mère, directrice d'école, qui acheva son éducation jusqu'à sa onzième année.

Il entra alors au lycée Faidherbe à Lille. Ses études, que sa mère suivait avec une intelligence et un dévouement remarquables, y furent couronnées de nombreux et brillants succès dans toutes les classes.

En juillet 1896, Clément DUPONT passe la première partie du baccalauréat et, en novembre de la même année, le baccalauréat de philosophie. En juillet 1897, il est reçu bachelier es sciences.

Il était déjà un mineur par ses relations dans le bassin d'Anzin. A 13 ans, dans un puits en fonçage, à Denain, il avait fait sa première descente! Aussi, en septembre 1897, va-t-il résolument au lycée de Saint-Etienne, se préparer spécialement à l'École des Mines de cette ville. Il y est reçu (premier je crois) en 1899.

Mais il revient dans le Nord et se présente en octobre 1899 à l'École des Mines de Paris. Il est reçu septième et il opte pour cette dernière école, se classe premier après chacune des quatre années d'études et à la sortie. Il y fut très remarqué à tous points de vue et obtint la médaille d'or de l'Association. Je dois ajouter qu'il fut, à l'école, adoré de tous ses camarades.

Il entre ensuite à la Compagnie des Mines d'Anzin. A la nouvelle de la catastrophe de Courrières, il demande à ses chefs de venir coopérer au sauvetage.

Le 13 mars 1906, il descend à la fosse n° 2 des Mines de Courrières. Son dévouement et son intelligence décident bientôt cette Compagnie à se l'attacher définitivement et à lui confier la direction de la fosse n° 3. En juin 1906, toujours le premier au danger, il faillit trouver la mort en explorant le puits n° 3 obstrué et qu'il fallait déboucher. Une échelle et son plancher cédèrent sous son poids et il fit une chute d'une douzaine de mètres, heureusement arrêtée par quelques planches, tout au bord d'un vide de cent cinquante mètres. Meurtri, il dut attendre, dans une position périlleuse, que le brandisseur qui le suivait remontât au jour par les échelles et redescendît avec une corde.

C'est ensuite la remise en état de la fosse n° 3, tâche délicate et dangereuse. Ses chefs, qui le savent infatigable et apprécient sa haute valeur, lui confient aussi, après le départ des sauveteurs allemands, l'organisation du service des sauveteurs et la création d'un laboratoire perfectionné qu'il installe complètement.

En octobre 1906, il fait partie d'une Commission chargée, sous la direction de M. WEISS, directeur général des mines, d'aller en Autriche et en Allemagne étudier les procédés et appareils de sauvetage ; son concours y fut très apprécié.

A son retour en France, Clément DUPONT épousa la soeur d'amis d'enfance. Tous ceux qui connaissent Mme DUPONT peuvent dire que son mari ne pouvait choisir plus digne et plus vaillante compagne.

En août 1907, les travaux de mise en état de la fosse n° 3 étant suffisamment avancés, la Compagnie de Courrières décide de confier à Clément DUPONT la direction d'une de ses fosses les plus importantes, la fosse n° 5.

Il y combattit, en fin 1907, avec une énergie et un dévouement remarquables, un échauffement dans une grandeur de la veine Marie.

Ensuite il dirigea cette fosse, avec une maîtrise très appréciée de ses chefs.

Clément DOPONT était aussi très estimé de son personnel parce qu'il était profondément humain et juste, parce que sa plus haute ambition était de faire le bien sous toutes ses formes, d'accomplir son devoir en toutes choses. Il se donna complètement à la création de plusieurs sociétés destinées à grouper autour de lui les bonnes volontés.

Travailleur infatigable, une fosse ne suffisant plus à son activité débordante, il chercha des difficultés nouvelles à vaincre et entra à la Compagnie de la Clarence en janvier 1911, où il se révéla un organisateur de premier ordre.

J'ajouterai que Clément DUPONT, bien que fournissant à sa fosse une somme énorme de travail, avait le courage de consacrer régulièrement plusieurs heures chaque soir à l'étude de toutes les sciences si diverses qui intéressent l'art des mines, car il était de ceux qui possèdent une personnalité et sont capables de contribuer efficacement au progrès.

Sa grande modestie laissait profiter ses nombreux amis de ses travaux, de ses recherches, de ses traductions aussi, car il possédait une connaissance parfaite de la langue allemande.

Il n'a signé de son nom que la traduction d'une partie du tome premier des Leçons sur L'exploitation des Mines de Heise et Herbst et malheureusement il ne pourra collaborer au second tome.

Enfin, il s'occupait avec entrain de notre Association dont il était un des membres les plus dévoués, un des auxiliaires les plus précieux ; il aimait nos réunions et y assistait assidûment. Et nombreux sont les camarades auxquels il a rendu discrètement d'éminents services et qui lui en sont profondément reconnaissants

Les discours prononcés à ses obsèques ont rendu le plus éclatant hommage à ses hautes qualités, à ses vertus, à sa lumineuse intelligence ; aussi je n'ai voulu qu'ébaucher la vie et la mort si belles, si profondément nobles et courageuses de notre regretté camarade, auquel la destinée semblait réserver le plus brillant et le plus fécond avenir.

G. WITIER.