Victor FOURNIER (décédé en 1891)

Décédé le 9 janvier 1891.

Ecole des Mines de Paris (élève externe de la promotion 1844). Ingénieur civil des mines.


Bulletin de l'Association amicale des anciens élèves de l'Ecole des Mines, Janvier 1891

Le commencement de l'année 1891 a été marqué par un deuil cruel pour notre association, qui venait de perdre un de ses membres fondateurs, Victor Fournier, enlevé en quelques jours à l'affection des siens et de ses nombreux amis.

Cette perte a été douloureusement ressentie par tous ceux de ses camarades qui l'avaient approché pendant sa longue carrière industrielle et avaient su apprécier la cordialité de son accueil, la droiture de son caractère, et sa constante bienveillance.

Beaucoup d'entre nous se souviennent encore de la simplicité et de la chaleur avec laquelle, à l'assemblée générale de notre association de 1881, il donnait l'accolade à nos jeunes camarades d'alors, au moment où ils allaient entrer, eux aussi, dans cette carrière de l'ingénieur qu'il a si brillamment parcourue.

Sorti de l'École des Mines en 1847, Victor Fournier entra comme ingénieur attaché à l'exploitation des Mines de houille de Rochebelle, et était choisi peu de temps après pour diriger les forges d'Alais appartenant à cette époque à la même Société.

C'est dans ce poste qu'il occupa avec distinction pendant huit années, et où son souvenir ne s'est pas effacé, qu'il fut nommé chevalier de la Légion d'honneur.

En 1855, il prenait la direction de l'usine de Torteron dépendante des usines de la Société de Commentry-Fourchambault et apportait à un mode de fabrication de tuyaux de conduite, alors nouvellement installé, un concours précieux.

Mais la vraie vocation de Fournier le ramenait bientôt à l'industrie minière ; et en 1858, devenu possesseur avec quelques amis d'une concession de plomb argentifère dans l'Eiffel près d'Aix-la-Chapelle, il se consacra tout entier à la direction et à l'exploitation de cette mine.

Qui mieux que moi a pu connaître les tourments de l'âme d'élite de ce camarade dont l'amour de la patrie était la plus ardente croyance et dont les intérêts étaient en jeu sur le sol de cette nation au moment où ses armées avaient envahi notre France. Dans ces difficiles circonstances, il sut montrer la noblesse de ses sentiments et la droiture de son caractère, veillant aux intérêts dont il avait charge et restant plus que jamais Français quand il dut reprendre ses visites à la mine, et continuer la direction de cette entreprise importante.

Jusqu'à sa dernière heure, il demeura à la tête de son exploitation de l'Eiffel, et son expérience des affaires, ses connaissances techniques contribuèrent pour une large part au succès de son oeuvre.

Victor Fournier dans ces dernières années fut mêlé plus étroitement encore à l'industrie, et on peut dire qu'il toucha à presque toutes ses branches. Partout où il a passé il a laissé des regrets profonds. Il fut administrateur de la Société Edison (branche de la construction), puis administrateur de la Compagnie Gaz et Eaux, et en dernier lieu depuis quatre ans, il était administrateur délégué de la Compagnie des chemins de fer du Sud de la France, où la mort est venue le faucher à son poste.

Ce court résumé indique combien fut remplie la carrière industrielle de notre cher camarade. Ce serait à l'ami d'ajouter le charme qu'il apportait dans la vie privée, la sûreté de ses attachements, l'aménité inaltérable de ses relations, la générosité d'une nature bonne et aimante. Mais il était si modeste que je dois me taire sur un sujet où mon amitié s'étendrait si volontiers.

Puissent les regrets que la perte de cet homme de bien nous inspire etre un adoucissement à la profonde douleur de tous les siens.

DE LA VILLE LE ROULX.