Comte Adolphe André DUBOIS de GENNES (1858-1916)


Adolphe de Gennes, élève de l'Ecole des Mines de Paris
(C) Photo collections ENSMP

Né le 26/6/1858 à Paris. Mort le 21 septembre 1916 à Paris.
Fils du comte Charles DUBOIS de GENNES (1814-1876) et de Adèle LE BLANC (1819-1900). Marié avec Marguerite PILLET (1869-1955). Père de :

Ancien élève de l'Ecole des mines de Paris (promotion 1878 ; entré le 20/8/1878 en classe préparatoire, classé 4 ; admis en cycle ingénieur le 19/10/1878, classé 7 ; sorti le 8/6/1881, classé 6). Ingénieur civil des mines.


Publié dans le Bulletin de l'Association des anciens élèves de l'Ecole des mines de Paris, avril-mai-juin 1919

La carrière de Adolphe de GENNES a été bien remplie !

« Carrière industrielle, carrière militaire », telles sont les deux caractéristiques de sa vie, fauchée trop prématurément par la guerre victorieuse !

Né à Paris le 26 janvier 1838, Adolphe de Gennes, après de solides études au Lycée Charlemagne, entre en 1878 à l'Ecole Nationale Supérieure des Mines.

La promotion 1878-1881 ne fut pas nombreuse : à coté de 4 élèves-ingénieurs, elle ne compta que 11 élèves externes et 12 élèves étrangers. Ce détail me sert à souligner qu'entre nous la camaraderie avait noué des liens étroits et que nous nous sommes très amicalement suivis dans la vie.

A sa sortie de l'Ecole, A. de Gennes apprend qu'on demande aux Ecoles des Mines et des Ponts et Chaussées des volontaires pour le génie maritime qui manque alors d'officiers. Il y est admis et débute à Cherbourg. Le voici sous-lieutenant de réserve. Il a un goût très vif pour l'armée, et ce goût ne se démentira plus, on le verra, car il gagnera, dans la réserve de l'active, tous ses grades jusqu'à celui de lieutenant-colonel, et ici j'anticipe sur l'avenir : chaque année, A. de Gennes trouve le temps, par des stages, par des cours et des voyages d'état-major, d'augmenter ses connaissances militaires. Il est lieutenant en 1887, capitaine en 1892, chef d'escadron en 1906, lieutenant-colonel en juin 1914. Il fait des cours à de jeunes officiers qu'il réunit chez lui le soir. Il est admis, en 1911, à passer les examens de l'Ecole supérieure de guerre, et s'il n'en a pas conquis le brevet, c'est que les officiers de réserve ne furent pas autorisés à suivre les cours de cette grande école.

Mais revenons à sa carrière industrielle. En 1884, A. de Gennes est chargé d'une exploration d'or à Zalatna (Transylvanie) ; il se plaît à la vie d'aventures dans les montagnes, mais il faut entrer dans la vraie pratique des Mines. Il revient en France et reçoit en 1885 un poste d'ingénieur du fond dans les houillères à Cransac (Aveyron), où il acquiert de l'expérience technique.

En 1887-1888, nous le retrouvons loin de France. Avant son départ, il a été nommé officier d'académie, modeste récompense pour le dévouement avec lequel il a fait ses cours militaires. Il est appelé au Tonkin par d'importants travaux stratégiques, à la suite desquels il reçoit, du vice-roi du Tonkin, la décoration du Khanh d'or « pour son service topographique et le lever exact et minutieux de la carte du pays ». Il fait campagne, et ce dut être une des joies de ce temps de son existence ! Il a des motifs de penser qu'il sera admis dans l'armée active (artillerie) : ce n'est qu'un rêve, à son grand regret, car sa carrière en eût été totalement modifiée.

A son retour en Europe, il reçoit la médaille de l'expédition du Tonkin. de la Chine et de l'Annam (10 mai 1889). Plus tard, il sera nommé officier de l'ordre du Cambodge et du Dragon de l'Annam.

Ici se place la date de son mariage, et j'anticipe de nouveau sur les événements en signalant la belle conduite, durant la guerre 1914-1918, de Mme A. de Gennes, qui infirmière-major dès le temps de paix, se distingua à La Père, à Reims, à Dunkerque, à Saint-Pol-sur-Ternoise, à Verberie, attachée depuis 1916 à la 4e armée, fut décorée de la Croix de guerre lors de l'offensive de Champagne (15 juillet 1918) ; comme de son épouse, A. de Gennes put être fier de son gendre et de ses fils, dont je signale la valeur militaire :

N'est-ce pas honorer la mémoire d'un père que de citer la vaillance de ses enfants ?

Je reviens à la carrière de notre camarade. En 1891, il est ingénieur du siège double nos 3, 3 bis des mines de Lens à Liévin. C'est un poste important, car l'exploitation, difficile, comporte des quartiers grisouteux, et, comme le gisement est dense, on y pousse à fond la production. Autour des puits a été bâtie une vaste cité ouvrière, habitée par 5,000 âmes, munie d'écoles de garçons et de filles, d'ouvroirs, d'une chapelle, d'une salle des fêtes pour la musique des mineurs (fanfare Saint-Amé), qui a conquis les premiers prix dans les concours les plus renommés. L'ingénieur a, en quelque sorte, la charge morale de cette population, et A. de Gennes lui voue, ainsi que Mme de Gennes, une sincère affection. Notre camarade, fin dilettante, exécutant lui-même, sait encourager les succès de ses ouvriers. De nombreuses occasions s'offrent de les entendre, car la visite du siège 3-3 bis est de tous les programmes des excursions sociales et industrielles. A son départ de la Société des Mines de Lens, A. de Gennes recueille les sympathies et les regrets de ses collègues, ainsi que de ses employés et collaborateurs, avec lesquels il s'est souvent exercé aux jeux favoris du mineur, l'arc et le ballon, se mêlant avec plaisir à leurs distractions après le dur labeur.

Il entre alors à la Société des Ciments Français, comme directeur de la fabrique de Desvres (1894-1897).

C'est alors qu'il revient à Paris pour s'occuper, à titre d'ingénieur-conseil, de missions et d'expertises qui le font voyager de la façon la plus utile.

En 1899, il est envoyé en mission à Kattowitz et Cracovie, où il dirige d'importants sondages.

En 1900, une prospection de mines d'or le mène à la côte des Somalis (Abyssinie), où il accomplit en même temps une mission militaire, qui lui vaut, par la suite, la médaille coloniale avec agrafe d'Afrique.

Il reçoit, en 1901, au litre des Mines, la rosette de l'instruction publique.

Puis il est attiré en Angleterre de 1900 à 1901 par les affaires intéressantes de la Consolidated Kent Collieries Corporation, dont il est l'ingénieur conseil, qui l'obligent à y faire des séjours répétés. Sa connaissance approfondie de la langue anglaise lui permet, dans une occasion qu'il faut noter, de plaider personnellement la cause de sa Société dans un procès. Ajoutons qu'il la gagne avec éclat.

Il est nommé commandeur du Nicham El Anouar (juin 1902).

Depuis lors, il se spécialise, au point de vue industriel, dans le matériel de mines et notamment dans les sondeuses et perforatrices de fabrication américaine, dont nos mines françaises se pourvoient amplement. Au cours d'un de ses voyages aux Etais-Unis, il est nommé membre de l' « American Institute of Mining Engineers ».

En 1903, il prend place parmi les secrétaires de la Société des Ingénieurs civils de France, sous la présidence de M. P. Bodin, avec MM. Bel, Laurain et Baudet comme collègues. La même année, il reçoit, au titre militaire, la croix de la Légion d'honneur, digne récompense de ses beaux états de service.

Il fait partie, en 1904-1905, de la 3e section du Comité des Ingénieurs Civils, sous les présidences de MM. Couriot et Coiseau.

Il est nommé, en février 1905. officier de l'ordre du Nicham Iftikar.

De 1912 à 1914, obligé à un peu de repos, il ne s'en occupe pas moins de la préparation militaire, - l'affaire de toute sa vie à laquelle il donne tout son cœur, — ayant reçu, sous la direction du colonel Frocard, avec le commandant Gustave Thomas, le commandant Robiquet ef autres officiers, mission du ministère de la guerre de pousser l'instruction des officiers de réserve. Aussi la déclaration de guerre le trouve-t-elle prêt à courir au secours de la Patrie !

Au 2 août 1914, il est, comme président de la commission de gare d'Amiens, préposé à un poste de premier ordre. Il doit, lors de l'avance allemande, procéder à l'évacuation de cette gare importante.

En septembre 1914, le voici à Nantes où l'E. M. de la 2e région s'est replié. De là, il fait demande sur demande pour être envoyé au front et, le 14 février 1915, est nommé au commandement du P. A. 21. C'est à ce poste qu'il fut frappé pour la première fois du mal qui devait l'emporter (30 avril 1915). Ne prenant qu'une partie du repos exigé par les médecins, dès le mois de juin il est affecté par le G. Q. G. à la réserve du personnel de commandement de la 10e armée et rejoint Hesdin-en-Artois. Peu de temps après, est nommé adjoint au colonel commandant le G. P. A. de la 10e armée ; il est cité à l'ordre du corps d'armée le 18 juin 1915 en ces termes élogieux :

« Officier supérieur de complément de grande valeur, d'un dévouement absolu. Président d'une commission de gare au début de la campagne : a fait preuve des plus grandes qualités de jugement et d'activité physique et intellectuelle. Commandant du parc d'artillerie du 21e corps d'armée depuis le 14 février, s'est dépensé sans compter, notamment pour assurer en dehors de ses fonctions normales l'organisation et l'instruction de l'artillerie de tranchée. »

Attaché ensuite au général Oudard, inspecteur général de cavalerie, comme chef d'état-major, il est enfin nommé commandant de l'artillerie d'un secteur du camp retranché de Paris.

C'est à son poste de commandement que ses forces le trahissent. Il meurt subitement le 21 septembre 1916, avec le crève-cœur d'un ardent patriote à qui, malgré sa foi, il n'a pas été donné de voir l'aube de la victoire !

Mme de Gennes, qui ne pouvait le croire atteint gravement, l'avait quitté le 15 septembre pour aller diriger l'hôpital de Fez. C'est en débarquant au Maroc qu'elle est informée de la fatale nouvelle : quelle tristesse de devoir repasser la mer en hâte pour conduire au champ du repos celui qui a vaillamment donné ses forces pour la victoire de sa chère Patrie !

20 juin 1919.

F. Bollaert.


Jean Charles Augustin Dubois de Gennes (1895-1929), fils de Adolphe, est devenu plus célèbre que son père auprès du grand public : il remporta 5 victoires aériennes pendant la 1ère guerre mondiale, ce qui lui valut dès 1917 la Légion d'honneur, et la Médaille militaire avec 3 citations. Il se maria en 1917 à une américaine qui servait en France comme ambulancière, Maud Robinson. Il disparut en mer avec son appareil près de Tanger en 1929.

Son fils Jean poursuivit la tradition familiale comme aviateur au cours de la 2ème guerre mondiale.