Louis MANGIN (mort en 1915)

Son fils décède en 1927.

Ancien élève de l'Ecole des mines de Paris (promotion 1911). Ingénieur civil des mines.


Bulletin de l'Association amicale des anciens élèves de l'Ecole des mines de Paris, Janvier-Février-Mars 1920 :

Louis Mangin, parent de l'illustre général à qui la France doit tant, appartenait à une vieille famille de Metz. Les traditions qu'il en avait reçues de foi chrétienne, d'amour de la patrie, de haine pour l'ennemi héréditaire s'étaient encore exaltées dans son âme ardente.

La vivacité de son intelligence, l'originalité de son esprit, l'ardeur de son tempérament, en firent à l'Ecole le boute-entrain de sa promotion, dont les examinateurs d'entrée l'avaient classé second. Frondeur, se mettant volontiers en avant, prêt à se dévouer pour les camarades, il était naturellement un meneur, mais dans le bon sens du mot.

A l'entendre plaisanter, railler un peu tout avec une verve caustique, on eût pu se méprendre. Mais ce qu'il y a de respectable sur terre était sacré pour lui. C'était une pure délicatesse, une véritable pudeur de l'âme, qui l'empêchait de montrer au public ses sentiments de foi profonde.

Lorsque la guerre éclata, notre camarade l'accueillit avec enthousiasme, tant était grande sa confiance dans les forces de la génération actuelle et son désir de voir enfin réparée l'iniquité d'un demi-siècle. Il partit avec ce 20e corps, d'héroïsme légendaire, qui défendit si glorieusement les clochers de ses villages et, derrière eux, la France entière.

Après la joie, bien grande mais éphémère, de rentrée en Lorraine annexée, Mangin connut la douleur d'abandonner à la férocité de l'ennemi le sol et les populations bien-aimés. Dans une lettre intime, il exprimait ce sentiment de façon poignante : « C'était atroce ! Dans la nuit, quand personne n'a pu nous voir, nous en avons pleuré. »

Mais, après ce recul, le 20e corps se cramponne au Grand-Couronné, sauvant Nancy, permettant la victoire de la Marne. Mangin, officier de liaison, se signale par son intrépidité et son zèle : il va rechercher sous un feu d'enfer des canons abandonnés et reçoit les félicitations du haut commandement.

L'hiver, sur la Somme, dans un secteur paralysé où l'artillerie ne peut rien, faute de munitions, notre ami s'exaspère. Son cœur généreux le pousse à aller partager les souffrances du fantassin dans la boue des tranchées. Il a soif de sacrifice, soif de gloire aussi et de se mesurer plus directement avec l'ennemi exécré. Malgré le désir de ses chefs qui veulent le garder avec eux, Mangin demande et obtient « j'honneur » de passer dans l'infanterie. Là il sera encore mieux à sa place d'entraîneur d'hommes, prêt à tous les sacrifices.

De fait, l'offensive d'Artois, qui, au printemps 1915, donne tant d'espérances, lui fournit l'occasion de déployer une valeur qui remplit ses chefs d'admiration, qui électrise ses hommes, qui fait fléchir ses adversaires dans les combats de maison en maison à Neuville-Saint-Vaast. Blessé à la main. il refuse de se laisser évacuer ; blessé à la tête, il continue de se battre le front entouré d'un énorme pansement. Dans une des affaires du Labyrinthe, il va rechercher sous le feu ennemi un de ses hommes tombé, que les autres disaient mort et qui vit encore actuellement, grâce à lui.

Enfin, le 10 juin, il reçut le commandement d'une compagnie privée d'officiers. Le soir même, il tombait à quelques mètres des lignes allemandes, cherchant à entraîner ses hommes par une nuit d'orage effroyable, à travers un dédale de tranchées dévastées, sous un feu intense. Un sergent qui l'avait suivi de plus près que les autres entendit dans la fusillade un cri de douleur où il reconnut, dit-il, la voix de son chef. Mais il n'osa se porter à son secours.

Longtemps, on conserva l'espoir que notre ami avait été relevé par les Allemands. Hélas ! malgré les enquêtes et les recherches, on ne sut jamais rien de sa fin, sinon qu'elle fut héroïque et qu'il tomba face à Fennemi, en croyant venue l'heure de la victoire et de la justice.

Son colonel adressant à la famille le texte de ses glorieuses citations, exprimait une grande admiration et ajoutait ces mots dont la simplicité fait l'éloquence : « Il fut brave entre les braves. »

Brave Mangin ! chacun l'aimait dans la promotion, à la fois pour ses qualités de cœur et d'esprit. On l'aimait surtout parce qu'il était essentiellement altruiste : son entrain, sa gaieté, sa jeunesse, son dévouement, son affection, ce qu'il avait de meilleur, il le donnait aux autres.

A. VAYSON (Promotion 1911)