Armand NOUEL (1851-1916)


Nouel, élève de l'Ecole des Mines de Paris
(C) Photo collections ENSMP

Ancien élève de l'Ecole des mines de Paris (promotion 1872). Ingénieur civil des mines.


Publié dans Bulletin de l'association des anciens élèves de l'Ecole des mines de Paris, Mars-avril 1917.

Notre Association a perdu au cours de l'année dernière un de ses membres les plus sympathiques, notre regretté camarade Nouel, décédé à la fin d'avril 1916.

Armand Nouel était né à Couhé (Vienne) le 9 août 1851. Après avoir fait de bonnes études au lycée d'Angoulême, il fut envoyé à Paris, au lycée Saint-Louis, pour s'y préparer aux Ecoles.

Son séjour y fut interrompu par un engagement volontaire dans le génie, durant la guerre de 1870.

Rentré à Saint-Louis en 1871, il subit avec succès, et les examens de l'Ecole Centrale, où il fut classé des premiers, et ceux de l'Ecole des Mines, pour laquelle il opta et où il occupa toujours un fort bon rang.

A sa sortie de l'Ecole, Nouel entra au service de la Compagnie des Forges de Châtillon et Commentry, duns laquelle devait s'écouler toute sa carrière.

Il débuta à l'usine Saint-Jacques, à Montluçon, comme ingénieur dans le service des Hauts Fourneaux et de l'atelier Bessemer.

A la fin de 1876, il fut envoyé à l'usine de Saint-Montant, près Beaucaire, pour y mettre en marche l'aciérie Bessemer, qu'il dirigea jusqu'en 1884.

Il fut alors rappelé à Saint-Jacques, où des prévisions de fabrications nouvelles motivaient une réorganisation du service des laboratoires et la création d'un service d'études spéciales. Nouel fut chargé de ces services.

Les années qui suivirent furent pour lui une époque de féconde activité.

Outre les analyses et les essais mécaniques, qui prirent un grand développement, des essais de tir devenaient indispensables. Nouel s'occupa en 1886 de l'installation d'un polygone, puis y exécuta sans relâche de nombreuses épreuves, qui servaient tant à contrôler les fabrications qu'à déterminer de nouvelles formules de travail.

Au polygone également, Nouel prêta son concours le plus actif aux essais de coupoles effectués tant pour la France que pour les gouvernements belge, danois, roumain et suédois.

D'autre part, il se livrait à des études sur les propriétés des aciers au carbone et des divers aciers spéciaux. Dès le début, il détermina, par exemple, les lois de dilatation d'aciers de diverses compositions, et la corrélation de ces lois avec les températures de trempe. D'une façon générale, et sans préjudice de ses recherches personnelles, il appliqua dans une large mesure les méthodes d'études physiques, mécaniques et micrographiques suggérées par les travaux récents des laboratoires du dehors.

Les conclusions de certaines de ces recherches, transportées dans les applications, donnaient des bases plus sûres aux conditions de travail.

La tâche de Nouel comprenait encore le service si important des trempes et recuits de la fabrication. Il y contribua largement aux transformations du matériel et aux perfectionnements des procédés. Ce fut à l'occasion de ces travaux que, pour l'évaluation des températures élevées, il construisit et employa utilement un instrument, dont le but était de substituer à l'appréciation des couleurs lumineuses, variable avec l'opérateur et avec l'éclairement ambiant, l'observation d'un phénomène susceptible d'indications numériques.

Enfin, il eut à suivre au dehors une partie des essais d'étude et de recette des obus et des blindages. Pendant près de vingt ans, il fréquenta le polygone de Gâvre ; il fut aussi chargé de missions à l'étranger, et notamment en Russie pour des essais au polygone d'Ochta, où sa compétence fut remarquée.

En 1907, après trente-deux ans d'un labeur incessant, Nouel fut nommé représentant de la Compagnie des Forges de Châtillon, Commentry et Neuves-Maisons, auprès de la Fonderie nationale de Ruelle. Il exerça cette fonction en résidence à Mougnac-La-Couronne (Charente), où il habitait une vieille propriété de famille, dans la douce intimité d'un frère affectionné.

Son nouvel emploi lui laissait quelques loisirs, délassement bien mérité des fatigues de sa belle et active carrière d'usine. Il les employa d'abord à s'occuper d'agriculture : mais bientôt ses goûts le ramenèrent de préférence à l'étude des sciences, qu'il reprit avec un attrait dont témoigne la centaine de cahiers laissés par lui.

Pendant les premiers mois de 1916, sa santé s'était légèrement altérée ; elle n'inspirait cependant pas d'inquiétudes, lorsqu'il fut foudroyé par une congestion. Il était âgé de 64 ans.

Ceux qui l'avaient connu furent vivement peinés de sa mort, car il avait conquis la sympathie de tous par son heureux caractère, par cette aimable humeur que reflétait sa physionomie.

Cœur excellent, il emporta en mourant le mérite de la générosité avec laquelle il vint maintes fois au secours des malheureux, ne ménageant ni sa bourse ni ses démarches.

Nouel était amoureux de son art. C'est avec un certain enthousiasme qu'il abordait d'ordinaire une étude ou une entreprise nouvelle. C'est avec plaisir et avec quelque fierté qu'il montrait à l'occasion ses installations, ses opérations ou ses résultats.

Il aimait notre Association et lui était dévoué. Bon et affectueux pour les camarades dont l'amitié l'entourait, il était heureux de retrouver au banquet annuel quelques-uns de ceux dont le séparaient les distances.

Sa mémoire restera précieuse à notre Association, comme celle d'un ingénieur distingué, et comme celle d'un charmant camarade, douloureusement regretté de ses amis, qui lui gardent dans leur cœur un cher et fidèle souvenir.

C. M.