Georges PAVIE (1872-1911)


Pavie en 1899, élève de l'Ecole des Mines de Paris
(C) Photo collections ENSMP

Ancien élève de l'Ecole des Mines de Paris (promotion 1896). Ingénieur civil des mines.

Bulletin de l'Association des Anciens élèves de l'Ecole des Mines de Paris, Avril 1911

Né le 1er octobre 1872 à Paris, où il fit toutes ses études, Georges PAVIE sortit de l'Ecole en 1899. Il débuta à la Société Française de Constructions Mécaniques (anciens établissements Cail), où il fut affecté aux bureaux d'études, d'abord à Denain, puis à Douai. Il apprit la pratique dans les divers ateliers, fit plusieurs montages de machines Allis, et fut envoyé à l'étranger pour étudier différents systèmes de chaudières.

Il resta à Douai jusqu'en mars 1903, et, se spécialisant dès lors dans l'exploitation des usines d'électricité, il entra à la Société l'Énergie Électrique du Littoral Méditerranéen, à Nice. Chargé des usines situées dans la ville, il vit de près le développement donné par cette Société à son réseau de distribution, et se familiarisa avec les grandes usines centrales modernes, assistant à l'aménagement de l'usine hydraulique du Loup, et voyant à Nice même installer, comme groupes de secours, de puissantes turbines à vapeur. Entre temps, il édifia quelques sous-stations et fit poser des transformateurs.

Il montrait déjà, dans ce poste, les qualités d'activité qui devaient le distinguer, et c'est là qu'il fut appelé, en juin 1907, par la Compagnie Générale de Distribution d'Énergie Électrique à la direction de son importante usine de Vitry, alors en voie d'établissement. Il fut présent pendant le montage, effectué par la Compagnie Française pour l'exploitation des procédés Thomson-Houston, et coopéra avec les ingénieurs de cette Société à la mise en route, qui eut lieu à la fin de 1907. Une fois à la tête de l'exploitation, il se donna comme règle de conduite de se rendre compte de tout par lui même et de payer de sa personne sans hésiter ; c'est ainsi qu'il forma complètement son personnel, et que, dans les commencements, celui-ci n'ayant pas encore les connaissances nécessaires ni l'indispensable confiance en soi donnée par la pratique, il ne se déchargea sur aucun du soin de mettre un parallèle les deux alternateurs de 8.000 kilowatts, afin de passer de l'un à l'autre, et cette manoeuvre se faisait tous les jours à 1 heure du matin.

Il fut naturellement aux prises avec les multiples incidents inhérents aux débuts d'une exploitation, et dut solutionner de nombreuses questions. Mais c'est en 1910, alors qu'il pouvait penser être entré dans la période normale de l'exploitation et jouir d'un peu de tranquillité, dont il avait grand besoin, qu'il eut, au contraire, à lutter contre une série de difficultés des plus graves. L'usine de Vitry joua de malchance cette année-là : ce fut, en janvier, l'inondation qui l'envahit et l'immobilisa un certain temps ; puis, en mai, un incendie qui causa de sérieux dégâts à l'immeuble et au matériel; enfin, plus tard, eut lieu une grève, et, dans une grosse usine fournissant le courant à des services publics tels que chemins de fer, tramways, ce n'est pas un petit souci pour le directeur. D'une activité infatigable, PAVIE se prodigua toutes les fois sans compter; pour ne citer qu'un exemple, il lui est arrivé, pendant la grève, de faire jusqu'à trois fois le voyage de Vitry à Paris, allant la nuit faire une tournée et des manoeuvres dans les sous-stations, se trouvant à l'usine à deux heures du matin et y prenant sur le fait un ouvrier occupé à saboter un organe essentiel.

Une existence aussi mouvementée était faite pour arrêter beaucoup d'autres ; il surmonta néanmoins ses fatigues, assuma à lui seul la responsabilité, les autres ingénieurs de sa Société se trouvant en congé, et dissimula longtemps ses souffrances, particulièrement à sa mère, qu'il perdait en décembre, juste trois mois avant de s'en aller lui-même. Mais il avait dépassé la limite de ses forces : il avait contracté une néphrite dont il ne soupçonnait pas la gravité, et quand enfin, à bout de résistance, il dut quitter son service, en janvier dernier, il était trop tard. Pendant les six semaines que dura sa maladie, il resta très lucide d'esprit, ne cessant de penser à l'usine à laquelle il s'était entièrement donné et qui lui coûtait, à son insu, la vie, et bâtissant d'intéressants projets, notamment pour la mettre à l'abri des inondations. C'est tout doucement qu'il s'éteignit, le 4 mars, sans s'en apercevoir, malgré les soins dévoués dont il était entouré.

PAVIE n'était pas marié : s'il l'avait été, il ne se serait certainement pas surmené ainsi, car il consacrait tous ses moments et ses efforts à Vitry, et peut-être n'aurions-nous pas aujourd'hui à déplorer sa perte prématurée. Il nous aura du moins donné, durant une carrière dont les courtes étapes l'avaient mené déjà à une situation en vue dans la région parisienne, un grand exemple d'énergie.

M. LACAVE.