Voir aussi : photo, résumé de carrière et discours aux funérailles de DU SOUICH


NOTICE NÉCROLOGIQUE
sur
M. DU SOUICH
INSPECTEUR GÉNÉRAL, DES MINES
Par M. E. CASTEL, Inspecteur général des mines.

Publiés dans Annales des Mines, 8e série vol. 19, 1891.

M. Charles-Amable-Alban Judas du Souich, que le Corps des mines a eu la douleur de perdre le 13 avril 1888, était né à Amiens le 6 avril 1812, d'une ancienne famille de Picardie.

Entré à dix-sept ans à l'École polytechnique, d'où il sortit en 1831 comme élève-ingénieur des mines, il fut, en 1835, chargé du service du sous-arrondissement minéralogique d'Arras. Successivement ingénieur ordinaire de 2e classe le 9 janvier 1837, de 1re classe le 8 mars 1847, il fut promu, le 7 février 1852, au grade d'ingénieur en chef, et envoyé, en cette qualité, à Saint-Étienne, où il resta dix ans et demi, chargé du service de l'arrondissement minéralogique, auquel il réunit, pendant six ans, le service du contrôle du chemin de fer de Rhône-et-Loire; et pendant deux ans la direction de l'École des mineurs.

Il fut appelé, le 5 septembre 1862, toujours comme ingénieur en chef, au service des appareils à vapeur de la Seine, et le 28 juin 1865 au service de l'arrondissement minéralogique de Paris.

Nommé inspecteur général de 2e classe le 11 juillet 1866, puis inspecteur général de 1re classe le 14 juin 1872, il fut d'abord chargé de la division du centre, et, à partir du 10 mars 1869, de la division du nord-ouest, dont il conserva l'inspection jusqu'en 1878.

Depuis le 23 mai 1879 jusqu'à sa retraite en 1882, M. du Souich est resté vice-président du Conseil général des mines. Il avait d'ailleurs été successivement nommé membre du Conseil de l'École des mines, de la Commission spéciale de la carte géologique détaillée de la France, du Comité consultatif des poudres et salpêtres (au ministère de la guerre), président de la Commission spéciale chargée d'étudier la question des modifications que peut réclamer la statistique de l'industrie minérale, membre de la Commission chargée d'étudier les moyens propres à prévenir les explosions de grisou, membre, puis président de la Commission centrale des machines à vapeur, membre du Conseil supérieur des voies de communication, membre du Conseil de perfectionnement de l'École des mines, président de la Commission spéciale de la carte géologique détaillée, président de la Commission des Annales des mines. Il était en outre membre du Conseil d'hygiène publique et de salubrité du département de la Seine.

Chevalier de la Légion d'honneur le 10 décembre 1850, il avait été promu le 13 juillet 1862 au grade d'officier, et il reçut le 19 juillet 1880 la croix de commandeur.

Il avait obtenu en 1855 une médaille d'honneur à l'Exposition universelle pour ses travaux géologiques sur le Pas-de-Calais.

Pendant sa longue carrière, M. du Souich a rempli plusieurs postes importants, dans lesquels il s'est toujours fait remarquer par son amour du travail, son esprit judicieux et droit, sa science profonde en tout ce qui concerne l'art de l'ingénieur, la parfaite loyauté de son caractère, et un dévouement absolu à ses devoirs. Partout il a rendu d'importants services, comme géologue, comme ingénieur et comme jurisconsulte. On peut dire qu'il ne touchait pas à une question sans y faire pénétrer la lumière, toujours préoccupé de rechercher avant tout la vérité, la justice et l'intérêt public.

Lorsque M. du Souich a été chargé du sous-arrondissement d'Arras, le terrain houiller du nord de la France n'était encore connu que dans le département du Nord, et les concessions s'arrêtaient à Aniche.

Cependant le prolongement de ce bassin vers l'Ouest, sous les terrains sédimentaïres, était considéré comme certain, mais on ne connaissait ni sa direction exacte, ni ses limites. Plusieurs compagnies avaient commencé des recherches, soit par puits, soit par sondages; mais, faute d'une direction sage, ces travaux n'avaient pas abouti, et de grosses dépenses étaient restées improductives.

M. du Souich, après un examen approfondi de l'état des choses, prit à coeur l'intérêt des recherches, se livra à de nombreuses études géologiques, et se fit le conseil des explorateurs.

Mémoire de 1839. - Dans une importante brochure parue en octobre 1839, intitulée : « Essai sur les recherches de houille dans le nord de la France », il se livre à une étude complète de la question.

Dans l'introduction, il fait ressortir les fautes commises dans les travaux entrepris, et qui tiennent surtout au défaut de méthode dans ces travaux, et à ce que l'on néglige trop l'étude géologique des terrains. Il établit qu'une question de recherches de mines est une question toute géologique, et que le géologue ne peut commencer à s'effacer que lorsque les gîtes ont été découverts ; qu'une exploration méthodique et persévérante, avec une saine appréciation de la nature des terrains traversés est nécessaire dans les conditions où l'on se trouve, et il rappelle l'exemple tiré des houillères d'Anzin, où ce n'est qu'après dix-sept années de travaux, et après avoir creusé en vain quatorze puits sur les territoires de sept communes, que l'inventeur de ces houillères put fonder le premier établissement de mines du département du Nord.

Le mémoire de M. du Souich est divisé en deux parties. Dans l'une, il fait la description géologique de la contrée, et étudie successivement les terrains supérieurs et inférieurs au terrain houiller, ainsi que ce terrain lui-même; dans l'autre, il indique quel est le mode d'exploration que l'on doit suivre; il fait connaître les moyens à l'aide desquels il est possible de déterminer, dans les sondages, les principales circonstances de gisement des terrains, ainsi que les précautions nécessaires pour bien constater la nature des roches.

Les terrains supérieurs au houiller, ou morts-terrains, constituent, dans le Pas-de-Calais, des formations horizontales, que l'on doit traverser avant d'arriver, soit à la formation carbonifère, soit aux formations primordiales de sédiment; le terrain crétacé y prédomine. Ce terrain manque toutefois dans quelques parties, comme dans le Boulonnais, où l'on ne trouve plus que les formations jurassiques ou oolithiques; dans d'autres il est recouvert par le tertiaire.

Les terrains primordiaux de sédiment ont, comme caractère saillant, l'obliquité des couches ; ils se montrent au jour en quelques points plus ou moins circonscrits, notamment dans la partie septentrionale du Bas-Boulonnais, et dans quelques vallées du Pas-de-Calais et du Nord.

Morts-terrains.- Dans le terrain tertiaire inférieur, certaines roches ne peuvent se distinguer d'une des assises du groupe de la craie que par leur position ou par les fossiles; d'autres ont été confondues quelquefois avec celles du terrain houiller. On y trouve aussi des lignites, qui ont été confondus avec la houille, et qui, vers le milieu du XVIIIe siècle, ont provoqué des recherches au mont Colline, à l'embouchure de l'Authie, bien que la composition minéralogique et paléontologique du tertiaire n'offre, en réalité, aucune analogie avec celle du terrain houiller.

Le groupe crétacé se divise en deux étages, supérieur et inférieur. Ce dernier, qui est formé par le grès vert, présente beaucoup de variations; il n'a qu'une faible épaisseur dans plusieurs exploitations du Nord, et prend au contraire un développement considérable dans un bon nombre de localités du Pas-de-Calais et de la Somme. Certaines roches de grès vert sont quelquefois confondues avec le terrain houiller, bien qu'un examen un peu attentif suffise pour reconnaître une différence complète de composition, de texture et de structure, et que les fossiles y soient tout différents.

Le conglomérat, connu sous le nom de tourtia, que l'on traverse constamment dans les puits d'exploitation du Nord avant d'atteindre les gîtes, est aussi considéré à tort par le mineur comme un indice certain de la présence du terrain houiller, et la présence de parcelles de houille, qu'on y rencontre parfois, ne peut éclairer sur le plus ou moins d'éloignement des gîtes.

L'étage inférieur du groupe crétacé renferme parfois des lignites fibreux et des lignites piciformes, et leur présence concourt encore aux méprises que commettent les ouvriers sur la nature des terrains qu'ils traversent, surtout dans les sondages. D'autres causes d'erreurs peuvent aussi provenir de caractères accidentels des roches du grès vert, qui inquiètent quelquefois mal à propos les explorateurs, relativement à l'âge du terrain qu'ils traversent, et à l'épaisseur du terrain mort qu'ils croient avoir à percer encore avant d'arriver au terrain houiller.

Quant au groupe oolithique, il paraît borné au Bas-Boulonnais, et se divise en trois étages. Dans le supérieur, les grès et marnes peuvent accidentellement présenter un faciès général qui les ferait confondre avec des roches houillères.

M. du Souich rapporte au groupe du grès rouge un poudingue, rare du reste dans le pays, présentant un ciment psammitique rougeâtre ou verdâtre, qui contient des noyaux divers de roches primordiales, principalement de calcaires la plupart fétides. Les bancs présentent une certaine inclinaison, d'ailleurs faible. La présence de blocs calcaires dans ce conglomérat peut induire en erreur, si on les rencontre dans un sondage.

On doit encore ranger dans la classe des morts-terrains certains calcaires compacts (marbres) du Boulonnais, qui recouvrent le terrain houiller de cette région, bien qu'ils puissent être considérés, à certains points de vue, comme appartenant au groupe carbonifère. Ils présentent, comme les poudingues ci-dessus, des inclinaisons plus ou moins prononcées, qui constituent un caractère commun avec les formations primordiales, et ils offrent encore d'autres points de ressemblance avec les calcaires de ces formations, au point de vue de la composition et de la texture. La rencontre de ces calcaires dans une exploration peut donc devenir une source de difficultés, au point de vue de la question de continuation des travaux.

Terrains primordiaux. - L'auteur du mémoire fait ensuite ressortir l'importance qui s'attache à l'étude des formations primordiales de sédiment, afin d'arriver à distinguer nettement le terrain houiller des formations inférieures, qui présentent avec lui, dans quelques-unes de leurs assises, des points de ressemblance. Aussi est-il nécessaire d'en bien connaître les caractères certains, si l'on veut éviter le renouvellement des erreurs commises dans beaucoup de recherches antérieures.

Ces formations se divisent en trois groupes principaux :

Le groupe carbonifère, qui comprend le terrain houiller, essentiellement formé par un dépôt de roches arénacées et argileuses, renfermant les couches de houille qui sont l'objet des recherches ; le calcaire carbonifère, formation essentiellement calcaire, mais comprenant des dépôts arénacés, houillers et anthracifères subordonnés, et enfin le vieux grès rouge. Le terrain houiller se divise lui-même en système supérieur ou houiller proprement dit, et système inférieur ou alunifère ;

Le groupe silurien, divisé en système arénacé et schisteux supérieur, système calcareux intermédiaire, et système arénacé et schisteux inférieur ;

Le groupe cambrien, qui se divise en systèmes ardoisiers supérieur et inférieur ;

M. du Souich fait la description détaillée de chacun de ces terrains, en donnant leur composition et en indiquant, pour les différentes roches, la structure, la texture, les couleurs habituelles et distinctives, l'existence et le plus ou moins d'abondance des empreintes végétales et des fossiles, en un mot les caractères spéciaux qu'elles présentent, soit d'une manière générale, soit d'une façon exceptionnelle.

Après quelques observations générales sur la composition des terrains primordiaux, il consacre un long article à la description de leur allure, et il en tire des conclusions relativement à ce que les recherches peuvent découvrir.

Ainsi les terrains de transition, formés d'une série d'assises différentes, plissées et contournées de manière à offrir tous les degrés d'inclinaison possibles, mais se suivant mutuellement dans leurs ondulations, et s'emboîtant les unes dans les autres à stratification sensible, ment concordante, avec des directions à peu près constantes, offrent, du nord au midi, une succession de rides dirigées environ de l'est à l'ouest, et forment des bassins sucessifs séparés par des selles. C'est dans une de ces rides que s'emboîte le bassin houiller de Valenciennes; les terrains carbonifères du Boulonnais pourraient constituer au nord l'un des derniers bassins, et rien ne prouve qu'il ne puisse exister aussi des gîtes houillers dans les rides intermédiaires. On trouve en effet du terrain houiller dans chacun des trois bassins siluriens que présente la province de Liège.

Les différents bassins offrent quelquefois des pentes inverses dans leurs versants opposés ; mais souvent aussi les deux bords inclinent dans le même sens, de telle sorte que, vers le midi, une formation donnée se trouve recouverte par les terrains qu'elle recouvre plus au nord. Aussi ne peut-on établir avec certitude l'âge relatif des roches primordiales de la contrée d'après leur inclinaison.

En tout cas, le centre d'un bassin est toujours occupé par la formation la plus moderne, formant une zone allongée suivant la direction, et des deux côtés de cette zone se trouvent symétriquement placées les formations inférieures suivant leur ordre d'ancienneté. On tire de là immédiatement une conséquence applicable aux recherches; c'est que, si l'on parvient à reconnaître, dans deux ou trois bandes successives, l'ordre d'ancienneté des roches qui les composent, on saura juger de quel côté doivent se trouver les formations plus modernes, et s'il faut marcher au nord ou au midi pour les rencontrer. Il peut d'ailleurs arriver que la symétrie ne soit pas complète, et que les formations qu'on observe d'un des côtés de la zone centrale ne se reproduisent pas toutes de l'autre côté. Aussi peut-il se faire que le terrain houiller, occupant la partie centrale du bassin, se trouve en contact avec l'une quelconque des formations inférieures ; que, encaissé sur certains points dans le calcaire carbonifère, il soit, sur d'autres, en contact immédiat avec les assises même inférieures du silurien, ou avec le terrain ardoisier. On comprend aussi que les limites des zones ne doivent pas toujours être parallèles à la direction moyenne des couches, et que ces zones, et parmi elles la zone houillère, puissent présenter des élargissements et des rétrécissements successifs.

Indépendamment des accidents généraux qui forment les ondulations dont il vient d'être parlé, on peut, dans la même ride et dans le même bassin, observer des plis et des replis très compliqués, à arêtes plus ou moins inclinées, formant les dressants et les plateurs ; on peut également rencontrer des dislocations, des failles et des crains.

C'est sur la considération de la permanence des directions générales des formations que doivent être basés les projets de recherches ; du moment qu'une formation est connue sur une certaine étendue, il y a lieu d'en rechercher le prolongement dans la direction qu'elle présente.

Entre le bassin silurien du nord du Bas-Boulonnais et celui qui encaisse la zone de la Belgique, on ne peut regarder comme impossible de retrouver des lambeaux de terrain houiller. Ces lambeaux, s'ils existent, forment des bassins allongés suivant l'orientation générale des rides de notre terrain de transition, et ils peuvent constituer des gîtes plus ou moins étendus.

Le terrain houiller a pu, avant les soulèvements qui ont affecté toutes les formations primordiales, présenter une ou plusieurs nappes plus ou moins allongées suivant une direction qui pouvait fort bien ne pas être celle suivant laquelle les rides se sont formées plus tard. De pareilles nappes, après le soulèvement, auraient dû être divisées par lambeaux dans quelques-uns des différents bassins formés par ces rides, parce qu'elles se seraient trouvées dénudées sur les selles qui les séparent.

Il pourrait se faire que le terrain carbonifère du Boulonnais se rattachât ainsi à celui de la Belgique, et, si l'on reconnaissait que la formation de la Belgique ne se prolonge pas suivant la direction Est un peu Nord qu'elle présente jusqu'à Aniche, on peut encore admettre qu'elle se reporte du côté du Boulonnais ; mais elle ne présentera probablement plus dans cette déviation une zones continue, et ne sera accusée que par les lambeaux qu'elle aura laissés comme témoins de son ancienne existence dans quelques-uns des bassins siluriens intermédiaires.

Recherches. - Après avoir fait ainsi la description géologique de la région comprise entre Douai et la mer, et avoir émis, sur la situation probable des gîtes houillers qui pouvaient s'y trouver, des prévisions qui, d'ailleurs, ont été, pour la plupart, confirmées plus tard par l'expérience, M. du Souich aborde la question des recherches à faire, de la méthode qu'on doit y suivre, et des moyens pratiques à employer.

Pour la marche à suivre dans ses recherches, il établit d'abord que, là où il y a des morts-terrains, on doit avant tout songer à rechercher le prolongement des zones connues; il faut, pour cela, procéder par des sections faites perpendiculairement à la direction générale des terrains, c'est-à-dire à peu près du nord au midi. Comme d'ailleurs les recherches sont poussées à une grande profondeur, et ne peuvent être placées qu'à une certaine distance les unes des autres, il est indispensable de les distribuer méthodiquement dans les sections, et de les combiner de manière à en rendre nécessaire le plus petit nombre possible.

Les sections elles-mêmes doivent être choisies de manière à procéder toujours du connu à l'inconnu, et à suivre de proche en proche le prolongement de la zone qui fait l'objet des recherches. La première section doit donc être à proximité des points connus. Puis, cette section une fois choisie, il convient de placer la première exploration vers l'axe présumé du bassin, et ensuite, ou simultanément, une seconde et une troisième au nord et au midi.

Dans chacune de ces recherches , il faut déterminer , aussi bien que possible la nature des roches traversées et leur âge géologique.

Une recherche unique ne peut d'ailleurs faire reconnaître, d'après le pendage, le côté vers lequel le terrain houiller doit se trouver; mais la comparaison des résultats obtenus dans plusieurs explorations suffisamment rapprochées peut conduire à la solution.

Quant au mode de recherche le plus convenable à adopter, comme les explorations doivent être assez nombreuses, que chacune d'elles doit traverser 100 à 200 mètres de mort-terrain, que l'exécution des fosses nécessite des dépenses et un temps considérables, on reconnaîtra que le mode le plus convenable de recherches à adopter, au moins dans le principe, est celui des sondages, qu'on peut exécuter à un prix très modéré et dans un court espace de temps; d'autant plus qu'on peut obtenir au moyen des sondages la direction, l'inclinaison et le sens du pendage des couches, et apprécier, moyennant certaines précautions, la nature des roches traversées.

Entre les premiers sondages destinés à rechercher le bassin houiller, il sera convenable de mettre une distance moindre que la largeur que présente ordinairement la zone dans les parties les plus resserrées. Dans deux sections voisines, il sera bon de disposer les points d'exploration de manière qu'ils ne soient point exactement sur les mêmes parallèles à la direction présumée de la zone.

La section de recherche devra être prolongée, sans qu'il soit permis de désespérer du succès, au nord et au midi du point de départ, tant que l'espace parcouru ne pourra détruire d'une manière évidente l'hypothèse de la permanence de direction de la zone. Si les sections convenablement prolongées, n'amènent aucun résultat, on sera autorisé à faire des recherches le long de la ligne qui joindrait les derniers points connus de la grande zone de la Belgique avec l'extrémité Est, également reconnue, de la zone houillère du Boulonnais, en échelonnant les explorations suivant la direction de cette ligne. On couperait ainsi obliquement les divers bassins, et on pourrait un peu plus espacer les sondages. Un bassin carbonifère rencontré, on en rechercherait l'étendue d'après la méthode précédemment indiquée.

La marche tracée pour la recherche du prolongement des zones houillères s'applique d'ailleurs évidemment à la recherche du prolongement des faisceaux de houille dans l'intérieur des bassins, avec cette remarque que les explorations doivent être ici plus rapprochées. Quant aux travaux de reconnaissance, ils doivent nécessairement être exécutés par puits et galeries.

Sondages. - L'auteur du mémoire se trouve enfin amené à décrire les procédés de sondage les meilleurs à employer. Il explique que déjà, depuis deux ans, ces procédés ont reçu de grands perfectionnements, qui permettent de résoudre la plupart des questions que les recherches comportent. Il ne se propose d'ailleurs que d'appeler l'attention des explorateurs sur les principales précautions qu'il est indispensable de prendre, et d'indiquer les moyens de bien juger les terrains traversés, sous le rapport de leur âge, et quelquefois de leurs allures.

Il fait remarquer d'abord l'utilité et même la nécessité de l'emploi des colonnes de garantie, et indique les dimensions à donner au diamètre primitif d'un sondage, en prévision de la descente successive de plusieurs colonnes de tubes.

Pour le sondage à la tige, il indique et décrit la disposition nouvelle à donner aux tiges, d'après le système imaginé par M. d'OEynhausen, et qui supprime la réaction du choc dans une grande partie de la ligne des tiges, parce que cette partie, immédiatement après le choc, cesse d'être en connexion avec l'outil.

Il indique ensuite les précautions à prendre dans l'emploi des outils pour l'appréciation des roches, et les différences qui existent à cet égard entre la tarière et le trépan; le moyen d'obtenir des fragments assez volumineux de roches par l'emploi successif du trépan à fourche et du trépan ordinaire, le moyen de déterminer la puissance des couches, celui de retrouver les roches traversées par 1'emploi du vérificateur ou élargisseur à oreilles, avec des dispositions spéciales pour le porte-ailerons et pour la capsule, variables suivant le diamètre du trou de sonde ; le moyen d'obtenir des échantillons volumineux de roches, et en même temps de déterminer l'inclinaison et le pendage des couches, par l'emploi de remporte-pièce, dont il donne différents modèles.

Pour le sondage à la corde, il indique l'emploi de différents outils, et notamment du trépan annulaire, au moyen duquel on peut ramener au jour des masses assez volumineuses, et du trépan à ressort ëlargisseur destiné à la vérification de la nature des terrains traversés.

Il conclut enfin par la comparaison des deux procédés de sondage. Celui à la corde lui paraît pouvoir être employé et offrir des avantages au point de vue de la rapidité des manoeuvres; mais il présente des inconvénients assez graves, à cause des difficultés qu'on éprouve à réparer des accidents. Dans les forages à la tige, au contraire, il est rare qu'on ne puisse remédier à toutes les difficultés qui se présentent, surtout avec l'emploi du procédé d'OEynhausen, qui d'ailleurs diminue notablement la main-d'oeuvre. Ces sondages permettent en outre, dans les formations primordiales, de déterminer quelques-unes des circonstances du gisement des couches. Aussi paraissent-ils devoir être conseillés de préférence.

Quelques observations sur le prix des sondages terminent cet important travail, qui est le résultat de longues et patientes études faites par son auteur.

Notice historique. - Dans une « Notice historique sur le prolongement du bassin houiller de Valenciennes dans le Pas-de-Calais », qui n'a pas été publiée, M. du Souich fait remarquer que la crainte exprimée par lui de voir le terrain houiller se morceler dans le Pas-de-Calais, entre Douai et Boulogne, en petits tronçons discontinus, a été heureusement démentie par les faits, et que, si ce bassin est, de ce côté, bordé au sud par des accidents considérables, il présente, jusqu'au delà de Béthune, un magnifique développement.

Cette notice donne du reste, sur la découverte du bassin houiller du Pas-de-Calais et sur la part qu'y a prise M. du Souich, des renseignements précieux et détaillés que nous allons résumer.

1re période de recherches. - Les recherches de houille dans ce département, qui avaient été abandonnées pendant de longues années, depuis 1810, après l'insuccès des puits de Tilloy, de Pommiers et de Monchy-le-Preux, furent reprises vers 1830 par plusieurs sociétés. Le choix de la position à donner aux puits et sondages d'exploration présentait d'assez grandes difficultés, par ce fait que les travaux de la grande concession d'Aniche, la dernière à l'ouest de la zone, restaient concentrés près d'Aniche et d'Auberchicourt, et laissaient du côté de Douai une étendue énorme de concession inexplorée, dans laquelle les explorateurs étrangers ne pouvaient se placer.

Les choix faits furent déplorables. En 1832, un sondage est entrepris à Saint-Laurent, près d'Arras ; d'autres le sont à Vis, Tortequenne, Pelves ; on fonce même un puits sur ce dernier point. La Compagnie de Vitry fait des sondages à Vitry et à Labucquière, commune de Brébières. La Compagnie d'Esquerchin fait également des sondages à Brébières ; des explorateurs belges en entreprennent un a Fresnes-lès-Montauban. La Compagnie départementale adopte une section transversale à la direction présumée de la zone , passant par Arras ; de 1838 à 1840, sept sondages sont forés par elle sur une longueur de 13 kilomètres entre Euvry et Boiry-Becquerel ; la Société de l'Artois reprend la fosse de Monchy-le-Preux, et la Société Artésienne celle de Pommiers.

Un autre sondage est fait à Gouy-en-Artois, à 4km,500 au delà d'Arras. Dans le département de la Somme même, deux sondages sont entrepris au voisinage de Doullens. Quelques autres recherches sont encore faites en dehors de la direction de la zone; un puits est ouvert à Pernes, des recherches par puits et galeries ont lieu à Lacomté et à Beugny. Des travaux sont faits par la Compagnie des Canonniers de Lille entre Marchiennes et Lille, puis au sud de Valenciennes, où un puits est creusé à Villerspool; cette Compagnie avait déjà, dès 1835, commencé à Flers, au N.-N.-E. de Douai, un sondage qui fut abandonné par suite d'accident, et qui, sans cette circonstance, aurait pu donner quelques résultats utiles. Enfin le sieur Bigo entreprend des recherches à Chemy, près de Séclin, et à Monchaux.

Malheureusement ces nombreux travaux d'exploration étaient loin d'être coordonnés d'une manière rationnelle et beaucoup étaient en quelque sorte entrepris au hasard. M. du Souich se donna comme tâche de prémunir les explorateurs contre les erreurs d'appréciations qui les faisaient persévérer dans des tentatives inutiles. Il fut assez heureux pour faire abandonner bon nombre de travaux négatifs, et pour empêcher des entreprises qui eussent été désastreuses en entraînant des dépenses stériles considérables.

La plupart des sondages forés au voisinage de Douai et d'Arras arrivèrent bientôt à des terrains qui devaient être jugés franchement négatifs; il fallut éclairer les explorateurs sur certains caractères trompeurs des roches rencontrées. La fosse de Monchy-le-Preux, reprise comme il est dit ci-dessus, ne tarda pas à donner une lumière complète par les fossiles qui y furent trouvés, et elle fut abandonnée à la fin de 1840. Celle de Pelves, commencée en 1838 au nord de Monchy, fut abandonnée en 1841, après la rencontre de calcaires, probablement dévoniens. Tous les autres forages le furent successivement, dès 1839 et 1840; il restait démontré que la zone houillère ne se prolongeait pas vers le sud-ouest au delà de Douai.

D'un autre côté, les recherches du voisinage de Marchiennes avaient montré qu'il restait, au nord de la concession d'Aniche, une certaine étendue de terrain houiller, représenté par les assises les plus inférieures; mais ce terrain paraissait limité à peu de distance à l'ouest. Des sondages, faits en 1835 et 1836 par la Compagnie des Canonniers à Vred, à Flines et à Lallaing, tendaient à indiquer que vers Bouvignies, au sud d'Orchies, la limite septentrionale de la zone s'infléchissait fortement au sud. On pouvait assurer, dès la fin de 1840, que si la zone houillère se prolongeait, elle éprouvait, avec des accidents encore inconnus de dislocation et d'étranglement, une forte déviation dans l'intérieur même de la concession d'Aniche. Malheureusement, comme il a été dit, celle-ci était inexplorée, et les explorateurs étrangers, d'après les résultats des trois sondages ci-dessus, semblaient n'avoir à leur disposition pour des recherches qu'une très faible étendue au nord de cette concession. Un découragement complet succéda à l'engouement des années précédentes. Il devint presque impossible de faire comprendre aux chercheurs que le problème n'était pas résolu définitivement; ce n'est que quelques années plus tard qu'ils devaient le reprendre.

Études géologiques. - Vers la fin de cette période de recherches, M. du Souich travaillait à l'exécution de la carte géologique du Pas-de-Calais.

En commençant les études relatives à cet ouvrage, il était allé étudier sur place le bassin houiller de Belgique et les terrains qui lui sont subordonnés; Il en avait rapporté, en même temps que de nombreuses notes, une collection de roches des diverses formations paléozoïques, destinées à servir de points de comparaison et à être mises sous les yeux des explorateurs, ainsi que des échantillons des morts-terrains eux-mêmes, craie, terrain jurassique et permien.

En 1841, il avait complété l'étude du Boulonnais et reconnu la plus grande partie des affleurements du terrain de transition le long des collines d'Artois.

En 1844, la minute de la carte était terminée et elle fut mise, cette année même, sous les yeux du Conseil général du département. Elle ne fut d'ailleurs imprimée qu'en 1851 ; mais elle resta, jusqu'à cette époque, dans le bureau de l'ingénieur, où elle pouvait être consultée par tous les intéressés.

Indépendamment des affleurements dévoniens qui accusent le relèvement des terrains de transition, M. du Souich y avait figuré, sous le nom de trias ou permien, les terrains de formation postérieure au terrain houiller qui s'appuient contre les précédents, ou se cachent immédiatement sous la craie en ne laissant apparaître quel des témoins extrêmement circonscrits. Il avait aussi esquissé approximativement, d'après les résultats comparés des observations de surface et des divers sondages précédemment exécutés, la limite souterraine du terrain jurassique qui traverse en écharpe le département.

L'examen attentif de la série des affleurements dévoniens lui permit de distinguer des alignements analogues à ceux du Boulonnais, indiquant un relèvement antérieur à l'époque houillère, et dont le pied a pu former le rivage de la mer carbonifère. D'un autre côté, le tracé que M. du Souich a pu faire, comme il vient d'être dit, de la limite du terrain jurassique montra que de nouveaux mouvements importants devaient avoir suivi, à un intervalle plus ou moins grand, la période houillère, en produisant un nouveau relèvement du terrain de transition, en même temps que l'émersion du terrain houiller lui-même, et en produisant des accidents plus ou moins considérables. Ces mouvements correspondraient au soulèvement rapporté par Élie de Beaumont au système du Thüringerwald.

Plus tard encore, après le dépôt de la craie, un nouveau mouvement, plus ou moins brusque, a affecté tous les terrains dans la direction des collines d'Artois. C'est ce mouvement qui a déterminé les derniers reliefs de la contrée, et qui, en relevant de nouveau les terrains paléozoïques, avec la craie inférieure, le long des collines d'Artois, a permis aux dénudations postérieures de les faire paraître au jour, et a servi ainsi à mettre en évidence la ride souterraine au pied de laquelle le terrain houiller avait dû se déposer. Les mouvements antérieurs avaient constitué cette chaîne dans ses traits primitifs; les autres ont déterminé les accidents qui ont affecté le terrain après son dépôt; les directions de ces divers mouvements s'écartent d'ailleurs peu les uns des autres.

Mais l'axe d'Artois s'abaisse du côté du sud-est, et c'est par suite de cet abaissement, en même temps que au relief antérieur des terrains paléozoïques dans la chaîne primitivement soulevée, que les affleurements de ces terrains cessent d'être visibles à la limite du territoire de la commune d'Aix-Noulette. Au delà, il faut traverser une épaisseur considérable de craie avant d'arriver au terrain de transition ; et c'est ainsi qu'a cessé le jalonnement qui eût pu guider pour trouver le prolongement du bassin houiller de Valenciennes, et qu'on a pu être trompé sur la direction de ce prolongement.

Dans deux rapports adressés au Conseil général du Pas-de-Calais en 1844 et 1849, M. du Souich a insisté particulièrement sur le fait qui précède, et sur la probabilité de la déviation du terrain houiller vers l'O.-N.-O. au couchant de Douai.

Après les travaux de 1835 à 1841, le fait d'une déviation était rendu certain ; l'étude géologique de la contrée venait à son tour fournir, sur le sens de cette déviation, des renseignements précieux, de nature à simplifier beaucoup le choix des points d'exploration. Aussi, lorsque le problème fut repris, quelques années après l'abandon des premières recherches, il put être résolu avec une grande promptitude.

2e période de recherches. - Un forage exécuté en 1841 à Oignies pour la recherche de l'eau jaillissante, et qui fut poussé jusqu'à 400 mètres, rencontra le terrain houiller à la profondeur de 151 mètres; mais on n'y fit pas attention sur le moment, et le fait ne fut connu que beaucoup plus tard, en 1847, par le Service des Mines. Ce n'est réellement que de 1846 que date la nouvelle période de recherches.

Le 20 juillet 1846, un sondage était commencé dans le département du Nord à l'Escarpelle, par la Compagnie de la Scarpe (M. Soyez), et le 20 mai 1847, il découvrait une première couche de houille à 158m,90, puis successivement deux autres, dont une de lm,56 de puissance.

D'autres sondages étaient entrepris par la même Compagnie, toujours dans le département du Nord, le 9 juin 1847, à la Blanche-Maison, commune d'Auby, à 4 kilomètres au nord-ouest du précédent ; le 23 juin à Roost-Warenden, au N.-E. de la ligne passant par les deux premiers ; le 3 juillet à Flers, au S.-O. de la même ligne ; le premier rencontra le charbon, les deux autres constatèrent la présence du terrain houiller.

La Compagnie commença alors ses recherches dans le Pas de-Calais, à Evin-Malmaison, presque sur la ligne de ses deux premiers sondages, et y rencontra encore le terrain houiller.

A la fin de 1847, Mme de Clercq et le sieur Mulot entreprennent deux forages à Hénin-Liétard et à Dourges (forages du Peuplier et d'Harponlieu), qui rencontrent le terrain houiller; puis, en 1849, deux autres sondages dans les mêmes communes, qui recoupent des veines de houille.

Dès le commencement de 1848, le prolongement de la zone houillère était ainsi connu jusqu'à la section passant par Dourges.

La Société Bigo, qui devint plus tard Société de Courrières, avait fait, entre 1845 et 1847, des recherches dans le Nord et le Pas-de-Calais, particulièrement à Liévin, à l'O.-S.-O. de Lens, où elle avait rencontré des terrains calcareux. Elle entreprit, au commencement de 1849, une exploration près de Courrières; le forage y recoupa deux veines de houille à 150 et 153 mètres de profondeur. On commença alors le percement de la fosse de Courrières, puis deux sondages à Harnes et à Courcelles-lès-Lens, qui furent d'ailleurs abandonnés avant d'avoir donné des résultats, et trois autres dans le voisinage d'Hénin-Liétard; deux de ceux-ci atteignirent le terrain houiller, et le troisième, placé plus au sud, rencontra un psammite, sensiblement différent des grès houillers, et paraissant appartenir au dévonien.

La limite de la zone de ce côté était ainsi trouvée. M. du Souich avait vainement insisté auprès de la Compagnie pour qu'elle fit une section transversale à la zone en reportant des sondages au S.-S.-O. de Courrières, de manière à explorer la partie méridionale de cette zone. Un espace considérable restait inexploré du côté de Lens. Sur les instances de l'ingénieur, un sondage fut établi à Sallan, à 2 kilomètres à l'est de Lens ; il atteignit le terrain houiller à 163 mètres, et recoupa une veine à 175 mètres.

Les sondages qui précèdent et celui de Liévin établissaient approximativement la position de la limite sud de la zone, ce qui put servir de base à la fixation du périmètre des concessions de Dourges et de Courrières, qui furent instituées le 12 août 1852.

D'autres compagnies s'établissaient en même temps à la suite de celle de Courrières du côté de l'ouest, et ne tardaient pas à obtenir des résultats importants.

La Compagnie Casteleyn, devenue plus tard Compagnie de Lens, entreprit en juillet 1849 un sondage à Annay, qui rencontra le terrain houiller, en novembre, à 143m,60; en juillet 1850, un sondage au Bois-de-Lens, qui atteignit le terrain houiller à 143 mètres et recoupa deux veines, et un autre, à Vermelles, rencontrant en octobre le terrain houiller à 150 mètres; puis, en janvier et mai 1851, d'autres sondages à Liévin et à Douvrin, le premier sur le terrain calcarifère, le deuxième sur le terrain houiller, mais rencontrant bientôt des psammites de plus en plus calcareux; enfin, en octobre 1851, un sondage à Lens, qui recoupa le bassin houiller à 141 mètres, et une veine de houille à 160 mètres. Les limites nord (Douvrin) et sud (Liévin) de la zone étaient ainsi déterminées.

La Compagnie de Vicoigne commença ses recherches en juillet 1850. Le sondage de Loos, à l'ouest-nord-ouest de Lens, atteignit le terrain houiller, en septembre, à 133 mètres de profondeur, et à 144 mètres une veine de houille. La Compagnie se reporta alors vers Béthune; trois sondages furent commencés en octobre et novembre 1850, à Petit-Sains, Noeux et Béthune (faubourg d'Arras), qui atteignirent le terrain houiller à 145, 144 et 178 mètres, bientôt suivis de trois autres en janvier et juin 1851 et janvier 1852, à Annequin et Douvrin, qui rencontrèrent le terrain houiller à 168 et 177 mètres. Une fosse fut ouverte à Noeux au commencement de 1851.

La Compagnie Quentin, devenue plus tard Compagnie de Béthune, commençait ses explorations en novembre et décembre 1850, par deux sondages à Annezin et à Hesdigneul ; elle en entreprit deux autres à Fouquières et Hallicourt en juillet 1851, et un cinquième à Bully en décembre de la même année. Celui d'Annezin rencontra le terrain houiller à 184 mètres; celui d'Hesdigneul trouva, à 182 mètres, un calcaire pouvant se rapporter au calcaire carbonifère. Ce résultat fit supposer l'existence d'un accident ou d'un crochet près de Béthune ; c'est alors que furent décidés les sondages de Fouquières et d'Hallicourt, qui atteignirent le terrain houiller à 183 et 135 mètres en septembre et août 1851, et recoupèrent des veines. Le sondage de Bully n'avait pour but que de préparer l'ouverture d'une fosse ; il atteignit le terrain houiller à 144 mètres en février 1852.

Le terrain ainsi découvert par les trois Compagnies fut partagé entre elles, ce qui donna lieu aux trois concessions de Lens, Grenay et Noeux, instituées par décrets du 15 janvier 1853.

Une quatrième Compagnie s'était établie au delà de Béthune à la fin de 1851, et en février 1852 le prolongement de la zone était constaté jusqu'à 6 ou 7 kilomètres au delà d'Hallicourt par les sondages de Bruay (terrain houiller à 139m,53) et de Lapugnoy (terrain houiller à 144 mètres). Ces points sont compris dans les concessions de Bruay et de Marles, instituées en décembre 1855.

Le terrain houiller était alors connu jusqu'à la Clarence, bien au delà de Béthune ; l'accident d'Hesdigneul était franchi; on laissait en arrière, à une quinzaine de kilomètres, le premier affleurement dévonien de Marqueffles, ceux de Rebreuve et de la Comté étaient dépassés, et l'on arrivait presque en face de celui de Pernes.

Les explorations ont malheureusement rencontré ensuite bien plus de difficultés, et le bassin a été trouvé se rétrécissant de plus en plus jusqu'à Fléchinelle ; on a jusqu'à présent échoué au delà.

D'un autre côté, des extensions du bassin ont été successivement constatées, soit au nord, soit au sud des concessions déjà instituées. Plus tard encore est venue la constatation d'accidents qui bordent le bassin au sud, et prolongent le terrain houiller à une distance encore inconnue au-dessous des terrains inférieurs.

On doit remarquer, par les dates des diverses explorations, que plusieurs compagnies opéraient simultanément. Elles pouvaient, sans se faire concurrence, et en s'éclairant au contraire mutuellement, adopter des sections de recherche différentes, et assez éloignées les unes des autres pour qu'on pût instituer des concessions d'une importante étendue.

Part de M. du Souich dans la découverte. - Les houilles rencontrées dans les forages étaient analysées immédiatement au fur et à mesure dans le laboratoire de l'ingénieur, et ces analyses lui ont permis de reconnaître la position des divers faisceaux et leur marche approximative, en reliant ensemble les sondages qui donnaient des houilles de même nature, et en tenant compte d'ailleurs des diverses circonstances de gisement observées telles que l'inclinaison des couches dans les forages et dans les travaux par fosses, et leur direction.

La limite méridionale de la zone, à son affleurement au tourtia, pouvait elle-même être tracée approximativement d'après les résultats combinés des divers sondages au sud, et toutes ces indications, combinées avec celles que fournissait la connaissance déjà acquise de la position de la crête dévonienne des collines d'Artois, pouvait servir à guider les explorateurs ; et elles ont parfois permis de modifier les périmètres des concessions.

En somme, le bassin a été conquis avec une remarquable rapidité, en cinq ans, de la fin de mai 1847 à la fin de février 1852, sur une longueur de plus de 42 kilomètres à partir de la limite de la concession d'Aniche. Le terrain en a d'ailleurs été partagé entre les diverses Compagnies, de manière à les mettre dans des conditions autant que possible égales.

Le nom de M. du Souich restera attaché à la découverte du bassin houiller du Pas-de-Calais. Il y a pris une part considérable, non seulement par ses études géologiques, par la carte qu'il a dressée, par son Essai sur les recherches de houille dans le Nord de la France, mais encore par le contrôle continu et assidu qu'il opérait sur les différents sondages, et par ses conseils incessants aux explorateurs; en communiquant aux Compagnies, au moment où elles se formaient, tous les documents propres à les guider dans leurs travaux ; plus tard en observant les résultats de ces travaux et en les coordonnant, de manière à signaler les points qui restaient à éclaircir, et à indiquer la marche à suivre dans les recherches ultérieures. Presque tous les points d'exploration ont été ainsi déterminés d'un commun accord entre lui et les Compagnies, soit pour rechercher le prolongement de la zone, soit pour en reconnaître les limites et en étudier la constitution; et l'on peut affirmer que c'est en très grande partie à ses conseils et à sa direction que l'on doit d'avoir pu, en un temps aussi court et avec_un nombre relativement restreint d'explorations effectuées, eu égard à la grande superficie, résoudre les points les plus importants de la question à l'étude.

Cette part prise par M. du Souich dans la conquête du bassin houiller a été maintes fois reconnue et signalée par les ingénieurs qui furent ses coopérateurs, et par les savants qui furent les témoins compétents de ses efforts. Nous citerons particulièrement à cet égard le témoignage de M. Gosselet, professeur à la Faculté des sciences de Lille, qui, dans une lettre adressée il y a quelques années à M. Hébert, membre de l'Institut, au sujet de ses propres études sur le terrain houiller, et qui a été imprimée à Lille, écrivait cette phrase : « M. du Souich, alors ingénieur des mines à Arras, suivit avec le plus grand soin les recherches faites dans le pays. En maintes circonstances, il guida les travailleurs avec une science qui n'avait d'égale que sa modestie et son désintéressement, et c'est plutôt à lui qu'on pourrait appliquer en justice la phrase écrite par M. Reclus. » En parlant ainsi, M. Gosselet faisait allusion à un passage de la Géographie d'Elisée Reclus, où l'auteur, attribuant à M. Gosselet lui-même la découverte des houillères du Pas-de-Calais, disait : « Enfin les grandes houillères furent révélées, et cela grâce aux indications de la science pure ; ni le hasard, ni des recherches capricieuses n'y eurent la moindre part. En étudiant avec le plus grand soin les couches superficielles, M. Gosselet suivit par le regard de l'intelligence et délimita avec une grande précision les assises de houille qui continuent à l'ouest dans les profondeurs de la terre les gisements de la Belgique et du Nord. Guidés par lui, les ouvriers purent travailler à coup sûr, et creuser les puits de sondage précisément aux endroits favorables. »

Dans le banquet tenu le 10 juillet 1876 à Lens, pendant le Congrès de la Société de l'industrie minérale, banquet auquel assistait M. du Souich, M. Bollaert, agent général de la Compagnie de Lens, rendit hautement hommage, aux applaudissements unanimes des ingénieurs présents, « à M. du Souich, inspecteur général des mines, que tout le monde savait avoir, plus que personne, contribué par ses conseils à la découverte du bassin du Pas-de-Calais, et être l'auteur de sa remarquable division en concessions ».

Les services rendus par M. du Souich pendant seize ans au Pas-de-Calais avaient d'ailleurs attiré l'attention des administrateurs et du Conseil général du département, auquel il adressait chaque année un rapport détaillé sur les études faites et sur les progrès réalisés dans la recherche des gîtes minéraux. Aussi, lorsqu'on 1852 il dut quitter le poste qu'il avait si bien rempli pour aller, comme ingénieur en chef, à Saint-Etienne, le Conseil général émit un voeu tendant à ce qu'il fût rappelé à Arras, que l'on créât dans ce chef-lieu un poste d'ingénieur en chef, et que « l'ingénieur distingué, qui avait si puissamment contribué aux nouvelles découvertes de mines de houille », fût placé à la tête de l'arrondissement à créer.

Bassin du Boulonnais. - Nous n'avons parlé, dans ce qui précède, que des travaux de M. du Souich, qui ont porté sur le grand bassin houiller de Douai à Fléchinelle ; il nous reste à dire un mot des recherches faites dans le Bas-Boulonnais, auxquelles il prit également une part des plus importantes. Elles sont décrites en détail dans une Notice du 5 mars 1852, qui forme le compte-rendu des travaux effectués de 1847 à 1851.

Les recherches de la concession de Ferques, reprises à Leulinghen depuis le commencement de 1848, ont été continuées activement jusqu'en 1850, suivant le système arrêté dès le principe, et proposé aux exploitants par M. du Souich d'après les conditions générales que ses observations sur la constitution géologique du pays assignaient au gisement.

Ces recherches comportaient des questions très compliquées de géologie. M. du Souich a suivi pas à pas les explorations, en s'entendant au fur et à mesure avec les exploitants sur les points qui avaient besoin d'être discutés pour régler la marche des travaux. Les faits observés ont confirmé les conjectures émises par lui dès le principe sur la nature de ce gisement, et la supposition qu'il avait faite de l'existence d'une grande ligne d'accidents courant le long de l'étroite bande de Ferques, et se prolongeant jusqu'à Fiennes, où elle limite brusquement au nord le bassin d'Hardinghen, comme elle limite du même côté le gîte de Ferques. C'est une longue faille avec rejet, par suite de laquelle les terrains ont subi un abaissement considérable du côté du sud. La bande de Ferques, très étroite, ne présente ainsi que la partie basse du dépôt, dont la partie haute doit être rejetée dans la profondeur avec le calcaire carbonifère qui la recouvre et la cache.

L'épaisseur de ce calcaire a apporté de grandes difficultés aux recherches de Leulinghen, et elle devait être la cause d'obstacles sérieux, surtout pour l'exploitation.

Tous les faits constatés pendant les travaux, et qui ont une grande importance pour l'étude de la constitution de la localité, et en particulier des gîtes subordonnés au calcaire carbonifère, ont été recueillis par M. du Souich, ainsi que les observations de détail fournies par le directeur des travaux sur les caractères minéralogiques des calcaires composant les différentes assises.

Dans son compte-rendu de 1847, M. du Souich avait mentionné l'important résultat des travaux de recherches entrepris dans la concession d'Hardinghen du côté du couchant; on y voit la part prise par lui à ces recherches, qui avaient conduit à la découverte d'une nouvelle portion de bassin houiller, au delà de la limite que les anciens exploitants assignaient au gîte. Dans sa Notice de 1852, il fait ressortir les chances que présentent les recherches dans la partie septentrionale du gîte, en raison de la divergence qui existe du côté de l'ouest entre la direction des couches et même la ligne synclinale du bassin, et la grande faille formant la limite nord, divergence qui laisse de ce côté un développement plus considérable à la partie supérieure du gîte. Aussi en 1852, les travaux, encore peu avancés à cause des difficultés d'épuisement, avaient-ils déjà rencontré une couche, la première de celles connues dans les anciennes mines, et qui paraissait devoir prendre, dans le nouveau champ d'exploitation, un assez grand développement.

Il mentionne encore les travaux entrepris dans la région des anciennes mines, et l'opportunité de recherches dirigées vers la partie supérieure du gîte dans la partie la plus occidentale, recherches dont il n'a cessé de signaler l'importance à la compagnie concessionnaire.

Autres études. - Les études relatives au bassin houiller du Pas-de Calais n'ont cessé d'occuper M. du Souich, non seulement pendant son séjour à Arras, mais encore longtemps après qu'il eut quitté ce poste. Cette oeuvre de sa jeunesse ne perdit jamais de son intérêt pour lui.

Nous citerons, après les mémoires et notices déjà mentionnés, une Note écrite au crayon, et qui a été trouvée dans ses papiers. Elle date certainement des dernières années de sa carrière. Elle renferme des considérations géologiques générales sur le bassin franco-belge, avec des coupes de terrains, et la détermination du rôle des grands accidents et des failles que l'on a constatés ; nous y trouvons entre autres cette indication que ce grand bassin doit passer sous le détroit, et se relier avec les couches houillères des environs de Bristol et du pays de Galles; l'analogie des houilles de Bristol avec celles de la Belgique, tant sous le rapport de la composition chimique que sous celui de la position des lits, ne laisserait aucun doute à cet égard, quand même on ne pourrait donner une autre démonstration de ce fait, basée sur la stratification des terrains environnants.

M. du Souich a laissé d'ailleurs un grand nombre de dossiers relatifs à ses études sur le Pas-de-Calais, parmi lesquels nous citerons :

Des notes géologiques sur le bassin houiller du Nord ;

De nombreux relevés de sondages et des coupes de terrain avec notes sur les divers forages exécutés, et sur leurs prix de revient ;

Des notes diverses sur la topographie de la région ;

Des notes sur l'importance comparée de la production des divers bassins houillers ;

Des coupes géologiques du bassin du Pas-de-Calais, et les plans par concession;

Des coupes et profils géologiques, pris le long du chemin de fer, de Boulogne à Saint-Omer et de Boulogne à Calais ;

Des coupes géologiques des falaises du Boulonnais ;

Un plan, avec topographie souterraine, des concessions de Douvrin, Lens et Liévin ;

Une collection remarquablement riche d'empreintes végétales du terrain houiller du Nord et du Pas-de-Calais, avec un catalogue indiquant, par fosse et par veines, la provenance de chaque échantillon. Cette collection, commencée par lui pendant son séjour dans le Pas-de-Calais, contenait déjà un grand nombre de formes intéressantes et de types nouveaux lorsqu'il la communiqua, en 1872, à M. Zeiller pour l'étudier. Sur le désir de celui-ci, il s'attacha à la compléter, mettant à profit, pour réunir de nouveaux documents, ses tournées annuelles d'inspection, emportant même avec lui les spécimens encore incomplets pour les signaler à l'attention des ingénieurs exploitants et provoquer de leur part des recherches plus attentives. C'est ainsi qu'il parvint à réunir la magnifique série d'échantillons qui a permis d'entreprendre l'étude et là description de la flore fossile du bassin de Valenciennes. Il a fait don de cette belle collection à l'École des mines de Paris.

Citons encore :

Un relevé des fossiles trouvés dans les travaux des différentes fosses;

Un carnet de photographies de plantes fossiles, provenant de différentes régions, avec indication de leur gisement ;

Un journal d'observations pour l'exécution de la carte géologique détaillée du Pas-de-Calais ; ces observations vont jusqu'en 1844, et constituent un travail considérable ;

Enfin le texte de cette carte géologique.

Séjour à Saint-Étienne. - Au sortir du sous-arrondissement minérologique d'Arras , nous retrouvons M. du Souich à la tête de l'arrondissement de Saint-Étienne, absorbé, pendant près de onze ans, par les soins d'un service très chargé au point de vue de la surveillance des mines, et dont la charge s'augmenta encore du contrôle du chemin de fer de Rhône-et-Loire, puis, vers la fin, de la direction de l'École des mineurs.

Pour les mines, c'était le moment où la production et l'exploitation prenaient une extension de plus en plus grande, par suite du développement général de l'industrie ; aussi eut-il à traiter un grand nombre d'affaires d'une importance capitale, comme celles qui précédèrent et suivirent le décret du 23 octobre 1852 sur les réunions de concessions.

A cette époque, en effet, avaient surgi de graves difficultés, qui menaçaient d'aboutir à de véritables conflits entre les concessionnaires de mines et les industries si nombreuses dont la houille est l'aliment indispensable. La sagacité de l'ingénieur, l'esprit de justice qui l'animait, son dévouement qu'on savait absolument désintéressé, lui assurèrent bientôt une autorité morale qu'il sut mettre à profit pour amener l'apaisement des esprits, en même temps que les pouvoirs publics, éclairés par ses judicieux rapports, intervenaient pour imposer la solution la plus favorable à l'intérêt de tous.

Il eut aussi à donner son avis à propos d'accidents d'une gravité exceptionnelle, comme il s'en présente malheureusement de temps en temps dans le bassin houiller. C'était aussi l'époque où de grandes améliorations dans les méthodes d'exploitation commencèrent à être introduites.

D'un autre côté, la métallurgie prenait une importance croissante; et, dans la Loire en particulier, plusieurs lignes nouvelles de chemins de fer furent construites dans cette période.

M. du Souich apporta dans ce service le zèle et le dévouement qui étaient dans sa nature; il y fit, comme partout, preuve de connaissances scientifiques et pratiques approfondies, et d'un esprit d'observation qui lui permettait de discerner la vérité dans les circonstances les plus difficiles.

Nous citerons, en particulier, l'observation faite par lui sur le rôle des poussières dans les accidents de grisou, et qui, à notre connaissance, a été la première de ce genre faite en France.

C'était à propos d'une explosion survenue le 29 août 1855 au puits Charles, de Firminy. Le feu avait été mis au grisou par une lampe de mineur détamisée. M. du Souich fit une visite minutieuse des travaux, et, dans son avis, après avoir expliqué en détail comment l'accident s'était produit, il ajoutait : « Ici, du reste, on pouvait constater des faits qui expliquent une partie des déplorables effets de ces explosions, et comment elles sont aggravées par des phénomènes secondaires dérivant du phénomène primitif. On pouvait recueillir, en divers points, sur les buttes une sorte de croûte composée d'un coke léger, qui ne peut provenir que de la poussière de houille balayée dans les chantiers et sur le sol des galeries, et transportée au loin par le courant d'une extrême violence que produit l'explosion. Cette poussière de houille, se trouvant elle-même en partie enflammée, peut continuer les effets du grisou en les portant plus loin. »

Depuis lors cette observation des croûtes de coke et de l'effet des poussières a été maintes fois répétée lors des accidents de grisou survenus dans les mines poussiéreuses et sèches ; mais c'est à M. du Souich que l'on doit chez nous d'avoir le premier attiré l'attention des ingénieurs sur ce fait d'une importance capitale.

Inspection générale. - Parmi les importants travaux auquel M. du Souich a pris part comme inspecteur général, deux surtout attireront notre attention, parce qu'ils ont donné lieu à la confection de deux rapports remarquables.

Le premier, qui date de 1879, est celui adressé à la Commission du grisou, et qui a été publié dans la deuxième livraison des Annales des mines de 1881 ; il a pour titre « Rapport sur la réglementation de l'exploitation dans les mines à grisou ». L'auteur y indique d'abord les règlements actuellement en vigueur dans divers pays étrangers et en France, en faisant ressortir les modifications qui se sont successivement produites dans la réglementation, et en donnant le détail des mesures de sûreté adoptées pour le travail des mines en général, et en particulier celles qui concernent le grisou; il fait connaître, non seulement les règlements généraux, mais encore les règlements particuliers intérieurs les plus remarquables.

Après avoir passé ainsi en revue les régimes anglais, prussien et belge, puis le régime français, et les actes administratifs divers relatifs à la sûreté des mines, ainsi que les règlements particuliers des mines du Gard, de l'Hérault, des Bouches-du-Rhône, de Saône-et-Loire, du Puy-de-Dôme, du Pas-de-Calais, du Nord et de la Loire, il termine en indiquant les dispositions à adopter dans les nouveaux règlements,

La Commission instituée par M. le Ministre des travaux publics, au commencement de 1881, pour la révision des instructions relatives aux redevances, à la suite de plusieurs avis du Conseil général des mines, a chargé M. du Souich, alors vice-président du Conseil, de lui présenter un rapport d'ensemble et des propositions pour servir de base aux discussions ultérieures.

La nécessité d'une révision paraissait dictée par l'existence des difficultés que soulevait annuellement le travail pour l'assiette des redevances, et des contestations sans cesse élevées entre les exploitants et l'administration, contestations que les variations, plus d'une fois renouvelées, de la jurisprudence établie par les instructions ministérielles, et même par des décisions du Conseil d'État au contentieux, ne faisaient que multiplier et aggraver ; ces difficultés pouvaient occasionner un sérieux préjudice au Trésor lui-même en influant sur la sincérité des déclarations des exploitants.

Il s'agissait de revoir les instructions et d'étudier les réformes à y introduire, en arrêtant définitivement les règles à suivre à l'avenir, et avant tout d'établir les principes qui doivent servir de base à ces règles.

Nul, mieux que M. du Souich, n'était indiqué pour un travail de ce genre, à cause de sa longue pratique du service ordinaire des mines, sa connaissance profonde de la jurisprudence, et par son esprit droit et son amour de la justice.

Le volumineux rapport qu'il a présenté à la Commission embrasse tous les côtés de la question, en les éclairant. Il passe d'abord en revue les systèmes proposés précédemment pour l'assiette des redevances, les discute et donne les motifs qui les ont fait rejeter; il insiste sur la nécessité de maintenir le principe de la loi de 1810, l'impôt sur le produit net déterminé par la différence entre le produit brut de l'année d'exploitation et les dépenses de la même année. Il établit ensuite la manière dont le produit brut doit être compté, en ne considérant que les matières livrables au commerce et à la consommation, et non les produits transformés, et en ne prenant que l'extraction de l'année, et non les produits des ventes. Il établit le mode à suivre dans la détermination de la valeur du produit brut, et traite la question des pertes à en déduire, celle des produits non vendus mais restant destinés à la vente, celle des produits utilisés par le concessionnaire lui-même, enfin celle des redevances tréfoncières et autres. Il passe ensuite à l'évaluation des dépenses, et examine successivement les dépenses de premier établissement et leur mode de paiement, ainsi que les questions ayant trait à la nature de ces dépenses ; puis les dépenses d'exploitation, et parmi elles les subventions aux caisses de secours, et les secours de toute sorte accordés aux ouvriers et à leurs familles, les frais concernant la livraison des produits à la consommation et les voies de communication; enfin les frais généraux, et entre autres ceux qui soulèvent des questions toujours délicates, comme les impôts, les primes d'assurances, les frais de procès, frais de voyages, pertes par faillites, frais généraux d'administration au siège des sociétés.

Après avoir donné sur ces divers points des avis toujours marqués au coin de l'équité et de la raison, il résume dans un article à part les règles à suivre, en partant de ce principe qu'on doit tenir compte, dans l'évaluation de la redevance proportionnelle, d'une part de tous les éléments qui entrent dans la valeur des produits pour la détermination de cette valeur, et d'autre part de toutes les dépenses qui concourent à la réalisation des mêmes produits, aussi bien que de celles qui sont nécessitées par l'exploitation ou qui sont occasionnées par elle.

Nous devons dire que les règles posées par M. du Souich n'ont pas été complètement admises par l'Administration, mais son travail n'en restera pas moins un document précieux à consulter si la même question vient à se représenter.

Conseil d'hygiène. - Qu'il nous soit permis de rappeler ici, après M. Troost, membre de l'Institut, le concours actif prêté, pendant vingt ans, par M. du Souich aux travaux du conseil d'hygiène publique et de salubrité du département de la Seine. Là, comme dans toutes les fonctions qu'il a remplies, il a montré un zèle et un dévouement constants. Dans ses rapports, toujours consciencieusement étudiés, aucun élément d'information n'était négligé, toutes les faces des questions étaient discutées, et toujours il savait trouver des solutions équitables pour satisfaire à la fois des intérêts souvent opposés et en apparence inconciliables.

Grâce à sa compétence exceptionnelle, les questions soumises au Conseil d'hygiène ont souvent pris un caractère général, et les délibérations sont devenues les éléments de prescriptions administratives applicables à la France entière. C'est ainsi que, d'après ses conclusions, a été réglementée l'industrie du celluloïd; c'est également lui qui a formulé les conditions à imposer, dans l'intérêt de la santé publique, aux fabriques de superphosphates et de sulfates d'ammoniaque. Il était enfin celui qui connaissait le mieux l'industrie des hydrocarbures, ses usines de distillation et de rectification, ses dépôts et ses débits.

L'étendue et la variété de ses connaissances lui permettaient d'intervenir dans toutes les discussions, et toujours ses avis étaient écoutés avec une respectueuse déférence.

La mise à la retraite de M. du Souich, lorsque l'âge fatal en fut arrivé, a provoqué les témoignages des plus vifs regrets de la part de ses collaborateurs, et ces regrets se sont traduits d'une manière exceptionnelle au Conseil général des mines et à la Commission centrale des machines à vapeur, par des ordres du jour exprimant les sentiments unanimes des membres de ces assemblées.

Au Conseil général des mines, M. l'Inspecteur général Daubrée exprima les regrets du Conseil, qui perdait un guide aussi sûr et éclairé que bienveillant et sympathique; il ajouta que M. du Souich, par un séjour prolongé dans les principaux centres de l'industrie minérale, avait acquis une connaissance approfondie de l'art et de la législation des mines, qu'il s'était créé, comme géologue, un titre d'honneur impérissable lors de la découverte du prolongement du terrain houiller dans le Pas-de-Calais, le premier aujourd'hui de nos départements pour la production de la houille ; que, dans les délicates fonctions de la présidence du Conseil, il avait su faire apprécier l'étendue de son savoir, la sagacité de son esprit, la rectitude de son jugement et la parfaite loyauté de son caractère.

A la Commission centrale, M. l'Inspecteur général Jacquot se fit l'interprète des mêmes sentiments, en exprimant le regret que M. du Souich n'eût pas été maintenu, malgré sa mise a la retraite, à la présidence de la Commission, qu'il avait si dignement occupée pendant plusieurs années. Il rappela les grands services rendus par lui, et dit qu'à côté de ses titres scientifiques tous avaient été témoins de la conscience et de la bienveillance qu'il apportait dans la direction des travaux de la Commission. Nous rappellerons encore les éloges décernés à la mémoire de M. du Souich lors de ses funérailles, le 16 avril 1888, par M. Linder, vice-président du Conseil général des mines, et par M. Troost, parlant au nom du Conseil d'hygiène.

Nous ne pouvons que nous associer aux paroles d'éloges et de regrets prononcées par des voix plus autorisées que la nôtre. Qu'il soit toutefois permis à un ingénieur qui a été, pendant plusieurs années, sous les ordres directs de M. du Souich, et qui, pendant plus de vingt-cinq ans, a entretenu avec lui des relations fréquentes et toujours amicales, d'appuyer sur ses éminentes qualités de coeur et d'esprit. D'un caractère toujours égal et éminemment bienveillant, c'était, en même temps qu'un excellent ingénieur et un fonctionnaire modèle, un homme d'une grande bonté, d'une modestie rare, d'un parfait désintéressement, d'un jugement droit, et un ami d'excellent conseil.

Des hommes comme lui laissent dans le coeur de leurs amis un souvenir impérissable. Que l'expression unanime des regrets exprimés par tous ceux qui l'ont connu soit une consolation pour cette famille, si rudement éprouvée par la perte de son chef, pour ces enfants, dont il était le guide bien-aimé, pour cette femme, modèle des mères de famille et des épouses, qui a vu briser une union de quarante-trois années, toujours demeurée sans nuages, par la plus cruelle des séparations.