Max C. STEGEMANN (1861-1900)

Ancien élève de l'Ecole des mines de Paris : admis en classe préparatoire le 15/8/1879, classé 10 ; admis comme externe le 22/10/1881, classé 7 ; mis en congé illimité en 1882. Quoique le registre matricule de l'Ecole des mines ne porte pas indication d'une date de diplôme, on peut supposer qu'il devint Ingénieur civil des mines d'après les indications ci-dessous.


Bulletin de l'Association amicale des anciens élèves de l'Ecole des Mines, janvier 1901

Notre camarade, Max C. Stegemann, à qui une brillante santé paraissait réserver un avenir plus long, a été brusquement emporté par une congestion cérébrale dans la nuit du 27 au 28 décembre ; il n'était âgé que de 39 ans étant né le 1er décembre 1861, à Narbonne.

Très vigoureux et très énergique, il avait accompli une grande partie de sa carrière au loin, résistant admirablement aux maladies fréquentes dans les pays neufs et il se disposait encore à partir pour un certain temps lorsqu'il succomba.

Il avait le tempérament colonial qui exige la sobriété tout en permettant une dose considérable de travail. On peut dire cependant qu'il travailla trop, en ces dernières années surtout, où le souci de l'avenir de sa jeune famille semblait l'absorber particulièrement.

Entré jeune à l'Ecole nationale supérieure des Mines, il eut le malheur de perdre son père au cours de ses études qu'il dut interrompre de ce fait pour accepter une situation qui lui était offerte au Sénégal, où il éprouva des difficultés de toutes natures. Mais dès qu'il eut fait des économies suffisantes, il vint reprendre les cours quittés à regret et achever son instruction technique.

Aussitôt commença sa carrière d'ingénieur des Mines. En effet, en 1883, il entrait aux mines de fer d'Aïn-Sedma, en qualité de chef d'exploitation.

En 1884, il passe aux mines des Bonnettes où il est chargé des travaux de recherches en même temps que des études du traitement mécanique des minerais.

La même année, il s'engage au service des exploitations aurifères de la Cortada de San Antonio, en Colombie.

En 1886, il devient directeur des exploitations hydrauliques aurifères de Bucaramanga, en Colombie.

En 1889, il est appelé à la direction des exploitations aurifères de la Cortada de San Antonio.

En 1891, il est nommé ingénieur en chef de la Compagnie française de Segovia, dont les exploitations aurifères en Colombie appartiennent au même groupe financier que celles de la Cortada.

Puis, en 1892, il rentre en France prendre un peu de repos et accepte cependant diverses missions, notamment au Galayo, mines de zinc et de plomb argentifère, en Espagne, puis en Galicie, où il étudie un nouveau centre pétrolifère.

Se souvenant de son séjour au Bormettes, il va sur place étudier les transformations opérées pendant les dernières années dans cette intéressante exploitation.

En 1893, il accomplit une série de missions, aux gisements de cuivre d'Aïn-Sefra, aux mines de galène et blende argentifères de Posadas y Hornachuclos, etc.

Il profita de son congé en France pour se marier et ne tarda pas à repartir, avec sa courageuse jeune femme, pour la Colombie.

Il s'agissait de remonter sur de nouvelles bases une affaire qui périclitait depuis plusieurs années et qui avait absorbé déjà des capitaux importants. Il avait, pendant son séjour en Europe, étudié les méthodes nouvelles appliquées aux minerais d'or et il transporta en Colombie ces procédés perfectionnés, pour le plus grand bien de l'affaire dont il était directeur, la Société de Travaux miniers.

Cependant, les conditions de la vie matérielle étaient pénibles; sa femme et un jeune enfant s'anémiaient sous ce climat débilitant, lui-même était fatigué de l'effort considérable produit sur place et comme il avait mis au courant son successeur, son engagement terminé, il rentra en France décidé à ne plus habiter d'une manière continue des pays aussi insalubres.

Après quelques missions, il accepta, en 1896, la direction en Sardaigne, des Mines de Malfidano, dont il compléta les importantes laveries de Buggeru et de Malfidano tout en installant la perforation électrique.

De retour en France, il se chargea, en 1898, de missions à Almuñecar (calamine), aux Picos de Europa (calamine).

A la fin de la même année, il prit la direction des mines de Frongoch, en Angleterre ; ces mines, à peu près abandonnées, étaient à réorganiser pour exploitation de galène et de blende avec installation d'une laverie mécanique.

Ce fut son dernier séjour un peu prolongé à l'étranger : il vint, en 1899, établir sa famille à Paris, et tout en étant ingénieur conseil de différentes sociétés, il entreprit une série de missions; les plus importantes furent les suivantes :

A Tercer Resguardo (fer), près de Santander ;

Aux mines des Cévennes, à Ganges (blende, calamine) ;

Aux gîtes du Grenouillet (calamine) ;

A Gava (fer), et Villareal (galène et blende), en Espagne ;

Aux mines d'Arre et d'Anglas (plomb, blende et préparation mécanique) ;

Aux gisements de lignite et aux fabriques de ciment de Zumaya et Hernani ;

Aux gisements de fer de Tolosa, et aux gisements filoniens de cuivre, blende et galène de Berastegui ;

Aux gisements de Djebel Ressas, en Tunisie (calamine, galène étude de préparation mécanique) ;

Aux mines de Bou-Jaber (zinc et plomb) ;

Aux mines de Rouached (calamine) ;

Aux mines de Bou-Thaleb (zinc) ;

Aux mines de Sentein, May de Bulard et Cadarcet (blende, galène, étude de préparation mécanique) ;

Au Bou-Thaleb (deuxième mission) ;

Au Cap Garonne (cuivre).

Enfin, en dernier lieu, à Huelva (gisement de pyrites et pyrites cuivreuses et prospection de divers groupes de concessions dans la région de Merida, province de Badajoz).

Stegemann parlait l'espagnol comme le français et possédait suffisamment l'italien et l'anglais.

Il avait étudié d'une manière très particulière la géologie et la minéralogie.

Il s'était spécialisé dans les affaires de mines d'or, de zinc et de cuivre et dans les questions délicates de préparation mécanique et d'enrichissement de minerais.

Aussi était-il recherché comme ingénieur conseil, ce qui lui valut les nombreuses missions de prospection ou d'expertise, que nous avons résumées.

Malgré cela, sa modestie resta toujours la même et sa conscience inébranlable l'écarta plus d'une fois du commencement de la fortune.

Il fit, en toute circonstance, preuve d'une énergie dont lui surent gré ceux qui l'avaient choisi : attaqué, pendant une nuit, en Colombie, par des gens qui le savaient en possession d'une masse d'or assez importante, il eut le courage, seul, de les repousser quoique blessé à la main ; il perdit d'ailleurs un doigt dans cette circonstance.

Il avait la même ténacité dans les affaires et grâce à l'esprit d'ordre et de méthode qu'il joignait a une connaissance approfondie de son métier, il ne mérita que l'estime et l'affection de tous, de ses chefs comme de ses subalternes.

M. Stegemann est mort trop tôt, laissant une tâche inachevée puisque sa veuve reste avec trois jeunes enfants dont l'aînée n'a que sept ans.

Tous ceux qui l'ont connu ont reporté sur sa jeune famille les sympathies qu'avaient conquises l'ingénieur consciencieux et l'homme de coeur qui fut un de mes meilleurs amis.

L. TRIOULEYRE.