Albert TASTU (mort en 1915)

Ancien élève de l'Ecole des mines de Paris (promotion 1905). Ingénieur civil des mines.


Publié dans Bulletin de l'Association amicale des anciens élèves de l'Ecole des mines de Paris, Août 1916 :

Albert Tastu, tué glorieusement le 12 janvier 1915, « a maintenu pendant quatre heures sa section dans une situation particulièrement difficile, entourée presque de tous côtés. Blessé une première fois, n'a pas abandonné le commandement de sa section ; a été tué deux heures après, à son poste. »

Telle est la belle citation de notre camarade, patrimoine d'honneur noblement recueilli pour ses enfants ; expression aussi, pour ceux qui l'ont connu, d'une parfaite harmonie entre sa vie et sa mort. Sachant tout ce qui disparaît avec lui, connaissant le bonheur profond de son foyer détruit, ayons du moins la consolation de penser que sa mort est bien celle qu'il avait méritée, dans le devoir accompli jusqu'au bout, simplement et pour la plus belle des causes.

Au temps déjà lointain où se formait à l'Ecole notre belle promotion, famille restée étroitement unie et maintenant cruellement éprouvée, nul ne pouvait mieux qu'Albert Tastu prétendre s'entourer d'un faisceau de solides amitiés et d'une universelle sympathie. C'est que notre camarade avait pour lui l'extrême bienveillance de son caractère, sa souriante bonté et une trop grande modestie, qui voulait dissimuler les supériorités qui s'affirmaient pourtant en lui. Profondément et passionnément artiste, esprit scientifique, causeur intéressant, psychologue pénétrant et sincère, car il aimait s'examiner lui-même, il révélait bien vite les qualités d'une nature exceptionnellement douée.

L'idéal dont il était épris avait décidé du choix de sa carrière ; au sortir de l'Ecole, il avait voulu être mineur, attiré par la poésie du métier, par l'activité imposée par lui, et aussi par le désir d'apprendre à connaître l'ouvrier et de lui rendre service. Entré à la Compagnie de Marles, il y passa quelques années pour aller ensuite aux Mines de Bourges. Hautement apprécié de ses chefs, il le fut aussi par ses ouvriers, obtenant ainsi un résultat bien rarement atteint. Parmi les regrets que laissera derrière lui notre camarade, ceux du personnel qu'il dirigeait ne seront pas les moins amers.

Lors de la catastrophe de la Clarence, Tastu s'était montré sous son vrai jour. En compagnie de notre camarade Lécrivain, lui aussi tué à l'ennemi, il n'avait pas hésité à exposer sa vie pour sauver celle des malheureux ensevelis. Pendant de longs jours, il parcourut les galeries démolies et incendiées, espérant contre tout espoir. Mais, toujours modeste, il voulut que le silence fût gardé sur sa conduite : seuls la connurent quelques-uns de ses amis, non pas par lui, mais par ceux qui l'avaient vu à l'œuvre.

A la déclaration de guerre, Tastu partit joyeusement dès les premiers jours. Blessé à la bataille de la Marne, il retourna au front à peine guéri, avec les galons de sous-lieutenant gagnés sur le champ de bataille. Il était prêt à faire le sacrifice de sa vie : Dieu le lui a demandé. En bon chrétien qu'il avait toujours été, il l'a offert pour la France et pour les siens : Albert Tastu sera avec nous le jour de la victoire et nous ne l'oublierons pas. Que sa veuve et ses enfants reçoivent ici le témoignage ému de notre admiration pour notre camarade et la promesse que son souvenir vivra toujours en nous.

H. Petitcollot