Léon THIBAIRENQ (1854-1896)


Thibairenq, élève de l'Ecole des Mines de Paris
(C) Photo collections ENSMP

Ancien élève de l'Ecole des mines de Paris (promotion 1876) : admis aux cours préparatoires le 22/8/1875 classé 4, admis comme externe le 21/10/1876 classé 11, volontaire militaire en 1878-1879, malade en 1879-1880, il est breveté le 8/6/1881 classé 10. Ingénieur civil des Mines.


Bulletin de l'Association amicale des anciens élèves de l'Ecole des Mines, Octobre 1896

L'industrie minérale de la France extérieure vient de perdre un de ses plus actifs, un de ses plus compétents pionniers.

Le câble télégraphique nous a apporté la nouvelle soudaine de la mort de notre camarade Léon Thibairenq, qui, depuis une année, était à la tête d'une importante entreprise minière française récemment créée dans le royaume de Siam.

Dans toute la force de l'âge, Léon Thibairenq, a été atteint à son poste de directeur général des Mines de Watana, par une de ces maladies que l'on contracte souvent à la suite d'expéditions trop multiples dans les pays chauds, et il a succombé le 2 octobre dernier, devant notre poste d'occupation, à Chantaboun, sur le paquebot Donnaï, des Messageries fluviales de Cochinchine, qui le conduisait de Bangkok à Saïgon, où il allait chercher un changement d'air et des soins plus assidus à l'hôpital français de cette dernière ville.

Cette fin prématurée a profondément impressionné ses amis et tous ceux de nos camarades qui le connaissaient et qui appréciaient sa valeur et sa modestie. Elle jette dans la douleur une veuve inconsolable et deux fils encore dans l'enfance.

Hommage soit rendu à la mémoire de notre regretté camarade, à la persévérance, digne d'un meilleur sort, dont il a toujours fait preuve, avec une grande énergie, durant toute sa carrière si bien remplie, consacrée presque entièrement à l'exploration et à l'exploitation des mines lointaines, toujours à la satisfaction des Sociétés minières qui ont eu recours à ses services.

Né à Béziers, le 18 septembre 1854, Léon Thibairenq entra, en 1876, en qualité d'élève externe, à l'Ecole nationale supérieure des Mines de Paris, et en sortit breveté ingénieur civil des Mines.

Après un an de service militaire, il prend la direction de l'Exploitation de la Société française des Mines de Santa-Cruz, au Honduras, où il crée une usine d'or de trente pilons, qui donna une production assez importante.

Puis il va en Guyane française diriger les mines d'or de la Société la Mana dont il établit aussi les pilons et l'usine de traitement.

Plus tard, et à une époque où l'existence des gîtes aurifères à Madagascar était à peine connue des Européens, il part en mission d'exploration dans la grande île africaine, où, durant une année entière, il poursuit ses reconnaissances minérales et où il est assez heureux pour établir les premiers chantiers de lavage au canal et de production aurifère sur les concessions Suberbie.

Il part ensuite pour la République Argentine chargé d'une mission d'étude et d'exploration de gîtes aurifères situés près de Jujuy.

Enfin, en 1890, on le voit au Brésil, dans la province de Minas-Geraes, reconnaître les gisements aurifères de Palmella.

A son dernier retour d'Amérique, commençant sans doute à sentir la fatigue de ses séjours incessants dans les climats tropicaux, il songe à rester en Europe où, durant ces dernières années, il dirige en Espagne une exploitation de calamine, à Almuñecar, en Andalousie.

Mais bientôt, la nostalgie des forêts vierges lui revient. Comme tous ceux qui ont éprouvé le charme particulier des régions équinoxiales, de leurs solitudes, de leur grande lumière et de leur ciel d'azur, il y est de nouveau attiré, oubliant les peines qu'on y supporte, les difficultés et les périls qu'on doit y surmonter. C'est ainsi que notre courageux camarade n'hésita pas à accepter, l'an dernier, le poste où il vient de succomber, après une année entière de labeur continu, en dépit de la saison des pluies qu'il venait d'y traverser, mais oubliant peut-être un peu qu'il n'avait plus le degré de résistance de ses premières campagnes.

Durant les courts loisirs de ses multiples voyages, il avait publié, en outre de plusieurs rapports de mission, divers articles techniques dans les périodiques s'occupant d'industrie minière.

On peut dire qu'il est mort sur la brèche et au service des intérêts miniers français en Indo-Chine, ayant malheureusement trop demandé à son organisme moins fort que sa volonté.

Son corps doit être ramené en France par les soins de la dernière Compagnie qu'il a servie, et ainsi sa famille et ses amis vont pouvoir lui rendre les derniers honneurs.

Interprète de tous ceux de nos camarades qui ont connu estimé et apprécié Thibairenq, ses nombreuses qualités, sa valeur comme ingénieur spécialiste en matière de mines d'or, son excellent coeur, nous adressons, en terminant ces lignes, à sa famille éplorée, à sa veuve et a ses enfants, l'expression de notre plus douloureuse sympathie.

Paris, 18 novembre 1896.