Henry WALCKER (1873-1912)


Photo de Henry WALCKER en 1910
aimablement fournie par Henry Carbonnel,
CERCLE LES AIGLES CHENARD & WALCKER

Ingénieur civil des mines de la promotion 1895 de l'Ecole des Mines de Paris.

Frère de Edouard WALCKER (ingénieur civil des mines diplômé de l'Ecole des Mines de Paris).


Henry Walcker en 1898, élève de l'Ecole des Mines de Paris
(C) Photo collections ENSMP


Bulletin de l'Association des Anciens élèves de l'Ecole des Mines de Paris, décembre 1912

Henry WALCKER
7 août 1873 - 2O juin 1912.

Nous avons eu la douleur de perdre en juin 1912, un de nos plus distingués camarades, Henry WALCKER, qui était membre de notre Association depuis l'année 1909.

C'est avec une véritable stupeur que ses collègues du Comité et ses nombreux amis ont appris la triste nouvelle de sa mort, Notre camarade, âgé de trente-huit ans, jouissant d'une si belle-santé, si gai, si heureux de vivre, a été terrassé par une maladie soudaine et enlevé en l'espace de quelques jours..

Né à Argenteuil, le 7 août 1873, Henry WALCKER avait fait de brillantes études littéraires et scientifiques au lycée Condorcet et au lycée de Versailles où il fit ses spéciales. Entré à l'École des Mines en 1895, il y puisa cette culture générale technique qui assouplit l'esprit et permet d'accéder à toutes les carrières si diverses s'offrant au choix de l'ingénieur, en lui laissant ensuite la faculté de se spécialiser, le moment venu, suivant ses goûts et ses aptitudes. A sa sortie, en 1898, l'industrie automobile était en plein essor. Très passionné de mécanique, Henry WALCKER devait être attiré par la locomotion nouvelle.

Il entra à l'Automobile-Club en qualité de secrétaire technique adjoint sous l'égide de notre camarade Henri de la VALLETTE. Là, il put apprécier tout l'avenir qui était réservé à cette merveilleuse industrie. Son choix fut vite fait, il serait l'un des pionniers de l'industrie nouvelle de la construction des voitures automobiles. Il appartenait, d'ailleurs, à une famille dans laquelle l'esprit d'entreprise était un héritage paternel.

Il s'associait en 1899 avec M. CHENARD qui, après avoir fondé à Asnières une usine pour la construction des cycles, avait déjà entrepris la construction des motocycles. La nouvelle maison CHENARD et WALCKER attaqua tout de suite la construction des voiturettes, type de véhicules qui, à cette époque paraissait appelé au plus grand avenir. Mais l'expérience montra que ce type de machines était trop léger et ne comportait pas des organes suffisamment résistants pour être à l'abri d'usures anormales. CHENARD et WALCKER se lancèrent résolument dans l'étude et la construction de la voiture proprement dite. Avec la précision d'un esprit façonné par les plus sérieuses études scientifiques et guidé par l'expérience déjà acquise, WALCKER traça un programme net et pratique pour la construction d'un châssis robuste et simple. En moins d'une année, un type de voiture avec moteur à deux cylindres de dix chevaux environ était mis au point et c'est avec ce modèle que les constructeurs ne craignirent pas de se lancer dans les divers concours de consommation et de régularité qui furent institués de 1900 à 1903. Ils eurent la satisfaction de triompher souvent. En particulier, au grand concours de l'utilisation de l'alcool (circuit du Nord 1902), la voiture pilotée par Henry WALCKER lui-même obtint le premier prix de plus faible consommation.

Grâce à ce succès, leur maison, inconnue jusque là, fut mise en vedette et trouva une clientèle d'acheteurs qui apprécièrent bien vite le soin minutieux apporté dans le montage et la mise au point des moindres détails de construction.

L'affaire se développa rapidement et fut transformée en 1905 en Société anonyme, dont WALCKER devint administrateur délégué.

Il ne nous est pas possible, dans un cadre aussi étroit, de décrire, même sommairement, toutes les inventions et perfectionnements apportés par notre camarade dans l'industrie automobile. Qu'il nous suffise de dire que dans toutes les expositions, les différentes épreuves et concours, la Maison CHENARD et WALCKER a toujours obtenu les plus belles récompenses. En quelques années elle a pu créer une industrie très prospère occupant aujourd'hui environ 500 ouvriers.

En outre de ses aptitudes scientifiques, WALCKER était doué d'une compétence toute spéciale dans les questions commerciales, aussi organisa-t-il d'une façon remarquable tous les rouages de sa Société.

Telle a été la belle carrière de notre regretté camarade et c'est au moment de trouver dans le succès final le couronnement d'une vie de travail, qu'il a soudainement succombé en laissant une jeune veuve, digne compagne d'un homme de coeur comme lui, des enfants chéris auxquels il consacrait ses rares heures de loisir, une famille éplorée qui perd en lui un excellent fils, un frère bien-aimé.

Pendant qu'il s'élevait par son travail opiniâtre, WALCKER conservait les sentiments de bonne camaraderie dont il avait déjà fait preuve pendant son séjour à l'École. Sa franche et gaie cordialité lui attirait la sympathie de tous ceux qui l'approchaient. Son ardeur à rendre service l'amena à s'occuper des camarades plus jeunes ; il s'intéressa à leurs travaux et sut accueillir plusieurs d'entre eux qu'il plaça dans divers services de sa Société.

C'est avec la meilleure bonne grâce que, malgré ses nombreuses occupations, il accepta d'être présenté en 1909 à l'élection de ses camarades pour devenir membre du Comité de l'Association. C'était un zélé, il assistait régulièrement aux séances du Comité et ses collègues étaient heureux de recueilir ses avis éclairés. Il était au milieu de nous à la séance du 5 juin et rien ne faisait pressentir qu'une mort prématurée dût nous ravir si soudainement cet excellent et bien regretté camarade.

Aux obsèques qui ont eu lieu à Asnières, M. Henry, président du Conseil d'Administration de la Société anonyme des anciens établissements CHENARD et WALCKER, a apporté un suprême hommage à son regretté collègue et a prononcé le discours suivant :

Au nom du Conseil d'Administration de la Société CHENARD et WALCKER, je viens rendre un dernier hommage à la mémoire de notre ami WALCKER, directeur et fondateur de notre Société.

A la sortie de l'École des Mines, WALCKER associait sa destinée à celle de M. CHENARD.

CHENARD et WALCKER, ces deux noms synthétisent quinze années de collaboration fidèle, de travail acharné, de difficultés vaincues. A l'oeuvre commune, WALCKER apportait une vive intelligence, une belle énergie, une confiance absolue dans l'avenir et une bonne humeur inaltérable.

Sa compétence embrassait avec la même aisance les questions techniques, financières et commerciales.

C'était un administrateur prévoyant, un directeur incomparable, un ami fidèle. C'était aussi et par dessus tout, un époux modèle et le plus tendre des pères.

En quelques jours, la mort impitoyable a enlevé cette nature d'élite et plongé sa famille et ses amis dans une profonde douleur. Il n'est cependant pas complètement perdu pour nous, il laisse son nom attaché immuablement aux destinées de notre Société et ce sera notre tâche et notre honneur de l'amener au rang qu'il avait rêvé pour elle.

Il nous reste une autre consolation, celle de penser, comme il le pensait lui-même, qu'il trouvera dans un autre monde la récompense légitime de sa vie laborieuse et féconde.

M. Jacoupy, trésorier de l'Association Amicale, a pris ensuite la parole au nom de l'Association et a présenté à la veuve si éprouvée, à sa famille éplorée, à ses frères, l'expression respectueuse et émue de la douloureuse sympathie ressentie par tous les camarades en présence de ce deuil cruel. Il a adressé un dernier adieu à l'ami sincère que notre Association a perdu et dont nous conserverons fidèlement le souvenir.

L. JACOUPY.


la société Chenard et Walcker, son équipe de « Mineurs » et les débuts de l'Automobile

par René Retel (P 12), Lauréat de l'Institut.

Le texte qui suit a été publié en 1964 dans le numéro du Bulletin de l'association des anciens élèves de l'Ecole des mines de Paris, à l'occasion du centenaire de la création de l'Association :

Rappeler l'activité de WALCKER (P 1895), J. RETEL (P 1905), H. TOUTEE (P 1906) et DEMAN (P 1907), c'est en quelque sorte retracer l'histoire de l'Automobile depuis ses débuts jusqu au moment où cette industrie sort de la période de la création proprement dite pour entrer vers 1930 dans l'ère industrielle de la fabrication en grande série.

C'est en effet en 1896 que Walcker s'associe avec Chenard, réalisateur en 1895 d'un tricycle à pétrole cédé à des constructeurs anglais, pour fonder la Société Chenard et Walcker et entreprendre la construction de voitures automobiles.

M. Chenard, mécanicien consommé, s'occupait plus particulièrement de la fabrication, Walcker des questions financières et commerciales, tous deux collaborant pour les questions techniques.

C'est de cette période que datent deux caractéristiques que les voitures Chenard et Walcker devaient conserver longtemps : un pont AR double qui leur donnait une grande robustesse et un carburateur spécial qui leur assurait une consommation très réduite, qualités qui furent à l'origine de nombreux succès dans les compétitions sportives auxquelles Walcker, très dynamique, n'hésitait pas à participer.

La jeune société prenait rapidement son essor et le développement de l'usine de Gennevilliers, créée en 1905, amenait Walcker à faire appel, en 1909, pour le seconder, à Jean Retel qui venait de terminer un stage d'une année chez Renault.

Il s'assurait également peu après la collaboration de Henri Toutée pour les études techniques, puis en 1910 celle de Georges Deman à qui il confiait la direction des services d'approvisionnement, poste qu'il devait conserver jusqu'à sa retraite.

Malgré la disparition de M. Walcker en 1912, des suites d'une appendicite opérée trop tardivement, l'équipe qu'il avait constituée n'en continuait pas moins à développer la Société et, sous son impulsion, en dépit de la mort de M. Chenard survenue en 1922, la production de 25 voitures par mois de 1909 croissait régulièrement pour atteindre 1 000 voitures en 1930.

Ce développement remarquable a été le fruit d'une organisation intelligente et méthodique appuyée par les perfectionnements techniques incessants que H. Toutée apportait successivement aux modèles nouveaux dont la création était décidée chaque année aussitôt le Salon de l'Automobile terminé.

C'est ainsi que les voitures Chenard furent les premières à être dotées de pistons en aluminium (1911), d'un graissage forcé des paliers de vilebrequin et à utiliser l'allumage par Delco, la suspension élastique des moteurs, la distribution par arbre à cames en tête (1919), les freins servo commandés, l'embrayage à disques multiples garnis de Ferodo, les freins sur roues AV.

Ces perfectionnements et la recherche systématique de l'amélioration du rendement thermodynamique des moteurs, poursuivie avec Ricardo après la guerre de 1914-1918, mettaient la Société Chenard en tête de l'industrie automobile de l'époque, primauté qui lui valait de nombreux succès dans les compétitions sportives auxquelles elle prenait part.

C'est ainsi qu'elle réussissait cette performance extraordinaire de remporter pendant trois années consécutives à partir de 1921 le Grand Prix Automobile du Mans, ce qui lui mérita l'attribution définitive de la Coupe Boillot.

H. Toutée avait compris le premier que l'avenir appartenait aux voitures légères équipées de moteurs poussés et carénées de manière à réduire le freinage dû aux remous de l'air le long des carrosseries.

Il illustrait ses théories en présentant au Grand Prix de Tourisme de St-Sébastien deux voitures de 1100 cm3 seulement suralimentées par compresseurs et munies d'une carrosserie révolutionnaire enveloppant même les roues et donnant aux voitures une forme de tank. C'est le premier exemple d'une carrosserie aérodynamique dans la ligne où nous la concevons aujourd'hui. La démonstration fut saisissante : les tanks Chenard pulvérisèrent tous les records en battant, sans même tenir compte du handicap, tous leurs concurrents parmi lesquels trois Mercedes 8 cylindres de 7 litres de cylindrée, équipées également de turbocompresseurs.

Ce succès marque l'apogée de la Sté Chenard et VValcker et l'aboutissement du travail de précurseur du grand ingénieur que fut Henri Toutée.

Dès lors la voiture automobile avait trouvé sa forme définitive. L'heure des pionniers était passée. La lutte entre constructeurs se déplaçait sur un autre plan, celui de la construction industrielle en grande série. La parole passait aux financiers.

Une tentative de concentration industrielle groupant les marques Donnet, Delahaye, Rosengart, Unic et Chenard, restait malheureusement sans lendemain. Cet échec et l'abandon de la compétition marquaient le déclin de la Sté Chenard qui se concrétisait par le départ de J. Retel en 1933 et la semi retraite dans laquelle se confina Henri Toutée à partir de 1936.

Les dernières réalisations de Toutée devaient être une camionnette à traction AV qui fut très appréciée et l'adaptation de la roue libre à l'automobile qui est restée connue sous le nom d'Autodébrayage T.L.