L'environnement au regard des sciences sociales,
les sciences sociales à l'épreuve de l'environnement
 


EDITORIAL

par François VALÉRIAN
Rédacteur en chef des Annales des Mines


Un colloque de l’école normale supérieure, dont nous publions ici les actes, s’est interrogé il y a un an sur les rapports entre sciences sociales et développement durable. Cet automne, le nouveau programme de recherche « Eau et territoires », piloté par le ministère de l’Ecologie, le CNRS et le Cemagref, lance son premier appel à propositions de recherche à l’adresse des chercheurs de toutes les communautés scientifiques, sciences sociales incluses. L’environnement, objet de préoccupations sociales, serait-il aussi un objet de sciences sociales ?

La question peut paraître, au premier abord, sans intérêt. Le rythme de travail et l’organisation disciplinaire de la science l’éloignent des débats publics où tous les discours se mêlent dans le désir impatient de résultats rapides. En même temps, la société invite, voire convoque, à ses débats des scientifiques, qui ne sont pas que des physiciens, des géologues ou des biologistes. De plus en plus, historiens, géographes, sociologues, économistes, philosophes sont amenés à éclairer tel ou tel sujet, à formuler un point de vue, parfois à prendre position.

Comme tout ce qui élargit l’horizon de l’homme, l’environnement suscite l’interrogation scientifique. L’environnement allonge le temps, car ce qui est bénéfique à court terme peut nuire à long terme, et voilà l’historien qui doit intervenir. L’environnement fait communiquer entre eux des espaces contrastés sur lesquels le géographe tente de porter une analyse globale. L’environnement traduit des tensions et des aspirations sociales qu’étudie le sociologue. L’environnement affecte les prix, suscite des impôts nouveaux, gêne ou favorise des stratégies industrielles, tous mouvements qui passionnent l’économiste. L’environnement met en jeu notre relation à la nature et nos mots pour la décrire, ce qui ne peut qu’éveiller la curiosité du philosophe.

Si les sciences sociales agissent sur les débats environnementaux, ces débats, en retour, peuvent mettre en cause les pratiques ou l’objet même des sciences sociales. Ces sciences qu’on dit sociales, qu’on disait autrefois humaines, assistent à la mise en cause de la société dans ses principes et ses finalités, et parfois au procès de l’homme lui-même. Le mouvement de la société pour sa simple survie ou son développement, si évident qu’il était un postulat implicite de bon nombre de recherches, doit être désormais repensé à l’aune du développement durable. L’homme a vu surgir, comme autre objet possible de science, une nature dont l’autonomie comme objet de science sociale divise la communauté académique. Les sciences sociales n’ont pas fini d’être agitées par l’environnement.



                         
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