ENJEUX D'AVENIR DE L'INDUSTRIE NUCLEAIRE

EDITORIAL

par François VALÉRIAN
Rédacteur en chef des Annales des Mines


L’histoire de la production nucléaire d’électricité est à peine vieille de trente ans, mais elle est déjà très complexe, et a suscité de nombreux débats. Après la phase d’optimisme technologique, le nucléaire a traversé une période de doutes, vers la fin des années 80 et au début des années 90. La peur était forte d’un nouveau Tchernobyl, auquel aucun pays d’industrie nucléaire n’aurait pu résister, tant l’opinion aurait alors été bouleversée. De plus, l’industrie nucléaire a commencé à connaître, à cette époque, des problèmes de maturité : la perspective du renouvellement des réacteurs, et la gestion des déchets radioactifs.

De cette crise est née une transparence accrue, avec en France la commission nationale du débat public, qui a déjà organisé plusieurs débats touchant au nucléaire, et la récente autorité indépendante de sûreté nucléaire. Quelle importance y a-t-il à transformer une direction de l’Etat en autorité indépendante ? L’enjeu de cette transformation tient à une caractéristique de l’industrie nucléaire. Certes, il s’agit d’une industrie énergétique, mais c’est aussi dans une grande mesure une industrie d’opinion, dont le succès ou l’échec dépendent de la capacité à convaincre les populations et leurs représentants.

 Qu’on le veuille ou non, l’image du nucléaire, même civil, reste intimement liée à deux explosions de l’été 45, et aux incertitudes sur l’utilisation des découvertes scientifiques du XX e siècle. L’expert, le savant ou l’industriel s’agacent parfois de ces rapprochements, et de l’ignorance supposée de l’opinion, mais l’opinion sait bien que la science n’est pas toujours consciente des conséquences de ses avancées.

 Le nucléaire profite aujourd’hui d’une embellie mondiale, largement due à une perception plus négative des hydrocarbures. La principale ressource concurrente de l’atome est en effet de plus en plus associée à l’effet de serre, aux menaces de flambée des prix, et aux risques d’interruption des approvisionnements. Différents pays profitent de cette embellie pour étudier et programmer de nouveaux réacteurs, dont on espère qu’ils produiront moins de déchets. Ils se projettent même dans la deuxième moitié de ce siècle, avec un réacteur international d’étude de la fusion nucléaire. Ces progrès technologiques ne seront tangibles que si les opinions sont informées à la fois de leurs bienfaits et de leurs limites.

 

 
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