TRAVAUX DU
COMITÉ FRANÇAIS D'HISTOIRE DE LA GÉOLOGIE
- Troisième série -
T.VII (1993)

Goulven LAURENT
Ami BOUE (1794-1881) : Sa vie et son oeuvre.

COMITÉ FRANÇAIS D'HISTOIRE DE LA GÉOLOGIE (COFRHIGEO) (séance du 3 mars 1993)

SA VIE.

Ami (diminutif de Amédée) BOUÉ est né à Hambourg en 1794, au sein d'une famille protestante de négociants et d'armateurs, chassés de France par la Révocation de l'Edit de Nantes (1684). Il avait de la parenté à Genève, Paris, Bordeaux, Belfort, La Rochelle, Kiel, Berlin, Londres, Amsterdam, Caracas, ce qui explique les vastes connaissances géographiques et géologiques qu'il manifestera, d'autant plus qu'il pratique couramment plusieurs langues : le français, l'allemand, l'anglais, le russe, l'espagnol, l'italien, le portugais. Il a fait des études de médecine, de chimie, de botanique, puis de minéralogie et de paléontologie à Hambourg, à Genève, à Paris, à Edimbourg, à Berlin, à Vienne. Il a vécu à Paris de 1817 à 1835 (il y fut en 1830 l'un des principaux fondateurs de la Société géologique de France), avant de se marier avec une Autrichienne (catholique et... transformiste), et de se fixer à Vienne, où il vécut jusqu'à sa mort en 1881.

Cette "carte de visite" nous permet déjà de soupçonner qu'Ami Boué est un homme universel. Sa fortune personnelle lui donnant la possibilité d'être totalement indépendant, il a profité de sa situation pour voyager dans les différents pays d'Europe, et même au Proche Orient. Il a été le disciple, ou l'ami et l'interlocuteur, des plus grands géologues et paléontologistes de l'époque : Robert Jameson en Ecosse, Cuvier, Lamarck, Etienne Geoffroy Saint-Hilaire, de Blainville, Latreille, Haüy, Alexandre Brongniart, Alexandre von Humboldt, Elie de Beaumont, Constant Prévost, etc., en France. En plus de la Société géologique de France (dont il fut le premier Secrétaire, puis le Président), il a contribué à la fondation de la Société de Géographie de Paris, en 1821, à celle de la Société anthropologique de Vienne en 1870 ; il a été membre de dizaines de Sociétés savantes de toute l'Europe ; il a écrit des centaines d'articles et d'ouvrages. C'est, pour ainsi dire, le témoin idéal de son temps pour un historien des sciences, et spécialement pour un membre du COFRHIGEO..."Ayant partagé mon existence entre sept capitales de l'Europe, nous confie-t-il lui-même, ayant des proches parents dans une dizaine de villes dispersées dans le nord, l'ouest et le centre de ce continent, ...j'ai parcouru une bonne partie de l'Europe" (1835-36,1, XIV). Il était, selon de Blainville, "le géologue de notre temps qui a le plus vu et le plus comparé dans l'étude de la géologie positive de l'Europe" (H. de Blainville, 1839, t.IV, art. Palaeotherium, p. 184).

Nous allons concentrer notre étude plus particulièrement sur la période 1820-1850. C'est, en ce qui concerne la géologie, la paléontologie et la théorie de l'évolution, une des époques les plus importantes de leur histoire C'est, en effet, à ce moment, que se mettent en place les idées et les conditions qui vont expliquer le succès des idées évolutionnistes, qui vont triompher en 1859 avec Darwin. Il est superflu de rappeler l'importance des dates à des historiens des sciences. Rappelons-en cependant quelques unes pour bien situer la place des écrits et du témoignage d'Ami Boué sur son temps.

Rappelons simplement pour mémoire la date de 1859 : On the Origin of Species, de Darwin (1809-1882), qui se situe en dehors de la période qui nous intéresse en ce moment.

Précisons, pour terminer cette introduction, qu'Ami Boué est un esprit très large, très ouvert, et novateur : il est l'un des premiers à introduire la notion de roches métamorphiques ; un des premiers à établir des tableaux de terrains, et l'un des premiers à envisager avec faveur la théorie de la transformation des espèces.

SON OEUVRE

De l'oeuvre d'Ami Boué, nous retiendrons plus particulièrement deux grands thèmes, dont nous savons qu'ils sont au coeur des discussions géologiques et paléontologiques de l'époque. Il s'agit du Catastrophisme et du Fixisme de Cuvier, et de l'Anticatastrophisme et du Transformisme de Lamarck. Ce sont en fait deux approches antagonistes d'un même problème : celui de la continuité ou de la discontinuité de l'histoire de la Terre et de la Vie. Sur ces deux sujets, Ami Boué, établi à Vienne, a une vision moins strictement nationale des différents courants de recherche et de pensée. De plus, Ami Boué ne se contente pas d'exposer ses propres idées. Ayant exercé pendant quelques années les fonctions de Secrétaire, puis de Président, de la Société géologique de France, il en a présenté l'état des travaux pendant cette période, ce qui nous fournit une documentation précieuse et de première main sur l'avancement des idées géologiques et paléontologiques dans les années 1830 à 1833 en France et en Europe.

I. Sa vision du passé de la Terre.

Ami Boué prend très nettement position contre Cuvier. Il affirme en effet d'emblée la continuité des phénomènes géologiques. "La Géologie, écrit-il en 1826, nous rend capables assurément de percevoir une série ininterrompue de phénomènes plutoniens et neptuniens" (1826:92). Et, pour montrer qu'il n'est pas le seul à partager ce point de vue, il est fier, assure-t-il, de citer les noms de de Férussac, Humboldt, Fourier, von Buch, et d'autres, qui soutiennent les mêmes idées. Il n'avait pas attendu la mort de Cuvier pour prendre parti contre ses théories catastrophistes. Dès 1825, il avait pris position, alors que, âgé seulement de 31 ans, il n'était pas encore connu comme le représentant de la nouvelle génération. Exposant les idées du géologue anglais Crighton, il souligne qu'"il établit bien que les races d'animaux trouvés fossiles n'ont pas été éteintes subitement, mais qu'elles ont disparu graduellement". Il lui reproche cependant d'"ignorer les travaux de M. de Férussac, qui, depuis près de dix ans, s'est occupé à faire prévaloir les mêmes idées que lui" (1825:162-3). En 1830, il souligne combien les deux camps sont nettement constitués, avec leurs représentants : d'un côté, Cuvier, avec les Brongniart, Alexandre et son fils Adolphe, qui soutiennent "qu'une inondation marine générale a toujours séparé la fin d'une flore d'une ancienne période, et le commencement d'une nouvelle" ; alors que, de l'autre côté, cette "hypothèse" est "combattue ou rejetée" par un nombre impressionnant d'auteurs : "MM. de Férussac, C. Prévost, d'Omalius d'Halloy, Cordier, Brochant, Keferstein, Jameson, Flemming, Marcel de Serres, Voltz, et... la plupart des géologues, même... beaucoup d'Anglais qui adoptent le cataclysme diluvien" (1830,1:178). On aura déjà constaté combien les Anglais sont à part... En tout cas, affirme Ami Boué à cette date, "nous pouvons donc conclure qu'il y a eu succession graduelle des créations à mesure que les circonstances propres à la vie des plantes et des animaux se modifiaient sur la surface terrestre, et admettant des débâcles locales, nous n'entrevoyons pas les preuves d'un ou de plusieurs cataclysmes qui auraient détruit tout d'un coup la végétation de la terre entière" (179). C'est pourquoi, assure Ami Boué (ibid.), "nous sommes obligés de nous ranger parmi les adversaires de cette ingénieuse théorie" (de Cuvier et de ses partisans).

Dans son rapport sur les progrès de la Géologie des années 1830 et 1831, Ami Boué s'en prend au défaut de raisonnement des catastrophistes. La théorie d'Adolphe Brongniart, affirme-t-il, "repose sur la proposition que la croûte terrestre a subi, à certaines époques, des bouleversemens universels qui ont détruit tout ce qui était à sa surface. Or, n'est-on pas en droit de lui demander d'abord de prouver géologiquement ce principe fondamental qui n'est pas encore devenu un axiome de la science ? Au contraire, n'y a-t-il pas beaucoup de géologues qui croient qu'il n'y a pas un seul dépôt stratifié depuis le sol alluvial jusqu'aux roches sédimentaires changées en schistes cristallins où l'on ne puisse démontrer dans quelques parties au globe, et pendant sa formation, l'existence de végétaux terrestres, ou du moins celle d'un sol découvert" (1831-32:197). C'est pourquoi, assure encore Ami Boué, "ces révolutions générales n'ont pas eu lieu" (198). "La géologie", se réjouit-il quelques années plus tard, en s'appuyant sur les travaux d'Etienne Geoffroy Saint-Hilaire, "cesse d'être embarrassée de cet attirail de cataclysmes, et de féeries de créations détruites et reproduites, héritage inconsidérément accepté par des zoologistes paléontographes" (dont on sait qui ils sont ! Cuvier n'est mort que depuis deux ans, mais il est bien mort !...) (1834:118).

Ami Boué s'élève encore à la fin de cet exposé contre "cette espèce de système préconçu", "ce tableau pittoresque, mais imaginaire, d'un cataclysme général, ayant séparé d'une manière tranchée chaque grande opération créatrice". De nouveau, Ami Boué se félicite que "depuis une vingtaine d'années ce système est battu en brèche, il a fallu presque dix ans avant que les contradicteurs aient pu se faire entendre, et les dix autres années ont été employées à assurer la victoire de ces derniers. Aujourd'hui le système des cataclysmes et des déluges, des coups de théâtre créateurs, et des hypothèses, est abandonné par tout le monde : tout le monde est entré enfin dans la voie philosophique de la marche du connu à l'inconnu" (1834:494). Et, effectivement, relatant en 1839 la différence d'opinion qui existe entre Adolphe Brongniart et Ami Boué, Alphonse Rivière (1805-1877) semble vouloir privilégier les conclusions de ce dernier, suggérant ainsi dans quelle direction penchent les représentants de la nouvelle génération de géologues et de paléontologistes : "l'ensemble des phénomènes et des lois nous porterait à croire qu'il y a eu une succession continuelle, et par des nuances insensibles, dans la création des êtres organisés" (Rivière, 1839:362).

Un des principaux arguments (non scientifique au demeurant !) des catastrophistes avait été - et continuait à demeurer - le déluge biblique. C'est une des cibles privilégiées des attaques d'Ami Boué. "Nous croyons à des cataclysmes locaux, écrit-il, de grands et d'immenses lacs d'eau douce, ou même peut-être, çà et là, d'eau saumâtre ; mais rien, absolument rien ne s'est présenté à nous, dans les diverses parties de l'Europe, pour justifier un cataclysme général dans la période alluviale" (1830,2:106). Ici encore, Ami Boué reproche au fondateur du Catastrophisme d'avoir favorisé la croyance en cette légende : "Malgré les talens zoologiques de M. Cuvier, écrit-il, la pluralité des géologues sont d'accord pour regarder le déluge mosaïque, pris à la lettre, comme un des événemens géologiques les moins prouvés, et dût-il avoir eu lieu, sa date si récente ne concorderait pas avec les soi-disant traces qu'il a laissées" (1831:2).

La question se pose évidemment de savoir comment il faut comprendre la division du passé en ères géologiques. Pour Ami Boué, comme pour tous les partisans du continuisme géologique et paléontologique, il est clair que ce sont des divisions arbitraires. N'oublions pas que le fondateur de la paléontologie stratigraphique est en pleine activité à ce moment : Alcide d'Orbigny (1802-1857), le disciple le plus conséquent et le plus efficace de Cuvier, est un contemporain (un peu plus jeune) d'Ami Boué. Dès 1822, Ami Boué avait pris position sur ce point : "Il ne faut pas perdre de vue, écrivait-il, que nos divisions, presque toutes artificielles, ne sont faites que pour rendre plus facile l'examen des produits variés auxquels la nature est arrivée souvent simplement par des gradations insensibles" (1822:38). "On peut avancer, continue-t-il, que presque toutes les formations stratifiées sont liées entre elles par des passages ou des alternations de leurs roches respectives, mais cette espèce de liaison n'a pas lieu partout également : au contraire, ces passages ou bien ces alternations ne sont bien sensibles que dans quelques localités, surtout quand il s'agit des terrains secondaires"(47). En 1834, dans son rapport sur les progrès de la Géologie, il écrira de nouveau : "Nos classifications tranchées ne sont que de mauvaises caricatures des passages établis en toute chose par la nature" (1834:219).

Ami Boué est donc opposé à la théorie des cataclysmes répétés et destructeurs de toute vie sur le globe, qui était celle de Cuvier et de ses disciples. Il ne rejetait pas pour autant l'existence de phénomènes catastrophiques dans l'histoire de la terre. Il admet avec beaucoup d'autres géologues anticatastrophistes qu'il y a eu des mouvements violents de l'écorce terrestre. Mais la ligne de démarcation entre les deux conceptions est très nettement marquée par Ami Boué. Il fait une distinction, capitale à ses yeux, entre les partisans des cataclysmes universels et ceux pour lesquels les cataclysmes, aussi violents qu'ils aient pu être, n'ont pas dévasté complètement la terre : "il y aurait donc eu des cataclysmes, admet-il, qui auraient pu embrasser une grande partie du globe, sans pour cela le dépeupler tout-à-fait" (1835-36,2:248). En particulier, en ce qui concerne la période houillère, si bien étudiée par le catastrophiste Adolphe Brongniart, Ami Boué reconnaît que "dans le sol charbonneux il y a beaucoup de dérangemens du genre de ceux qu'on peut voir tous les jours, et qui ont lieu lentement, mais il y a eu aussi d'autres perturbations violentes et passagères" (1832,1:328). Aussi n'a-t-il aucune difficulté à suivre Elie de Beaumont dans son explication du soulèvement des montagnes : "Tout le monde est convenu, écrit-il, et a reconnu depuis longtemps que la plupart des redressemens sont dus à des mouvemens violens et prompts" (1834:217). Mais, précise-t-il un peu plus loin dans le même rapport : "Tout le monde accordera qu'il y a loin de ce genre de révolution anodine à ces cataclysmes généraux qui devaient avoir balayé tellement la surface terrestre que de nouvelles créations étaient devenues nécessaires pour remplacer l'immensité sans êtres des terres et même des mers" (1834:226).

Les Causes actuelles.

Ami Boué, comme plusieurs géologues français de son temps, soutient que, pour connaître le passé, il faut partir du connu présent pour expliquer le passé inconnu, c'est-à-dire employer la problématique des causes actuelles. Il se séparait là encore cependant de la nouvelle doctrine prônée par Charles Lyell, l'uniformitarisme, selon laquelle les causes physiques avaient toujours agi avec la même intensité à travers les âges géologiques. Ami Boué soutient, au contraire, qu'il est nécessaire de donner une plus grande intensité aux agents d'érosion et de destruction à certains moments de l'histoire de la terre. Les volcans, en particulier, ont été plus actifs autrefois, amenant des changements importants dans les climats (1826:88-89). Des mouvements de l'écorce terrestre expliquent aussi que les niveaux des mers et des continents aient présenté des oscillations plus importantes autrefois (ibid.,89).

Une des causes de la plus grande activité des agents atmosphériques a été la température excessive que la terre a connue dans les temps anciens. "Comme aujourd'hui les eaux courantes chariaient (sic) vers la mer des matières arénacées et végétales" (c'est la part des causes actuelles) ; mais "ces effets étaient infiniment plus grands qu'aujourd'hui, parce que les pluies et les météores atmosphériques étaient plus considérables à cause de la grande évaporation et de l'état électrique de l'air, à cause de la moindre étendue des continens et à cause de la pente plus grande des canaux d'écoulement" (1828:311). En 1834, Ami Boué reprend ce développement : "Les causes créatrices ou modifiantes ont déployé jadis une énergie supérieure à celle avec laquelle elles ont agi depuis l'établissement des sociétés actuelles, et... il y a eu des périodes de tranquillité relative" (1834:242), ce qui l'éloigné de Lyell sur ce point (ibid.,243). Ami Boué affirme en effet que "pour le moment et jusqu'à un événement imprévu, les causes modifiant la superficie de son intérieur fluide comme sa surface (de la terre) sont beaucoup moins fortes que jadis. ...Donc leurs effets actuels sont beaucoup moins sensibles qu'autrefois" (1842-43:433). "D'après ma manière de voir, précise-t-il encore, qui n'est celle ni de l'école biblique (entendez : celle des catastrophistes), ni de l'école de M. Lyell, les forces créatrices de la nature auraient été les mêmes à toutes époques, et sont encore telles qu'elles étaient avant l'apparition de l'homme sur la terre ; mais pour s'exercer avec plus ou moins d'énergie, elles exigent telles ou telles circonstances accessoires, comme, par exemple, certains milieux ambians, certaines quantités de gaz divers, certaines intensités et activités du fluide électro-magnétique ; de la lumière, etc." (1835-36,2:173).

On comprend que pour Ami Boué, et, plus généralement pour les géologues français qui raisonnaient comme lui, tels Constant Prévost ou André de Férussac, Lyell n'ait rien apporté de nouveau, sinon des exagérations dogmatiques. Le géologue écossais a cherché, "en partant du connu, ... à expliquer tous les phénomènes par ce qui se passe sous nos yeux..., en appliquant la marche philosophique du connu à l'inconnu suivie depuis long-temps par beaucoup de géologues du continent" (1831-32,182-183). Pour le reste, son "ouvrage est souvent une compilation judicieuse, et montre un homme d'esprit". Ami Boué émet des doutes quant à sa valeur scientifique : "Le brillant de ses théories résistera-t-il à toutes les objections qu'on peut leur opposer ?", se demande-t-il en effet.

Ami Boué n'était donc pas disposé à le suivre dans ses outrances idéologiques. Il avait, comme nous l'avons vu, défendu de meilleures conceptions depuis longtemps, depuis le début même de ses travaux. En 1820, dans son ouvrage sur l'Ecosse (le pays justement de Lyell - et Lyell était encore catastrophiste à l'époque !), Ami Boué soutient déjà qu'"avec les données géologiques que l'Ecosse et d'autres pays lui ont fournies, il (Ami Boué) cherche, par la marche du connu à l'inconnu, à trouver la manière dont on peut expliquer à présent, avec le plus de probabilités, la formation successive des différens dépôts qui constituent l'Ecosse et la croûte du globe en général. Ces vues théoriques sont donc applicables à la Géologie en général, et mériteraient l'attention des géologues", affirme-t-il (1820:458). Il avait 26 ans à cette date. Causes actuelles, avec des intensités différentes selon les époques : c'est la théorie d'Ami Boué dès 1820. Causes actuelles, avec la même intensité à toute époque : c'est la théorie de Lyell en 1830. On peut juger de la régression théorique.

Pour le géologue français, il existe des lois générales, mais elles comportent des exceptions. Pour le géologue écossais, il n'y a pas d'exceptions. Pour Ami Boué, la formation de la croûte terrestre pourrait être expliquée par "quelques lois générales simples et encore actuellement existantes" (1820:462) ; mais il est aussi "constant que les masses minérales ont éprouvé après leur formation par différentes causes des bouleversemens, c'est-à-dire des soulèvemens, des abaissemens et des glissemens ; il est donc encore possible qu'il y ait eu quelques écroulemens ou affaissemens qui auront facilité singulièrement la retraite de la mer dans son bassin actuel, en même temps qu'ils auront pu lui imprimer momentanément des mouvemens extraordinaires et qu'ils auront contribué à la distribution actuelle des continens, tandis que des séparations accidentelles, des destructions et des formations très récentes auront achevé les détails de leur contour" (ibid.,463).

Il est à peine besoin de faire remarquer combien les idées d'Ami Boué sont modernes, et combien il avait raison de souligner la distance qui les séparait de celles de Cuvier, d'une part, et de celles de Lyell, d'autre part.

II. Sa vision du passé de la Vie.

Dans un monde gouverné par les lois actuelles, mais sujet à des catastrophes localisées, comment Ami Boué conçoit-il l'histoire de la Vie ? Il a été considéré comme un partisan du transformisme, surtout par ses adversaires, à vrai dire. Et du reste, il semble favorable à cette doctrine, dans son rapport de 1834. Exposant avec sympathie les idées transformistes d'Etienne Geoffroy Saint-Hilaire, il écrit en effet : "Revenant à l'hypothèse de l'influence modifiante des milieux ambians sur les créations, une fois entré dans ce mode de raisonnement, on n'éprouve plus de difficultés ; les espèces, les genres, les familles, les ordres, les classes et les règnes viennent successivement disparaître, et se fondre ensemble comme un attirail artificiel, dont l'importance n'est due qu'à notre faible portée. En effet, si des modifications du milieu ambiant, et des conditions d'action du fluide vital peuvent changer assez les parties des êtres pour établir des variétés dans nos espèces, personne ne peut assurer que ces mêmes causes n'ont pas la puissance de diviser une espèce en plusieurs. Nos observations en histoire naturelle ont tout au plus deux mille ans ; accordons même quatre ou cinq mille ans, et nous voulons limiter le pouvoir créateur et modificateur de la nature à ce petit laps de temps, elle qui a des millions de siècles à sa disposition" (1834:117).

Ce qui est sûr, en tout cas, c'est que le dogme de la fixité des espèces est à rejeter : "Le naturaliste qui restreint le cercle de ses idées à la courte durée de sa vie, sera nécessairement porté à l'idée ancienne que l'espèce est un être sui generis formé une fois pour toutes, et devant se perpétuer tel, aussi long-temps du moins que dureront les lois actuelles de la nature. L'autorité des écrits scolastiques et des législateurs les plus anciens vient encore corroborer cette opinion gravée dans la mémoire de la plus tendre enfance" (1834:113). Par contre, "en parcourant toute l'échelle des créations tant vivantes que fossiles, et en négligeant les individualités pour ne voir qu'un tout mis en mouvement par une matière subtile disséminée partout, on arrive aisément avec les Lamarck, les Geoffroy, et autres grands naturalistes, à une tout autre conclusion" (ibid.:114)... Remarquons en passant la place éminente accordée à Lamarck (que l'on dit oublié !...) dans la paternité des idées transformistes... Ami Boué va même jusqu'à envisager la possibilité d'une génération spontanée ancienne dans l'apparition de la vie sur la terre : "Notre globe a passé par divers états de température et de vitalité ; personne ne le nie, et beaucoup de savons reconnaissent même que la zone torride ne peut donner qu'une faible idée de ce qui devait se passer à la surface terrestre ; mais si les êtres enfouis dans les couches terrestres conduisent à admettre dans ces temps primordiaux une force vitale bien plus grande que celle qui existe encore actuellement, y a-t-il toute impossibilité à la supposition qu'il se formait alors spontanément des êtres plus parfaits que le monde microscopique actuel ?" (1834:116).

Le transformisme d'Ami Boué se fonde aussi sur le principe de la continuité de la vie à travers les âges géologiques, consécutive à l'affirmation de son anticatastrophisme. Il n'y a pas eu de rupture entre le Secondaire et le Tertiaire, par exemple, car il existe des fossiles communs à ces deux époques : "A priori, on ne voit pas d'impossibilité à ce que quelques espèces se rencontrent indifféremment dans le sol tertiaire ou secondaire" (1832,1:100). Il existe aussi des fossiles communs à l'ère tertiaire et l'ère actuelle, et Ami Boué cite une dizaine d'exemples d'espèces de mollusques qui sont dans ce cas (1835-36,2:175-6).

Même s'il faut être prudent dans les comparaisons, Ami Boué remarque cependant que "plus on remonte dans la série des couches tertiaires, plus est grande l'analogie des plantes fossiles avec la végétation des contrées qui les recèlent" (ibid.:165). C'était une observation que Darwin était aussi en train de faire en ce qui concerne les fossiles de l'Amérique du Sud.

Cette comparaison des espèces successives fossiles entre elles, et avec les espèces actuelles, c'est-à-dire la reconnaissance des espèces analogues, est, comme on le sait, depuis Lamarck, un des concepts opératoires les plus efficaces pour le fondement du Transformisme. Ami Boué l'utilise aussi dans le même but. Dans son Guide du Géologue-Voyageur, il recommande à ce dernier de noter les "rapports des pétrifications avec les végétaux et les animaux du monde actuel", de faire de la "paléontologie comparée", et de vérifier s'il y a "identité ou analogie entre les pétrifications d'un dépôt, et les végétaux et les êtres vivans du pays où il se trouve. Les fossiles d'un dépôt appartiennent-ils à des genres, à des espèces de climats très divers ? Leurs identiques ou analogues vivans n'existent-ils plus dans la contrée où sont maintenant ces fossiles ? Ces identiques et ces analogues se trouvent-ils dans d'autres climats ou sous d'autres zones, ou bien les fossiles appartiennent-ils à des genres et à des espèces éteints ?" (1835-36,2:247). Le changement des conditions extérieures s'accompagne toujours en effet de changements corrélatifs dans les êtres vivants : "Si en Europe, et dans tout le reste de la terre, la température de la surface a été plus élevée qu'à présent, à l'époque du dépôt des premiers terrains, et si elle a graduellement diminué, il est naturel que les mers de l'Europe aient nourri d'abord, comme partout ailleurs, des êtres marins que l'analogie rapproche le plus de ceux des mers actuelles entre les tropiques. Ensuite, à mesure que les différentes zones se sont établies, ces animaux se sont infiniment plus diversifiés, et ils se sont toujours plus rapprochés de ceux qui habitent maintenant les mers des pays où l'on trouve leurs dépouilles fossiles. Il est clair que les végétaux ont dû subir les mêmes lois" (1832,1:82-83).

Cependant, ici encore, Ami Boué, fidèle à ses principes de prudence anti-doctrinaire, ne semble pas accepter le transformisme sans réserves. Il n'est pas sûr que le principal effet des changements de conditions de vie soit toujours de changer les êtres vivants : "Pendant cette diminution lente de la chaleur, lorsque la température nécessaire pour la vie de certains êtres marins cessait dans une contrée, s'ils avaient le pouvoir de se mouvoir, comme les cétacées (sic), les poissons, les radiaires, ils ont dû se servir de cette propriété pour tâcher de gagner des climats plus favorables, et ils ne se seront conservés qu'autour de l'équateur, si ce climat leur était assez chaud. Les autres animaux qui ne pouvaient pas bouger ont dû avoir le même sort que les plantes : les uns, portés tout-à-coup dans un climat trop froid ne seront restés vivans que dans la zone torride, s'ils s'y trouvaient ; et d'autres, demandant encore plus de chaleur, ou n'existant pas entre les tropiques, auront tous péri" (1832,1:83).

Ce rejet apparent de la possibilité de changer n'est cependant pas définitif, car, quelques pages plus loin, Ami Boué avertit qu'il y a lieu de tenir compte "des modifications que les espèces des mollusques peuvent éprouver par un changement lent et progressif dans la température, ou le climat qu'elles habitent" (ibid.:10G). Pour aboutir à cette conclusion : "L'on voit donc que le problème de la succession des créatures dans les différentes parties au globe est bien plus compliqué que quelques personnes voudraient le supposer" (ibid.:102). Migrations, destructions, transformations des espèces : plusieurs solutions doivent être imaginées, selon le cas. Les migrations ont certainement joué un très grand rôle, comme nous venons de le voir. Il y a eu aussi un grand nombre d'extinctions ; et certaines espèces ont eu le temps de se transformer.

Les changements brusques ne laissent aucune chance aux espèces ; seuls les changements lents leur permettent de s'adapter. "La série des fossiles ne laisse apercevoir nulle part une ligne tranchée de démarcation entre les différents termes de cette série. Les créations végétales et animales ne paraissent point avoir été renouvelées plusieurs fois et en totalité sur la terre. Au contraire, la succession des genres et des espèces de fossiles, leur remplacement les uns par les autres indiquent un changement gradué, qui n'a été brusque que çà et là, à certaines époques et par suite de grands soulèvemens, d'affaissemens et d'inondations considérables. Il y aurait donc eu des cataclysmes, qui auraient pu embrasser une grande partie du globe, sans pour cela le dépeupler tout-à-fait" (1835-36,2:248).

Ce processus n'aboutirait-il pas à un appauvrissement général de la vie sur la terre ? Ce n'est pas l'avis d'Ami Boué : "Les familles, les genres et les espèces de fossiles semblent augmenter considérablement en nombre, à mesure que des dépôts plus anciens on arrive aux plus récens" (ibid.). En fin de compte, nous trouvons chez Ami Boué une conception de l'histoire de la vie que nous pouvons considérer comme très proche de celle des paléontologistes actuels : la plupart des espèces anciennes ont disparu, seulement quelques-unes ont échappé à la destruction.

CONCLUSION : l'attitude d'Ami Boué face aux théories.

L'intérêt de l'histoire des sciences n'est pas seulement de nous faire connaître les faits, gestes et idées des savants des siècles précédents. Il consiste aussi et surtout à nous mettre en contact avec des hommes qui ont raisonné et réfléchi sur leur discipline.

Nous avons déjà compris qu'Ami Boué a été un modèle de savant français (et international) du XIXème siècle : un esprit vaste, souple, équilibré, non doctrinaire -représentatif d'une certaine catégorie de scientifiques du XIXème (et même encore du XXème siècle !).

Dégageons quelques-uns de ses principes, tels qu'il les a énoncés, et surtout tels qu'il les a appliqués, comme nous venons de le voir.

1) Il prend de la hauteur (métaphysique !) par rapport à sa discipline. L'esprit humain, assure-t-il, est apte à connaître et à expliquer les faits physiques. La Géologie est par conséquent un bon domaine d'application de ses capacités. Dans la recherche qui la concerne, "on doit tâcher d'établir, s'il est possible, une ... hypothèse qui soit basée aussi bien sur nos connaissances chimiques et physiques que sur l'état actuel de la science géologique ; car si les problèmes de la nature organique semblent souvent au-dessus des facultés de l'esprit humain, ceux de la nature inanimée paraissent, au contraire, être jusqu'à un certain point à sa portée" (1824:415). On croirait entendre Bergson assurer que l'esprit humain est "connaturel" aux faits du domaine physique, ou Jean Rostand assurer que "l'homme est trop court pour l'homme".

2) Pour avancer dans cette connaissance de la nature physique, les hypothèses sont nécessaires, mais il ne faut pas en faire des vérités ni des doctrines. Elles sont nécessaires : "les théories géologiques, comme toutes les hypothèses en général, même de la plus grande fausseté, ont toujours leur utilité ; en effet, d'abord les généralisations plaisent aux amateurs des sciences, et souvent une théorie hasardée, mais ingénieuse, a engagé ces personnes-là dans des recherches auxquelles elles ne se seraient jamais livrées sans cet attrait théorique. De plus, si une supposition flatte l'imagination de quelques personnes, elles se livrent sur-tout à l'observation des parties qui peuvent étayer leur échafaudage hypothétique, et c'est ainsi que, depuis une trentaine d'années, la Géologie s'est acquise une foule de faits précieux" (1820:393). C'est déjà ce qu'avait fait remarquer Cuvier quelques années auparavant, en parlant des théories ... des autres (qu'il considérait toutes comme fausses !).

Mais il faut demeurer vigilant à leur égard, car la Géologie "a été quelquefois retardée dans ses progrès par un langage et des idées trop systématiques, comme nous en avons la preuve dans plusieurs ouvrages, d'ailleurs estimables, et (les professeurs dogmatiques apprécieront particulièrement ce coup de patte d'un jeune homme qui vient de terminer ses études universitaires) comme je l'ai éprouvé moi-même dans mes premières excursions géologiques, où me défiant de mes connaissances, je n'osais pas croire que je ne voyais pas, dans un endroit, les apparences que la théorie m'y avait indiquées d'avance" (ibid.).

Le pays où cet esprit de système causait le plus de ravages était, aux yeux du géologue "continental" qu'était Ami Boué, l'Angleterre. Dans son résumé des progrès de la géologie en 1832, il écrivait en effet : "Si la science géologique véritable avance dans les pays anglais, bien des théologiens (il ne faut pas oublier que ce sont les seuls "Révérends" anglicans qui, à cette époque, sont habilités à enseigner dans les Universités) y continuent de confondre, de la manière la plus grotesque, les récits bibliques avec des faits géologiques prouvés physiquement aussi bien que tout problème de mathématiques. La marche de l'esprit humain, débarrassée maintenant de ce déluge décrits sur la théologie scolastique, devra-t-elle s entraver de nouveau par l'esprit de secte qui envahit ces pays, au même moment où ils prétendent cependant au premier rang de la civilisation ?" (1832-33:LXXV). "Si on a du talent, gronde Ami Boué à leur adresse, qu'on l'emploie à observer, et non à commenter ; mais si l'on manque d'esprit, qu'on ne se donne pas la peine de reproduire des lieux communs", et il dénonce "l'absurdité de ces recherches". Ami Boué n'est vraiment pas tendre pour l'esprit dogmatique anglais.

L'année suivante (1833), la situation ne s'était apparemment pas améliorée dans ce pays. Dans son rapport de 1834, Ami Boué revient à la charge : "Certains théologiens anglais persistent ridiculement dans leur manie de vouloir faire concorder les résultats de la géologie avec la Genèse. L'Angleterre est tellement envahie par l'esprit de secte, que tout homme est obligé, de force ou de gré, de s'enrôler sous une bannière religieuse ; de manière qu'au milieu des merveilles de l'industrie, et d'une civilisation avancée, les esprits même les plus élevés y croupissent encore trop souvent dans des disputes théologiques, qui ne rappellent que le moyen-âge, et dont l'Europe continentale n'offre plus que de rares exemples, grâce aux lumières des peuples et des gouvernans. Néanmoins ne nous le dissimulons point : si les Anglais applaudissent de voir s'introduire en Europe leur civilisation perfectionnée, un grand nombre espèrent nous imposer en même temps, et insensiblement, leurs mille et une croyances plus absurdes les unes que les autres, et le tout pour le salut définitif de nos âmes" (1834:166). Cette situation d'intolérance qu'Ami Boué dénonçait dans ce pays est intéressante à connaître pour comprendre son histoire intellectuelle, avant Darwin,... et depuis.

3) La ligne intellectuelle suivie par Ami Boué est ainsi toute tracée : il est partisan de principes, mais il veille toujours à les appliquer avec nuances. Nous l'avons vu abondamment suivre cette ligne. Il s'oppose autant à Cuvier qu'à Lyell, ou à Deshayes : ce dernier place le Crag de l'époque subapennine "uniquement à cause du nombre égal d'analogues vivans qui lui sont communs dans ces deux dépôts. Mais n'est-il pas probable que les analogues vivans du Crag seront trouvés plus nombreux que ceux des marnes subapennines, parce que les animaux des mers du nord semblent devoir être mieux connus que les espèces de la mer Méditerranée, et surtout que celles des mers des Indes et du Sénégal. Ensuite les fossiles du sol secondaire sont-ils assez bien connus même en Europe, et M. Deshayes les a-t-il lui-même suffisamment étudiés pour être certain que ces dépôts ne recèlent aucune coquille analogue aux espèces vivantes, et même à des espèces tertiaires ?" (1832,1:99-100).

Nous avons vu aussi comment Ami Boué rejetait la démarche et les principes de Lyell. En 1875 encore (il a plus de 80 ans), Ami Boué s'en prend à cette théorie qui engendre "de trompeuses représentations d'une suite éternelle de résultats identiques régis par des lois universelles" (1875:1).

4) La meilleure façon d'échapper à l'esprit de système est d'accorder beaucoup d'importance aux exceptions, c'est-à-dire aux faits qui ne rentrent pas dans le cadre de la théorie, autrement dit aux détails - comme chacun sait, le diable est dans les détails. Dans la question de Stonesfield, par exemple, "que de frais d'esprit n'a-t-on pas faits pour se débarrasser de ces incommodes ossements de deux genres de Mammifères marsupiaux de Stonesfield ! (sic.) La théorie du jour ne pouvant nullement s'en accommoder, n'ont-ils pas été déclarés étrangers au dépôt, accidentels, dérivés d'animaux aquatiques, que sais-je ?" (1841-42:85). Eternel conflit entre les partisans des systèmes et les chercheurs sensibles aux faits (c'est-à-dire souvent, aux exceptions). De même "pour parler de coquillages fossiles et de l'importance géologique attachée à leurs espèces, est-il nécessaire de revenir sur le vague qui règne quelquefois dans la distinction entre certaines espèces communes dans deux terrains, ou sur les subtiles distinctions des Cérites et des Potamides, suivant le dépôt qui recèle ce genre de pétrifications ? Malgré tout cela, et qu'on le remarque bien, l'esprit de la presque totalité des géologues est tellement engoué des théories à la mode, que presque aucun traité de géologie, pas même celui de M. Lyell, n'aborde franchement les exceptions, et n'avoue les changements qui en résultent dans la géogénie ; aussi n'est-il pas étonnant que le jeune public ou les géologues débutants prenant la poésie de leurs maîtres pour la réalité, en tirent des déductions encore plus outrées et plus hasardées" (ibid.). Réflexions toujours d'actualité, quand on voit l'énergie dépensée à essayer de sauver certaines théories dominantes... La sagesse du chercheur peut être résumée par cette sentence d'Ami Boué : "La nature a sans doute suivi un certain ordre ; mais ne nous pressons pas tant de croire le connaître, puisque les découvertes récentes montrent les plus étranges anomalies" (ibid.:86).

Ami Boué nous apparaît ainsi comme un vaste esprit, qui a tenu à suivre une démarche rigoureusement scientifique. Il refuse que la géologie et la paléontologie soient captives d'une doctrine, qui devient alors une idéologie. C'est ce qui fait qu'il a eu à coeur de renverser celle qui régnait de son temps : le catastrophisme, et de mettre en garde contre l'absolutisme de celles qui étaient appelées à la remplacer.

BIBLIOGRAPHIE

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