TRAVAUX
DU
COMITÉ FRANÇAIS D'HISTOIRE DE LA GÉOLOGIE
- Troisième série -
T.XIX (2005)
Jean Gaudant
Analyse d'ouvrage

Filosofia de las ciencias de la tierra- El cierre categorial de la geología
par Evaristo Álvarez Muñoz

COMITÉ FRANÇAIS D'HISTOIRE DE LA GÉOLOGIE (COFRHIGEO) (séance du 14 décembre 2005)

Biblioteca Filosofia en español, Fundación Gustavo Bueno, Pentalfa Ediciones, Oviedo 2004, 355 p.

Voici un ouvrage qui sort des sentiers battus puisque c'est, à ma connaissance, le premier livre consacré exclusivement à la philosophie de la géologie. L'auteur nous entraîne loin des Conjectures et Réfutations de Karl Popper. C'est en effet l'un des disciples du philosophe espagnol contemporain Gustavo Bueno, qui s'est fait connaître par sa théorie de la " fermeture catégorielle " [cierre categorial] qu'Evaristo Alvarez qualifie de " théorie matérialiste et pluraliste qui considère les sciences comme constituées d'espaces catégoriels différents " (p. 11). Il explique ensuite que " la géologie ne se comprend pas comme un ensemble de théories, mais comme un champ complexe de matériaux pierreux, de théories, d'appareils, de controverses, de fossiles, de formations géologiques, de cartes, etc., sans exclure aucun des composants de cette science. L'analyse catégorielle de la science, indépendamment des outils et de l'appareil conceptuel employé, devra être réalisée à partir de la science en cours " (p. 11-12).

Le livre est divisé en trois parties. Dans la première, intitulée Matériaux pour une nouvelle science, l'auteur examine notamment la question de la naissance de la géologie qu'il fait coïncider avec la révolution industrielle qui se produisit en Angleterre pendant la seconde moitié du XVIIIe siècle et eut pour effet de stimuler la prospection et l'exploitation de la houille. Ce n'est cependant qu'au cours du premier tiers du siècle suivant que, selon l'auteur, " la géologie put s'incorporer de droit à la liste des sciences " (p. 59) car " la géologie scientifique fut seulement possible à partir des recherches en rapport avec les travaux miniers qui conduisirent au lever de coupes et de colonnes stratigraphiques " (p. 64).

La seconde partie est intitulée L'analyse gnoséologique [l'auteur utilise le terme de gnoséologie au lieu de celui d'épistémologie] et la fermeture catégorielle de la géologie. L'auteur rappelle que Gustavo Bueno décrit trois types de situations définies selon trois axes : " syntaxiques ", " sémantiques " et " pragmatiques ". Dans la première catégorie prennent place les " termes ", les opérations - qui peuvent être analytiques ou synthétiques - permettant de reconnaître les relations " gnoséologiques " qui existent entre les termes du champ scientifique, par exemple entre formations, plis, failles et fossiles. Les " figures sémantiques " regroupent trois catégories : les " référentiels " qui sont définis comme des " termes objectifs de la nature, ce qui ne veut pas dire qu'ils soient immédiatement perçus ainsi dans tous les cas " (p. 159), les " phénomènes " et les " essences [qui] résultent de la neutralisation des sujets ". Quant aux " figures pragmatiques ", elles désignent les notions de " normes ", " que les sujets imposent aux objets définis " d'" autologismes ", terme qui caractérise " la formation intellectuelle, les expériences personnelles ", et les multiples facteurs ambiants qui influencent le scientifique, et enfin de " dialogismes " puisque " les sujets qui interviennent dans la construction scientifique déterminent des dialogismes dans la mesure où ils entrent en relation au sujet des mêmes objets sur lesquels ils opèrent " (p. 164).

Enfin, la dernière partie du livre est consacrée à " la construction historique de la géologie classique ", c'est-à-dire à " l'exposé des processus opératoires qui auraient conduit à la détermination des termes géologiques et de leurs relations avec les contextes déterminants qui auraient rendu possible la fermeture du champ géologique " (p. 217).

On voit donc, sans entrer dans un exposé détaillé de la teneur de ce livre, que le système philosophique auquel adhère l'auteur s'éloigne considérablement des systèmes concurrents. Cela peut inciter certains, que l'épistémologie attire, à s'intéresser à cet ouvrage !