Eugène Paul Antoine Jacques RAGUIN (1900-2001)

Fils de Louis Charles Joseph RAGUIN (1859-1935, X 1880) et petit-fils de Eugène LA PERRIÈRE (dont l'épouse meurt le 9/12/1934). Frère de Robert Edmond Charles RAGUIN (1902-1992 ; X 1921), de Geneviève (morte le 14/1/1940) et de Emilie (morte le 2/2/1931).
Il épouse en 1925 Yvette BERTRAND, fille de Marcel BERTRAND.
Père de Jean Louis Marie RAGUIN (né en 1927 ; X 1947 ; épouse Catherine DARRIEUX le 22/2/1958), de Françoise (née en 1926), de Marie-Claire (née en 1928), et grand-père de François Maxime Marie RAGUIN (né en 1959 ; X 1980).

Ancien élève de l'Ecole polytechnique (promotion 1918 ; sorti classé 2) et de l'Ecole des Mines de Paris (entré le 16 aout 1922). Voir son bulletin de notes comme élève à l'Ecole des mines. Nommé ingénieur ordinaire de 3ème classe du Corps des mines "à titre provisoire" le 1er octobre 1923. Service militaire de 1920 à 1922.


Biographie publiée dans diverses revues, notamment Revue des Ingénieurs, juillet/août 2002

Eugène RAGUIN - Grand Géologue - Grand Professeur

Le 10 novembre 2001 s'éteignait Eugène RAGUIN. Il était le doyen des Anciens Elèves de l'Ecole Polytechnique et du Corps des Mines. Né le 13 juin 1900, il aura connu trois siècles.

A sa sortie de l'X, en 1921, Ingénieur-Elève à l'Ecole des Mines, il rencontre Pierre TERMIER, Professeur de Géologie, et cette rencontre va déterminer sa carrière. Devenu Ingénieur des Mines, il est nommé Professeur de Topographie à l'Ecole des Mines et Adjoint au Directeur du Service de la Carte géologique, Pierre TERMIER, dans le laboratoire duquel il travaille à la publication du mémoire sur la Vanoise.

Lorsque Pierre TERMIER disparaît en 1930, Louis de LAUNAY, Professeur de Géologie appliquée, le remplace au Service de la Carte ; il prend Eugène RAGUIN comme suppléant à son poste de Professeur de géologie à l'Ecole Nationale des Ponts et Chaussées, puis lui en laisse l'entière charge.

A la retraite de Louis de LAUNAY en 1935, Eugène RAGUIN lui succède comme Professeur de Géologie Appliquée, poste qu'il conservera au moins en partie, jusqu'à sa retraite en 1972, tout en ayant, de 1940 à 1953, assuré la direction du Service de la Carte géologique.

Son ami Jean GOGUEL observait que les bureaux qu'Eugène RAGIN a successivement occupés au cours de sa carrière se situent dans un cercle qui n'a pas 50 mètres de diamètre, alors que, comme géologue, il a parcouru le monde entier !

Deux grands Anciens du Corps des Mines ont orienté les deux volets de l'oeuvre scientifique d'Eugène RAGUIN : Pierre TERMIER pour la géologie générale, Louis de LAUNAY pour la géologie des gîtes minéraux.

Ses travaux de géologie générale ont été consacrés aux massifs cristallins français, d'abord dans les Alpes et le Massif Central, puis dans les Pyrénées, qui ont été l'objet de ses recherches pendant trente ans. La genèse du matériau granitique, et les roches plutoniques, étaient les thèmes majeurs des ses réflexions, qui l'ont conduit à publier deux ouvrages capitaux : "Géologie du Granite" et la "Pétrographie des Roches plutoniques dans leur cadre géologique".

Dans le domaine des gîtes minéraux, il a procédé avec ses élèves, à un grand nombre d'études de gisements miniers - en France puis au Maroc qui lui était cher, puis en Afrique Noire. Comme expert, il a été également appelé en Afrique, à Madagascar, en Nouvelle Calédonie, aux Nouvelles Hébrides et en Algérie.

Les quelques cent soixante-dix publications d'Eugène RAGUIN attestent son caractère infatigable et l'ampleur de son oeuvre scientifique qui lui valaient la considération de ses collègues français et étrangers.

C'est néanmoins l'enseignement qu'Eugène RAGUIN considérait comme le premier devoir de sa charge, alors que ses travaux scientifiques personnels étaient l'objet de ses vacances.

Avec application, régularité et dévouement, il professait son cours de Géologie Appliquée devant l'ensemble des élèves de l'Ecole des Mines, qui le suivaient avec intérêt et l'appréciaient vivement.

Mais la grande originalité de son oeuvre de Professeur a été la "4ème année" dont la conception, l'orientation et la direction lui furent confiée en 1941.

Cet enseignement s'adressait à un tout petit nombre d'ingénieurs issus des Grandes Ecoles (Mines, Ecole Centrale), de licenciés de l'Université ou d'Ingénieurs étrangers. Comportant des stages prolongés sur le terrain, il avait un caractère essentiellement personnel, et demandait de la part des élèves un important travail de recherche, étroitement encadré par Eugène RAGUIN lui-même et ses collaborateurs dont notre camarade Hubert PELISSONNIER. Le Maître accompagnait ses élèves sur le terrain, partageant l'inconfort des stages, en France, au Maroc ou en Afrique Noire. De retour à l'Ecole, il les guidait dans les travaux de laboratoire, leur apprenant à observer, avec soin et objectivité, les détails visibles au microscope, comme les grandes formations à l'échelle du terrain, avant d'essayer de les comprendre et de les interpréter, pour en faire la synthèse et établir un diagnostic précieux sur la valeur économique des gisements minutieusement examinés.

Au Jubilé qui lui était consacré en 1971, Jean GOGUEL lui rendait ainsi hommage : "C'est cette profonde honnêteté intellectuelle... dans l'observation des faits géologiques qui me paraît caractériser l'oeuvre et l'influence d'Eugène RAGUIN. : d'abord observer sans rien introduire de préconçu, s'efforcer de comprendre, faire sa place à chaque idée, en dégager une synthèse".

Sous une direction de cette qualité, la "4ème année RAGUIN" a été ainsi la pépinière de "géologues miniers" particulièrement efficaces et appréciés - cent cinquante élèves environ ont bénéficié de cet enseignement -et à rendu d'éminents services à l'industrie minière notamment française.

Mais, plus encore que l'estime pour l'Homme de Science ou la reconnaissance pour le Maître, prévaut dans la mémoire de tous ceux qui ont eu le privilège de rencontrer Eugène RAGUIN le souvenir de l'Homme : un homme bon, généreux, honnête, droit, modeste et simple. Il aimait à recevoir ses anciens élèves et ceux qui lui rendaient visite, même dans les derniers mois de l'année 2001, restaient surpris par sa vivacité d'esprit, par sa mémoire remarquable des faits anciens comme récents, par sa voix demeurée jeune, et par l'extrême gentillesse qui continuait à marquer ses rapports avec élèves, collègues et amis.

Claude BEAUMONT (Corps des Mines, promotion 1950)
Kieû Duong PHAN (Ingénieur civil des mines de Paris, promotion 1952)


Distinction décernée à Monsieur Eugène Raguin

A la séance du 4 juin 1951 de la Société géologique de France, Monsieur Camille Arambourg, président, a annoncé l'attribution du prix Gosselet à Monsieur Eugène Raguin, ingénieur en chef des mines, professeur à 1'école des mines de Paris.

Le rapport sur l'attribution du prix a été rédigé par Monsieur Edmond Friedel, ingénieur général des mines, directeur de l'école des mines de Paris et du bureau de recherches géologiques et géophysiques. Nous en extrayons les lignes suivantes d'après le compte rendu sommaire des séances n° 11, p. 165 :

« Le prix Gosselet étant destiné à récompenser des travaux de géologie appliquée, je n'ai pas à vous parler du savant auteur de tant de travaux, notamment sur les schistes lustrés, les mylonites et surtout les granites. Sa carrière et ses fonctions devaient peu à peu le pousser vers le souci des applications. Je ne m'attarderai pas sur le détail de ses travaux ni sur la liste de ses publications de géologie appliquée depuis l'époque lointaine où, à peine sorti de l'ecole des mines, il étudiait, pour le congrès géologique international de 1926, les ressources en phosphate et en pyrite de la France.

« Trois étapes marquent son activité en la matière, toutes trois caractérisées par la charge d'un nouvel enseignement. C'est d'abord un enseignement d'ordre assez général qui lui fut confié à l'école nationale des ponts et chaussées et qui se traduit, en 1934, par la publication d'un ouvrage d'ensemble sur la géologie appliquée.

« C'est ensuite, en 1935, la succession de Monsieur de Launay dans la chaire de géologie appliquée de l'école des mines, qui lui donne l'occasion d'étudier un nombre accru de gîtes minéraux, d'en examiner les paragénèses, d'en rechercher les lois de formation. Ces travaux nous apportent, outre des publications de détail, un ouvrage magistral sur la Géologie des gîtes minéraux.

« C'est enfin, en 1941, la création de Renseignement complémentaire de géologie appliquée aux mines, plus brièvement appelé 4° année... Lorsque la direction de l'école s'est décidée à cette création, elle répondait à deux préoccupations. Lorsqu'un organisme français cherchait un missionnaire capable d'aller juger l'exploitabilité d'un gisement, il était trop souvent obligé de le chercher à l'étranger. N'était-ce pas que les géologues français n'étaient pas assez mineurs et les mineurs français pas assez géologues ? Créer peu à peu un cadre de mineurs qui fussent assez géologues fut donc un premier objectif. D'autres part, les besoins de jeunes ingénieurs géologues pour la France d'outre-mer allaient croissants. Pour ces postes, où ils sont souvent isolés loin de tout guide et des conseils de leurs anciens pendant de longues semaines ou de longs mois, il fallait transformer nos élèves en vrais géologues, leur faire acquérir la pratique des disciplines géologiques sur le terrain comme au laboratoire.

« Pour obtenir ce résultat en peu de temps, il fallait évidemment limiter à un petit nombre l'effectif des élèves qui le suivraient pour qu'ils pussent vraiment être pris en mains par leur maître... Il fallait aussi trouver le maître qui accepterait de consacrer à cet enseignement l'essentiel de son activité. Eugène Raguin fut ce maître. En dix ans, il a ainsi formé plus de 50 disciples... »

Pour terminer, nous rappelons que Monsieur Raguin a publié aux Annales des Mines les mémoires suivants :

1. Notice sur Arthur Fontaine, 1932, Tome I, p. 235-301.

2. Notice sur Pierre Termier, 1932, T I, p. 401-493.

3. Les cartes géologiques et les études de gîtes minéraux 1933, T III, p. 425-442.

4. La géologie dans la construction de l'aqueduc alimentant New-York, 1934, T VI, p. 367-379.

5. La mine de plomb argentifère de la Plagne ,Savoie. 1938 T XIII, p. 53-62.

6. La métallogénie granitique, 1944, T IV, p. 3-10.

7. En collaboration avec H. Vincienne : Le gisement de plomb de la Loubatière (Aude), 1949, n° I, p. 3-13.

À lire : Réflexions et souvenirs sur l'évolution des idées en géologie dans les soixante années du milieu du siècle (1920-1980) par Eugène RAGUIN (COFRHIGEO, 1983)


Eugène Raguin, élève de Polytechnique
(C) Photo Collections Ecole polytechnique


A propos de RAGUIN, voir aussi : :


Robert Raguin, frère de Eugène, élève de la promotion 1921 de Polytechnique
(C) Photo Collections Ecole polytechnique

Voir aussi : Eloge de Eugène RAGUIN, par Jacques Touret (2001)