Charles CRUSSARD (1916-2008)


Charles Crussard en 1952

Fils de Louis CRUSSSARD et de Marguerite FRIEDEL. Petit-fils de Georges FRIEDEL.
Marié le 21 mars 1947 à Françoise DESCOURS.

Ancien élève de l'Ecole polytechnique (promotion 1935) et de l'Ecole des mines de Paris. Corps des mines. Docteur d'Etat en mathématiques (1963).

Ingénieur de recherche à l'Ecole des mines de Paris de 1941 à 1943, il devient directeur du centre de recherches métallurgiques de l'Ecole (1943-1952) et professeur de métallurgie générale (1948-1952). Son successeur sera Paul Lacombe.

Il entre ensuite à l'IRSID comme chef du département physique, puis directeur des laboratoires (1952-1963). Il est ensuite directeur scientifique de Péchiney (1963-1972) puis de PUK (1972-1979). Il reste conseil de PUK jusqu'en 1983.

Il est alors membre du conseil d'administration des Ciments Lafarge (1964-1980), puis de plusieurs filiales de Lafarge (1980-1987). Il est aussi membre de la Société Française de Métallurgie et son président (1971-1973).

Il avait été élu Membre associé de la National Academy of Engineering dès 1976.


Charles Crussard, élève de l'Ecole des Mines de Paris
(C) Photo collections ENSMP


La notice biographique suivante a été rédigée en 1998, pour l'Institut pour l'histoire de l'aluminium

CHARLES CRUSSARD - ELEMENTS DE BIOGRAPHIE
FORMATION ET CARRIERE

Charles Crussard est né le 24 juin 1916, à Saint-Étienne (Loire). Il compte parmi ses ancêtres de nombreux savants ; notamment du côté maternel, son grand-père, le cristallographie Georges Friedel, son bisaïeul, le chimiste Charles Friedel et son quadrisaïeul, le naturaliste Georges Duvernoy, ami de Cuvier (cf. "Graine de mandarin", par Jacques Friedel, éd. Odile Jacob). Son père Louis Crussard avait également publié des recherches dans trois domaines : les ondes explosives ; la structure de la houille ; les mouvements de terrains dans les mines et la plasticité des roches.

Après des études à domicile puis au lycée Henri Poincaré à Nancy, et une année de taupe au lycée Louis le Grand à Paris, il entre à l'École Polytechnique en 1935 ; entré et sorti major. À noter que son père et son grand-père maternel étaient également majors de l'X et membres du corps des mines.

À la sortie de l'École Polytechnique, il choisit le corps des Mines, et fait une année d'études à l'École des Mines de Paris en 1938-39, terminée par un stage à Londres à la Royal School of Mines, où son père l'avait introduit auprès d'un de ses collègues travaillant sur la plasticité des roches. Ce stage éveilla son intérêt pour la plasticité, qui constitua par la suite son principal domaine de recherches, mais en passant des roches aux métaux, matériaux plus faciles à étudier et possédant de plus vastes applications.

La mobilisation mit fin à ce stage. Il rejoignit le 93eme régiment d'artillerie de montagne, où il avait fait son service à Grenoble, comme officier S.R.A. de l'état-major. Son régiment passa l'hiver dans le pays de Gex, pour faire quelques fortifications à la frontière Suisse, en prévision (?) d'une attaque allemande à travers la Suisse, puis le printemps dans le Queyras, où il prit part à la "bataille du Queyras" qui fut, comme on le sait, un succès... local.

Démobilisé en juillet 1940 et orienté sur le Service des Mines de Saint-Étienne, il fit un stage au laboratoire des Aciéries de la Marine à Saint-Chamond, dirigées alors par son oncle Joseph Roederer, qui le présenta à Henri Malcor, dont on sait le rôle éminent dans le développement de la recherche sidérurgique en France. Cette rencontre devait jouer un rôle important dans la suite de sa carrière, où Henri Malcor le soutint et l'encouragea toujours. Au cours de ce stage, repris par son intérêt pour la plasticité, il étudia le fluage des aciers.

Rentré à Paris en automne 1940, il termina ses études à l'École des Mines (1940-41), puis, tout en restant au corps des mines, put faire de la recherche grâce au "décret Suquet" et s'orienta vers les métaux, dont la plasticité l'intéressait. À titre de formation, il fit un stage de dix mois au laboratoire du Professeur Chevenard à Imphy, complété par un stage de deux mois au laboratoire des Aciéries d'Ugine, alors dirigé par Henri Jolivet (1941-42).

En fin 1942, il fut chargé de faire démarrer un Centre de Recherches Métallurgiques à l'École des Mines de Paris, dont l'organisation avait été prévue juste avant la guerre par accord entre la direction de l'École des Mines et le Comité des Forges. Du matériel avait dès lors été acheté à cet effet, comprenant notamment un poste de rayons X, des micromachines de traction, des fours, etc., n'oublions pas que l'École des Mines possédait alors le microscope métallographique historique d'Henry Le Chatelier, encore excellent !

En janvier 1943, grâce à l'impulsion de Jules Aubrun, président du Corsid, et d'Edmond Friedel, alors sous-directeur de l'École des Mines, le centre de Recherches fut institutionnalisé par une convention entre ces deux organismes. C.C. en fut nommé directeur en juin 1943, nomination confirmée en mars 1944, lors de sa mise en situation détachée.

L'activité de ce centre commença à petite échelle avec trois, puis bientôt cinq collaborateurs, tout en profitant de l'aide du laboratoire d'enseignement de la métallurgie. Ses recherches portaient surtout sur la plasticité, le fluage et la recristallisation de l'aluminium raffiné ; il faut noter la largeur de vue d'Henri Malcor, représentant du CORSID au Comité de direction du Centre, qui acceptait de financer des recherches sur l'aluminium parce qu'on pouvait l'obtenir plus pur, donc mieux défini, que le fer. Cet aluminium de haute pureté était fourni par Alais Froges Camargue ; c'est ainsi que C.C. établit d'excellents rapports avec le centre de recherches de cette compagnie à Chambéry, qui devaient se concrétiser une vingtaine d'années plus tard par son entrée à Pechiney !

Dès cette époque, il eut des contacts avec Jean Rist (1900-1944) à propos du projet de laboratoire central sidérurgique dont il était chargé, et qui aboutit plus tard à l'IRSID. Il fut entendu alors que le Centre de Recherches de l'École des Mines servirait de pépinière de chercheurs destinés ultérieurement à l'IRSID, ce qui fut le cas de C.C. et de Jean Plateau.

Après la guerre, en fin 1945 et début 1946, il fut envoyé aux États-Unis dans la première mission technique de sidérurgistes, avec un ordre de mission du Ministre de la production industrielle le détachant à l'ambassade à Washington. Son enquête porta essentiellement sur les nouveautés en recherche métallurgique, sur les nouvelles nuances d'aciers et les métaux nouveaux apparus aux États-Unis pendant la guerre ainsi que sur les développements de la métallurgie des poudres et du moulage de précision. Il visita une soixantaine de laboratoires.

Nommé Ingénieur en Chef au Corps des Mines de 2ème classe le 1er janvier 1947, puis de première classe en 1949, il resta détaché au Centre de Recherche Métallurgique à titre de Directeur. Le 1er octobre 1948, il fut nommé professeur de Métallurgie générale à l'École des Mines de Paris, en remplacement de M. Cornu-Thénard.

En 1947 et 1949, il suivit les "Summer Schools" organisées à Bristol par le Professeur N. F. Mott, qui eurent une très grande influence sur le développement de la physique des métaux.

En 1950-51, il fut appelé par le gouvernement de l'Inde pour organiser le nouveau Laboratoire National Métallurgique de Jamshedpur ; il en fut nommé directeur pour six mois. Pendant son séjour, ce laboratoire fut officiellement inauguré par le pandit Nehru ; divers programmes de recherche furent décidés et les recherches commencées.

Au 1er novembre 1952, il quitta l'École des Mines, d'après ce qui avait été convenu entre celle-ci et la Chambre Syndicale de la Sidérurgie, pour entrer à l'IRSID, d'abord comme chef du Département Physique, puis comme Directeur des Laboratoires et enfin comme Directeur des Recherches (juin 1961). Il fut remplacé à la tête du Département Physique par Jean Plateau, qui avait déjà travaillé avec lui à l'École des Mines. Du point de vue administratif, il était "en disponibilité".

À l'École des Mines et à l'IRSID, ses principales recherches ont porté sur les sujets suivants :


Au cours de ses recherches, il a bâti diverses théories fondamentales relatives à la physique des métaux : En mai 1963, devant l'impossibilité de prolonger sa situation administrative "en disponibilité" et des incertitudes sur l'avenir de l'IRSID (la concentration de l'industrie sidérurgique était en marche), il quitta l'IRSID et prit au corps des mines une retraite anticipée pour entrer à la Compagnie Pechiney comme conseiller scientifique, puis Directeur Scientifique à partir du 20 décembre 1963. Il continua à occuper ce poste dans le nouveau groupe Pechiney Ugine Kuhlmann de 1972 - 1979, date où il prit sa retraite, tout en restant conseiller auprès de la Direction Scientifique jusqu'en 1983.

Un des grands problèmes auxquels il eut à faire face à Pechiney fut la décentralisation des recherches qui, malgré son efficacité certaine dans le développement des moyens de production, conduisait à certaines dissensions, par manque de stratégie générale, et gênait la création de laboratoires assez grands pour y implanter de gros appareils et des techniques coûteuses. Tout en développant son rôle de liaison et de coordination entre les services de recherche des différents départements, il obtint pour la direction scientifique la disposition d'un budget de recherches centrales, modeste au début, qui lui permit de soutenir des recherches à long terme et le développement de nouvelles méthodes d'investigation (voir aussi plus loin à "organisations internationales" le paragraphe sur l'EIRMA).

Dès 1964, il s'occupa activement de la création d'un nouveau Centre de Recherches, de la définition de ses missions et de son organisation. La perspective de cette création avait d'ailleurs constitué un des motifs invoqués par Pierre Jouven (1908-2002 ; X 1927) (qui avait été d'ailleurs ami de son père), pour l'attirer à Pechiney. Les ambitions initiales étaient très vastes ; il aida à les limiter au domaine de la transformation et des applications de l'aluminium et des alliages légers, suffisant pour alimenter l'activité d'un grand centre de recherches doué de moyens modernes. Ainsi fut créé le CRV (Centre de Recherches de Voreppe), où il obtint la création d'une Division des Études Fondamentales axée sur le long terme et la connaissance approfondie de la structure et des propriétés des alliages. Il alimenta en partie les recherches de cette division sur son budget central, et veilla à ce que les gros moyens de recherche soient mis à la disposition d'autres laboratoires du groupe s'occupant d'autres métaux ou matériaux. Cette division, dirigée par Jean Plateau, qui l'avait suivi à Pechiney, servit de pépinière de chercheurs de haut niveau, qui contribuèrent aux succès du CRV et aux progrès spectaculaires sur les alliages légers.

Parmi les "têtes" de Pechiney, les deux personnes qui contribuèrent le plus au développement de la recherche et à ses succès furent Pierre Jouven et Olivier Bès de Berc. Ils soutinrent toujours C.C.

Comme Directeur Scientifique de ce groupe, il a donné une impulsion personnelle à de nombreuses recherches portant sur la métallurgie extractive (cristallisation des hydrates d'alumine, lixiviation des minerais de cuivre), l'élaboration des métaux (métallurgie des poudres), les matériaux composites à matrice métallique, la métallurgie physique (recristallisation et formage des alliages d'aluminium, attaque et anodisation de feuillards pour condensateurs, superplasticité etc..) et les méthodes d'études nouvelles, notamment des surfaces métalliques.

On ne saurait passer sous silence des recherches un peu particulières dans le domaine souvent appelé "paranormal", qu'il put faire personnellement, grâce à la largeur de vue de la direction générale de Pechiney, au Centre Technique de l'Aluminium avec la collaboration de G. Jollant, poursuivies au CRV par Jean Bouvaist ; elles ont porté sur des déformations et des transformations de structure "psychocinétiques" (c'est-à-dire obtenues sans moyen matériel identifiable) effectuées par un "agent psi" bien connu, Jean-Pierre Girard, sur diverses éprouvettes de métaux (aluminium, alliages légers, cuivre et aciers inoxydables). Elles ont fait l'objet de deux publications dans les Mémoires Scientifiques de la Revue de Métallurgie, qui ont déclenché une avalanche de protestations, de railleries ou d'imprécations ; mais jusqu'ici personne n'a pu proposer de truquage ni de mécanisme matériel non identifié capable d'expliquer ces phénomènes. Il faut donc les considérer comme un ensemble de faits établis, et non comme une branche de la Science, puisqu'ils ne sont pas constitués en théorie, capable de s'insérer dans le paradigme général. Tout au plus, peut-on dire que ces phénomènes, ainsi que d'autres qui leur ressemblent et qui ont été bien observés par plusieurs expérimentateurs, ont un caractère marginal, qui suggère une sorte, disons, d'"effet tunnel" du système cerveau-esprit.

Pour terminer ce chapitre sur la carrière, citons une activité annexe, mais importante : il fut pendant 23 ans administrateur chez Lafarge. Appelé par Marcel Demonque au conseil d'administration des ciments Lafarge, avec l'assentiment de Pierre Jouven, - qui voyait là un moyen de contact à haut niveau entre les deux groupes, capable d'éviter certaines frictions et de créer des occasions de collaboration - il fut successivement administrateur puis censeur de Lafarge jusqu'en 1980, et devint ensuite administrateur de Ciments Lafarge France et de Lafarge Réfractaires de 1980 à 1987.

TITRES, DECORATIONS ET DISTINCTIONS


ACTIVITES BENEVOLES MARQUANTES

Organisations Internationales


En 1956, il participe à une réunion d'experts en matériaux organisée par l'OECE (qui devint par la suite l'OCDE), d'où résulta la création par le Comité de la Recherche Appliquée de l'AEP (Agence Européenne de Productivité) d'un groupe de travail sur la fatigue des métaux, européen puis international. Il en fut président de 1957 à 1961, date de remise du rapport final. Dans un article paru en juin 1959 dans le Bulletin de l'AEP (n°32), il en exposa les motivations et le programme qui était très vaste (Cf. liste bibliographique n° 99).

Il assista en 1957 à une réunion aux Pays-Bas groupant des experts en emboutissage hollandais, anglais et suédois, où fut organisée une coopération internationale informelle au sein d'un groupe qui s'appela IDDRG (International Deep Drawing Research Group). En 1960, il organisa à l'IRSID une réunion plus vaste de délégués nationaux au cours de laquelle FLDDRG fut institutionnalisée et un vaste programme d'essais coopératifs fut organisé, sur les essais d'emboutissage (notamment l'essai " Swift ") et le mécanisme de ce mode de formage. Président de l'IDDRG de 1960 à 1964, il continua à s'en occuper par la suite, le secrétariat général étant assuré par John Hooper et le secrétariat technique par Gilles Pomey, son collaborateur à l'IRSID.

En 1956, il prit part au château de Ménars à la seconde réunion fondatrice de l'EIRMA (European Industrial Research Management Association), créée par l'OECE sous l'impulsion du professeur Casimir de Philips, pour promouvoir à l'échelle européenne une certaine coopération entre grandes entreprises privées ou publiques, dans le domaine de la gestion de la recherche. Il fut élu au comité directeur de cette association, puis à la vice-présidence (1970-72) ; mais Pierre Jouven lui demanda de ne pas accepter la présidence, étant donnée l'ampleur du travail nécessité par la fusion de PUK, qui se déroulait à ce moment-là. Il utilisa les bonnes relations qu'il avait aux Etats-Unis (cf. plus loin) pour resserrer les liens entre l'EIRMA et l'IRI (Industrial Research Institute - USA). Les discussions avec ses collègues de l'EIRMA lui rendirent grand service dans ses réflexions sur le problème "centralisation ou décentralisation" de la recherche à Pechiney, mentionné plus haut : la mode était aux très grands centres de Recherche ; le besoin de défendre vis-à-vis de ses collègues l'organisation décentralisée de Pechiney le força à trouver des arguments en faveur de ce système. Tout cela l'aida à définir une politique "moyenne" ; d'où il conclut qu'à cette époque, pour la recherche au sein de PUK, il fallait pousser à une certaine centralisation et développer l'organisation de synergies entre branches. Cette direction a été suivie, surtout après le " largage " de la chimie par Pechiney, par lui et ses successeurs, Michel Winterberger et Yves Farge, qui obtinrent un accroissement du budget central de recherches.

La "petite commission" franco-soviétique comportait divers comités sectoriels, en particulier un "comité des métaux non-ferreux", dont il fit partie dès le début en 1968, jusqu'à son extinction en 1980. Malgré la pression exercée par les russes pour obtenir des renseignements techniques sous prétexte de coopération, la délégation française, présidée par Georges Perrineau, put déceler quelques domaines où des contrats directs furent conclus par des Sociétés françaises, grâce à l'ouverture procurée par ce comité.

Vers le milieu des années 1970, la BNFMRA (British Non ferrous Metals Research Association, qui devint plus tard le British Non Ferrous Metals Technology Center) décida d'étendre ses activités hors de Grande-Bretagne, et d'ouvrir son conseil à quelques métallurgistes européens. C.C. y fut élu, avec l'assentiment de la direction générale de Pechiney, qui voyait dans une collaboration avec la BNFMRA un argument de plus pour s'opposer à la création en France d'un "centre technique professionnel des métaux non-ferreux". Il y eut quelques projets communs. Son élection à ce conseil date de 1975 ; en 1976, il fut élu vice-président, situation qu'il garda au BNFMTC jusqu'en 1982.

Participations diverses en France


Membre de la Commission Centrale des appareils à vapeur et à pression de gaz (Ministère de la Production Industrielle) de 1941 à 1962, il y fit partie d'un groupe de travail étudiant un sujet important pendant la guerre : les accidents de bouteilles de gaz de ville comprimé, qui éclataient par suite d'un phénomène, alors inconnu, de corrosion sous tension. Ses conclusions ont été publiées en 1944 par la revue "Métaux, corrosion, usure" dans un article signé H. de Leiris, J. Couture et C. Crussard. (Liste bibliographique, n° 11).

Il eut des activités notables à la SFM (Société française de Métallurgie), dès sa fondation ; vice secrétaire en 1947 ; secrétaire en 1948 ; membre du conseil de 1955 à 1957, de 1963 à 1965, puis de 1969 à 1970 ; Président de 1971 à 1973 ; depuis, membre permanent (et assidu...) du conseil, puis (1996) du "conseil des sages". Il joua un rôle important dans deux commissions thématiques de la SFM :

Il est intéressant de noter que la création de ces deux commissions a été déclenchée par celles de deux organisations internationales s'occupant des domaines en question (cf. plus haut), où la présence d'une délégation nationale était exigée; celle-ci fut assurée par la S.F.M., avec l'assentiment de toutes les parties françaises intéressées.

Étant passé au cours de sa carrière de la recherche dans le secteur public à la recherche collective professionnelle pour finir dans une direction de recherches du secteur privé, il a souvent été considéré comme un expert, non seulement en métallurgie, mais en organisation et gestion de la recherche, apte à faire la synthèse entre ces trois secteurs, ainsi qu' à fonder ou faire démarrer des centres de recherches, ce qu'il fit quatre fois dans sa vie : à Paris (École des Mines), à St Germain-en-laye (IRSID), à Jamshedpur (NML) et à Voreppe (Pechiney). C'est ainsi qu'en 1968 et 1969, André Giraud, alors Directeur des carburants au ministère Ortoli, l'appela à siéger dans un comité d'étude sur la recherche industrielle collective ; comité restreint (six membres dont deux syndicalistes), dont André Giraud résuma les travaux dans un rapport qui fit longtemps autorité.

Ce rapport recommandait la création d'un centre de formation pour les cadres directeurs des Centres Techniques. L'ANRT (où C.C. fit partie du conseil de 1969 à 1977) reprit cette idée en 1969 et l'élargit à tous les centres de recherche industriels, quel que soit leur statut, ce qui aboutit en 1975 à la création du CEPRIG (Centre d'Étude et de Perfectionnement de la Recherche Industrielle et de sa Gestion), qui eut longtemps un grand renom, et où C.C. assura la présidence du comité d'enseignement de 1971 à 1982, en étroite collaboration avec le directeur, Jean Fabre.

La place de la recherche collective a toujours préoccupé C.C. S'il est exact que certaines sociétés sidérurgiques ont contrecarré la poursuite de certaines études de son équipe à l'IRSID, pour le motif qu'elles empiétaient sur leur domaine, - ce qui n'était guère encourageant - le principal motif de son passage de l'IRSID à Pechiney n'était pas une volte-face dans son intérêt pour la recherche collective, mais une juste appréciation de l'évolution de la recherche dans une branche industrielle.

Pour une branche, l'intérêt d'un centre technique professionnel varie en sens inverse de son degré de concentration. Dans le domaine de la sidérurgie, au début des années 60, la concentration s'amorçait ; le rôle de l'Irsid, essentiel auparavant dans une branche dont la dispersion entre plusieurs entreprises de tailles inégales conduisait à un manque de vue à long terme, dans la recherche de nouveaux aciers ou de nouvelles applications, risquait de perdre de son intérêt ; cette évolution, qui culmina par l'extension d'Usinor, rendait l'Irsid de moins en moins utile. Dans le domaine de l'aluminium et des alliages légers au contraire, la concentration était en bonne voie en 1963, quand il entra à Pechiney, et s'acheva en 1972 avec la création de PUK. Ici, un centre technique professionnel était inutile ; la direction de Pechiney a toujours manœuvré pour éviter la création d'un Centre Technique des Métaux Non-Ferreux, et ce depuis longtemps ; on pourra consulter à ce sujet la très intéressante thèse de Muriel le Roux sur la stratégie de la recherche de Pechiney (1896-1975), qui contient entre autres des développements sur le rôle de C.C. à Pechiney....

Il a utilisé ses idées sur l'évolution de la recherche dans l'industrie, ainsi, bien sûr, que ses compétences métallurgiques, dans les nombreux comités et commissions dont il a fait partie au Plan, à la DGRST et au CNPF. Notons qu'il y a toujours défendu certains centres techniques : les centres "horizontaux" spécialisés dans un domaine technique qu'ils mettent à la disposition d'industries variées (Bertin, Hydromécanique et Frottement, etc.). À la DGRST en 1969, en tant que président de la sous-commission "Matériaux" de l'action concertée "Métallurgie" il préconisa pour l'enseignement supérieur l'élargissement du champ des cours de métallurgie à tous les matériaux ; le rapport qu'il rédigea en ce sens fut suivi d'effet, ce qui n'est pas le cas de tous les rapports...

Il fut membre du Comité Scientifique de la Fondation de France de 1978 à 1984. Il est depuis 1983 membre du comité directeur de la Fondation Cognacq-Jay. Après son départ à la retraite, son intérêt pour l'aluminium s'est maintenu, dans le domaine historique : il a adhéré dès sa fondation à l'IHA, Institut pour L'Histoire de l'Aluminium créé conjointement par Pechiney et la Chambre syndicale des Métaux Non-Ferreux en 1986. Il y fait partie de la commission "science et recherche", qu'il suit encore assidûment.

Relations avec l'étranger

Avec les Etats-Unis, son premier contact fut la mission de cinq mois en 1945-46, mentionnée plus haut. Au cours de ce long périple il visita une soixantaine de laboratoires et fit la connaissance de la plupart des grands chercheurs et professeurs en métallurgie et physique des métaux, avec beaucoup desquels il entretint des relations suivies, voire amicales. Pendant trente ans il fit de nombreux séjours aux États-Unis, où il reçut toujours un accueil chaleureux. Deux de ces séjours furent assez prolongés : en 1957, accompagné de Gilles Pomey, son collaborateur à l'IRSID, il établit quelques projets de collaboration avec des laboratoires sidérurgiques américains, dont certains se réalisèrent ; en 1969, comme directeur scientifique de Pechiney, il étudia l'état de la recherche et des nouveautés dans l'industrie américaine de l'aluminium et métaux connexes, et amorça une collaboration avec K. Van Horn, Directeur des Recherches de l'Alcoa, qui fonctionna quelques temps et donna lieu à des échanges de chercheurs.

On a déjà cité plus haut, à propos de son action à l'EIRMA, les liens qu'il établit avec l'IRI (Industrial Research Institute) où il fut toujours très bien reçu par les présidents Fusfeld puis Blickwede.

Membre de l'AIME et de l'ASM, il assista à plusieurs congrès de ces sociétés. Sa bonne connaissance de l'anglais lui permit d'y faire deux conférences (dans cette langue, car il s'agissait de congrès nationaux...) :

Grâce à la notoriété qu'il avait aux États-Unis, il fut élu "Fellow" de l'ASM (American Society for Metals) en 1970, puis en 1976 membre associé de la NAE (National Academy of engineering).

En Grande-Bretagne, ses premiers contacts avec les milieux scientifiques datent des écoles d'été à Bristol en 1947 et 1949, mentionnées plus haut ; ces conférences intéressantes et vivantes, organisées par le professeur N. F. Mott, jouèrent un grand rôle dans le développement en Europe de la physique des métaux, en particulier de la "théorie des dislocations". Là C.C., ainsi que son cousin Jacques Friedel (qui travaillait avec lui à l'École des Mines de Paris et pour qui ce séjour fut décisif dans sa carrière et sa vie) firent connaissance des meilleurs physiciens du métal de Grande Bretagne.

Il maintint d'excellents contacts avec ses collègues anglais, qui aboutirent à ce qu'en 1975 la Métal Society lui décerna sa Médaille de Platine, et à ce que la même année il fut élu au conseil de la BNFMRA, comme il a été dit plus haut, pour devenir ensuite vice-président du BNFMTC jusqu'en 1982.

Aux États-Unis en 1945, il avait fait connaissance chez le Professeur R. F. Mehl de Pierre Coheur de Liège, et se lia avec lui d'une amitié qui contribua à établir d'étroites relations entre chercheurs métallurgiques de France, de Belgique puis des Pays Bas. En 1947, Pierre Coheur et quelques collègues organisèrent à Liège le premier congrès de métallurgie international d'après-guerre en Europe ; ce fut un grand succès (voir liste bibliographique n° 17). C'est là que, pour rattraper le retard sur ce que Pierre Coheur et lui avaient vu aux Etats-Unis, ils eurent l'idée avec André Guinier d'organiser des réunions périodiques de physiciens des métaux de ces trois pays, pour mettre à jour leurs idées sur certains points fondamentaux. C'est ainsi que naquit ce qui s'intitula un peu pompeusement "le Colloque", dont il assura la tâche de rapporteur. Ses travaux sur la répartition des imperfections dans les cristaux métalliques débouchèrent sur un article de C.C. et André Guinier : "Symposium sur la structure mosaïque des métaux", (liste bibliographique, n°25)

PUBLICATIONS

II est auteur de 176 publications, seul ou en collaboration (liste bibliographique jointe) : 81 articles publiés seul, portent principalement sur la métallurgie physique, mais aussi sur la métallurgie extractive ou des sujets plus généraux ; 95 articles publiés en nom collectif et rédigés par lui, sur la métallurgie physique.

Charles Crussard : Bibliographie