Académiciens libres issus de Polytechnique au XIXème siècle

Publié dans le LIVRE DU CENTENAIRE (Ecole Polytechnique), 1897, Gauthier-Villars et fils, TOME I, pp. 450 et suiv.

Sur 54 académiciens libres, l'Ecole Polytechnique en a compté 14, soit près de 26 pour 100. Les années les plus favorisées ont été 1867, 1878, 1874, 1875, 1878 et 1883, où les Polytechniciens ont occupé simultanément cinq sièges sur dix.

La classe des Académiciens libres a été créée en 1816. A part deux titulaires nommés par ordonnance royale, parce qu'ils avaient fait partie, avant la Révolution, de l'ancienne Académie des Sciences, tous les nouveaux sièges ont été donnés à l'élection, et, dès 1816, le chiffre de dix académiciens libres était atteint.

L'un de ces dix était un polytechnicien, HÉRON DE VILLEFOSSE, né en 1774 et entré à l'Ecole dès la fondation. Après avoir dirigé, sous l'Empire, toutes les mines comprises entre le Rhin et la Vistule, Héron de Villefosse était devenu inspecteur général des Mines et conseiller d'Etat. Il fut l'un des principaux inspirateurs de la loi de 1810 sur les mines. De 1810 à 1819 eut lieu la publication de son ouvrage classique sur la Richesse minérale de la France, auquel il ajouta plus tard de nombreux mémoires relatifs à la métallurgie.

Après cette élection, il fallut attendre jusqu'en 1837 pour qu'un siège fut de nouveau attribué à l'École. Ce fut DE BONNARD qui en profita. Lui aussi était inspecteur général des Mines. Né en 1781, et sorti de l'Ecole en 1800, il s'est distingué par ses études géologiques, tant sur les terrains houillers du nord de la France et du Palatinat que sur les terrains secondaires de la Bourgogne, en particulier sur l'arkose des bords du Morvan. En 1842, une vacance parmi les académiciens libres permit de faire une place à FRANCOEUR.

L'astronome LARGETEAU fut élu en 1847, et, deux ans après, BUSSY vint prendre la place de Francoeur. Après lui l'Académie élut en 1852 BIENAYMÉ, né en 1796, sorti de l'Ecole en 1816, devenu inspecteur général des finances, auteur d'études sur la durée de la vie humaine et sur le calcul des probabilités. En 1853, le maréchal VAILLANT prit place parmi les académiciens libres. Il était désigné pour ce poste, non seulement par sa grande situation et sa valeur comme officier du Génie, mais par l'intérêt qu'il portait aux choses de la science, notamment aux travaux du Bureau des Longitudes, dont il fut le président. Ce n'est plus qu'en 1871 que nous retrouvons une élection intéressant l'Ecole, celle de BELGRAND, l'éminent ingénieur de la ville de Paris, bien connu par ses études hydrologiques. En 1873 vint le tour de DE LA GOURNERIE, et, en 1876, celui du général FAVÉ, élève de la promotion de 1830, qui a longtemps professé l'art militaire à l'Ecole Polytechnique, en même temps qu'il prenait une part active aux progrès du matériel de l'Artillerie.

Ensuite eurent lieu trois élections consécutives, dont l'École Polytechnique bénéficia : celles de Lalanne (1879), de M. de Freycinet (1882) et de M. Haton de la Goupillière (1884).

Né en 1811, élève de la promotion de 1829, Léon LALANNE, après avoir construit des chemins de fer à l'étranger, a terminé sa carrière comme directeur de l'Ecole des Ponts et Chaussées. Collaborateur du Million de faits et de Patria, il s'est beaucoup occupé des instruments propres à faciliter l'exécution des calculs. On lui doit un arithmoplanimètre, une balance arithmétique, une balance algébrique, enfin un abaque ou compteur universel. Né en 1828, admis à l'Ecole en 1846, M. de FREYCINET, en dehors de son rôle politique, a publié quelques travaux géologiques sur le sud-ouest de la France, une théorie mathématique de la dépense des rampes de chemins de fer, d'importantes recherches sur l'assainissement des villes ; enfin des études sur l'Analyse infinitésimale et sur la métaphysique du haut calcul. M. HATON DE LA GOUPILLIÈRE est né en 1833 et a fait partie de la promotion de 1850. Aujourd'hui directeur de l'Ecole supérieure des Mines, il a publié de nombreux travaux de Mécanique rationnelle, ainsi qu'une nouvelle et intéressante théorie de la Géométrie des masses ou Géométrie de l'espace hétérogène, réunissant en un corps de doctrine autonome, d'abord les règles relatives à l'intégration d'un ordre déterminé de fonctions, ensuite les théories du centre de gravité, du moment d'inertie et du potentiel. Le Traité général des mécanismes, où la classification est fondée sur le mouvement relatif des organes mis en communication, le Cours de machines, où la question des machines à vapeur est étudiée à fond, le Traité théorique et pratique des engrenages, enfin le Cours d'exploitation des Mines, constituent les principales publications didactiques de M. Haton de la Goupillière. Il a pris, en outre, une part importante aux travaux de la Commission du grisou.

La dernière élection d'un académicien libre, celle de 1894, occasionnée par la mort du général Favé, s'est faite au profit d'un polytechnicien, M. le colonel LAUSSEDAT, de la promotion de 1838 (Pendant l'impression de ce volume, une nouvelle place d'académicien libre a été donnée à l'Ecole Polytechnique dans la personne de M. Adolphe CARNOT). Successivement officier du Génie, professeur de Géodésie à l'Ecole Polytechnique, directeur des études à cette Ecole, enfin directeur du Conservatoire des Arts et Métiers, M. Laussedat s'est surtout occupé de l'emploi de la Photographie dans les levés topographiques et les observations astronomiques. Son Télémétrographe a été utilisé avec succès pendant le siège de Paris, et l'auteur a pris une grande part aux travaux qui ont constitué la Télégraphie optique, ainsi qu'à toutes les études ayant pour objet les applications de la science à la défense du pays.