Charles Édouard THIRRIA (1796-1868)

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Fils de Charles Dominique THIRRIA, conseiller à la Cour royale, et de Amélie Reine Cécile BEAURIN. Né le 24/2/1796 à Beauvais (Oise) et mort à Vesoul. Il épouse en 1832 Marie-Antoinette Louise ROUHER-LAMOTTE, dont le père est directeur des contributions directes à Vesoul. Ils ont deux enfants :

Ancien élève de l'Ecole polytechnique (promotion 1815, entré classé 25 et sorti classé 17 sur 72 élèves) et de l'Ecole des Mines de Paris dont il sort en 1820. Corps des mines.

Comme élève-ingénieur, il fit un stage avec son camarade Lamé, et ils publièrent ensemble deux mémoires dans les Annales des mines :

  • Mines de fer de la Voulte
  • Fourneau de grillage pour le minerai de fer, employé au Creusot et à Vienne

    Il est affecté au service ordinaire des Mines dans les Ardennes, puis à Colmar, enfin à Vesoul (1826). Il étudie alors la géologie de la Haute-Saône, et publie des notices et une carte géologique de ce département, ainsi que des statistiques minéralogiques et géologiques ; on sait aussi qu'il a reçu à Vesoul le déja célèbre géologue britannique Charles Lyell en 1835.

    En 1836, il est nommé ingénieur en chef des mines à Dijon, puis en 1840 secrétaire du Conseil général des mines et en 1848 Inspecteur général des mines de 2ème classe en 1848.

    Enfin, il est nommé Inspecteur général des mines de 1ère classe en 1857.

    Les informations ci-dessous sont extraites de Marcel Bertrand (1847-1907), honneur de la géologie française par Michel Durand-Delga :

    Charles-Edmond Thirria (1796-1868) avait utilisé son long séjour à Vesoul pour lever une carte géologique du département au 380 000e, coloriée à la main, avec une planche de coupes, que complétera une Statistique (1833) qui fit date. Elle constituait une excellente base pour connaître le département, donnant maints détails sur les exploitations avec leur historique, essentiellement sur les mines de houille stéphanienne de Ronchamp et de Champagney. L'ouvrage donnait également le détail des recherches - à l'époque de Gensanne - sur les filons métallifères (Cu, Pb, Fe) abandonnés de Plancher-les-Mines et de Château-Lambert, liés à des « porphyres » que l'on sait maintenant correspondre à un volcanisme sous-marin spilito-kératophyrique du Dévono-Dinantien sud-vosgien.

    Thirria occupa le poste de Vesoul de 1825 à 1840, obtenant de le conserver et d'y résider tout en devenant ingénieur en chef de tout l'arrondissement minéralogique. Il le quittera pour occuper à Paris le poste de Secrétaire général du Conseil des mines, mais regagnera Vesoul, où il s'était marié, pour y devenir un temps conseiller général.

    Pionnier de la géologie du Jura, comme Thurmann, Thirria avait découvert la gerbe des failles, grossièrement parallèles et de direction SW-NE, qui brisent les plateaux jurassiques, en reliant le sud des Vosges au Massif Central via le petit massif de la Serre, en particulier la « grande faille » (parmi les quatorze qu'il distinguait) de l'Ognon. Marcel Bertrand (un lointain successeur de Thittia) pourra ainsi s'initier au style tectonique de la région et à la succession des formations : au-dessus du socle vosgien et de sa couverture détritique du Houiller et du Trias germanique, Thirria avait distingué un « Liassique » sous le « Jurassique », abondamment daté et subdivisé en une dizaine de termes aux qualifications anglaises, allant de l'Oolithe inférieure aux calcaires de Portland. Cette initiation à la géologie locale servira beaucoup Marcel Bertrand, quand il aura la mission de lever les feuilles régulières au 80 000e de Gray (publiée en 1880) et de Besançon (publiée en 1882).

    Les ouvrages sur Vesoul indiquent qu'en 1834 (Thirria était alors ingénieur ordinaire) un « bureau des Mines » s'installa dans l'ancien couvent des Ursulines, devenu la même année « École normale » de garçons. On peut supposer que ce local technique abritait le « laboratoire » et l'administration des mines. Quant à l'ingénieur, il semble avoir travaillé à son domicile (en 1875 : 20 rue du Breuil, à la limite ouest de la bourgade).

    Le traitement d'un « ingénieur ordinaire » de 3e classe (classe de début), était en 1872 de 2 500 francs. Quand Marcel passera, au bout de 4 ans et demi, en 2e classe, le montant fut porté à 3 500 francs. Un employé de bureau était payé par une subvention départementale, qui était si insuffisante que l'ingénieur avait dû, en 1861, la compléter par 300 francs de sa poche ! Cependant, Henri Poincaré - le futur célèbre mathématicien, qui succédera à Bertrand - reçut, en 1879, 600 francs de frais de bureau, que son prédécesseur immédiat avait peut-être aussi obtenus. À titre documentaire, un instituteur de 1e classe touchait en fin de carrière 1 200 francs, ce qui était considéré comme misérable.

    Si l'on excepte Thirria, qui s'incrusta à Vesoul, s'y maria et finit par y mourir, les ingénieurs ordinaires des mines n'y faisaient pas long feu. Ainsi Achille Delesse (1817-1881) - autre géologue connu - y avait été basé de 1845 à 1849, profitant pour s'en évader de la création de la chaire de géologie de la faculté des sciences de Besançon, avant d'entamer sa brillante carrière, à la fois professorale et politico-économique, à Paris, couronnée par un fauteuil d'académicien. Dans le défilé de ses successeurs en Haute-Saône, on arrive ainsi à Choulette - camarade d'Auguste Michel-Lévy, avec lequel il étudia les filons métallifères en Bohême et en Saxe - mais celui-ci décède jeune. L'ingénieur Henry, nommé en juillet 1871 (après la guerre) se débrouille pour rester à Paris, adjoint au professeur de docimasie de l'École des mines. Il ne dut pas mettre les pieds à Vesoul, où Rigaud, ingénieur ordinaire à Chaumont, assura l'intérim. C'est sans doute lui qui introduisit son jeune camarade Marcel Bertrand, nommé le 1er août 1873 au sous-arrondissement de Vesoul, dépendant de l'arrondissement minéralogique, basé tantôt à Dijon (1870), tantôt à Chaumont (1873), sous la houlette de l'ingénieur en chef Trautmann. Marcel, lui, était chargé, outre les mines, du « service spécial de l'établissement thermal de Luxeuil » fort prisé depuis le Second Empire, à deux heures de cheval de Vesoul.